
que celui qui aliène s’en deffaififle , & que celui
qui l’acquiert en devienne propriétaire.
L’aliénation eft un mot générique qui comprend
non-feulement les a&es de ventes, mais aufli tous
aftes quelconques tranflatifs de propriété , ou qui
peuvent tendre à donner atteinte à la propriété ,
en la rendant moins utile : ainfi le bail emphytéotique
, le gage, l’échange, l’hypothèque, la donation
, & même la conftitution de quelques fervi-
tudes font des efpèces d'aliénation.
Tout propriétaire majeur , & qui a la libre admi-
fiiftration de fes biens , peut régulièrement aliéner,
s’il n’en eft empêché par quelque loi ou par quelque
convention. Ainfi le donataire ne peut aliéner
le fonds qui lui a été donné , lorfque le donateur
a inféré dans la donation , la claule exprefle que
le donataire ne pourra aliéner la chofe qui lui eft
donnée ; mais fi cette défenfe n’a point été faite ,
& que la donation vienne enfuite à être révoquée
, les aliénations intërmédiaires , faites par le
donateur , n’en font pas moins valables.
Par une fuite du principe que nous avons pofé, fi
plufieurs copartageans d’un immeuble font convenus
que l’un ne pourra aliéner fa part qu’au refus des
autres & après les avoir avertis, & que, nonobfi
tant cette convention , l’un d’eux aliène fa part à
iin étranger , les autres peuvent retirer fa part , en
rembouriant l’acquéreur.
Il exifte , en France , quelques efpèces de biens
qui ne peuvent être aliénés par parties , telles
que les terres érigées en duché-pairie ; & dans le
cas où il en fer oit aliéné partie , M. le procureur
général peut former oppofition à la vente pour
l’intérêt du roi , feigneur dominant de la terre ,
fans le confentement duquel le vaflal n’a pu démembrer
fon fief. On trouve deux arrêts du parlement
de Paris, dont le premier , en 1654 , déclara
nulle la vente d’une châtellenie , qui faifoit
partie du duché de Chevreufe ; le fécond, en 1664,
jugea la même chofe par rapport à un démembrement
du duché de la Valette.
Un firançois , domicilié en pays étranger , ne
perd pas la poffefiïon ni la jouiffance des biens
qu’il pofiede en France ; mais il ne peut valablement
les aliéner, & fes héritiers préfomptifs font
reçus à y former oppofition : fouvent même, après
leur retour en France , on ne leur permet ¥ aliénation
de leurs biens fonds , qu’à la condition d’en
employer ie prix à l’acquifition d’autres immeubles
affis dans le royaume.
Pour donner un certain ordre à ce que nous
avons à dire fur les aliénations , nous expliquerons
féparément les règles concernant les débiteurs qui
aliènent en fraude de leurs créancière , ¥ aliénation
des biens dotaux , des biens eccléfiaftiques , des
biens des communautés laïques , des biens des mi-,
neure , des biens du ro i, autrement dits des biens
domaniaux : quant à la vente des biens d’un ac-
cufé, on peut voir ce que nous en avons dit ci-
deflus au mot A ccusé,
S e c t i o n p r e m i è r e .
De Valiénation des liens des débiteurs.
Les loix romaines diftinguoient deux efpèces ,
par rapport à l’aliénation des biens d’un débiteur :
ouïe débiteur avoit confervé la libre adminiftration
de fes biens, ou il les avoit donnés en gage à fes
créanciers.
Dans le premier cas, le débiteur ne pouvoit les
aliéner en fraude de fes créanciers, à titre gratuit ;
¥ aliénation en étoit déclarée nulle, quand bien même
la perfonne en faveur de qui elle étoit faite auroit
ignoré le préjudice fait au créancier, parce que fa
bonne foi n’empêche pas l’injuftice du donateur.
Mais fi l’aliénation avoit été faite à titre onéreux à
des acquéreurs de bonne fo i , elle'ne pouvoit, être
révoquée ni annullée. Néanmoins fi l’acquéreur avoit
participé à la fraude du débiteur, comme fi ¥ aliénation
avoit été faite à vil prix , & le prix fimulé,
fi les acquéreurs étoient fuppofés, elle ne pouvoit
fubfifter , l’acquéreur ne pouvoit même retenir
l’héritage , jufqu’à ce qu’il eût été rembourfé des
deniers qu’il avoit payés.
Dans le cas où le débiteur avoit abandonné uîï
fonds en gage à fon créancier pour fïiretê de fa
créance , ce débiteur , quoique propriétaire véritable,.
de la chofe engagée, ne pouvoit l’aliéner , &
au contraire le créancier , qui n’en avoit que la
fimple poffeflion , pouvoit valablement l’aliéner ,
à défaut de paiement au temps marqué , même
fans le confentement- du débiteur , en obfervant
les formalités prefcrites par la loi ; cependant ce
confentement devenoit néceffaire, lorfque , dans lé
contrat de gage , on étoit convenu que le gage
ne feroit pas aliéné , même à défaut de paiement *
fans la permiffion du débiteur. Voye% les titres du
code & du digefte , quoe in fraud. crédit..
Suivant notre jurifprudence , le créancier ne peut
aliéner le gage que lui a remis fon débiteur , fans
fa permiflion expreffe ; & à fon défaut , îorfqu’il
eft fondé en titre exécutoire , ou qu’il a obtenu
une fentence de condamnation , il doit fe faire
autorifer par juftice à la vente & aliénation du gage..
L’édit du mois de mai 1609 annulle les tranf-
ports , cefiions , ventes , donations, & aliénations
faites aux enfans & héritiers préfomptifs, ou aux
amis d’un débiteur , & il ordonne que s’il paroît
que ces aéles aient eu lieu en fraude des créanciers
, les ceflionnaires, donataires & acquéreurs
foient punis comme complices des fraudes & banqueroutes..
L’ordonnance du commerce, de 1673^,
déclare pareillement nulles les cefiions & aliénations
de biens meubles ou immeubles , faites par
un débiteur en fraude de fes créanciers.
Mais il eft bon d’obferver que , lorfqu’il y a
contèftâtion pour favoir fi les biens d’un débiteur
ont été aliénés en fraude de fes créanciers , c’cft
à ces derniers à faire la preuve de la fraude ; car
elle ne fe préfume jamais , excepté lorfque les
biens ont été aliénés dans les dix jours qui ont
précédé la faillite , parce que l!ordonnance de 1673
«n a une difpofition exprefle.
Se c t i on II.
De Valiénation des biens dotaux.
Chez les Romains, la loi julia , de fundo dotali,
avoit défendu au mari d’aliéner, malgré fa femme,
le fonds dotal fltaé en Italie, & de l’hypothéquer,
Blême de fon confentement. La raifpn de cette
différence, étoit la préfomption qu’une femme con-
fentiroit plus facilement à hypothéquer qu’à aliéner
fes biens.
Juftinien, dans la vue de pourvoir davantage à
l ’intérêt des femmes-, étendit la loi julia aux fonds
dotaux fimés dans les provinces, & défendit l'aliénation
du fonds dotal, quand même elle feroit faite
du confentement de la femme ; c’eft pourquoi il
n’eft relié dans le digefte aucune trace de la différence
qu’il y avoit auparavant, entre l'aliénation du
fonds dotal & la conftitutioii d’hypothèque fur ce
même fonds.
Dans la fuife , 1e même empereur ordonna , par
le droit des novelles, que Yaliénation du fonds dotal
feroit valable , fi la femme y confentoit Jors de
Y aliénation, & que deux ans après elle réitérât fon
confentement.
1 La leu julia eft; obfervée dans, les provinces du.
royaume ou l’on fuit lé droit écrit, excepte dans
le Lydnnois ,4e Forez , le Beaujoloïs &. le Mâ-
comiois , .'où , par la' déclaration du mois d’avril
j 6<$4 , elle a été abrogée pour favorifer le commerce
de ces provinces.
Les coutumes d’Auvergne , de la Marche , de
Bordeaux & de Normandie, ont .aufli adopté la loi
julia ; mais dans la coutume de Paris, & dans la
plupart des autres , le mari peut aliéner les,fonds,
dotaux de fa femme-, pourvu quelle(y confente ,
& quand elle n’y a pas confenù , l’aliénation eft
■ nulle ; enforte qu’après le décès de fon mari, elle
-peut rentrer de plein droit dans fes biens aliénés,
•fans qu’elle ait befoin de lettres de refciiion.
Remarquez cependant, fur cette matière,, que fi
une femme , remariée ; en fécondés noces , aliênoit
fes propres biens , & qufil fût prouvé ,.oar la nature
des circonftaiices , que Y aliénation n’a eu heu
que pour avantager le fécond mari au préjudice, des
: enfans du premier l i t , la juftice pourrait venir au
fecours de ces derniers. L’arrêt du parlement de
Paris,du a août 17 6 6 ,rapporté par l’auteur de la
.-coMeâion de jurifprudence , confirme cette doctrine
; iî-iais il faut qu’il \y ait des preuves non équivoques
que Y aliénation eft faite en fraude des .enfans
dit premier lit ; 'car, malgré cet arrêt, il n’en j
eft pas moins yrai qu’un ,père; ou une mère , non ;
- interdits , peuvent difpofer de leurs biens comme j
bon leur femble.
S e c t i o n I I I .
De Valiénation des biens eccléfiaftiques.
Rcglf générale : les biens de Véglifie ne peuvent être
.aliénés. Quoique les évêques eyfîent, pendant les
premiers fiècles, l’adminiftratiôn de tous les biens
eccléfiaftiques de leur diocèfe , il. ne leur étoit pas
permis de les vendre, de les échanger , ni de les
aliéner, de quelque manière que ce fut. Les anciens
conciles en contiennent des difpofitions expreflès.
Ils n’exceptoient de cette règle que les cas d’une
néceffité évidente , ou de l ’utilité fenfible que l’églife
pourroit retirer de ¥ aliénation. Çes règles èçcïéfiafti-
ques ont toujours été autorifées par les princes
chrétiens. En 47,0, l’empereur Léon défendit toutes
fortes d'aliénations à l’églife de Conftantinople.
L’empereur Anaftafe I , dit le Silentiaire , étendit
la défenfe de Léon à toutes les églifes du patriar-
chat de Conftantinople ; & en 353 , Juftinien fit
une loi générale, , par , laquelle il défendit à toutes
les églifes d’Orient, d’Oççjdent & d’Afrique d’aliéner
leurs biens, j a moins que ce ne fût pour nourrir
les pauvres durant quelque famine extraordinaire,
ou pour racheter les prifonniers.
Ces exceptions font conformes à l’ancienne cour
tume dont parle S. Ambroife , qui dit que, pour
ces deux caufes , on ne vendoit pas feulement les
fonds, mais encore les vafes facrés.,
Ç ’eft de la loi de Juftinien, qu’on vient de citer,
& de la novelle 120 de cet empereur', qu’ont
été tirés la plupart des 'principes qu’on trouve fur
cette matière , dans les canons, poftérieurs & dans
les décrétales. Ils ont été confirmés par les ordonnances
de nos rois, & ils font fuivis exactement
parmi nous.
Ces principes font que les bénéficiers & ceux
qui comppfent les communautés eccléfiaftiques , fé-
culièrës & régulières , n’ayant point, la propriété
des biens appartenans au bénéfice ou à la communauté
, mais un fimple ufufruit, ne peuvent aliéner
les droits , les fonds , ni même les meubles attachés
à leurs bénéfices, attendu que ces biens appartiennent.
& l’églife & à l’état.
Sous le terme (¥aliénation prohibée des biens -
de l’églife & des hôpitaux on comprend la donation
,. la vente , l’échange ,' les hypothèques ,
l’inféodation , les baux emphytéotiques , & tous
lès autres aCtea de quelque nature qu’ils puiflent
être, par lefquels la propriété d’un bien eccléfiafti-
que pourroit être transférée à un particulier ou à
une autre églife , même les aétes par lefquels l’églife
n’abandonneroit que le domaine utile . fe réfervant
toujours le domaine direct. La même défenfe a
lieu, pour les tranfa&ions, parce que les bénéficiers
ou ceux qui compofent la communauté eu qui en
adminiftrent les revenus , ne peuvent tranfiger fur
la propriété d’un bien qui ne leur appartient point.
Exceptions à -la règle générale. Mais quelque gène-
L i a