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pour raifort, qu’il eft d’une bonne police que les
champs foient vifités avant l’ouverture des moif-
fons pour s’affurer de la maturité des grains , &
pour empêcher que ceux qui, dans un champ récolté
, s’amufent à glaner, ne foient tentés de dépouiller
le champ voifin, dont le bled eft encore
fur pied. Il applique à cela les difpofitions de l’article
49 de l’ordonnance de Blois, & de l ’art. 28
de l’édit de Melun, qui affiijettiffent les poffeffeurs
d’héritages à faire publier au prône , le jour déterminé
pour enlever les fruits qui en proviennent.
Malgré toutes ces raifons , il y a apparence qu’on
a trouvé moins d’inconvêniens à ufer d’une liberté
générale, que de demeurer fournis à une permiffion
qui entraînoit trop de difficultés. Quelquefois
on eft bien aife de prévenir la pluie & les orages ;
& l’on ne pourroit pas le faire fi facilement , s’il
ïalloit toujours une permiffion. A l’égard de la maturité
, chaque particulier eft néceiTairement forcé
de l’attendre , & l’on ne-voit pas qu’on fe plaigne
du défaut de maturité. Pour ce qui eft des glaneurs
, on ne voit pas non plus qu’ils commettent
de dégât qui fàfie fenfation ; au refte’ , c’eft
au propriétaire voifin à veiller fur leur conduite ,
& à faire fa récolte à fon tour. Quant aux ordonnances
fur lefquelles Freminville s’appuie , il eft
certain qu’elles ne concernent que le droit des dé-
cimateurs , dont nous parlerons particuliérement
au mot D i x m e . Ces ordonnances veulent que les
décimateurs foient prévenus du jour de la moil-
fon , afin qu’ils puiffent faire trouver fur les lieux
leurs prépofés pour dimer ; & elles n’attribuent
au feigneur aucun droit pour donner ou refufer
iine permiffion à ce fujet. Il y a plus, c’eft que
ces mêmes ordonnances font comme tombées en
déluétude , ainfi qu’un arrêt de réglement du parlement
de Paris, du 6 juillet 1688 , qui en renouv
e la it les difpofitions. Chaque particulier fait fa
récolte quand il v eu t, il fe contente d’en prévenir
le décimateur, fuivant l’ufage introduit, & le clé-
cimateur lui-même n’exige pas d’autres formalités ;
ce qui prouve que les réglemess, dont parle Freminville
, n’ont jamais pu être d’une facile exécution.
Au refte , ce n’eft pas que le droit de bah de
moiffon ne puiffe être un droit légitime dans, les
fëigneuries ou il fe trouve établi ; mais il faut qu’il
s’y foît confervé par un ufage ancien & bien fui-
vi.Les religîèux de Saint-Leu, près Paris, avoient
cru , en leur qualité de feigneurs haut-jufticiers ,
pouvoir affimiler le ban de moiffon , au ban de
vendange dont nous allons parler.. Ils avoient cherché
à foumettre à ce droit M. de Sauveterre, concilie
r au grand-confeil ; ils l’avoient même fait condamner
aux requêtes du palais ; mais au parlement,
eu. l’affaire fut portée par 'appel ,. k poffeffion
dom excipoient les religieux, ne fat pas trouvée
fufilante , quoique appuyée de certains aéies de
notoriété des ufages de quelques paroiffes voiftnes ,
& de l’exemple de ce qui fe pratîquoit dans quel-
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ques juftices du canton ; par arrêt du iô feptem-
bre 1766 , les religieux furent déboutés de toutes
leurs demandes.
Chopin , fur la- coutume d’Anjou, obferve que
le droit dont il s’agit eft nommément aboli à Amiens
& dans le Vermandois , en vertu d’une chartre du-
1 roi Philippe , fis de S. Louis , laquelle fe trouve
au regiftre de la cour , intitulé ordïnaùones antiquai °
mais cette abolition particulière n’a point détruit
ce droit dans les provinces où il fe trouve établi
par des titres , & où il s’eft confervé par l’ufage
& par la poffeffion. Sur quoi nous remarquerons
que ce droit, regardé comme vfn droit de police,
ne peut appartenir qu’au feigneur haut-jufticier
ainfi que nous l’allons voir en parlant du ban de
vendange , & de la manière de l exercer.
Ban de vendange. Si ce droit n’exiftoit pas, comme
il exifte dans prefque tous les pays vignobles, l’avantage
public fembleroit devoir l’introduire. Il a pour
objet d’empêcher que les raifîns ne foient enlevés
avant leur maturité , & qu’il n’en réfulte ou des
maladies, ou du vin de mauvaife qualité.
Ce droit appartient communément- aux feigneurs
haut-jufticiers ; c’eft une police qui leur convient
préférablement aux feigneurs de fief. Ce n’eft pas
que ceux-ci ne puiffent avoir ce droit dans quelques
coutumes, mais ils font toujours tenus dé recourir
au feigneur haut-jufticier pour en.faire l’exer»*
cice. Le juge , fur les repréfentations à lui faites,
par le feigneur féodal , ordonne ce qui convient
en pareil cas.
Le feigneur, qui n’a-que moyenne & baffe juf-
tice , ne peut point ordonner ce ban au préjudice
du feigneur haut-jufticier :. & cela a été ainfi jugé
par plufieurs arrêts.
- Dans les villes & dans la banlieue où le roi a
feu-1 .la juftice , c’eft aux lieutenans-gé'néraux de
police , à Fexelufîon de tout autre officier, qu’ap-1
partient la publication des vendanges : ceci leur eft
attribué par l’édit de novembre 1706.
Dans-les lieux où il n’y a point de lieutenant-
général de police, c’e ft,.comme nous venons de le
dire , au feigneur haut-jufticier que le droit dont
il s’agit appartient : tel eft l’efprit des coutumes
& des arrêts , sà moins que la loi municipale de:
. l’endroit n’en difpofe Autrement. Le Prêtre rapporte
là-deflùs deux préjugés. :. l'un , du 22 juin 1600 ,
pour les religieux de Clairvaux , qui avoient pris
le fait & caufe de leurs officiers, contre le prévôt-
de Bar-fur-Aube ; & l’autre, du 23 novembre t6o 6 ,.
•au profit du fieur de Villarnaud , eôntre les liabi-
tans de fa feigneurie.il fut même jugé, par ce dernier
arrêt, que le droit dont il s’agit étoit, comme irai
droit honorifique , non-fufceptible de prefcription.
Quand il eft queftion de donner le ban de vendange
, le juge doit auparavant commettre quatre
des principaux habitans de chaque canton , pour
Sulfurer de la maturité du rai-fin ;• il doit auffi entendre
le feigneur Ou du moins fon procureur fiscal
t & tous ceux qui peuvent avoir intérêt à lui
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faire des repréfentations. La coutume de Berry &
celle du Nivernois contiennent à ce fujet des dif--
pofitions fort fages. Le juge në peut pas prendre
fur lui feul d’avancer ou de retarder les Vendanges
à fon gré. Papon rapporte un arrêt du parlement
de Paris de 15 14 , qui déclara nulles les
défenfes qu’un juge avoir, faites de vendanger pendant
un certain temps, faute par lui d’avoir pris
auparavant l’avis des principaux habitans. May nard
en rapporte un autre du parlement de Touloufe,
. qui infirma la fentence d’un juge, par laquelle il
avoit condamné un particulier à l’amende, pour
avoir vendangé au préjudice de fes défenfes, &
cela parce que ces défenfes n’avoient pas été motivées
fur le rapport des habitans/
Freminville prétend que le juge & les habitans
doivent fe tranfporter ail château du feigneur, pour
y délibérer au fujet du ban, fous prétexte qu’un
afte pareil n’eft pas de jurifdiction contentieufe ;
mais cette raifon ne fauroit nous faire penfer comme
lui. Le juge & les habitans doivent être en pleine ;
liberté, & dês-lors nous croyons que cet afte doit !
fe faire ou à l’auditoire, ou du moins à l’hotel
du juge. C’eft un acte de jurifdiction qui doit
émaner du lieu accoutumé pour des aâes de cette
nature, lefquels font fufceptibles d’appel & de
contràdiâion.
Si le. juge, par humeur ou autrement, refufoit
de donner le ban, les habitans pourroient le requérir
d’une manière authentique ; & en cas de
refus continué, ils feroient autorifés, fans encourir
aucune peine, à faire leurs vendanges. C ’eft ce
que infinue la coutume de Nevers, & c’eft le fen-
tinient d’Automne fur celle de Bordeaux.
Tous ceux qui font propriétaires de vignes dans
la jurifdiétion, font fujets au ban, quand même
ils auroient leur domicile hors de cette jurifdiction.
Une poffeffion contraire feroit inutile à op-
pofer ; c’eft ce qui à été jugé au parlement de Dijon
par arrêt du 29 mars 1681. Les eccléfiaftiques
& les gentilshommes n’en font pas plus exempts
que les autres habitans ; les coutumes du Maine &
d’Anjou ont des difpofitions particulières à. ce fujet
, & Salvaing rie fait pour eux aucune exception
ni diftinéfion.
Le juge peut pourtant donner quelques permif-
fions particulières à certains habitans, de vendanger
plutôt que les autres, lorfqu’il y a de juftes caufes
pour les leur accorder. C ’eft ce que l’on remarque -
dans le Preftre, par l’arrêt du 22 juin 1600, que
nous avons déjà cité: cet arrêt, en faifant défenfes
à toutes perfonnes d’enfreindre le ban, ajoute, fans
VexpreJJ'e permiffion des feigneurs, laquelle ils ne
pourront donner que pour caufe raifonnable & gratuitement.
Le feigneur de Dézife ayant refufé à la dame
de Montmoyen de vendanger avant le ban, elle
fe pourvut au parlement de Dijon, & par arrêt
du 5 juillet 1667 , il fut enjoint au feigneur de
lui accorder cette permiffion, quand elle là demanderait
pour çaufe raifonnable & connue pour
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telle. Mais à moins d’une permiffion, ceux qui anticiperaient
le temps du ban feroient dans le cas
de l’amende & de la confifcarion de. la vendange
faite.
Il n’y a que le feigneur qui, dans quelques
coutumes, ait le privilège de vendanger avant les
autres propriétaires, & cela fans doute pour avoir
plus^ de facilité à trouver des vendangeurs, ou
plutôt pour qu’il puiffe plus aifément employer fes
gens à percevoir la dixme qui fe trouve très-fou-
vènt réunie aux hautes-juftices.
Dans la coutume de Nevers, le feigneur peut
vendanger 1a veille du ban ; dans d’autres provinces
, il peut ufer de cette faculté trais jours auparavant
: on doit à cet égard fe régler fur les coutumes,
les titres, i’ufage&la poffeffion.
Pour ce qui eft des enclos particuliers* qui ne
dépendent point d’un vignoble , on tient pour
maxime qu’il eft libre aux propriétaires de les vendanger
quand bon leur iemble ; c’eft ainfi que s’en
explique Ragueau, fur l’article 4 , titre 15 de la
coutume de Berri. Henrys eft du même fentiment,
fondé, fur ce que la vendange particulière de que£
ques pièces détachées ne fauroit porter préjudice
aux autres vignes. La coutume de Nevers fait pareillement
unè exception pour les vergers, les
jardins & les enclos qui font hors du vignoble r
elle iaiffe les propriétaires maîtres de les vendanger
quand ils jugent à propos.
Il eft inutile de mettre en queftiori fi chaque
particulier eftjibre de. différer fes vendanges pour
tout- le temps qu’il lui plaît, après la permiffion
donnée ; on conçoit aifément que rien n’eft plus
naturel qu’une faculté pareille : la coutume du Bour-
bonnois la donne expreffément.
Nous finirons par obferver qu’indépendamment
des règles générales que nous venons d’établir, il
fe trouve , dans certaines provinces, des ufages particuliers
que les arrêts ont autorifés 8c dont on ne
doit pas s’écarter, à moins qu’il n’y ait néceffité
de les changer.
B a n de chaume. Dans plufieurs endroits, il eft.
défendu de conduire les beftiaux dans les chaumes ,
avant que^ les bleds aient été enlevés, & qu’il fe
foit écoulé quelques jours pour donner aux pauvres
le temps de glaner les épis qui peuvent être
reftés. Plufieurs coutumes défendent auffi de chau-
mer, c’eft-à-dire de ramaffer & d’enlever les chaumes
avant un certain temps. Voye^ C h a u m e .
Ba n , ( Code militaire. ) cette efpèce de ban, 1
ainfi que nous l’avons déjà remarqué, eft la proclamation
publique des ordonnances ou des défen-
fes qui concernent les troupes : elie fe fait à haute
voix , & au fon des inftrumens militaires.
Le ban fe publie en préfence & à la tête des
troupes, par un çommiffaire des guerres, ou à fon
défaut, par une perfonne prépofée par le commandant.
Il doit toujours fpécifiçr les peines qui
font attachées à chaque délit.
Dans les villes où ij. fe rencontre des troupes «
ffÿf*