
être Borné à un feul territoire, comme l’obferve
Loyfeaii dans fon Traité des feigneuries , æquitas
non clauditur loco ; autrement il s’introduiroit, dans
la jurifprudence, une bigarrure infiipportable : c’eft
ce qui fait qu’on peut rendre raifon d’une multiplicité
d’arrêts qui, tantôt ont approuvé, & tantôt re-
jetté plufieurs réglemens émanés des bailliages &
des fénéchauffées.
Pour en revenir au fait de police publique, il
eft certain que les baillis & les fénéchaux ont une
infpeCfion générale fur tout ce qui fe paffe dans leur
reffort, pour favoir fi les ordonnances & les réglemens
ÿ font obfervés, fi les officiers s’acquittent de
leurs devoirs, & pour réformer les abus qui peuvent
s’y commettre : l’ordonnance du 21 novembre
1519 leur recommande la plus grande furveillance
à cet égard. Mais ceci n’empêche pas que les autres
juges, chacun dans fon territoire, ne doivent concourir
auffi à l’exécution de tout ce qui peut être
de police publique : les bailliages n’ont fur eux à
cet égard que la prévention, lorfqu’il y a de la négligence
de la part des autres officiers de leur reffort.
Un édit du mois de décembre 1666, concernant la
police de Paris, veut qu’elle foit faite par les officiers
qui auront prévenu, & qu’en cas de concurrence,
elle appartienne à ceux du châtelet. On trouve,
dans Lamarre, plufieurs arrêts qui ont jugé conformément
à cet édit : & , au vrai, il efiftout naturel
que, dans les cas où des officiers fe trouvent en concurrence
, les inférieurs cèdent l’opération à ceux
qui font d’un tribunal plus diftingué.
Par une fuite de ce droit de-grande police qu’ont
les officiers d’un bailliage dans tout leur reffort, ils
peuvent fupprimer, & même faire lacérer & brûle
r , par l’exécuteur de la haute-juftice, les livres,
les écrits 3c les imprimés qu’ils trouvent contraires
à la religion, aux moeurs & au gouvernement. On
connoît des exemples fans nombre de l’exercice
d’une telle autorité de la part de ces officiers, au
châtelet de Paris, à Orléans, à Angers, à Lyon,
à Auxerre, &c.
M. Jouffe qui a beaucoup parlé des baillis & des
fénéchaux, a cité nombre d’anciens réglemens pour
faire voir que la police eft attribuée aux lieutenans
généraux des 'bailliages & des fénéchauffées; mais,
pour ne point donner dans l’erreur au fujet de toutes
ces citations, obfervez que la création des offices de
lieutenans généraux de police, non-feulement dans
les bailliages, mais encore dans plufieurs jnftices
royales du reffort de ces bailliages, a opéré bien des
changemens auxquels il eft néceffaire de faire attention
dont il fera parlé aux articles qui concernent
les madères de police.
S e c t i o n V .
Obfer-v allons générales fur les bailliages & fur les
officiers qui les compofent^
Avant que les baillis fuffent rendus fédentaires,
JLçjir fonction étoit, comme nous l ’avons dit, de
parcounr les jnftices de leur département, d’écouter
lès griefs qu’on avoit à propofer contre les décidons
des juges, & de les changer, quand il y avoit lieu
à une réformation. Lorfqu’ils ceffèrent d’être am-
bulans, ils fixèrent leurréfidence dans l’endroit le plus
confidérable de leur province. On n’attendit plus
dès-lors qu’ils fiffent leur tournée ordinaire pour réclamer
leur juftice & leur protection : on leur demanda
lapermifiion de traduire devant eux les parties
avec lefquelles on étoit en procès, pour faire
réformer les jugemens des juges, de la décifion def-
quels on avoit à fe plaindre. Cette demande étoit
fuivie de ce qu’on appelloit une commijjion, c’eft-
à-dire d’une permiffion par laquelle l’huiffier qui étoit
commis à l’effet de traduire les parties devant eux;,
avoit tout pouvoir à ce fujet : les parties étoient dès-
lors obligées de comparoître, & le bailli leur ren-
doit juftice, comme il l’auroit rendue s’il avoit été
fur les lieux.
L’habitude de faire appeller les parties devant eux,
leur fut plus commode que de fréquentes chevauchées
dans les différentes jurifdiCtions de leur département
: il s’établit de cette manière autour d’eux
des gens inftruits dans la fcience du droit, dès loix,
des ufages & des coutumes ; les uns fervoient à défendre
les parties, les autres aidoient le bailli de leurs
lumières & de leur confeil : c’eft ainfi que fe font
formés ces premiers fièges de provinces, fous le
titre de bailliages ou de fénéchauffées.
Les avocats attachés à ces fièges étoient les con-
feillers-nés du bailli ou de fes lieutenans. Dans la
fuite, ces avocats, trop occupés des affaires de leurs
cliens, ne pouvant pas affifter régulièrement le bailli
dans fes audiences, il fut créé, dans ces mêmes
fièges, des confeillers en titre d’office, avec défenfes
à eux de s’occuper, comme confeils, des affaires
d’autrui, de crainte que par-là ils ne fe miffent dans
le cas d’être récufés, & de ne pouvoir plus vaquer
aux fondions pour lefquelles ils avoient été créés.
Ces officiers ont le titre de magiftrats ; lorfqu’ils font
à l’audience, ils y ont voix délibérative avec les
lieutenans du bailli; & les avocats du liège les fup-
pléent, lôrfqu’ils font abfens, ou qu’il y a contre
eux des motifs de récufation : ils jouiffent de l’exemption
des charges publiques, & même de la taille
perfonnelle.
Pour exercer ces fortes d’offices, il faut être âgé
de vingt-cinq ans, être licencié en droit civil &
en droit canon, & avoir été reçu au ferment
d’avocat.
Dans la plupart des bailliages & des fénéchauf-
fées, il y a deux lieutenans généraux, l’un pour le
c iv il, l’autre pour le criminel, c’eft-à-dire, pour
l’inftruCtion de ces différentes fortes d’affaires; car,
pour ce qui,eft du jugement de ces mêmes affaires,
ils ont tous les deux voix délibérative dans les unes
comme dans les autres, en qualité de confeillers.
Il y a de même deux lieutenans particuliers pour
le civil & pour le criminel : celui qui eft pour le
fcivil, eft confeiller affeffeur dans les affaires criminelles;
& celui qui eft lieutenant particulier criminel
, eft affeffeur au civil : ce font ces quatre
principaux officiers qui font regardés comme les
chefs de la jurifdiCtion.
A l’égard des confeillers, le nombre n’en eft pas
uniforme dans tous les fièges il eft plus confidérable
dans ceux où il y a un préfidial, que dans
les autres fièges où il n y en a point.
Il y a encore deux avocats & un procureur du
ro i, qu’on nomme officiers du parquet, deux greffiers
en chef, l’un pour le c iv il, & l’autre pour le
criminel.
Le nombre des procureurs attachés à la jurifdic-
tion, n’eft pas le même par-tout; ceci dépend de
l’étendue du bailliage & de la quantité des affaires
qui s’y traitent.
Dans les grands bailliages, fur-tout dans ceux où
il y a un préfidial, les avocats y exercent leur pro-
femon dans toute fa pureté, fans aucun mélange avec
celle des procureurs. Dans les petits bailliages, ils
font autorifés à faire en même temps les deux
fondions.
On ne fauroit croire combien les officiers des
bailliages ont eu entre eux de conteftations au fujet
de leurs droits, de leurs prérogatives ou de leurs
émolumens : il n’eft prefque pas de fiège qui n’ait
eu quelque réglement particulier à cet égard, comme
on peut s’en convaincre par les arrêts qu’on trouve
dans Chenu, dans Joly, dans Filleau & dans le
journal des audiences.
Quoique anciennement les baillis jugeaffent fou-
verainement & en dernier reffort, il eft pourtant
vrai de dire qu’aujourd’hui les fentences qui fe rendent
dans les bailliages & les fénéchauffées, font
toutes fufceptibles d’appel aux cours de parlement.
Il y a feulement quelques exceptions à faire en matière
civile & en matière criminelle.
En matière civile, les officiers des bailliages &
des fénéchauffées ont été autorifés, par un édit du
mois de feptembre 1769, enregiftré le 4 du même
mois, à juger, au nombre de trois, dans une audience
particulière & fans miniftère de procureur,
toutes les caufes purement perfonnelles qui ne dérivent
pas de contrats paffes fous feel rôyal, & qui
n'excèdent pas la fomme de 40 livres. C ’eft le feul
cas où ils exercent leur jurifdiCtion en dernier
reffort : auffi, dans prefque tous les autres, un
feul officier peut rendre des fentences, excepté dans
les matières bénéficiales, & dans les réeufations de
juges, où ils doivent être au nombre de cinq.
En matière criminelle, les fentences des bailliages
& des fénéchauffées font toutes fufceptibles d’appel.
Les baillis & les fénéchaux, ou du moins leurs officiers
peuvent cependant juger en dernier reffort,
dans les ^fièges où il n’y a point de préfidial, les
cas prévôtaux, mais feulement avec les prévôts des
maréchaux ou leurs lieutenans ; autrement ils n’en
connoiflent qu’à la charge de l’appel. On peut voir à
ce fujet les déclarations des 5 février 1549, &. 29
Jurifprudence, Tome ƒ,
mai 17Ô2. Lorfqu’ils jugent ainfi en dern'er reffort*
ils doivent être au nombre de fept au moins, ou fe
faire fuppléer par des avocats.
Dans les autres affaires qui font fufceptibles d’appel
, on n’exige pas le même nombre de juges ; mais
on diftingué entre les affaires de grand criminel &
celles de petit criminel : dans celles-ci, on ne voit
pas qu’un feul juge ne puiffe point ftatuer fur ces
fortes d’affaires; mais, dans les affaires de grand
criminel, c’eft-à-dire, dans celles qui ont été réglées
à l’extraordinaire par récolement & par confrontation,
il ne peut fe rendre aucun jugement, foit préparatoire
ou définitif, que le rapporteur ne foit affilié
de deux confeillers ou de deux gradués. Il en
faut même cinq, lorfqu’il s’agit du crime de duel,
du moins quand le procès fe juge par un prévôt des
maréchaux, quoiqu’à la charge de l’appel : c’eft ce
qui réfulte de l’article 28 de la déclaration du ç
février 1731.
Obfervez que les jugemens de rapport, rendus
en matière criminelle, doivent de plus être fignés
de tous les juges qui y ont affilié.
Les officiers des bailliages & des fénéchauffées ,
confidérés comme juges d’appel, connoiffent de
toutes les décifions portées par les juges de leur
reffort; mais il y a encore quelques remarqués à
faire à ce fujet, tant en matière civile qu’en matière
criminelle.
En matière civile, il y a des appels qui vont directement
an parlement, au lieu d’aller aux bailliages
ou aux fénéchauffées. De ce nombre font ceux qui
ont trait à des décifions rendues, en matière de police
, par les lieutenans établis dans des prévôtés ou
châtellenies royales ; ceux qui dérivent de l’exécution.
des arrêts de la cour, à l’effet d’entériner des
lettres de répit; ceux qui concernent des déclinatoires;
ceux encore qui ont trait à la confervation
des privilèges d’une univerfité; lorfque ces privilèges
font confiés à des juges de prévôtés ou châtellenies
royales.
A l’égard des décifions qui émanent des duchés
& des pairies, de quelque nature qu’elles foient,
elles fe portent, comme on le fait, directement aux
parlemens. Il y a même des juftices qui jouiffent
de ce privilège : telle eft la juftice de Bondaroy ,
près de Pithiviers. Mais, pour les cas préfidiaux ,
ces juftices, ainfi que les pairies, relèvent des bailliages
& des fénéchauffées où il y a un préfidial.
Pour ce qui eft des matières criminelles, les baillis
& les fénéchaux font juges d’appel de toutes les
caufes du petit criminel, mftruites ou jugées dans
les prévôtés & juftices feigneuriales de leur reffort ;
cependant les accufés ont la liberté de porter ces
fortes d’affaires directement aux cours de parlement,
liberté que n’ont pas de même les parties plaignantes.
Mais, dans les affaires du grand criminel, dans celles
où il peut être queftion de peines affliClives ou infamantes
, les appellations fe portent immédiatement
aux cours de parlement : c’eft ce qui réfulte de l’article
premier du titre 26 de l’ordonnance de 1670«
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