
valeur, qu’on ne pût les mettre en proportion avec
le manoir.
Comme il fe trouve fou vent dans l’étendue du
prèciput de rainé , ou un moulin, ou un preffoir,
ou lin four qui quelquefois font bannaux, & qui
rendroient le prèciput trop confidérable fi les puînés
étoient privés du produit de ees biens , l’article 14
de'la coutume de Paris porte que l’aîné aura feulement
le corps du moulin , four ou preffoir, mais
que les revenus du moulin banual ou non bannàl,
& du four & preffoir bannaux , fe partageront comme
le réfte. du fief.
On remarque, par cette phrafe , que la coutume
diftingue le moulin du four & du preffoir ; elle
donne part aux puînés dans le produit du moulin,
foit qu’il foit bannal, ou qu’il ne le foit pas , parce
que ce produit eft annuel & certain ; & elle ne
leur donne part dans le produit du four & du preffoir
que quand ils font bannaux ; parce qu’autrement
ils ne fervent qu’à la commodité particulière de la
maifon , fans produire aucun revenu.
Au refte , la coutume autorife l’aîné à garder
pour lui la bannalité & le produit, à la charge de
récompenfer les puînés au dire d’experts. Elle veut
d’ailleurs que • fi les puînés prenhefit part au produit,
ils contribuent à l’entretierf & aux réparations
des moulin , four & preffoir , à proportion de
l ’émolument.
Le moulin contigu à l’enclos, avec communication
de Fun à l’autre, doit être confidéré comme
s’il étoit dans l’enclos même.
Si dans le prèciput de l’aîné il fe trouve un colombier
, une garenne & des foffés, les pigeons, les
lapins & les poiffons appartiennent à l’aîné, fans
qu’il foit pour cela obligé de récompenfer les
puînés.
Lorfqu’il n’y a point de maifon dans aucun des
fiefs de la fucceffion, & qu’il n’y a que des terres
labourables, l’article 18 de la coutume donne à
l’aîné le droit de choifir, par prèciput, un arpent
de terre dans l’endroit qu’il juge à propos.
Il rêfulte de cette difpofition que s’il y avoit dans
un dés fiefs de la fucceffion une maifon , de fi peu
de valeur que l’aîné aimât mieux prendre un arpent
de terre , il n’en auroit pas le droit, & il fàudroit
qu’il fe contentât de la maifon, pourvu quelle pût
fervir à la demeure d’un père de famille. Au refie,
une fimple étable, un grenier, un cellier, ne font
pas mis au nombre des habitations ; & s’il n’y avoit
que de pareils bâtimens dans les fiefs de la fucceffion
, l’aîné pourroit prendre un arpent de terre pour
fon prèciput.
Il réfulte auffi de ces termes, terres labourables,
inférés dans l’article cité , que l’arpent que l’aîné efi
en droit de prendre, en tel lieu qu’il lui plaît,au
défaut de maifon, ne peut s’entendre que de terres
de cette nature, & non de bois, vignes, près ou j
‘étangs, à moins qu’il n’y ait point de terres labourables
dans la fuccelîion. Telle eft l’opinion de Ricard,
de Brodeau, de Ferrière & de plufieurs autrès
: Dumoulin toutefois eft d’avis contraire ; mais
quelque prépondérance que doive avoir l’autorité
de ce célèbre jurifconfulte, je ne crois pas qu’il
faille fuivre fon fentiment dans le cas dont il s’agit,
parce qu’en attribuant à l’aîné le choix de prendre
fon arpent en bois ou en vignes, ce feroitajouter
à la coutume ; par conféquent on choqueroit la maxime,
qui veut que les privilèges étant de rigueur,
foient plutôt reftreints qu’étendus.
Quant à la mefure de l’arpent, on doit fuivfe
celle de la jurifdi&ion ou le fief eft fitué; & s’il
dépend de plufieurs jurifdi&ions, c’eft la mefure du
lieu où l’arpent eft fitué qui doit en régler l’étendue.
Si le manoir eft entièrement ruiné , l’aîné n’eft
pas tenu de le prendre pour fon prèciput, & alors
les matériaux font regardés comme un effet mobilier,
partageable par égales portions entre tousles
enfans : mais fi le manoir n’eft pas ruiné, quelque
confidérables que foient les réparations qui font à
y faire, l’aîné doit le prendre tel qu’il eft, fans pouvoir
obliger les puînés à contribuer aux dépenfes
qu’exigent ces réparations. Réciproquemènt, fi le
château eft en bon état, quand même le père y auroit
fait faire des augmentations, l’aîné en profite feul
fans être tenu d’aucune récompenfe à ce fujet, envers
les puînés.
Lorfque le fief ne confifte qu’en droits incorporels
, tels que la juftice, des cens, un péage, il n’y
a pas lieu au prèciput de l’ané, parce que la loi ne
lui accorde ce prèciput que fur la maifon féodale,
ou au défaut de maifon, fur les terres.
Les droits feigneuriaux dus au fief depuis Fou-
verture de la fucceffion, comme les lods & ventes
, les reliefs, quints , &c. n’entrent point dam le
prèciput de l’aîné, mais ils fe partagent comme le
domaine du fief, & l’aîné y prend la meme part
qu’il a dans le fief, abftra&ion faite du prèciput.
Le Brun & Dumoulin penfènt qu’il doit en-être
de même du patronage des bénéfices.attaches aux
fiefs; mais Dupleffis, Chopin , Charondas, le Maître
, font d’avis contraire, & veulent que le droit
de patronage fafîè partie du prèciput de l’aîné. Je
crois Topinion de ceux-ci préférable à celle des premiers,
parce que le droit de patronage eft indivi-
fible de fa nature, & qu’il eft d’autant plus expédient
que l’aîné en jouifïe feul, que la prefentation
ne peut appartenir à toutes les perfonnes qui ont
part dans le fief, fans donner lieu a des contefta-
tions qu’il eft à propos d’éviter autant qu’on le
peut. D’ailleurs le droit de patronage eft un droit
honorifique, & non un droit utile : autre raifon pour
l’attribuer à l’aîné, à l’exclufion des cadets.
L’aîné ayant la portion la plus noble dans le fief,
& même une part plus confidérable, peut s’en qualifier
feigneur indéfiniment comme s’il en étoit feul
propriétaire : c’eft la difpofition de l’article 14
de la coutume de Troyes, & de l’article 200 de
celle de Sens, qui forment à cet égard le droit commun
de la France. Quant aux puînés,, la qualité qui
leur appartient eft celle de feignetirs en partie du
même nef.
Les fiefs de dignité, tels que les duchés, mar-
quifats, comtés & baronnies, peu vent être retenus
en entier par l’aîné , à la charge de récompenfer les
puînés pour la part qu’ils ont droit d’y prétendre.
Cette exception à la règle générale a été introduite
afin de maintenir, dans tout fon luftre, la dignité
de ces fortes de terres.
Lorfque dans une même fucceffion il y a des
fiefs fitués dans plufieurs coutumes, l’aîné prend un
prèciput dans chacune. Cela eft fondé fur ce que
chaque coutume ayant fon empire particulier, il faut
quelle produife fon effet. C’eft pourquoi on confédéré
les fiefs fitués dans chacune, comme autant
de fucceffions particulières, où l’aîné doit jouir des
avantages qui hii font attribués.
De \a portion avant ageufe de T aîné dam les fiefs.
Outre lç prèciput dont, nous ayons parlé, Faîne à
dans les nefs de la fucceffion une portion plus forte
que celle des puînés; S’il n!y-a que deux enfans
venans à la fucceffion, il prend les deux tiers des
terres nobles & des droits qui en dépendent : fi les
enfans venant à la fucceffion font en plus grand
nombre,, l’aîné prend la moitié, 8c.'le refte fe partage
entre les puînés, par égales portions.
Telles font les dlfpofitions des articles 15 & 16
de la coutume de Paris. Il en réfulte, félon Dumoulin,
que « quoique le père ait laiffé plus de
» deux enfans, cependant s’il n’y en a que deux
3> habiles à fuccéçler ou venans à la fucceffion,
3> le fiis aîné n’en a pas moins les deux tiers des
3). fiefs, outre fon prèciput; enforte que s’ilfetrou-
3» ve trois enfans à l’ouverture de la fucceffion, que
3) le troifième renonce , le fécond ne peutpréten-
3> dre que le tiers dans les fiefs, parce que pour ré-
3) duire le fils aîné à la moitié, il faut non-feule-
33 ment qu’il y ait plus de deux enfans, mais en-
M core qu’il y en ait plus de deux venans à la fuc-
3) ceffion. Cette décifion auroit lieu quand même
33' le fécond auroit acheté la renonciation du troifiè-
33 me.; quand même celui-ci auroit déclaré ne rehon-
33 cer qu’en faveur du fécond : fi-tôt qu’il a renon-
33 cé il eft devenu étranger à la fucceffion , & n’a
33 pu intervertir l’ordre établi par la loi ; il en feroit
33 autrement, fi, au lieu de renoncer, il avoit cédé
33 fon droit au fécond; il auroit par-là fait aéle d’he-
3» ritier, & cela füffiroit pour diminuer la portion
33 de l’aîné.
33 De même une fille qui, à raifôn de fà dot
33 auroit.renoncé, par fon contrat de mariage, a la
>3 fucceffion future de fon père, n’empêcheroit pas
33 l’aîné de prendre les deux, tiers des fiefs, s’il n’a-
33 voit qu’un frère concourant avec lui à la fuccef-
33 fion;. ce frère, pourroit dire, a la vérité ,. que
>3 leur foeur- commune eft cenfée venir à la fùçcef-
»» fion, puifqu’elle n’y à renoncé qu’eh çonfidéra-
33 tion de fa dot : que d’ailleurs cette renonciation
». ayant.été achetée par le père commun , des faits
33- duquel tous les enfans font également tenus, l’aîné
33 ne peut pas en tirer avantage contre fon cadet.
33 Nonobftant ces raifons, l’exiftence de la fille ne
>3 diminuera pas la portion de l’aîné, parce que dans
33 le fait elle ne vient point à la fucceffion : ce
J3 qu’elle a reçu pour le prix de fa renonciation ne
33 peut être d’aucune confidération ; fon père & fa
33 mère en avoient la libre difpofition ; ils pouvoient
33 l’aliéner de toute autre manière: cela ne peut
33 donc influer fur le partage de leur fucceffion. Si
33 le père, eût donné des nefs à cette fille, la por-
»3 tion avântageufe de l’aîné en auroit été diminuée ;
33 cependant il n’auroit pas le droit de syen plain-
33 dre. Réciproquement le cadet ne doit pas trou-
33 ver mauvais fi la renonciation de fa foeur lui eft
33 préjudiciable. Il en fàudroit dire autant fi un troi-
33 fième fils renonçoit à la fucceffion pour s’en te-
» nir à une donation, même plus confidérable que
33 fa portion héréditaire 33.
Mais fi cela avoit lieu, remarquent Dupleffis &
fes annotateurs, ce fer.oit un moyen ouvert pour
avantager l’aîné : en effet, le père pourroit faire
à un cadet un don. confidérable d’héritages en roture
, pour l’engager à renoncer , afin que l’aîné prît
les . deux tiers dans lés terres nobles, au préjudice
du puîné. C ’eft pourquoi ces auteurs penfent qu’un
enfant donataire qui renonce eft. effectivement héritier
, du moins jufqu’à la concurrence du don, &
qu’ainfi la part qu’il auroit eue fans fa renonciation ,
doit fe partager fans aucune prérogative à'aînejfe,
félon la difpofition de l’article 310, de la coutume
de Paris.
Brodeau adopte Fopinion de Dumoulin, & d’autres
auteurs embraffent celle de Dupleffis. & de fes
annotateurs.
Mais « quelque parti que l’on prenne fur cette
33 queftion , remarque judicieufement M. Henrion ,
33 il eft bien difficile de ne bleffer ni les règles
33 de l’équité, ni le texte de la coutume ; comp-
33 tez les. enfans vivaas à l’inftant du décès du père y
33 & faites accroître leur part à celle du puîné,
33 donnant à ce dernier autant qu’à fon aîiné, c’eft-
33 à-dire, la moitié dans le fief, vous choquez par-
33 là l’efprit général de la coutume, qui eft d’avan-
3> tager l’aîné dans les biens nobles. Donnez les deux
>>- tiers à l’aîné, comme s’il n’y avoit réellement
>3 que deux enfans exiftans , vous allez directement
33 contre l’article 3.10 qui porte que la part de
33 ceux qui renoncent accroît aux autres fans pré-
33 rogative. d'ainejfe. Enfin, confprmez-vous à cet
>3 article 310, donnez la portion avantageufe à l’aîné^
33 comme s’il y avoit trois enfans, & partagez enfuite
33 entre lui & fon frère la part du renonçant ,vous
33. vous écartez évidemment des articles 15 & 16 ,
» fuivant lefquels l’aîné ne doit être réduit à la
33 moitié que lorfqu’il y a plus de deux cohéritiers i
33 articles dans lefquels tes'^rédàfreurs ont répété ,.
33 avec une forte d’affefration, ces mots fi tranchans v
33 venans à la fuccejjlon 33.
Il n’èft pas étonnant, 4’après, cela, que.les auteurs