
Comme les provinces de droit écrit, oui'augment
de dot eft en ufage, font principalement régies par
les loix romaines a il eft néceffaire d’examiner fi c e fl
par ces loix qu’il eft établi, ou du moins, s’il y
a quelque çhofç dans le droit romain à quoi il ait
rapport.
Origine de V'augmenta II faut d’abord éviter de confondre
Vaugment de dot d’avec V augmentum dotis,
dont parle le droit romain : cet augmentum dotis n’é-
ïolt point une donation du mari à la femme , c’étoit
au contraire l’augmentation de dot que la femme
apport oit à fon mari pendant le mariage ; c’eft ainfi
que l'explique la novelle 9 7 , qui porte que la donation
à caufe de noces, doit être augmentée à proportion
de ce que la dot a été augmentée pendant
le mariage ; elle appelle cette augmentation de dot
augmentum dotis; ce qui n’a , comme l’on voit.,
aucun rapport avec Vaugment de dot des pays de
droit écrit ; & fi quelques praticiens ont nommé en
latin cet augment, augmentum dotis , ce n’a été que
par un ufage mal .entendu , comme de Laurigre l’a
remarqué dans fon gloffaire. Auffi Cujas, qui parle
de Vaugment de dot, évite l'équivoque en l’appellant
non augmentum. dotis, mais incrementum dotis, ce qj.fi
earaéfcérife bien mieux Vaugment de dot, parce qu’en
<effçt, ce .n’eft pas une augmentation de dot,"mais
un profit que la femme tire de fa dot, &. qu’elle
-prend fur les biens de fon mari,
li y auroit plutôt lieu de croire que Vaugment de
dot tire fon origine des donations, à caufe de noces
des Romains.
Mais fi on examine avec attention les différences
qui fe frouvent entre les donations 8c Yaug-
ment permis par les loix françoifçs, on fera convaincu
que ce n’eft pas la même çhofe. Le feul
rapport qui fe trouve entre l’un &. l’autre, c’eft que
Ifaugment eft accordé à la femme, en récompenfe
de fa dot; mais il y a quatre différences effentielles,
i °. La donation à caufe de noces, pouvoit être
faite ou augmentée pendant le mariage, Vaugment
«ê peut avoir lieu, ni recevoir d’augmentation par
une convention poftérieure. 20. La donation étoit
égale à la dot, Vaugment eft ordinairement moindre
jôt peut être plus fort. 30. La donation n’étoit due
.qu’âpres le paiement de la dot, & Vaugment eft dû,
quoique la dot n’ait pas été payée, 40, La donation
étoit toujours proportionnée à la dot, Vaugment
jeft dû en entier, quand bien meme il n’y auroit rien
CU de payé pour la dot.
ïl fuit de ces obfervations que Vaugment eft us
droit nouveau , qui n’a pas pris fâ fource dans les
loix romaines qui traitent des donations à caufe de
noces} 8c fi on veut ljfi trouver une origine dans
le droit romain, on peut dire qu’il reffemble à Yky?
jtobolon des Grecs, qui fuccéda aux donations, à
Caufe de noces des Romains.
En effet, fous les derniers empereurs de Conf-
tantinople ? les peuples, quoique Romains de nom
& d?orjgine , s’écartant en plusieurs points des loix
rom.aiflçs, ppjir fiûyfe les meçurs des Gxqçs, avec
lefquels ils étoient confondus , laifférent tomber
en défuétude les donations à caufe de noces, 8c
s accoutumèrent infenfiblement à pratiquer, à la place
de ces donations, le don de furvie, qui étoit ufité
chez les Grecs, fous le nom V hypobolon.
C eft de cet hypobolon dont l’empereur Léon
fur nommé /e fage, parle dans fes novelles 22 8c
déclaré que le conjoint fin*vivant j qui
refte en viduité, gagne une virile en propriété dans
cette forte de donation à caufe de noces.
Il eft vrai que les novelles de cet empereur ne
font, parmi nous , d’aucune autorité, & que ce font
les loix de Juftinien qui forment,fur la matière des
donations à caufe de noces , le dernier état du
droit romain écrit. Mais, outre les loix écrites, les
Romains en avoient encore d’autres qui ne l’étoient
point, & qui ne laiffoient pas d’être en vigueur,
comme le dit Juftinien dans fes iuftituts. Ainfi,
quoique les novelles de l’empereur Léon n’aient pas
eu par elles-mêmes 1a force, d’abroger les loix de
Juftinien, rien n’empêche qu’un autre ufage n’ait
établi cette autre forte de donation, que les Grecs
pratiquoient fous le nom d'hypobolon.
Harmenopule , auteur grec qui vivoit dans le
douzième fièçle, attefte ce changement. Il obferve
quefuiyant ce dernier ufage, ce gain de furvie ,
accordé à la femme, fe règle felontia convention;
8c que lorfqu’il n’eft pas fixé par contrat, il eft dû
en vertu d’une convention préfumée ; qu’autrefois
on le fixoit à la moitié de la dot, mais que par le
dernier ulage, il n’eft que du tiers.
Ce témoignage d’Harmenopule fe trouve confirmé
par celui de plufieurs auteurs & il y a lieu de
croire que fi notre augment de dot n’eft pas précifé-
ment la même chofe que Vhypobolon des Grecs,
il en tire du moins fon origine. Cette opinion pa*
roît d’autant mieux fondée que les Romains pratiquèrent
cet hypobolon dès qu’ils eurent abandonné
les donations à caufe de noces, & que les habi-
tans des pays de droit écrit adoptèrent fans doute
aulfi l’ufage de Vhypobolon, pour imiter les Romains.
D ’ailleurs, quand cet ulage n’auroit pas été introduit
dans les Gaules, en même temps que les loix
romaines y furent établies, il ne feroit pas étrange
qu’il y eût été apporté dans la fuite par les relations
que les François eurent avec les peuples de
l’Orient. Dès l’an 1096, les François commencèrent
leurs voyages d’outre-mer, pour aller faire la
guerre aux infidèles , 8c entre ceux qui eurent part
à ces expéditions, étoient les habitans d’Auvergne,
de Provence, de Languedoc & de Gafcogne ,
qu’on appelloit tous d’un nom commun les provençaux
, pour les diftinguer des autres habitans du
refte çle la France , qu’on appelloit les François,
O r , ces peuples qu’on appelloit les Provençaux,
& qui habitoient précifément les mêmes provinces
que nous appelions aujourd’hui pays de droit écrit,
ayant appris dans leurs voyages & féjojir en Orient,
l’ufage du gain de furvie appellé hypobolon, ils
apportèrent çhe? eux ce mêjne ufage qui s’établit
infenfible^ien?
infenfiblement fous le nom d "‘augment de dot.
A u ‘refte, il.ne faut pas s’étonner qu’on rapporte
à l’hypobolon des Grecs l’origine de Vaugment
de dot des pays de droit écrit, puifque la
plupart des auteurs conviennent que c’eft de ce ;
même hypobolon des Grecs, que s’eft formé lé
douaire des pays coutumiers : e’eft même ce quia
fait dire à quelques-uns, que iVaugment de dot eft
le douaire des pays de droit' écrit ; de qui n’eft
pas tout-à-fait fans fondement, fi l’on entend parla
que ces deux droits ont entre eux quelques
'rapports.
Rapports & différences de Vaugment & dit douaire
coutumier. Ces rapports confiftent, i°. en ce que
le douaire & Vaugment de dot font un avantage
que la femme furvivante prend fur les biens de
fon mari prédéçédé.
2°. En ce qüe la femme n’a que l’ufüfrak de
Vaugment-non plus que du douaire, & qué la prO- ;
priété en appartient aux enfans.
• 3 °. En ce que les enfans n’y peuvent rien prétendre
qu’après le décès’ de leur père & de leur
mèré. ‘
40. En ce que c’eft un "trpifième genre de biens
qui advient aux enfans partie bénéfice de la loi,
quoiqu’ils ne foient héritiers ni du père , ni de la
mère.
50. Vaugment, ainfi que le douaire, eft acquis
du jour du Confiât de mariage, ou du moins du
jour de la célébration, lorfqu’il n’y a point de
contrat.
6°. .Pour Vaugment, comme pour le douaire »
les biens du mari font engagés & affeétés de telle
forte, qu’ils ne peuvent être aliénés ni hypothéqués
au préjudice de la femme & des enfans.
70. Les acquéreurs, des biens;du mari ne peuvent
preferire ni Vaugment, ni le douaire contre la
femme 8c les enfans, pendant le mariage.
8°. Vaugment eft dû de plein droit & fans !fti-
pulation, .comme le douaire , quoiqu’il, n’y ait point
de contrat .de mariage, au que dans le confiât il
n’en foit point fait mention.’
. Quoique ces règles communes à Vaugment■ .&
au douaire', aient fait dire que Vaugment de dot eft
le' douaire des pays, de .droit écrit, ce n’eft toutefois,
pas la meme chofe, & il y a entre ces deux
droits plufieurs différences efientielles. . -
"J La première eft que Vaugment ëft un troifième
genre de biens qui 11’eft point compris fous le nom
de biens paternels, ni de biens maternels,’ enforte
que la renonciation des enfans a tous les biens
paternels & maternels, ne comprend pas Vaugment,
& néanmoins il fe prend fur les biens du père;
& quand il s’agit de le ranger fou s fine claffe,
c’eft un bien paternel. Le douaire au contraire eft
toujours Compris fous-le nom dé droits paternels!
2° .Vhugmertt de dot appartient aux enfans, foit
qu ils foient héritiers dé leur père ou qu’ils'renoncent
à J fa fiicc-efiion , à la différence du douaire',
Jurifprudence. Toute I.
que les enfans ne peuvent plus demander, lorf-
qu’iis fe font portés héritiers de leur père. 30. La nière qui ne fe remarie pas, a dans Vaug-
ment une portion en propriété qu’on appelle virile,
c’eft-à-dire, égale à celle d’un des enfans. Il n’en
eft pas de même du douaire, la femme n’en a que
l ’ufufrait, foit qu’elle fe remarie, foit qu’elle refte
en viduité.
4°* Quand il n’y a point d’enfans du mariage
ou qu’ils décèdent tous avant la mère, Vaugment
entier lui demeure en pleine propriété ; au lieu
qu’eu pareil cas, le douaire retourne aux héritiers
des propres paternels.
5°. Vaugment même coutumier eft fujet au retranchement
de l’édit des fécondés noces ; le douaire
coutumier n’y eft pas fujet.
6°. Il faut que, la femme furvive à fon mari ,"
pour faire paffer Vaugment aux enfans ; au lieu que
•le douaire appartient aux enfans , quoique leur
mère n’ait pas furvéeu leur père, & par confé-
quent n’ait pas recueilli le douaire.
Des pays ; oît Vaugment eft. en ufage. Les pays oit
Vaugment de dot eft le plus communément en ufage ,
font les parlemens de Touloufe* de Bordeaux, de Pau,
-dé Grenoble, les provinces de Lyonnois , Forez,
Beaujolois , Bugey, Gex & -Valromey, quelques
endroits de l’Auvergne 8c la principauté de Dombes.
Il y a encore quelques provinces, comme la
s Breffe, le Mâconnois & la Provence,'où l’on voit
quelquefois de ces fortes de ftipulations ; mais ce
n’eft pas l’ufage ordinaire de ces provinces, &
l’on y pratique , au lieu Vaugment de d ot, d’autres
gains de furvie dont nous parlerons ailleurs fous les
noms qui leur font propres.
Dans la plupart des provinces où Vaugment de
dot a lieu, ce droit n’y eft établi par aucune loi
ni ftatut; il ne s’y eft introduit que par un long
ufage qui y a infenfiblement acquis force de loi.
Cet ufage n’a été recueilli 8c rédigé par écrit ,'
que dans deux coutumes.
La première &• la plus ancienne eft celle de la
ville de Toiiloufe, confirmée en 1289, par Phi-
lippetie-bel.
L’autre eft celle de Bordeaux, Guienne & pays
Bordelois , rédigée en 1521.
Il faut diftinguer deux fortes Vaugment de dot;
favoir , le coutumier ou légal, & le préfix ou con«*
Ventiormel.
De Vaugment coutumiefk ou légal. Vaugment coutumier
au légal eft uri'gain nuptial & de furvie que
la coutume ou l’ufagè de certaines provinces accordé
à la^femme uirvivante, en récompenfe de
fa dot, fur les biens de fon défunt mari.
Lorique la femme a ftipulé ce droit Vaugment
coutumier, fans en fixer .la quotité, elle ne laiffe
pas; de le prendre ’tel qu’il eft réglé par la coutume
ou l’ufagé fies lieux : il n’y a dans ce cas aucune
difficulté', puifque la volonté des» contraélans concourt
avec • la loi • pour établir'un augment en faveur
de la femme furvivante; il n’eft pas néceffaire
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