
tribut effentiel. Il n’y a donc que les fouverains qui
aient le droit d’envoyer des ambaffadeurs, parce
que feuls ils font a rm é s ,p e u v e n t mettre leurs
minières fous la protection du droit des gens.
Il n’eft pas cependant néceffaire que le fouverain
qui envoie un ambaffadeur y jouifle actuellement &
effectivement de l’empire ; un prince dépoffédé,
mais qui n’a pas abdiqué le fouverain pouvoir, peut
en envoyer; ils peuvent être reçus dans les autres
cours, à moins que des raifons de politique ne s’y
oppofent, & même, dans ce cas, on ne peut violer
à leur égard le privilège que donne aux ambaffa-
deurs le droit des gens.
De tout ceci on doit en conclure que le fouverain
qui admet, en qualité d! ambaffadeur, l’envoyé
d’un prince ou d’une nation, par cet aCie feul, re-
çonnoît ce prince ou cette nation comme indépendant.
Ainfi la ligne proteftante des rois d’Angleterre,
électeurs d’H anover, & le roi de Pruffe ont
été regardés comme les véritables fouverains de
leurs états refpeCtifs, par les puiffances qui ont reçu
chez elles leurs ambaffadeurs ; ainfi l’indépendance de
l’Amérique fera folemnellement reconnue par tous
les états qui admettront leurs ambaffadeurs., .
Une fécondé conféquence qui fuit du principe
que nous venons d’établir, eft que les fujets ne
peuvent députer vers un prince étranger, ni en
recevoir des minières, ni envoyer des ambaffadeurs
à leurs propres fouverains. Ceci fouffre cependant
une exception à l’égard des princes qui font en partie
fujets, & en partie indépendans, tels que les électeurs
& quelques autres princes d’Allemagne, qui
jouiflent du droit d’envoyer des ambaffadeurs ou
des miniftres dans toutes les cours, & même dans
celle du chef de l’empire, dont ils relèvent. L’empereur
prétend néanmoins avoir une jurifdiCtion immédiate
fur les miniftres des éleêleurs, princes &
états immédiats de l’empire, tant- à la cour impériale
, que dans toute l’étendue de l’empire.
Il fuit encore de notre principe, qu’un fbuve-
rain n’envoie point d’'ambaffadeurs à fes fujets,
mais feulement des commiftàires chargés de l’exécution
de fes ordres ; qu’il n’en députe pas non
plus aux fujets des autres fouverains, à moins qu’il
n’excite ou ne favorife la rébellion de leurs peuples
; que, s’il en adrefle à des gouverneurs généraux
, à des corps compofànt des aflemblées, des
états, des diètes, cet envoi eft relatif aux fouverains
que ces corps où gouverneurs repréfentent.
Dans les monarchies éleêtives, ceux qui, pendant
l’interrègne, jouiflent de la puiflànce publique,
foit fénateurs, foit états généraux, pofledent in-
contefta’ lement le droit d'ambaffade.
Dans les monarc'hies héréditaires, dans le temps
de la minorité dif fouverain, le régent ne peut,
par lui-même, s’attribuer la même prérogative,
parce que le roi mineur eft toujours le véritable
fouverain : aufti les ambaffadeurs, envoyés par le
régent, reftent toujours les ambaffadeurs du roi.
S’il y avoit conteftations entre divers héritiers
prétendant droit à la couronne, les états généraux
du royaume peuvent envoyer, en leur nom
des ambaffadeurs, parce qu’ils ont en main l’autorité
publique, jufqu’à la décifton du droit" des con-
tendans.
De la dignité <$* du caraêlère Êe Vainbaffadeur. Un
ambaffadeur repréfente la perfonne du prince , &
la majefte de la nation qui l’envoie ; ce droit de
repréfentation immédiate oblige & Y ambaffadeur,
& le fouverain, auprès duquel il eft accrédité , à
obferver. un cérémonial d’étiquette rigoureufe.
Mais l’envoyé d’un prince ne peut demander à
jouir des franchifes & immunités dues à un ambaffadeur
, qu’en juftifiant fa qualité & fes pouvoirs
par les lettres de créance dont il doit être
muni. Il ne peut aufti déployer fon caraêlère ,
que dans les^ états du prince, auprès duquel il eft
envoyé ; à l’égard des autres nations, fon caractère
eft nul ; il n’eft pour elle qu’une perfonne privée
: elles ne lui doivent rien de ce que le droit
des gens attribue aux ambaffadeurs.
Par cette raifon, ft l’envoyé d’un prince eft obligé
de traverfer les états d’un autre fouverain pour fe
rendre auprès de celui vers lequel il eft envoyé ,
il doit fe munir de pafle-ports ; autrement il fe plaindront
a tort, s’il venoit à être arrêté, parce que le
à-oit des gens n’oblige pas à refpecler la perfonne
d un ambaffadeur qui pafle par les états d’un fouverain
, fans avoir obtenu fon confentement.
Un ambaffadeur ne p eut, fans fe rendre coupable
envers fon prince, négliger aucun des droits qui
font attachés à fa place? il doit aufti être attentif à
ce que la dignité de fon prince, & principalement
le rang qu’il tient parmi les autres fouverains, ne
foient pas attaqués.*1
U eft des ufages auxquels la dignité des ambaffadeurs
ne veut pas qu’ils fe foumettent; ils ne doivent
pas aller aux noces, aftifter aux funérailles ,
fe trouver aux aflemblées publiques & folemnelles,
à moins que leur maître n’y ait intérêt. Ils ne doivent
pas même porter le deuil de leurs proches,.
parce qu’ils ne repréfentent que la perfonne du
prince qui les envoie.
Des privilèges des ambaffadeurs. Le premier privilège
d’un ambaffadeur eft celui d’être reçu par le
prince ou la nation auquel il eft envoyé, à moins
qu’ils n’aient une jufte caufe de le refufer. Cette
obligation eft fondée en général fur l’intérêt de la
fociété & de l’humanité .'.comme toutes les nations
ont befoin de s’aider continuellement par un
commerce de fervices & d’égards, l’ufage des ambaffadeurs
leur devient abfolument néceffaire. L’obligation
de les recevoir regarde aufti bien ceux qui
font envoyés par l’ennemi, que ceux qui viennent
d’une puiflànce amie. Il eft du devoir des princes
qui font en guerre, de chercher les moyens de
rétablir entre eux une paix jufte & raifonnable :
& ils ne fauroient y parvenir fans écouter les pro-
pofitions qu’ils peuvent fe faire réciproquement.
L’hôtel d’un ambaffadeur repréfente, pour ainfi
dite, les états de fon fouverain, comme lui-même
en repréfente la perfonne : par cette raifon, le lieu
ü’il occupe, doit être pour lui & pour les gens
e fa fuite, un afyle facré qu’on ne peut violer,
où perfonne ne doit être arrêté que de fon confentement.
Néanmoins fi un criminel s’étoit réfugié
idans l’hôtel d’un ambaffadeur, il doit le livrer à la
juftice qui le réclame ; & , s’il le refufoit, on pour-
roit, fans aucune violation du droit des gens, ufer
de force pour l’en arracher.
Ceux qui outragent ou infultent un ambaffadeur,
violent non-feulement les loix civiles qui défendent
d’offenfer perfonne, mais encore le droit des gens
qui veille à la fureté des miniftres publics. Les injures
qu’on leur fait, doivent être punies plus ri-
goureufement que fi elles s’adreffoient à d’autres
particuliers. Alexandre fit paffer au fil de l’épée les
habitans de T y r , parce qu’ils avoient infulté fes
ambaffadeurs. Les Romains livroient les coupables
aux ambaffadeurs, afin qu’ils puffent fe venger à leur
gré. Suivant les ufâges adoptés par toutes les nations
de l’Europe, un peuple chez lequel on auroit
infulté un ambaffadeur, & qui n’en punir oit pas fé-
vérement les auteurs, feroit regardé comme complice
du crime, & l’on pourroit lui déclarer jufte-
ment la guerre.
Non-feulement la perfonne des ambaffadeurs doit
être à l’abri de toute infulté, mais même leurs do-
meftiques & les getls de leur fuite; fi quelqu’un
d’entre eux avoit été outragé, Yambaffadeur feroit
en droit d’en demander la réparation, comme d’une
infulté faite à lui-même. Perfonne n’ignore avec
quelle rigueur Louis XIV agit, lorfque les domef-
tiques du duc de Crequi, fon ambaffadeur à Rome,
y furent infultés par les gardes-corfes du pape Alexandre
VII.
Lorfque nous difons que la fureté que Y ambaffadeur
tient du droit des gens , doit s’étendre à tous
ceux qui font à fa fuite , nous n’entendons que ceux
qui compofent fa famille, tels que fa femme & fes
enfans, ou qui font attachés à Ion fervice, comme
fes fecrétaires, fes gentilshommes, fes domeftiques*
en un mot, les perfonnes portées fur l’état de fa
maifon, & à fes gages, ou à ceux de fon fouverain.
Si un ambaffadeur abufoit de fon titre & de fon
caraêlère, qu’il commît un crime dans le pays où
il réfide, qu’il y excitât des troubles, qu’il devînt
l’auteur d’une confpiration contre le fouverain ou
contre la nation auprès de laquelle il réfideroit,
nous penfons avec Montefquieu, que, dans tous
ces cas, Y ambaffadeur ne devroit même être fournis
qu’à la jurifdiêtion de fon prince : le caraêlère public
dont il eft revêtu, mérite d’être refpeêfé ; iL
faut le renvoyer, en le dénonçant à fon maître qui
devient par-là fon juge ou fon complice.
En effet, le droit des gens a voulu que les princes
s envoyaient des ambaffadeurs ; o r , par une raifon
tirée de la nature de la chofe même, ces ambaffadeurs
ce doivent dépendre en aucune manière, ni
du fouverain chez lequel ils font envoyés, ni de
fes tribunaux : ils font en quelque forte la parole
du prince qui les envoie ; parole qui doit être libre,
comme celle de l’homme indépendant qu’ils repréfente
: d’ailleurs on pourroit leur imputer des crimes
imaginaires, & alors la crainte les engageroit à dif-
fimuler les atteintes portées à leurs prérogatives ou
aux intérêts de leur fouverain. Il faut donc, conclut
M. de Montefquieu, fuivre, à l’égard des ambaffadeurs
, les raifons tirées du droit, des gens, &
non pas celles qui dérivent du droit civil.
Nous ne trouverons, dans l’hiftoire moderne,
aucun exemple à'ambaffadeurs punis par le fouverain
contre lequel ils avoient confpiré. Lorfque l’évêque
de R off, ambaffadeur de la reine d’Ecofle, conft-
pira, avec le duc de Norfolk, contre la reine d’Angleterre
, les Anglois fe contentèrent de l’arrêter,
de le confronter avec les coupables, & de le renvoyer
chez lui.
Sous Henri IV , Y ambaffadeur d’Efpagne eut part
à la confpiration du comte d’Auvergne & du duc
d’Angoulême ; on fit le procès à l’un & à l’autre,
mais fans parler de Y ambaffadeur. Un nommé
Merargues avoit comploté , avec le fecrétaire
du même ambaffadeur, de livrer Marfeille au roi
d’Efpagne : le parlement condamna Merargues au
fupplice ; il remit le fecrétaire entre les mains du
roi qui le renvoya à Y ambaffadeur, & l’obligea de
le faire fortir du royaume.
. Mais fi quelqu’un de la fuite de Y ambaffadeur
s’étoit rendu coupable d’un v o l, d’un aflàflinat, ce
ne feroit pas violer le droit des gens, que de réclamer
le coupable, de s’en faifir & de le punir
fuivant les loix du pays. S ully , miniftre de Henri
I V , & fon ambaffadeur en Angleterre, informé
qu’un gentilhomme de fa fuite avoit'tué un Anglois
dans un mauvais lieu, le fit arrêter, & prévint le
maire de la ville, qu’il pouvoit fe faifir du meurtrier;
celui-ci ayant le meurtrier en fa puiflànce, le roi
d’Angleterre lui accorda fa grâce, & le fit remettre
en liberté. L’exemple de Sully doit être fuivi par
tous les ambajjadeurs.
Un ambaffadeur n’a pas le droit de faire punir,
dans l’intérieur de fon hôtel, les gens de fa fuite
qui fe font rendus coupables de quelques crimes :
exempt de la jurifdiêtion du pays où il réfide, il
ne peut y en exercer aucune en fon nom, ni même
au nom du fouverain qu’il repréfente.
Lés ambaffadeurs & tous les gens de leur fuite
peuvent difpofer de leurs biens par teftament &
par toute autre! difpofition, félon les loix de leur
pays ; & , s’ils décèdent fans avoir dlfpofé de leur
fucceflion, leurs héritiers légitimes la recueillént,
qûoiqu’étrangers ; par la raifon que les ambaffadeurs
ne font point fujets aux droits d’aubaine. Mais ceci
doit s’entendre feulement de leurs meubles & effets
mobiliers; car, s’ils avoient acquis des immeubles
ou des rentes, ils feroient à cet égard fujets au droit
d’aubaine. La raifon de différence eft que ceux qui
jj|ont abfens pour le fervice de l ’état, font toujours