
Cîteaux le pouvoir d’ordonner dès diacres & des
fous - diacres, & de faire diverfes bén éditions ,
comme pelles des abbeffes, des autels & des vafes
facrés.
Mais le gouvernement des abbés a été différent,
félon les différentes efpèces de religieux. Parmi les
anciens moines d’Egypte, quelque grande que fût
l’autorité des abbés, leur première fupériorité étOit
celle du bon exemple & des vertus : ni eux ni
leurs inférieurs n’étoient prêtres, & ils étoient parfaitement
fournis aux évêques. En Oceident, fui-
vant la règle de S. Benoît, chaque monaftère étoit
.gouverné par un abbé qui étoit le direfteur de tous
les moines pour le fpirituel & pour la conduite intérieure.
Il difpofoit aufîi de tout le temporel, mais
comme un bon pèré de famille ; les moines le choi-
fiffoient d’entre eux, & l’évêque diocéfain l’ordon-
noit abbé par une bénédi&ion folemnelle : cérémonie
formée à l’imitation de la confécration des évêques.
Les abbés étoient fouvent ordonnés prêtres. Y!abbé
affembloit les moines pour leur demander leur avis
dans toutes les rencontres importantes ; mais il étoit
le maître de la décifion ; il pouvoit établir un prévôt
pour le foulager dans le gouvernement ; & , fi la
communauté étoit nombreufe, il mettoit des doyens
pour avoir foin chacun de dix religieux , comme
le marque le mot decanus. Au refie , Y abbé vivoit
comme un autre moine, excepté qu’il étoit chargé
de tout le foin de la maifôn ,.8c qu’il avoit fa
menfe , c’efi-à-dire , fa table à part pour y recevoir
les hôtes ; ce devoir ayant été un des principaux
motifs de la fondation des abbayes.
Ils étoient réellement diftingués du clergé , quoir
que fouvent confondus, avec les eccléfiaftiques, Ji
caufe de leur degré au-deflùs des laïques. S. Jerome,
écrivant à Héliodore, dit expreffément alla mona-
ïhorum ejl caufa, alla clericorum. Voye% Clergé ,
Prêtres , &c.
Dans ces premiers tems, les abbés étoient fournis
aux évêques 8c aux pafieurs ordinaires. Leurs monaftères
étant éloignés des villes, & bâtis dans les
folitudes les plus reculées, ils n’avoient aucune part
dans les affaires eccléfiaftiques ; ils alloient les dimanches
aux églifes paroifiiales avec le refie du peuple
; ou s’ils étoient trop éloignés, on leur envoyoit
un prêtre pour leur adminifirer les facremens ; enfin",
' on leur permit d’avoir des prêtres de leur propre
corps L'abbé lui-même ou l’archimandrite étoit ordinairement
prêtre ; mais fes fondions ne s’éten-
doient qu’à 1 afliftance fpirituelle de fôri monaftère,
& il demeuroit toujours fournis à fon évêque.
Comme il y avoit parmi les abbés plufieurs per-
fonnes lavantes, ils s’oppofèrent vigoureufement
aux héréfies qui s’élevèrent de leur tems; ce.qui
donna occafion aux évêques de les appelle? de leurs
déferts, 8c de les établir d’abord aux environs des
fauxbourgs des v illes, & enfuite dans les villes
même. C ’eft de ce tems qu’on doit dater l’époque
de leur relâchement. Âinfi les abbés étant bientôt
déchus de leur première fimplicité, ils commsncèrent
à être regardés comme une efpèce de petits
prélats. Enfuite ils affectèrent l’indépendance de
leurs évêques, & devinrent fi infupportables, que
l’on fit contre eux des loix fort févères.au concile
de Calcédoine & autres, dont on a parlé.
L’ordre de Cluny, pour établir l’uniformité, ne
voulut avoir qu’un feul abbé. Toutes les maifons
qui en dépendoient, n’eurent que des prieurs, quelque
grandes qu’elles fùffent; & cette forme de gouvernement
a fubfiftê jufqu’à préfent. Les fondateurs
de Cîteaux crurent que le relâchement de Cluny
venoit en partie de l’autorité abfoiue des abbés r
pour y remédier, ils donnèrent des abbés à tous les
nouveaux monaftères qu’ils fondèrent, 8c voulurent
qu’ils s’affemblaffent tous les ans en chapitre général
, pour voir s’ils étoient uniformes & fidèles
à obferver la règle. Us confervèrent une grande
autorité à Cîteaux fur fes quatre premières filles,
& îLchacune d’elles fur les monaftères de fa filia-
tioiflpènforte que Y abbé cl’une mère-églife préfidât à
l’éleélion des abbés des filles, & qu’il pût, avec le
cônfeil de quelques abbés, les deftituer, s’ils le
méritoient.
Les chanoines réguliers fuivirent à - peu - près le
gouvernement des moines, & eurent des abbés dans
leurs principales maifons, de l’éleâion defquels ils
demeurèrent en poffeflion jufqu’au concordat de
l’an 1516, qui tranfporta au roi de France le droit
des èleéfions pour les monaftères., aufii-bien que
pour les évêchés. On a pourtant eonfervé l’élection
aux monaftères qui font chefs-d’ordre, comme
C luny , Cîteaux & fes quatre filles, Prémontré ,
Grammont 8c quelques autres; ce qui eft regardé
comme un privilège, quoiqu’en effet ce foit un relie
du droit cômmun..
Les biens des monaftères étant devenus confidé-
rables, excitèrent la cupidité des féculiers pour les
envahir. Dès le cinquième fiècle, en Italie & en
France, les rois s’en emparèrent ou en gratifièrent
leurs officiers. & leurs courtifans. En vain les papes
& les évêques s’y oppofèrent-ils. Cette licence dura
jufqu’au règne de Dagobert, qui fut plus favorable
à l’églife : mais elle recommença fous Charles Martel
, pendant le règne duquel les laïques fe mirent
en poffeflion d’une partie des biens des monaftères,
& prirent même le titre d'abbés. Pépin 8c Charlemagne
réformèrent une partie de ces abus, mais
ne les détruifirent pas entièrement , puifque-les
princes leurs fucceffeurs donnoient eux-mêmes les
revenus des monaftères à leurs officiers , à titré
de récompenfes pour leurs fervices, d’où eft venu
le nom de bénéfice , 8c peut-être l’ancien mot ,
beneficium .propter officium ; quoiqu’on l’entende
aujourd’hui dans un fens très-différent, 8c qui eft
le feul vrai, favoir des fervices rendus à l’églife,
Charles le Chauve fit des loix pour modérer cet
ufage, qui ne laiffa pas de fubfifter fous fes fuc-
ceneurs. Les rois Philippe I 8c Louis V I 8c enfuite
les ducs d’Orléans, font appellés abbés du monaftère
de S. Agnàn d’Orléans. Les ducs d’Aquitaine
prirent Te titre d*abbés de S. Hilaire de Poitiers. Les
comtes d’Anjou , celui S abbés de S. Aubin; & les
comtes de Vermandois , celui d'abbés de S. Quentin.
Cette coutume cefla pourtant fous les premiers
rois de la troifième race ; |e clergé s’oppofant à
ces innovations, 8c rentrant de tems en tems dans
fes droits. A
Mais quoiqu’on n’abandonnat plus les revenus
des abbayes aux laïques , il s’introduifit, fur-tout
pendant le fchifme d’Occident, une autre coutume,
moins éloignée en général de l’efprit de l’églife,
mais également contraire au droit des réguliers.
Ce fut de les donner en commende à des clercs
féculiers ; 8c les papes eux-mêmes furent les premiers
à en accorder , toujours pour de bonnes intentions
, mais qui manquèrent fouvent d’être remplies.
Enfin, parle concordat entre Léon X & François
1, la nomination des abbayes en France fut dévolue
au r o i, à l’exception d’un très-petit nombre,
enforte que maintenant prefque toutes font en
commende.
Divifion des abbés. Malgré les réglemens des
conciles dont nous dVons parlé , les abbés, fur-tout
en Occident, prirent le titre de feigneur, 8c des
marques de l’épifcopat, comme la mitre. C ’eft ce
qui donna- l’origine à plufieurs nouvelles efpèces
d'abbés ; favoir aux abbés mitrés, croffés, 8c non
croffés ; aux ^«oecum én iq ue s, aux ^ « c a r d i naux
7 &C.
Les abbés mitrés font ceux qui ont le privilège
de porter la mitre , 8c qui ont en même tems
une autorité pleinement épifcopale dans leurs dL
vers territoires. En Angleterre, on les appelloit aufli
abbés fouverains 8c abbés généraux , 8c ils étoient
lords du parlement. Selon Edouard C oke, il y en
avoit en Angleterre vingt-fept de cette forte ,
fans compter deux prieurs mitrés. Voye^ Prieur.
Les autres qui n’étoient point mitrés , étoient
fournis à l’évêque diocéfain.
Le père Hay , moine bénédi&in , dans fon livre
intitulé Afirum inextinfdum, foutient que les abbés
de fon ordre ont non-feulement une jurifdiâion
comme épifcopale , mais même une jurifdiétion
comme papale , poteflatem quafi epifcopalem , irno
quafi papalem ; 8c qu’en cette qualité ils peuvent
conférer les ordres inférieurs de diacres 8c de fou-
diacres. Voye^ O rdination.
Lorfque les abbés commencèrent à porter la mitre
, les évêques fe plaignirent amèrement que
leurs privilèges étoient envahis par des moines :
ils étoient principalement choqués de ce que , dans
les conciles 8c dans les fynodes, il n’y avoit aucune
diftindion entre eux. C ’eft à cette occafion que
le pape Clément IV ordonna que les abbés p or revoient
féulement la mitre brodée en o r , 8c qu’ils
laifferoïent les pierres préeieufès-aux évêques. Voye%
Mitre.
Les abbés croffés fo nt ceux qui portent ljes croffés
«u le bâton paftoral. Voye^ QROSSE.
Il y en. a quelques-uns qui- font croffés 8c non
mitrés, comme Y abbé d’une abbaye de bénédi&ins
à Bourges ; 8c d’autres qui font l’un 8c l’autre.
Parmi les' Grecs, il y a des abbés qui prennent
même la qualité dé abbés oecuméniques , ou dé abbés
univerfels , à l’imitation des patriarches de Confiant
tinople. Voye% (Ecuménique.
Les Latins n’ont pas été de beaucoup inférieurs
aux Grecs à cet égard, lé abbé de C lu n y , dans un
concile-tenu à Rome, prendletitre déabbas abbatum,
abbé des abbés : 8c le pape Calixte donne au même
abbé le. titre dé abbé cardinal. Voye£ C luny. Yéabbé
de la Trinité de Vendôme fe qualifie aufli cardinal-
abbé , ilsrirent leur titre dédbbés cardinaux, de ce
qu’ils étoient les principaux abbés des monaftères ,
qui dans la fuite vinrent à être féparès.
Les abbés cardinaux qui font féculiers, ou qui
ne font point ehefs-d’ordre , n’ont ni jurifdi&ion fur
les religieux, ni autorité dans l’intérieur des monaftères.
Les abbés aujourd’hui fe divifent principalement
en abbés réguliers ( ou titulaires ) , 8c en abbés
commendatairesi
Les abbés réguliers font de véritables moines
ou religieux, qui. ont fait les voeux 8c portent
l’habit de l’ordre. Voye^ Régulier , Religieux ,
V oeuxv& c.
T o u s l e s abbés font prèfumès être tels, les canons
défendant, expreffément qu’aucun autre qu’un
moine ait le commandement fur lés moines : mais
dans le fait il en eft bien autrement.
Parmi les. abbés réguliers, on diftingue les chefs-
d’ordre 8c les abbés particuliers. Les abbés chefs-
d’ordre ou de congrégation , font ceux qui étant
fupérieurs généraux de leur ordre , ont d’autres
abbés fous leur dépendance. Les abbés particuliers
font ceux qui n’ont aucune abbaye inférieure 8c
fubordonnée à la leur.
Les abbés commendataires , ou les abbés en commende
, font des féculiers qui ont été auparavant
tonfurés. Ils font obligés, par leurs bulles, de prendre
les ordres quand ils feront en âge. V ?ye£
Séculier, T onsure, &c.
Quoique le terme de commende infirme qu’ils ont
feulement pour un tems l’adminifiration de leurs
abbayes, ils ne laiffent pas d’en jouir toute leur
v ie , & d’en percevoir toujours les fruits, aufîi-biert
que les abbés réguliers.
Les bulles leur donnent un plein pouvoir, tant
in fpiritualibus auàm in temporalibus : mais' dans la
réalité les abbés commendataires n’exercent aucune
fon&ion fpirituelle envers leurs moines, 8c n’ont
fur .eux aucune jurifdiâion : ainfi cette expreffion
in fpiritualibus, n’eft que; de ftyle dans la cour de
Rome, 8c n’emporte avec elle rien de réel.
Quelques canoniftes mettent les abbayes en commende
au nombre des bénéfices , inter, titulos bene-
ficiorum : mais elles ne font réellement qu’un titre
canonique, eu une provifion pour jouir des fruits
d’un bénéfice; 8c comme de telles,provifions font
1 contraires aux anciens canons, il n’y a (pie le pape