
que tout avocat aujourd’hui afpire à être fur le tableau'
formé prés de la cour ' où il entend exercer
fa profeffion. Le public, de fon côté , croit pouvoir
fe livrer avec plus de confiance, aux talens
& aux lumières de ceux qui fe trouvent infcrits
fur ce même tableau.
Quand le temps d’épreuve eft écoulé , on ne
fait nulle 'difficulté d’infcrire tout avocat., contre
lequel il ne fe trouve aucun motif d’exclufion.
C ’eft cette même facilité qu’çnt les avocats, d’admettre
parmi eux les nouveaux confrères qui fe pré-
fentent avec la recommandation des moeurs & des
talens , qui a fait plus particuliérement agiter , dans
ces derniers temps , la queftion de favoir , fi les avocats
font tellement maîtres de leur tableau , qu’il
leur foit entièrement libre de refufer ceux qui peuvent
leur déplaire , ou même de fupprimet ceux
dont ils croient avoir lieu d’être mécontens , ’ 8c
cela de leur feule autorité , fans être obligés de
rendre raifon à perfonne de leur conduite à cet
égard.
On dit, à ce fujet , que la profeffion $ avocat
eft de droit public ; que , dès-lors, la poffibilité ou
l’impoffibilité de l’exercer , ne doit pas dépendre
de ceux mêmes qui l’exercent , 8ç qu’il doit être
réfervé ' aux magiftrats, qui veillent à la manutention
de l’ordre public j de juger fi Y avocat, qui fe
préfente pour la profeffion du barreau, eft digne
ou non de l’exercer ; qu’auffi-tôt qu’il n’y a rien
à lui reprocher , on ne peut, fans lui faire injure..,
refufer de l’admettre au rang de ceux qui l’ont
embraffée.
Lés avocats répondent qu’ils,font maîtres de leur
tableau, maîtres d’en faire bu de n’en pas faire, 8c
que cette , faculté né fauroit fe concilier avec la
néceffité d’y infcrire, malgré eux, un fujet quelconque
; qu’ils ne peuvent pas , k la vérité, empêcher
ce fujét d’exercer la profeffion , q u i, fous ce point
de vue , eft de droit public, dès que les magiftrats
le trouvent agréable,, mais qu’on ne fauroit les forcer
à fraternifër aveé lui.
Nous nous abftiéndrons d’ouvrir aucune opinion
particulière à cë fujet : nous nous bornerons fim-
plement à obferver qu’un avocat, au parlement de
Paris , ayant été rayé du tableau par une délibération
du mois de février 1775 5 fuivie d’un arrêt
d’homologation , cet avocat s’eft cru fondé à fe
pourvoir, par oppofition , contre cet arrêt ; mais
que, paq lin autre arrêt, rendu contradi&oirement,
avec les gèns du rb i,le 2.9 mars de la même année
, il a été déclaré non-recevable dans fon oppo-
fitiqn.
Npus obferv.erons auffi que les avocats du ftège
de Poitiers , ayant témoigné un. refus confiant d’admettre
parmi eux, le fieur Robelein , celui-ci s’eft
poiirvu au même parlement ; 8c que , par arrêt contradictoire
du '28 juin de la même année: 1775 ,
il a été ordonné, que 'cèt avocat férôit infcrit au
tableau, & q u ?il jouirOit librement, fuivantfen rang,
de l ’exercice de, la. profeffion.
Ce feroit une erreur de croire qu’un avocat, rayé
du tableau, n’eft plus capable d’aucun emploi civil,
cela ne pourroit être , qu’autant que la radiation
auroit pour caufe une infidélité , une baffeffe ; mais
comme on eft dans l’ufage de rayer pour différens
motifs étrangers aux devoirs de la fociété , fi la
radiation n’avoit lieu que pour des fautes de l’ef-
prit, plutôt que pour des vices du coeur , ce feroit
une févérité injufte , que de le punir comme s’il
avoit commis un délit dans un genre grave : nous
ne connoiftons d’autre note ignominieufe , que
celle qui réfulte d’un jugement de condamnation,
fur une procédure conforme aux ordonnances. Un
avocat rayé n’eft autre chofe qu’un homme qui
a déplu à des confrères qui l’avoient admis parmi
eux ; féparé d’eux , il peut continuer toutes, les
fonctions du jurifconfulte ; qui n’ont tien de commun
avec eux. Cette faculté ne lui eft enlëvée ,
qu’autant qu’il y a un jugement d’interdi&ion ; 8c
quand ce jugement n’intervient pas , on doit pré-
fumer qu’il ne s’eft rendu coupable d’aucune baf-
fefle , qui puiffe le priver de l’exercice des fonc-
tions attachées à un caraâère indélébile.4
Comme la profeffion du barreau exige , dans^
celui qui l’exerce , une réputation qui le mette à
l’abri de tout reproche ; s’il arrivoit qu’un avocat
vint à éprouver une condamnation humiliante , il
y en auroit affez pouf donner lieu à fes confrères
de l’exclure de leur affoeiation : c’eft ce qui a
été jugé , contre un avocat de Saumur , par un arrêt
du 2.5 avril 1736.
C ’eft: par une fuite de céttè confiance que les
avocats, affociés aii tableau , ont les uns pouf les
autres, ,„qu’il eft d’ufage qu’ils fe communiquent
refpeftivement leurs écrits, leurs pièces, leurs procès
fans aucun récépijfé , tant eft grande l’opinion de
probité qu’ils ont les uns des autres ; & l’on ne
voit pas que cet ufage , „• qui eft de toute ancienneté.',
entraîne aucun abus ni aucune infidélité.
Honoraires de l ’avocat. Comme il n’eft pas naturel
qu’un avocat paffe toute fa vie à l’étude des
lo ix , 8c qu’il s’occupe des affaires d’autrui fans aucun
efpoir de récompenfe , il lui eft permis de recevoir
des honoraires de fes cliens ; mais il faut
qu’ils foient offerts volontairement. Dans le droit,
un avocat auroit a&ioii ouverte pour forcer fon
client à la reconnoiffance ; mais il eft de police,
au barreau , que celui qui la formeroit feroit dans
le cas de la radiation : cependant les gens du roi
ont quelquefois conclu d’office au paiement des
honoraires de Y avocat. La chofe eft arrivée au
parlement de Paris , le 15 mars 1766 , fur les conditions
de M. Barentin, avocat-général.
Dans prefqiie tous les fièges , il y a des tarifs
qui règlent les honoraires des avocats ; il a même
été un temps où l ’on croyoit qu’ils étoient obligés
de mettre un reçu de leurs honoraires au bas de
leurs écritures , mais on n’a jamais pu les affujet-
tir à cette pratique. Le tarif n’eft que pour régler
ce qui doit paffer en taxe à la partie ; car il nç,
feroit pas jufte qu’une partie condamnée fupportât
le poids d’une générofité exceffive de fa partie
adverfe.-L’ordonnance de 1667 8c celle de 1673 ,
concernant les épices , veulent, à la vérité , que
les avocats mettent ', fur leurs écritures , le reçu
de leurs honoraires, mais les avocats, offenfés des
difpofitions. de ces ordonnances, fe font toujours
maintenus dans l’ufage de ne donner aucun reçu.
Leur délicateffe eft même telle encore, qu’ils s’of-
fenferoient des quittances d’hônoraires que don-
neroit un de leurs confrères ; cependant il n’y au-
roit pas lieu à s’en formalifer, fi la quittance n’é-
toit donnée , par Yavocat, que pour conftater ce
qu’il a reçu, oc pour fervir de fondement à une
jufte répétition , en faveur de celui qui a été chargé
de débourfer fes honoraires , ou pour fervir au
client de mémoire de l’emploi de fon argent.
Libéralités en faveur des avocats. On a cru , pendant
un temps , que les avocats étoient incapables
de recevoir aucune libéralité de leurs cliens , par
donation o u . par teftament , fous prétexte qu’ils
étoient alors préfumés avoir fait ufage de l’empire
que leur donnoit leur état , fur l’efprit de ceux
dont ils avoient la confiance ; mais aujourd’hui on
elLpleïnement revenu de cette fauffe jurifprudence,
qui étoit injurieufè à l’opinion que l’on.".'doit avoir
de la probité dès avocats. On à vu que s’il étoit
libre de donner à un étranger , fans qu’on y fut
invité par aucun Service de fa part , il étoit. bien
plus naturel de permettre qu’on fe montrât recon-
noiffant, envers quelqu’un à qui l’on pouvoit avoir
des obligations. Ainfi, il fuffit que Y avocat, qui fe
trouve gratifié dans le teftament de fon client ,
-jouiffe de la réputation d’un homnie de bien , &
qu’il ne ,-paroifîb ou qu’on ne puiffe prouver aucune
fuggeftion de fa part, pour qu’on ne doive S
point le priver de la libéralité qui lui eft acquife. |
Deux arrêts, des 7 mars 165 2 & 12 mai 175 5 , j
l ’ont ainfi jugé. Un autre arrêt du 8 mars 1769 ,
rendu fur les condufions de M. Seguier , avocat-
général , a pareillement jugé , d’après les mêmes
principes , qu’un avocat avoit pu recevoir un diamant
de 900 livres , qui lui avoit été légué par
fon clienr.
Défenfes aux avocats d’acquérir des droits litigieux.
A l’égard des droits litigieux , il eft expreffément
défendu aux avocats de s’en rendre ceffionnaires ;
outre que les ordonnances , entre autres celle de
1629, le leur défendent.,ainfi qu’aux juges, c’eft
que rien ne feroit plus contraire à la nobleffe de
leur profeffion. La nullité d’iinë pareille ceffion ,
ne fouffriroit aucune difficulté ; 8c Y avocat ceffiôn-
naire feroit dans le cas, non-feulement de la radiation
, mais,encore de l’interdiftion. Il n’en feroit
pas de même, s’il avoit un intérêt particulier à cette
ceffion. Il ne leur eft pas permis non plus d’entrer
en marché avec leurs cliens pour lés défendre :
Une conduite pareille feroit tout-à-fait repréhenfible.
. W aSes f ur l’exercice de la profeffion d’avocat. Lorf-
qué les avocats' au parlement fe retirent dans quelque
fiège du reffort pour y exercer la profeffion,
ils ne doivent avoir rang au . tableau , qu’à compter
de l’année qu’ils ont été placés fur celui des
avocats de la cour d’où ils 's’éloignent. Quelques-
uns prétendent qu’ils ont ce rang , 'à compter de
la date de leur preftation de ferment ; 8c nous pen-
fons que cela doit être ainfi : c’étoit même la jurifprudence
ancienne. M. Prévôt , dans une conful-
tation , en rapporte plufieurs arrêts conformes
mais on cherche aujourd’hui à établir un ufage
contraire, fous le vain prétexte qu’il pourvoit arriver
qu’un fujet, qui fe feroit borné à la preftation
du ferment fans avoir jamais exercé , en demandant
à fe faire' infcrire au tableau d’un fiège , primeroit
les anciens, de l’ordre , qui feroient déjà , par un
long exercice, en poffemon d e . leur état.
Comme il arrive fouvent que les avocats attachés
à un fiège j fe contentent d’une preftation dè
ferment devant les officiers de ce fiège, il ne s’enfuit
pas que ceux qui ont enfuite prêté ferment au
parlement , doivent l’emporter fur ceux qui ne l’ont
prêté que devant ces officiers. Ceux qui fe trouvent
les plus anciens dans le fiège , conforvent
leur rang, d’ancienneté fur ceux qui n’ont prêté
ferment qu’après eux au parlement.
Lorfqu’un avocat quitte le fiège , on I’ôte du
tableau par omiffion, 8c non point par radiation •
& f i , dans la fuite , il s’y repréfente, on lui donné
le même rang qu’il avoit auparavant, à moins qu’il
n’ait dérogé pendant cet intervalle.
Les avocats ne font ordinairement aucune difficulté
de recevoir parmi eux un procureur , qui a
exercé , dans le même tribunal qu’eux , fon état
avec honneur. On prétend même qu’au parlement
de Normandie, lorfqu’un procureur a vingt ans de
récéptron 8c qu’il renonce à fon office , il peut
- paffer au ferment d’avocat de plein droit, fans qu’il
lui faille des licences prifes dans une faculté ; mais
on ajoute que ce titre eft purement honoraire pour
eux , 8c qu’ils, ne font aucun exercice de la profeffion.
Anciennement la chofe fe pratiquoit ainft
au parlement, de Paris-; mais depuis qu’on a exigé
des grades , pris dans une univerfité , les procu-,
reurs font obligés. de fe faire graduer. ■
Lorfqu’un avocat , fur le tableau , a quitté le
barreau pour paffer à l’état de. procureur, 8c qu’en-
fuite il veut reprendre la profeffion d’avocat, il eft
dans le cas d’effiiÿer des difficultés. On 11e trouve
pas furprenant qu’un procureur , qui n’a jamais fait
d’autres fonélions que celles de fon état , paffé ,
dans la fuite , au barreau , quand fes talens l’y.
appellent ; mais on penfe différemment d’un avocat,
qui a abdiqué une profeffion noble qu’il exerçoit,
pour en embraffer une autre moins noble 8c moins
diftinguée. On préfume qu’il s’eft laiffé entraîner
par des motifs de cupidité, 8c dès-lçrs on fe croit
fondé à l’abandonner fans retour : ceci dépend absolument
de la délicateffe qui règne dans un fiège.
Les avocats au parlement de Paris ne refufent point
dè rétablir un confrère qui a été procureur ; mais