
Le bailleur peut aufli être garant d’un vice fur-
yenu depuis la convention, quoiqu’il n’eût point
été obligé de le garantir, s’il eût~exifté auparavant.
J’ai lo u é , par exemple , un appartement pour exercer
une profeifion qui exige un très-grand jour :
depuis la convention, on a tellement exhauffé les
bâti me ns qui font vis-à-vis de cet appartement,
qu’ils interceptent la plus grande partie du jour dont
j’ai befoin ; il eft certain qu’ils m’empêchent par-là
de jouir de l’appartement, & que je fuis en droit
de demander la réfolution du bail ; au contraire ,
le bailleur ne feroit aucunement garant de cet inconvénient,
s’il eût exifté dans le temps de la
convention, parce que je ferois cenfé en avoir eu
connoiffançe.
Engagement du bailleur, formés par la bonne foi. La
bonne foi qui doit régner dans lé contrat de louage,
oblige le bailleur de faire connoître au preneur les
qualités de la chofe qu’il lui loué, & les défauts
qu’il préfume pouvoir l’empêcher de la prendre à
bail. Ce feroit y manquer que de louer, fans en avertir
, une maifon dont la fituation feroit nuifible à
la fanté, ou qui auroit d’autres défauts, auxquels il
feroit impoflible de remédier. Il en feroit de même
de celui qui loueroit une maifon pour férvir d’hôtellerie
, qui fauroit que la route doit être changée
fous peu de temps , Sc qui n’en donneroit pas con-
noiffance au preneur.
La bonne roi exige auffi du bailleur, qu’il n’exige
pas du preneur un prix qui excède la jufte eftima-
tion de la chofe. On ne peut, à cet égard, donner
aucune règle fixe. Ce jufte prix varie fuivant
les çirconftances , & l’affeélion que les contraéfans
mettent à la chofe. La loi civile n’accorde aucune
refcifiôn, quand bien même la léfion feroit confi-
dérable, & ce n’eft que par rapport au for intérieur,
que le bailleur doit examiner fi dans le bail de la
chofe, il n’a pas excédé lé jufte prix, eu égard aux
lieux & aux circonftances.
La bonne foi veut enfin que le bailleur rembourfe
au preneur les impenfes néceffaires qu’il a faites
pour la chofe louée. Par exémplé , celui qui a pris
à loyer un cheval, eft tenu des frais de nourriture ;
mais s’il tombe malade fans fa faute, le bailleur eft
tenu de lui rendre tout ce qu’il en a coûté pour le
faire guérir, ainfi que la nourriture , pendant le
temps qu’il n’a pu s’en fervir. Il n’eft même pas
néceffajre que le preneur ait donné avis au bailleur
-de la maladie du cheval, il fuffit qu’il lui donne
des preuves qu’il ait été malade, 'fans qu’il y ait
eu de fa faute.
Engagement réfultans des claufes du contrat. Le locateur
eft tenu d’exécuter à la lettre toutes les claufes
inférées dans un bail. Ainfi dans le cas où il auroit
Joué une métairie compofée d’une certaine quantité
d’arpens de terre, il eft obligé d’en fournir la me-
fure ; & s’il ne le fait pas, il doit accorder au
fermier une diminution fur le prix de fon bail, proportionnée
à ce qui lui manque. Par la même rai-
fon j fi le bailleur s’eft engagé à bâtir une grange
& qu’il n’exécute pas fa convention , il eft tenu â
des dommages & intérêts. Il en eft de même de
toutes les efpèces de claufes qu’on peut fuppofer.
S e c t i o n V I I I .
Des engagement du preneur.
Première obligation : le preneur ejl tenu de payer le
prix du loyer. Le principal engagement du preneur
eft l’obligation de payer au bailleur le prix convenu
pour la jouiffance de la chofe louée.
Lorfqu’on n’a pas exprimé par le baildes termes
auxquels le loyer doit être payé, il faut fe conformer
là-déffus à la coutume ou à l’ufage des lieux.
Quelquefois ori le paie chaque année, en une feule
fois ; quelquefois on le divife en deux paiemens ;
d’autres fois on le paie par quartier, &c. A Paris,
par exemple, les loyers de maifon fe paient en quatre
termes, de trois mois chacun.
Les loyers doivent fe payer au bailleur dans le
lieu convenu par le bail. S’il n’y a point de convention
particulière à cet égard, c’eft au domicile
du preneur que le paiement doit être fait, fur-tout
s’il s’agit d’un paiement en grains, ou quelque autre
denrée qu’il faille voiturer.
Si par le bail on étoit convenu que des fermages
en grains ou autres denrées feroient conduits par
le preneur au domicile du bailleur, & que celui-ci
allât réfider dans un lieu beaucoup plus éloigné que
celui qu’il habitoit dans le temps du bail, le preneur
ne feroit point obligé de conduire les fermages
au nouveau domicile , parce qu’en contrariant il n’a
pas dû compter fur cette augmentation de dépenfe ;
c’eft pourquoi le bailleur doit, en cette circonftance,
indiquer un endroit dans le lieu de fon ancien domicile
, où le preneur puiffe conduire & faire recevoir
fes fermages.
Le défaut de paiement des loyers fuffit pour donner
ouverture à la réfolution du bail, quand même
les parties auroient ftipulé que cette réfolution ne
pourroit avoir lieu dans aucun cas : c’eft une dif-
pofition de la loi Qutzro, §. inter locàtorem D.locat.
cond.
La même loi fixe à deux ans le temps o ù , faute
de paiement, le preneur peut être expulfé : l’ufage
a depuis fixé ce délai à deux termes, fans-compter
le courant ; ainfi lorfque le loyer doit s’acquitter tous
les fix mois, le preneur qui néglige de payer, peut
être expulfé au bout d’un an. Si les termes font
courts, comme à Paris, on en accorde trois ; àinfi
le preneur, pour défaut de paiement, ne doit être
expulfé qu’après neuf mois, chaque terme étant de
trois mois.
Si les meubles qui garniffent les lieux ne font
pas fuffifans pour répondre du lo yer, le preneur
peut être obligé à réfilier le bail.
A Paris, pour que les meubles foient eenfés fuffifans,
il faut qu’en les vendant par autorité de jiif-
ti.ee, on puifle en tirer au moins le montant d’une
année de loyer, non compris les frais de vente.
Dans d’autres villes, fi fuffit qu’il y en ait affe2
pour répondre d’un terme. A Orléans, les lieux ne
font eenfés garnis fuffifamuient, qu’autant que les
meubles peuvent affurer le paiement de deux termes:
c’en ce qui réfulte de l’article 417 de la coutume
, lequel eft ainfi conçu
u Le locataire qui n’a de quoi payer, ou qui ne
» garnit l’hôtel de biens meubles pour le paiement
n de deux termes de lo y e r, en peut être expulfé
» & mis hors par ledit feigneur d’hôtel, avec au-
■ n torité & permiffion de juftice ».
On voit, par cette difpofition, que le bailleur qui
prétend que les lieux ne font pas garnis fuffifam-
■ ment „ doit faire affigner de preneur pour le faire
condamner à quitter la maifon, faute par lui de
l’avoir garnie de meubles : fi le locataire foutient
qu?elle eft garnie fuffifamment, le juge doit en ordonner
la vifite ; ainfi c’eft de ce préliminaire que
dépend le jugement définitif. S’il paroît par le procès
verbal de vifite, que les lieux ne font pas fuffifamment
garnis, on permet au bailleur d’expulfer
le preneur, & de difpofer de la maifon comme
bon lui femblera.
Obfervez toutefois que, quoique le preneur n’ait
pas des meubles en fuffifance pour répondre des
loyers, il peut néanmoins empêcher la réfolution
du bail, en offrant de payer d’avance le terme prochain,
ou en donnant au bailleur bonne & fuffi-
fante caution.
Il y a même des cas où le juge peut s’écarter
de cette règle, comme fit le parlement de Paris en
1759.» entre un particulier de cette ville & un joueur
de marionnettes.
Le particulier qui avoit loué une maifon fur le
boulevart au joueur de marionnettes , voulut obliger
celui-ci à fortir ou à garnir de meubles la mài-
fon , pour fûreté du loyer : le joueur de marionnettes
répondit qu’il n’avoit pas déguifé fon état
au bailleur , ni l’ufage qu’il prétendoit faire de la
maifon louée, & qu’il ne devoit pas être obligé
à garnir cette maifon d’autres meubles que de (es
marionnettes : le châtelet n’admit pas les défenfes
-de rhiftrion , & le condamna.; mais le parlement
infirma la fentence , & débouta le bailleur de fa
•demande, à la charge par le preneur de payer le
loyer à l’échéance.
Privilège fur ies meubles. Si les meubles qui garniffent
la maifon n’appartiennent pas au preneur, mais
■ à des tiers, le bailleur aura-t-il un privilège fur ces
meubles pour < être payé du loyer ? La réponfe eft
que dans la règle , il peut exercer fon privilège fur
tous les meubles qui gamifTent fa maifon, foit qu’ils
appartiennent au preneur ou à d’autres perfonnes.
Cela eft ainfi établi afin que les bailleurs ou propriétaires
qui, pour aflùrer le paiement des loyers ,
comptent fur les meubles dont les lieux font garnis,
ne foient point abufés dans leur efpérance. -,
D’après cette décifion, celui à qui appartiennent
les meubles dont une maifon eft garnie, eft cenfé
avoir tacitement confenû qu’ils fufTent obligés au
loyer, puifqu’il n’a pas dû ignorer que tout ce qui
garnit une maifon, eft afîùjetti à cette obligation.
Àinfi, lorfqu’ayantioué une maifon , je la garnis des
meubles que me prête un marchand, ces meubles
répondront du loyer comme s’ils m’appartenoient :
c’eft pourquoi fi le bailleur vient à les faire faifir, le
marchand n’en obtiendra pas la récréance ; il aura
feulement une a&ion contre moi pour me faire condamner
à les lui payer.
Il eft néanmoins des cas où le privilège du bailleur
ne doit point avoir lieu fur les meubles qui
garniflênt la maifon. i°. Lorfqu’il eft juftifié que
ces meubles ont été volés, ils doivent fans difficulté
être rendus à celui auquel on les a volés ; la
raifon en eft que .c’eft contre fon intention que ces
meubles fe font trouvés garnir la maifon louée.
De même, fi un marchand a vendu des meubles
au preneur,'fans fixer un terme pour les payer, &
qu’ils aient été portés dans la maifon louée, le marchand
doit en obtenir la récréance, s’il ne tarde
pas à les réclamer ; la raifon en eft qu’il n’a con-
fenti à ce que ces meubles fuffent enlevés, que dans
l’efpérance qu’il en recevrait le prix fans délai; mais
s’il avoit tardé durant un certain temps à réclamer
ces meubles, il feroit alors cenfé avoir fait crédit
à l’acheteur, & ces meubles répondraient du loyer,
& des autres obligations du bail.
il; faut obferver ici que le privilège du bailleur
ne s etend pas à tous les meubles qui font dans la
maifon louée ; il ne peut être exercé que fur ceux
qui paroifient y avoir été mis pour la garnir ou pour
y être confommés : c’eft la décifion de la loi 7, §. /,
jf. in quibtts caufs pignus, vel hypotheca tacite con-
trahitur. .
D ’après ce principe, Auzanet & plufieurs autres
ont fort bien décidé que le privilège du bailleur ne
pouvait être exercé fur l’argent comptant qui fe
trouvoit dans la maifon louéë ; la raifon en eft qu’on
ne peut pas dire que le preneur ait mis cet argent
dans la maifon pour la garnir.
Il faut appliquer la même décifion aux billets ou
obligations qui établifient ce qui peut être dû au
preneur ; il eft clair que les pièces juftificatives d’une
creance ne peuvent pas être confidérées comme des
meubles qui garniffent la maifon louée.
Le privilège du bailleur ne peut pas s’exercer non
plus fur les effets qui ne fe trouvent dans la maifon
que pour quelque,caufe particulière, & non pour
la garnir ; ainfi lorfque le preneur eft un aubergifte,
le bailleur n’aura aucun droit fur les malles & les
autres effets que les voyageurs pourront avoir dans
l’auberge : il en fera de même de la pendule mife
chez un horloger pour la régler ; du damas donné
à un tapiffier pour couvrir des fauteuils ; d’une commode
envoyée à l’ébénifte pour la raccommoder;
& de toutes lès autres chofes qui fe trouveront dans
la maifon louée, lorfqu’il paroîtra qu’elles, n’y ont
pas été mifes pour la garnir.
C ’eft par les mêmes principes que le bailleur n’a
aucun privilège à exercer fur les meubles mis en