
lorfqu il en avoit obtenu la permiffioft du préteur,
à qui il falloit qu’il préfentât requête pour cet effet.
Cette formalité avoit lieu , pour que le préteur re-
fufât Yaccufation qui feroit intentée par les efclaves,
les affranchis & les infâmes, contre leurs maîtres,
leurs patrons , ou quelques autres perfonnes. Le
préteur pouvoit également rejetter Yaccufation formée
contre un ambaffadeur, un abfent ou un ma-
giflrat en charge. Enfin l’objet de cette requête étoit
que le juge , avant d’admettre Yaccufation, pût examiner
fi elle étoit recevable, eu égard à la qualité
de l’accufateur & de l’accufé. Mais quand il n’y avoit
point d’obftacle à ce que Yaccufation fût reçue, la
partie s’infcrivoit en dépofant ion libelle (Yaccufation
entre les mains du greffier. Alors le juge don-
noit une permiffion de faire affigner la partie ac-
cufée ; cette affignation n’étoit pas pour venir plaider,
mais feulement pour conftater le chef (Yaccufation
en préfence de l’accufé. Le défendeur pouvoit
propoler des fins de non-recevoir, s’il en avoit
quelques-unes. Mais s’il fe reftreignoit à confeffer ou
à nier le fait , le préteur fixoit des délais pour
faire les preuves. On venoit enfùite plaider; &
c’étoit alors que commençoit véritablement Yaccufation,
Depuis le premier moment de Yaccufation, l’accufé
étoit uniquement occupé du foin de fe défendre :
il ne paroiffoitplus en public avec fes habits ordinaires;
il fe revêtoit d’une robe de deuil, & alloit mendier
les fuffrages de fes juges, en tâchant de les attendrir
par un extérieur capable d’exciter la compaffion.
Mais comme c’eût été là une foible reffource pour
le juftifier d’une accufation grave & bien fondée,
l’accufé prenoit des défenfeurs à qui il confioit fes
intérêts. Un accufé avoit ordinairement quatre défenfeurs.
Le premier étoit appellé patronus; & c’étoit
lui qui plaidoit la caufe. Le fécond étoit nommé
advocatus, fa fonction confiffoit à affifter à la plaidoirie,
& à fournir les moyens de défenfes. Le troi-
fième & le quatrième font indiqués par Afconius
Pædianus, fur la première Verrine de Cicéron, fous
les noms de procurator & de cognitor.
Après les délais expirés, lorfqu’on en étoit venu
au jour auquel l’acCufateur & Faccpfé dévoient fe
préfenter devant le juge , on les affignoit l’un &
l ’autre : fi l’accufé refùfoit de comparoître , on le
condamnoit par défaut : f i, au contraire, c’étoit
l’accufateur qui ne fe préfentoit pas, on efiâçoit
le nom de l’accufé du regiftre des accufations, &
on le renvoyoit abfous. Mais lorfque les deux parties
fe trouvoient à. l'audience, l’accufateur décla-
roit le genre d’aftion fuivant lequel il vouloit pour-
fuivre F accufé ; & après avoir entendu les parties,
on procédoit à l’audition des témoins, & à l’examen
des preuves par écrit.
Le terme S accufation n’avoit même lieu qu’à l’égard
des crimes publics : la pourfmte d’un délit particulier,
s’appelloit fimplement adlion. Au ré fie c h e z les Romains
Yaccufation ne portoit aucune efpèce d’atteinte
àlaccnfé^ lorfqu’ü avoit été renvoyé abfous ; Phiftoire
t'apporte que Caton le plus honnête homme
de fon fiècle, avoit été accufé quarante-deux fois ,
& abfous autant de fois.
J)e la forme de Vaccufation dans notre jurifprudence.
Dans cesfièdes d’ignorance où tout fe décidoitpar
la force , lorfque Yaccufation étoit grave, ou elle fe
décidoit par le combat, ou on obEgeoit l’accufé à
fe purger par ferment : ferment qui néanmoins ne
fumfoit pas feul, à moins qu’un certain nombre des
parens de l’accufé ou de fes voifins , ou de fes
connoiffances, ne juraffent conjointement avec lui.
Mais la voie du combat étoit la plus ordinaire, &
c’eft fans doute par une fuite de cet ufage, qui a
été long-temps en vigueur dans l’Angleterre , qu’on
y nomme encore aujourd’hui l’accufateur appellant9
& l’accufé appellé.
Dans nos moeurs aéluelîes, Yaccufation publique
ne peut avoir lieu qu’à la requête des procureurs du
ro i, ou des procureurs fifcaux des feigneurs, lorf-
qu’il s’agit de crimes dont la connoiflance appartient
aux juges laïques, & à la requête des promoteurs
, pour les délits qui font de la compétence
des tribunaux eccéfiaftiques. Il eft cependant vrai que
celui qui a un intérêt légitime à la recherche d’un
crime, a , de même que la partie publique, le droit
d’accufer, & qu’il eft véritablement accufateur ; car
quoiqu’il n’agiffe que pour obtenir en fa faveur une
condamnation de dommages, & non pour la vindicte
publique, il fuit la même forme & la même
procédure que la partie publique , pour obtenir l’a
preuve du crime & de fon auteur.
Ainfi, Yaccufation formée , foit par l’offenfé , foit
par le procureur du roi, fe fait par un aéle au greffe
ou une requête préfentée au juge qui a droit d’en
Connoître : cet a â e , que l’on nomme plainte, eft le
premier de l’aélion criminelle, & le principal de
I la procédure : il doit contenir le nom & la qualité
du plaignant, l’efpèce de crime que l’on pourfuit,
le lieu où il a été commis, & même le temps : fa
plainte néanmoins feroit bonne , quoique le lieu du
délit ne fût pas fpécifié, parce que cette omiflïon
peut être fuppléée par les informations. Mais il
n’eft pas néceffaire qu’elle contienne le nom de l’accufé
, il eft fuffifamment défigné par le mot de quidam
: ce font les informations qui le font connoître;
car fouvent on ignore le nom de l’auteur d’un crime
commis pendant la nuit : mais les faits doivent être
bien eirconftanciés, fans obfcurité & fans équivoque.
La plainte donnée par un a61e au greffe, doit
être écrite par le greffier, & fignée du plaignant.
Si elle eft faite par requête, elle doit être également
fignée du plaignant & de fon procureur ; & dans
l’un & l’autre cas, on doit fpécifier fi le plaignant
ne fait ou ne peut figner.
Après la plainte rendue, & fur les conduirons
du miniftère public, lorfque Yaccufation eft commencée
par la partie civile feule, le juge ordonne
que les témoins feront entendus; d’apres leurs dé-
pofitions, il décrète l’accufé, fuivant la nature des
charges j ou d’affigné pour être ouï, ou d’ajournement
perfonnel , ou de prife* de corps. Il lui fait
fiibir enfuite autant d’interrogatoires qu’il le juge néceffaire
, & d’après cette procédure -, lorfqu il s eft
affuré de la nature du délit, que l’accufe lui parott
fùfpeél d’en être Fauteur, il paffe au réglement du
procès, c’eft-à-dire, que dans ce moment le juge
déclare qu’il y a lieu de fuivre la voie extraordinaire
, ou de renvoyer les parties a fins civiles, &
en procès ordinaire. Lorfque les _ charges paroiffent
concluantes , & que le crime mérité une peine infamante
©u affiiâive , il ordonne qu’il fera paffé au
recollement & à la confrontation des témoins. T el
eft l’ordre & la marche de Yaccufation, Il fuffit d’en
donner ici cette courte notion: chacune de fes parle
s fera développée fous le mot qui lui eft propre.
Quels font les délits pour lefquels il y a lieu à Vaccufation
? Il y a lieu à Yaccufation publique dans tous
les délits graves où le public eft offenié, & contre
lefquels la loi prononce des peines affli&ives ou infamantes
; mais fi le délit eft léger, & n’eft pas de
nature à mériter Fanimadverfion publique, ces officiers
ne font point obligés d’agir, & même ils doivent
garder le filence. Il eft donc très-important
qu’ils fâchent diftinguer les délits que la loi exige
qu’ils pourfuivent, de ceux qui n’intéreffent pas le
public , & où leur miniftère n’eft point requis.
Les délits qu’ils doiventpourfuivre font, i°.tous
ceux qui offenfent la majefté divine , tels que l’hé-
réfie, le blafphême, lé parjure , le facrilège, l’abus
des facremens, le trouble fait au fervice divin , dans
Je cas feulement où il y a fcandale public, fédition
ou violation d’une loi du prince : car, comme
î’obferve avec raifon M. Vermeil, dans fon EJfai
fur la légijlation criminelle, chap. 5 , ces efpèces de
délit,- par rapport à l’ordre focial, ne doivent pas
être appréciés de la même manière que le péché
vis-à-vis de Dieu, & il ne faut pas , par excès de
zèle pour la religion, punir rigoureufement des fautes
dont Dieu s’eft réfervé la vengeance.
. a0. Les délits qui offenfent le fouverain, tels que
les crimes de lèfe-majeftè, la fabrication & expo-
fition de fauffe-monnoie, les levées de troupes fans
commiflion du ro i, les affemblées illicites, les fé-
ditions & émotions populaires, les malverfations &
prévarications d’officiers dans leurs fonétions, le
péculat, le crime de concuffion , la rébellion aux
ordres & mandemens du roi & de la juftice, le
recélement des voleurs & gens condamnés & décrétés
par la juftice, les entreprïfes de c.eux q u i,
par violence, empêchent l’établiffement des gardiens
& commiffaires, ou l’exécution des juge-
mens, &c.
. 3 °. Tous les crimes qui troublent l’ordre & la
tranquillité publique, tels que le vol avec violence,
le délit de ceux q u i, par force ou à main armée,
chaffent les particuliers des biens qu% leur appartiennent
, ou dont ils font en poffeffion ; qui em-
prifonnent ces particuliers, les frappent, les maltraitent
, les engagent par force 8c violence au fervice
du roi , enlèvent des femmes ou filles, &c,'
l’ufurpàtion des dixmes & des biens des bénéfices,
les monopoles, le duel, l’ufure, la polygamie , l’in-
cefte, les crimes contre nature , le maquerellage ,
la proftitution publique, l’expofitîon d’enfans, le
recélement de groffeffe , l’enlèvement de bornes,
la fouftraétion des titres des biens des villes & communautés
, faite par les feigneurs , dans la vue des
s’emparer de ces biens, &c.
4°. Différens délits privés, tels que l’homicide ,
le larcin, le recélement des chofes volées, l’abi-
géat, les banqueroutes frauduleufes , le faux, le
ftellionat, l’incendie , le v io l, les blefîùres notables
, l’impéritie groffière, les libelles diffamatoires ,
Yaccufation calomnieufe, &c.
U accufation publique n’a pas lieu en matière d’adultère
, à moins que le mari ne favorife la débauche
de fa femme.
Il en eft de même des délits légers, tels que feroit
le vol d’un chien.
Le miniftère public ne doit point agir non plus
contre un enfant qui a volé fon père, ni contre
une femme quia volé fon mari; mais les complices
peuvent être pourfuivis criminellement.
Le recélement fait par une veuve ou par des héritiers
des biens d’une communauté ou d’une fuc—
ceffion , ne peut être pourfuivi que par la voie civile;
mais on peut agir extraordinairement contre
les tiers ou complices.
Les délits des intendans , receveurs , fermiers ou
autres qui diffipent les deniers de leur maniement
ourecette, ne peuvent être pourfuivis criminellement
pour raifon de cette diffipation , à moins toutefois
qu’il ne foit queftion des deniers royaux.
Les aubergiftes , dans la maifon defquels on a
volé les chofes qu’on leur avoit confiées, ne peuvent
être pourfuivis que civilement pour raifon de-
ces v o ls , à moins qu’ils n’y aient participé par eux-
mêmes. Il faut en dire autant des voituriers, fur la
voiture defquels on a volé les effets qu’ils s’étoient
chargés de conduire.
Les déEts commis par des animaux, comme des
chevaux , des boeufs, des chiens , &c. ne peuvent-
être pourfuivis que civilement contre les maîtres-
de ces animaux, à moins que ces maîtres ne lésaient
excités, ou qu’il n’y ait eu de leur part une-
négligence groffière.
Lorfque le délit eft de nature à faire prononcer
quelque peine affiiétive, le miniftère public eft obligé
d’agir, quand même la partie offenfée auroit tran-f
figé avec le coupable. C ’eft ce qui réfulte de l’article
19 du titre 25 de l’ordonnance de 1670.
Il n’eft pas néceffaire qu’il y ait des preuves convaincantes
pour fermer une accufation publique ;
il fuffit d’avoir des raifons apparentes pour déférer
le crime à la juftice.
Uaccufaûon peut avoir lieu pour raifon de plu-
fieurs crimes en même temps contre le même accufé
, ou pour raifon du même crime contre plusieurs
accufés, ou pour raifon de plufieurs crime#
P a