
dant lequel vous jouirez, votre jouiffance fera
tacitement fixée à deux années.
S e c t i o n V.
Du prix du bail.
On appelle loyer ou fermage, ce que le preneur
rend pour la jouiffance des chofes énoncées au
bail. Ce loyer fait une partie effentielle de la convention
: c’eft par-là que le contrat de louage eft
diftingué du prêt à ufage. Si l’on cédoit la jouiffance
gratuitement, les difficultés qui pourroient furve-
nir entre les parties , fe décideraient félon les
principes relatifs au prêt.
Le prix ou loyer des chofes données à bail,
confifte ordinairement en argent ; quelquefois auffi
le preneur donne pour loyer une portion des
fruits recueillis fur les terres louées. Quelquefois
encore on ftipule que le preneur donnera chaque
année au bailleur , pour prix du bail, une certaine
quantité de v in , de bled, de bière, de volailles
ou d’autres denrées.
Quand le prix du bail n’égaleroit pas la valeur
de la jouiffance de la chofe louée, la convention
ne s’en exécuteroit pas moins. En cela , le contrat
de louage diffère de celui de vente. On fait que
le vendeur peut faire annuller la vente, lorsqu’elle
a été faite pour une fomme au-deffous de la moitié
du jufte prix ; mais quelque confidérable que foit
la lefion dans le contrat de louage, elle ne peut
pas le faire réfoudre, à moins quelle ne foit accompagnée
de quelques circonftances particulières,
telles que le dol ou l’erreur. La raifon en eft, que
l’incertitude de la valeur des revends du temps
avenir, peut mettre un jufte équilibre entre la condition
du bailleur & celle du preneur ; d’ailleurs,
Suivant les principes du droit françois , atteftés par
Mazuet & par Dumoulin, la lézion d’outre moitié
du jufte prix ne donne pas ouverture à la refti-
tution, relativement aux aliénations de meubles :
or , la léfion d’un bail ne peut-avoir pour objet
que des fruits qui font quelque chofe de mobilier;
ainfi il faut appliquer à ce cas les principes dont
on vient de parler.
Plufieurs coutumes ont des difpofitions conformes
à cette jurisprudence. Cependant la coutume
de Bretagne a adopté une règle différente. Elle au-
tôrife la refcjfion des aliénations de meubles, pourvu
que l’objet vaille plus de cent livres.
Il y a des cas où le prix du bail eft tacitement
.convenu ou fous-entendu, & alors les parties peuvent
fe difpenfer de l’exprimer dans la convention
fans qu’il puiffe en réfulter aucun inconvénient. A
Paris, par exemple, où le prix du loyer d’un car-
roffe de remife eft de,douze livres par jour, non
compris vingt-quatre fous pour le cocher ,'il eft
en quelque forte inutile de parler de ce prix dans
la convention, parce -qu’il eft cenfé connu des
parties, & qu’elles ont entendu qu’il fe paierait
félon l’ufage. _
Se c t i o n VI.
Du confentement des parties.
Nous avons dit que le bail eft un contrat co«î
fenfuel ; d’où 11 fuit qu’il n’eft valable que lorfquc
les parties ont véritablement donné leur confentement
fur les objets qui forment la fubftance de ce
contrat. Ainfi il eft néceffaire qu’il intervienne ua
confentement formel, tant de la part du bailleur
que de celle du preneur, fur la qualité "de la chofe
louée, fur l’efpèce d’ufage pour lequel elle eft louée ,
& fur le prix du loyer.
i°. De ce que le confentement doit être certain
par rapport à la chofe louée, il fuit, i \ que le bail
eft nul, fi le bailleur entend louer une pièce de
terre, & que le preneur ait l’intention d’en louer
une autre; a0, il en feroit de même, fi, par convention
, je vous loue un pré, & qu’il fe trouve
converti en terre labourable. Car on ne peut pas
dire que les parties aient été d’accord fur l’objet du
bail. Il en feroit autrement, fi -l’erreur ne regardoit
qu’une qualité accidentelle de la chofe louée, comme
dans le cas où un fermier auroit cru prendre à ferme
des terres de la meilleure qualité, & qu’elles fe
trouvent d’une qualité inférieure.
2°. C ’eft par la raifon que le confentement doit
intervenir fur l’ufage de la chofe fouée, qu’il n’y
a pas de contrat de louage toutes les fois que le
preneur fe fert de la chofe prife à loyer pour un
ufage différent que celui auquel' elle étoit deftinée
par le bail. Ainfi le bail d’une maifon n’exifte plus,
fi au lieu de la faire fervir à l’habitation, le preneur
l’employoit à loger des beftiaux ou des grains :
il en eft de même, fi je vous loue un cheval pour
fervir de monture, & que vous le mettiez à une
voiture. Dans ces cas, il y a même lieu à :des
dommages & intérêts en faveur du bailleur, s’il
n’a pu prévoir ou empêcher' l’abus que vous faites
de la chofe louée.
30. Il ne peut y avoir de doute que le conferi-
tement doit intervenir fur le prix convenu. Le bail
ne peut fubfifter fans un prix fixe & déterminé, pour
la compenfafion de l’ufage de la chofe louée ; or
ce prix n’exifte que lorfque les parties contractantes
font d’accord fur la fomme à laquelle il doit monter.
S e c t i o n V I I .
Des engage mens du bailleur 6* des allions qui en
naijfent.
Les obligations & engâgemens du bailleur naif-
fent ou de la nature du contrat, ou de la bonne
foi qui doit y régner, ou des conventions particulières
qui y font contenues.
Les engâgemens qui naiffent de la nature du
contrat peuvent fe réduire à quatre : i®. le bailleur
i eft tenu de livrer la chofe louée: a°. il ne doit
apporter aucun trouble à la jouiffance du preneur :
3®. il doit entretenir la chofe louée, de manière
que la jouiffance en foit réelle : 40. il eft obligé
de garantir que la chofe louée n’a aucun défaut
qui puiffe en empêcher l’ufage.
Premier engagement. L’obligation principale du bailleur
eft de délivrer au preneur les chofes louées,
afin que celui-ci puiffe en faire ufage.
Quand cette obligation ne feroit pas expreffément
énoncée dans le bail) le bailleur n’y feroit pas moins
fournis.
Il faut auffi que le bailleur délivre la chofe en
état d’être employée à l’ufage pour lequel elle a été
louée : fi c’eft une maifon, par exemple, le bailleur
doit la rendre habitable, & en remettre les clefs au
preneur : fi c’eft un cheval qu’on a loué pour le
monter, le bailleur eft tenu de le délivrer avec la
bride , la1 felle , &c.
Si le bailleur ne donnoit pas les chofes en bon
état, & telles qu’il les a promifes,il feroit tenu des
dommages & intérêts du preneur, & celui-ci pour-
roit faire réfoudre le bail.
De ce que le bailleur eft obligé de délivrer la
chofe louée, il faut conclure que cette délivrance
doit avoir lieu à fesfrais. C ’eft pourquoi, lorfque,
pour débarquer des marchandas, je loue, fur le
bord de la rivière, un ou deux arpens de terrein ,
c’eft au bailleur à payer les frais néceffaires pour me-
furer ce qui doit m’être délivré.
Mais,parce que la délivrance doit fe.faire aux frais
du bailleur, il ne faut pas en tirer la conféquence
que l’enlèvement des chofes louées, fi ce font des
meubles, doivent auffi fe faire à fes frais : c’eft au
contraire le preneur qui eft tenu de ces frais, à moins
toutefois que les parties n’en foient convenues autrement,
ou qu’il n’y ait un ufage contraire. Ainfi
il fuffit que le preneur ne foit point empêché d’enlever
les chofes louées, pour que le bailleur foit
cenfé avoir rempli fon obligation.
Si, poftérieurement à la convention, le bailleur
tranfportoit la chofe dans un endroit d’où elle fut
plus .difficile à enlever que fi elle fut reftée dans
celui où elle étoit, lorfqu’elle a été laiffée à bail ,
ce cju’il en coûterait de plus qu’il n’eii auroit d’abord
coûté pour l’enleveraent, ne feroit pointa la charge
du preneur, mais bien à celle du bailleur. La raifon
en eft que la délivrance des meubles loués, devant
fe faire au lieu où ils font dans le temps de la
convention, c’eft de là que le preneur doit les enlever.
. Ü y a neanmoins des cas où l’on fuit une règle
différente : fi je loue, par exemple, chez un tapif-
*. <îes meu^ es pour orner un appartement, c’eft
a H1* a faire tranlporter ces meubles dans l’appar-
teme'nt, & à les y placer, à moins qu’il n’y ait une
convention contraire.
Le bailleur eft obligé de faire entendre au preneur
en quoi confifte la chofe qu’il loue, & d’en
expliquer les^ défauts, ainfi que tout ce qui peut
donner lieu à quelque erreur ou équivoque. C ’eft
pourquoi., f i , par exemple, il fe préfente quelque
difficulté relativement à l’étendue, à la fituation, aux
dépendances d’un appartement loué , tout ce qui
eft obfcur, s’interprète contre le bailleur. La raifon
en eft qu’il a dû, en louant fa chofe, s’expliquer
clairement.
Si, par le contrat de louage, il y a un temps fpé-
cifie pour la délivrance de la chofe louée, le bailleur
doit fe conformer à la claufe.
Si les parties ne fe font pas expliquées à cet égard ,
le bailleur doit délivrer la chofe louée, lorfque le
preneur la lui demande.
f A peu£ arriver que le preneur néglige de fe faire
délivrer la chofe louée, & que cependant le bailleur
veuille remplir fon obligation : dans ce cas, le
' bailleur peut fommer le preneur de faire enlever la
chofe au lieu ou- elle doit lui. être délivrée, & en-
fuite le frire afiigner pour voir dire que le loyer
en courra du jour de la fommation.
Ce que nous venons de dire, n’a point d’application
aux baux des majfons, ni à ceux des biens
de campagne. La raifon en eft que l’ufage détermine
le temps auquel le preneur doit entrer en jouiffance ,
quoique les parties ne s’en foient pas expliquées.
Allion qui naît de cette obligation. De. cette obliga-.
tion contrariée par le bailleur, réfulte une a&ion qu’on
appelle, en droit, a&iocondutii ou a&ioex conduElo,
par laquelle le preneur conclut à ce que le bailleur
ait à délivrer les chofes louées, finon qu’il foit condamné
aux dommages & intérêts caufé*. par fon
refus ou retard.
Le preneur peut exercer cette a&ion, tant contre
le bailleur que contre ceux qui le repréfentent en
qualité d’héritiers ou de fucceffeurs à titre universel
; mais, il n’a nul droit de l’exercer envers les
tiers-détenteurs des chofes louées, & qui la poffè-
dent à titre particulier. Ainfi, dans le cas où vous
m’auriez loué une maifon, & que vous vinffiez à
la vendre avant que j’y fuffe entré, je n’aurois nulle
aélion à exercer contre l’acquéreur, puifqu’il n’au-
roit contracté envers moi aucune obligation ; mais
je ferais bien fondé à vous affigner pour vous faire
condamner aux dommages & intérêts qui m’appartiennent
à caufe de l’inexécution de notre con-
vèntion.
Si j’étois entré en jouiffance de la maifon louée,
lorfque^ vous en avez fait la vente, l’acquéreur que
vous n’auriez point chargé d’entretenir le bail, 8c
qui voudroit jouir lui-même, pourrait fans difficulté
me donner congé, & je ferois obligé de fortir, : je ferois
par conféquent encore en droit de vous faire condamner
, dans cette circonftance, aux dommages &
intérêts réfultant de l’inéxécution du bail,
La même règle doit être fuivie dans le cas où
le bailleur loue la chofe à deux perfonnes différentes :
celle envers qui le bail demeure fans exécution ’ eft
bien fondée à prétendre des dommages & interets
contre le bailleur. '
Mais fi ces deux perfonnes demandoient chacune,
de fon côté, l’exécution du bail, à laquelle fou-
p p p p a - :