
tûmes, ainfi que nous venons de le voir, où il
n’eft point permis d’avantager fes enfans ou petits-
. enfans, au préjudice les uns des autres. Cette prohibition
eft fondée du moins fur des motifs appa-
rens d’équité, en ce qu’il eft naturel de conferver
l’égalité parmi ceux que la nature a rendus égaux
entre eux, Sc d’éviter ainfi tout fujet de haine
& de jaloufie. Mais il eft finguïier que, dans d’autres
coutumes, comme dans celle de Poitou, on
ait étendu cet efprit d’égalité à la ligne même collatérale
, & qu’il foit défendu, dans ces coutumes,
d’avantager ion héritier ou l’héritier préfomptif de
fon héritier, au préjudice ' des autres, fi ce n’eft
Ou d’une certaine nature de biens, ou d’une certaine
quotité. Cependant, quoique les difpofitions
de ces coutumes s’exécutent à la rigueur, la prohibition
n’jift pas telle qu’on doive généralement
fufpeéter de fraude tous les aétes qui fe patient
entre parens, héritiers prochains ou immédiats. On
ne veut pas que le foupçon foit porté au point
qu’ils ne puiffent faire enfemble valablement tout
ce que les hommes font entre eux dans le commerce
de la vie, ils peuvent fe rendre acquéreurs
les uns des autres, contracter des fociétés , & même
il- eft naturel que lorfqu’on a befoin d’argent, on
l’emprunte » plutôt d’un parent-que d’un étranger.
Ainfi, lorfqu’il» s’agit de l’exécution des aétes qui
ont pu avoir lieu entre eux, on n’eft pas facilement
reçu à les arguer de fraude. Que >’aie prêt®
line certaine fomme à un de mes parens dont je
me trouve aujourd’hui l’héritier avec d’autres parens
, fi mon prêt eft conftaté par écrit, ces autres
parens ne font pas^rèdevables à demander à faire
preuve au* préjudice de cet écrit, que le prêt n’a
point été fait, & que cet écrit n’a eu lieu que
pour m’avantager d’autant dans les biens de la
fucceffion. La règle qui veut qu’on n’attaque point
des écrits par des preuves teftimoniales, eft en
pareil cas en ma faveur.
Il en feroit différemment, fi de l’écrit même on
pouvoir induire des foupçons de fraude ; s’il étoit,
par exemple, d’une date voifine de la mort du
parent, ou que le terme du paiement fût porté à
une époque fi reculée, qifil ne dût naturellement
écheoir qu’après la mort de ce parent, ou que le
prétendu débiteur jouît notoirement d’une fortune
& d’une aifance telle qu’il eût pu fe paffer de
faire l’emprunt, & qu’il ' parût au contraire que
l ’héritier porteur de l’écrit n’étoit pas affez bien
dans fes affaires pour faire un prêt pareil : toutes
ces circonftances réunies pourraient faire ferifation,
& il refteroit alors au créancier de prouver:plus
particuliérement la réalité du prêt ; mais dans le
doute, la caufe du créancier feroit toujours la plus
favorable, en affirmant qu’il a réellement débourse
le montant de l’obligation.
Il faut obferver que la fraude ne fe préfume pas
auffi facilement en ligne collatérale qu’en ligne
directe ; on eft moins porté à favorifer des parens
éloignés que fes propres enfans : c’eft pourquoi il
faut des indices plus marqués dans une efpèce que
dans l’autré. ,
S e c t i o n I I I .
Des avantages prohibés par la qualité des ^perfonnes.
Dans le cas où il eft permis detre libéral, il
*ne fuffit pas dun a été de libéralité pour conclure
auffi-tot que cet a61e doit avoir fon exécution. Il
faut que ce même aéte porte tellement le cara&ère
d une*volonte libre , que rien nè puiffe en faire
douter ; & cette liberté devient facilement fufpeéte,
lorfque 1 aéte. qui femble l’indiquer , fe rapporte à
des perfonnes qui avoient un certain empire fur
l’efprit de ceux qui ont exercé les .libéralités dont
il s agit. Dans le droit écrit, comme dans le droit
coutumier , il eft de jurifprudence reçue , qu’il
fuffit que 1 aéte foit en faveur d’une perfonne pr'o-
hibéf, pour que, fans autre examen, il foit déclare
nul 6t comme non avenu, à moins que de
fortes circonftances ne déterminent à penfer différemment.
V oici quelles font les perfonnes auxquelles
parmi nous il eft défendu de recevoir des libéralités
de ceux fur lefquels elles font préfùmées avoir
un certain afeendant.
i . Les tuteurs à l’égard de leurs pupilles. Il eft
certain qu’on a toujours regardé les tuteurs comme
maîtres de la volonté de leurs pupilles, & dès-
lors., on a cru qu’il feroit extrêmement dangereux
'dautorifer les libéralités que ceux-ci leur feroient;
anffi ne fait-on aucune difficulté de Regarder ces
mêmes libéralités comme nulles, & de condamner
les tuteurs a s en défifter. Le pupille auroit même
atteint fa pleine majorité, que la chofe feroit égale,
à moins que le tuteur n?eut rendu fon compte &
remis les pièces juftificatives. Le mineur eft toujours
regardé comme mineur, jufqua un compte
parfait & confommé. On a même jugé que le tuteur
ne pouvoit point employer, comme une preuve
de libre volonté de la part du mineur, l’éloignement
confidérable qui fe - trouvoit entre l’un &
1 autre, lors de la libéralité.. On s’en tient étroitement
à la maxime, qu’un tuteur ne peut rien recevoir
de fon mineur.
On pourroit cependant fe relâcher de la rigueur
de la maxime, fi le tuteur étoit un afeendant ou
un proche parent collatéral, tel qu’un aïeul ou un
oncle, fur-tout fi le mineur avoit des motifs d’exercer
fa reconnoiffance pour des foins particuliers
qui lui auroient été donnés. Au refte, tout ceci
doit dépendre de la conduite qu’ont tenue lès parens
tuteurs, de la réputation dont ils jouiffent, &
de l’objet des libéralités.
Les tuteurs honoraires ne font point compris
dans la prohibition ; ils font cenfés , par leur qualité
, être incapables d’ufer d’aucune mauvaife voi^
pour extorquer des largeffes.
2°. Les confejfeurs des malades. Il eft certain que
perfonne n’a plus d’empire auprès d’un homme en
danger de mort, qu’un confeffeur ; 6c dès-lors, on
A V A
a- tout lieu de préfumer qu’une libéralité, en pareil
cas, en fa faveur, ne peut être que l’effet de la
fuggeftion.
En feroit-il de même, fi l’aéte de libéralité avoit
été fait dans un temps où le pénitent étoit en
bonne fanté ? Ceci''dépendrait des circonftances;
mais fi celui dont émaneroit la libéralité, étoit reconnu
pour un homme fréquentant habituellement
le tribunal de pénitence du confeffeur dont il s’agirait,
nous ne faurions douter qu’un avantage pareil
ne fût dans le cas d’être déclaré nul ; il y auroit
bien moins de doute encore, fi la libéralité éma-,
noit d’une femme.
Quoique en général un confeffeur ne puifle
recevoir de dons de la part de fon pénitent, cependant,
fi le don étoit chargé de prières, c’eft-à-
dire, qu’il fût à titre onéreux & fans être excef-
fif, il ne feroit point dans le cas d’être attaqué. On
a mêmè jugé qu’un curé recevant, comme curé un
teftament, avoit pu recevoir en même temps un
legs que le malade lui faifoit d’une fomme de cent
cinquante livres, pour être employée en meffes
pour le repos de fon arae.
3 °. Les médecins, les chirurgiens & les apothicaires.
On regarde encore ces perfonnes comme ayant
beaucoup d’afcéndant fur leurs malades, & on ne
fait aucune difficulté- d’annuller toutes les libéralités
qu’ils peuvent recevoir dans le temps qu’ils font
leurs fondions., auprès de ceux qui font confiés à
leurs foins & à leurs traitemens.
Cependant, fi la libéralité n’intervenoit qu’après
une parfaite guérifonon pourroit alors la regarder
comme l’effet d’une reconnoiffance également
libre & bien placée ; mais il n’en feroit pas de même,
fi le donateur étoit une perfonne fujette à de fréquentes
infirmités : l’envie de s’attacher un médecin
trop fi&uvent néceffaire, pourroit avoir influé
pour beaucoup fur l’avantage dont on l’auroit gratifié.
Au furplûs, cette confidération cefferoit, fi
le médecin, chirurgien, &c. étoit proche parent
du malade ; il feroit plus jufte 6c plus honnête
d’attribuer à l’affe&ion qu’à tout autre motif, la libéralité
exercée envers ce parent.
Il fafit remarquer que la prohibition ne s’étend
dans aucun cas aux préfens qui fe font de la main
à la main, de la part de certaines perfonnes affez à
l’aife, pour témoigner ainfi leur reconnoiffance.
4°. Les précepteurs. à l’égard de leurs élèves. Il
leur eft étroitement défendu de rien recevoir de
ceux dont ils font l’éducation, pendant que ceux-
ci font confiés à leurs foins, à moins que ce ne
foit de l’aveu des parens. On fent des motifs d’une
prohibition pareille,
5°- Les maîtres à Végard de leurs domejliques. On
tient encore pour maxime, que les maîtres ne peuvent
rien recevoir de ceux qui font à leur fer-
vice , 6c cette prohibition eft également fage ; car
enfin, les maîtres peuvent avoir' un certain empire
fur ces fortes de perfonnes, 6c il feroit indécent
qu’ils puffent en abufer.
a v a s s s
On ne regarde pas de même les domeftiques
comme perfonnes prohibées à l’égard de leurs maîtres
; on eft au - contraire dans l’ufiige de leur faire
des libéralités , lorfqu’ils ont fervi pendant un certain
temps. On met fouvent pour condition , qu’ils
ne profiteront de la libéralité qu’au tant qu’ils fe
trouveront encore au fer vice lors du décès de
ceux qui les gratifient, 6c perfonne ne leur difpute
ces fortes d'avantages.
Il faut pourtant convenir qu’un ancien ferviteur
a beaucoup d’afeendant fur fon maître, fur-tout
lorfque ce dernier eft parvenu à cet âge avancé où
l’on craint toujours d’être abandonné. Dans ces
circonftances, nous croyons fans difficulté que fi
ce ferviteur s’étoit procuré des libéralités exceffi-
v e s , on ne fût bien dans le cas de les faire ref*
treindre à ce que peut mériter un ancien domef-
tique, à raifon de fes fervices 6c de la fortune de
fon maître.
Sur quoi il eft bon d’obferver qu’on ne comprend
point dans la prohibition les intendans des
feigqeurs, ni les fecrétaires des gens d’affaires, à
moins qu’il ne s’élève contre eux de violens
foupçons.
6°. Les maîtres à l’égard de leurs apprenti fs. Les
avantages 'concernant ces fortes de perfonnes ,
peuvent être permis ou prohibés fuivant les circonftances.
Tout ceci dépend de la prudence des
juges,
7°. Les avocats & les procureurs à l’égard de leurs
cliens. La prohibition eft étroite pour les procureurs
, pendant qu’ils ont des affaires de leurs cliens
non encore terminées. Il leur eft même défendu
de recevoir manuellement des préfens d’une certaine
importance, fans quoi il leur feroit facile ,
comme on le conçoit aifément, de mettre les plaideurs
à contribution. La défenfe ne feroit pas la
même , fi la libéralité venoit d’un proche parent,
fuivant ce que nous avons dit des médecins 6c
chirurgiens.
A l’égard des avocats, la loi n’eft pas auffi ri-
goureufe ; cependant une libéralité exceffire dans
le temps qu’un avocat feroit chargé de la défenfe
d’un client, 6c qui ne feroit point fondée fur de
grandes liaifons 8c des habitudes particulières, feroit
fufpeéte 6c pourroit être rejettée. Il n’en eft
pas de même des préfens, ces préfens font cenfés
lui tenir lieu d’honoraires. Voyez au furplus ce
que nous difons à l’article A v o c a t .
8°. Les novices à l’égard de leur mono.(1ère, S’il étoit
permis aux novices de difpofer en faveur de la
communauté où ils font admis à faire profeffion,
on pourroit fouvent abufer de l’afeendant qu’on
auroit fur eux pour les engager à des libéralités ;
mais il leur eft défendu de difpofer de leurs biens ,
non feulement au profit du monaftère où ils font
profeffion, mais encore des autres monaftères du
même ordre, fans quoi il feroit facile de leur faire
éluder la loi»