
carême jusqu'au ïq avriL, qu’ils s’afiemblèrent dans
Notre-Dame de Paris. Philippe-le-bel y
amûa en perfonnè. Pierre Flotte, fon ehanceliér,
y expofa les defteins que le roi avoit de réprimer
pbifieurs abus, notamment les entreprifes de Bo-
riiface V III, fur le temporel du royaume. Il repré-
lènta. auffi les dépenfes que le roi étoit obligé de
fîire pour la guerre, & les fecours qu’il attendoit
dp. fes fujets ; que fi l’état , populaire ne contribuoit
pas en perforine au feryice militaire , il devoit
fournir dés fecours d’argent. Le roi demanda lui-
meme que chaque corps formât fa réfolution 8c
la déclarât publiquement par forme de confeil.
La noblefTe s’étant retirée pour délibérer, &
ayant enfuite repris fes places, aflùra le roi de la
réfolution où elle étoit de le fervir de fa perfonne
8c de fes biens.
Les eccléfiaftiques demandèrent un délai pour
délibérer plus amplement, ce qui leur fut refufé. Cependant,
fur les interrogations. que le roi leur fit
lui-même, favoir ae qui ils tenoient leurs biens
t^raP<?re^s > & de ce qu’ils penfoient être obligés
de faire en confequence , ils reconnurent qu’ils
tenoient leurs biens de lui 8c de fa couronne;
qu’ils dévoient défendre fa perfonne, fes enfans &
tes proches,1 8c la liberté du royaume; qu’ils s’y
étôient engagés par leur ferment, en prenant pof-
fèffion des grands fiefs dont la plupart étoient revêtus,
8c que les autres y étoient obligés par fidé-
irté. Ils demandèrent, en même temps , permiffion
de fe. rendre auprès du pape, pour un concile ;
ce qui leur fut encore refufé, vu que c’étoit pour
procéder contre le roi.
Le tiers-état s’expliqua par une requête qu’il
préfenta ^ a genôux, fuppliant le roi de conferver
la franchi fe du royaume.
Tels furent les objets que. Fou traita, dans ces
premiers états , par où l’on voit que ces fortes
d'affeïnbtées- netoient point une fuite des champs
mars ou de mai, & qu’elles ne furent point
établies fur lè même modèle ni fur les mêmes
principes.. En effet, elles n’eurent ni les mêmes
droits, ni la même autorité, puifgue jamais le
droit ' de fufîrage rie leur fut accordé en matière
de; légiJlation. -
; On n’entreprendra pas de donner ici une chronologie^
exaéle des divers, états généraux ..tenus
depuis Philippe-le-bel jafqu’à préfent ; on fè contentera
de parler dés plus connus-, dé rapporter ce
T1?** f Y p.?fTe de plus, mémorable., de .marquer
comment ces états s’arrogèrent peu-à-p^u iine'cer-
tâine autorité, -8c de. quelle manière elle fut en-
fuite; réduite,.
. Uhè obfervatiori qui eft commune à tous, ces*
états, c’efl que dans- l’ordre de la aobleffe, étoient
compris alors tous les nobles d’extraâion, fôit-
quils fuffènt de robe ou d’ép é ep o u rvu qu’ils, rie.
liment pas magiftrats députés, du peuple : le tiers-
etat netoif autre chpfe que le peuple, repréfenté
par fes i magiftrats députés».
’ Depuis les. premiers états de 1301 , Philippe-
le-bel en convoqua encore plufieurs autres : les
plus connus font ceux de 13 13 , que quelques-uns
placent en 1314. Le miniftre ne trouva d’autre
reffource pour ^fournir aux dépenfes du ro i, que.
de continuer 1 impôt du cinquième des revenus
& du cinquième des meubles , même d’étendre
ces impôts fur la noblefTe 8c le clergé; &
pour y réuffir, on crut qu’il falloit tâcher d’obtenir
le confentement des états. VaJJemblée fut convoquée
le 2,9 juin ; elle ne commença pourtant que
le premier août. Mezeray dit que ce fut dans la
falle du palais, d’autres difent dans la cour. Oiï
avoit dreffé un échafaud pour le roi, la noblefTe
& le cierge ; le tiers-état devoit refter debout au
pied de l’échafaud.
Après une harangue véhémente du miniftre, le
r0* f? leva de fon trône, & s’approcha du bord
de 1 échafaud, -pour voir ceux qui lui accorderaient
l’aide qui étoit demandée. Etienne Barbette, prévôt
des marchands, fuivi de plufieurs bourgeois
de Paris , promit de donner une aide fuffifante,
ou de fuivre le roi en perfonne à la guerre. Les
députés des autres communautés firent les mêmes
k offres; & la-deffus, Y ajfemblée s’étant féparée fans
q u ily eut de délibération.formée en règle , il parut
une ordonnance pour la levée de fix deniers pour
livre de toutes les marchandifes qui fer oient vendues
dans le royaume.
U en fut à-peu-près de même de toutes les" autres
. ajjemblées d’états; les principaux députés, dont on
avoit gagné les^fuffrages, décidoient ordinairement
fans que l’on eût pris l’avis de chacun en particu-
lier ; ce qui fait voir, combien ces ajjemblées étoient'
illufoires.
s Dn y arrêta- cependant, prefque dans le moment
ou elles furent établies , un point extrêmement important;
favoir , qu’on ne. lèverait point de tailles:
fans le ‘confentement des trois états. Savaron & Mezeray
placent ce réglement en 13 14 , fous Louis
Hutin ; Boulainvilliers, dans fon Hïjloire de France r
prétend que ce réglement ne fut fait que fous Philippe
de Valois: du refte, ces auteurs font d’accord
entre èux fur le point de fait.
Quoi qu’il en foit de cette époque.,, il paraît:
q^ie Louis Hutin 11’ofant hafarder une ajfemblée générale
, en fit tenir, en 1313 , de provinciales par
bailliages 8c fénéchauffées , où il; fit demander par-:
fes commiffaires un fecours d’argent. Cette négociation
eut peu de fuccès, de forte que la cour
mécontente dés communes, eflaya de gagner la
noblefTe, en convoquant un parlement de barons
6c de prélats à Pontoife, pour le mois d’avril fui-
vant; ce qui ne _ produifit cependant aucune ref-
fource pour la finance.
Philippe V , dit le Long, ayant mis,. fans con-
fulter les états, une imposition générale du cinquième
des revenus & du centième des meubles*
fur toutes fortes de perfonnes fans exception, tous
les ordres s’émurent" suffi-tôt que fon ordonnance
parut ; il y eut même quelques particuliers qui en
interjettèrent appel au jugement des états généraux
, qu’ils fuppofoient avoir feuls le pouvoir de
mettre des impofitions. - , ?
Le roi convoqua YaJJemblée des états , dans l’ef-
pérance d’y lever facilement ces oppofitions, 8c
que le fuffrage de la ville de Paris entraînerait les
autres.Cette ajfemblée fe tint au mois de juin 132,1 ;
mais le clergé mécontent à caufe des décimés que
le roi le voit déjà fur lu i, éluda 'la decifion de
l ’affaire, en repréfentant qu’elle fe traiterait mieux
dans des ajjemblées provinciales; ce qui ne fut pas
exécuté , Philippe V étant mort peu de temps après.
Charles IV , fon fucceffeur, ayant' donné une
déclaration pour la réduétion des monnoies, des
poids 8c des mefures, le clergé 8c la noblefTe lui
remontrèrent qu’il ne pouvoit faire ces réglemens
que pour ies terres de fon domaine, 8c non dans
celles des barons. Le roi permit de tenir à ce fujet
de nouvelles ajjemblées provinciales, mais on ne
y oit pas quelle en fut la fuite.
- Les états de Normandie députèrent vers le roi
Philippe-de-Valois, & obtinrent de lui la confirmation
de la charte de Louis Hutin, appellée la
charte aux Normands , avec déclaration expreffe
qu’il ne feroit jamais rien impofé fur la province,
fans le confentement des états ; mais on a foin ,
dans tous les édits qui concernent la Normandie,
de déroger expreffément à cette charte.
Le privilège que Philippe-de-Valois accorda à la
Normandie, n’étoit même pas particulier à cette
province; car les hiftoriens difent qu’en 1338 8c
1339, il fut arrêté dans Y ajfemblêe des états généraux
, en préfence du ro i, que l’ori ne pourrait
impofer ni lever tailles en France fur le peuple,
même en cas de néceflùé ou utilité, que de l’o&roi
des états.
Ceux qui furent affemblés en 1343 , accordèrent
à Philippe-de-Valois un droit fur les boiffons
6c fur le f e l , pendant le temps de la guerre. Il y
avoit e u , dès avant 1338, une gabelle impofée
fur le. fel ; mais ces impofitions ne duraient que
pendant la guerre, 8c l’on ne voit point fi les premières
furent faites en conféquence d’un confentement
des états. Pour ce qui eft de l’impofition
faite en 13 43 , on étoit alors fi agité, qu’on ne
parla point de l’emploi qui devoit en être fait ; ce
que les états n’avoierit point encore omis.
Aucun prince n’affembla fi fouvent les états que
le roi Jean ; car fous fon règne il y en eut prefque
tous les ans, foit de généraux ou de particuliers,
jufqu’à la bataille de Poitiers.
L’objet de toutes ces ajjemblées étoit toujours,
de la part du prince, de demander quelque aide
ou autre fubfide pour la guerre, 8c de la part des
états, de prendre les arrangemens convenables à
ce fujet. Ils prenoient aufii fouvent derià occafion
de faire diverfes repréfentations pour la réformation
de la juftice, des finances , 8c autres parties du
gouvernement: après la fèance des états, il pàrailToït
communément une ordonnance pour régler
l’aide qui avoit été accordée, 8c les autres objet*
fur lefquels les états avoient délibéré, fuppofé que
le roi eût jugé à propos d’y faire droit.
Il y eut à Paris, le 13 février 13 50 , une ajfem~
blée générale des états, tant de la Languedoïl que
de la Languedoc, c’eft-à-dire, des deux parties qui
faifoient alors la divifion du royaume : on crdit
néanmoins que les députés de chaque partie s’affem**
blêrent féparément. Les prélats accordèrent fur le
champ le fubfide qui étoit demandé ; mais les nobles
8c la plupart des députés des villes , qui n’a-
voient pas de pouvoir fuffifant, furent renvoyés
dans leur province pour y délibérer. Le^roi y indiqua
des ajjemblées provinciales, 8c y envoya dés
commiffaires qui accordèrent quelques-unes dès
demandes, 8c fur les autres, il fut député par
devers le roi. Quelques provinces accordèrent un
fubfide de fix deniers, d’autres feulement de quatre.
Il paraît que fous le règne du roi Jean, on
n’affembla plus en même temps 8c dans un même,
lieu les états de la Languedoil 8c ceux de la Lan*
guedoc^ que l’on tint feulement des ajjemblées
provinciales d’états. Il y eut entre autres ceux
du Limoufin, en 1353, où l’on trouve l'origine
des cahiers que les états préfentent au roi pour
expofer leurs demandes. Ceux du Limoufin en
préfentèrent un qui eft qualifié, en plufieurs endroits
, de cédule.
Suivant les pièces qui nous reftent de ces différentes
ajjemblées y on voit que le roi nomm oit d’abord
des Commiffaires qui étoient-ordinairement
choifis parmi les magiftrats, auxquels il .donnoït
pouvoir- de convoquer -ces ajjemblées, 8c d’y aftif-
ter en fon nom ; qu’il leur accordoit même quel*
quefois la faculté de fubftituer quelqu’un à la place
de l’un d’eux.
Ces commiffaires avoient la liberté d’affembler
les trois états dans un même lieu, ou chaque ordre
féparément, 8c de les convoquer tous enfemble,
ou en des jours différens.
Les trois ordres, quoique convoqués dans un
même lieu, s’affembloient en pliffieurs chambres;
ils formoient auffi leurs délibérations, 8c préfiguraient
leurs requêtes féparément ; c’eft poiirquci
le roi', à la fin de ces ajjemblées, corifirmoit par
fes lettres tout ce qui avoit été conclu par chaque
ordre, ou même par quelques députés d’un des
ordres en particulier.
On appelloit états généraux du royaume, ceux
qui étoient compofés des députés de toutes les provinces
: on donnoit auffi. le titre (Yétats généraux ,
à YaJJemblée des députés des trois ordres de laLanguedoïl
ou de la Languedoc, parce que ces ajjemblées
étoient compofées des députés de toutes les
provinces qui comprenoient chacune de ces^deux
parties du royaume : de forte que les états particu
îiers ou provinciaux étoient feulement ceux d’une
feule province, 8c quelquefois d’un feul bailliages
ou fénéchauffée.
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