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autres accîdens femblables qui peuvent détruire
les fruits, même en totalité. Cependant une telle
Convention, quoique valable, parce qu’elle eft le
prix d’une efpérance incertaine, doit être exprimée
clairement, linon on ne la préfumeroit pas, attendu
qu’elle eft contraire à la nature du bail ; ainft dans
le cas où l’on inféreroit dans le contrat une clâufe,
portant que les fermages feront payés fans diminution,
elle feroit infuffifante pour faire fupporter au fermier
les fuites d’un accident qui auroit occalionné
la perte totale des fruits. On ne regarderoit cette
ftipulation. qii'e comme une foumiffion de confentir
à payer les fermages, fans demander aucune remife,
dans le cas où il furviendroit quelques - uns de ces
accidens ordinaires, tels qu’une gelée, une féchereffe
qui diminuent le produit, mais auxquels un fermier
doit s’attendre durant le cours de ion bail.
Il y a plus : Barthole, & après lui plufieurs autres
jurifconfultes ont penfé, dit Pothier, que la claufe
par laquelle le fermier déclare fe charger durifque
de tous les accidens qui pourront arriver aux fruits
durant le cours du bail, ne s’étendoit qu’aux accidens
qui furviennent communément, & nullement
à ceux qui arrivent rarement, lefquels, par cette
raifon, n’avoient vraifemblablement pas été prévus
lors de la convention, & n’y avoient par confé-
quentpas été compris-, félon la règle de droit, non
videtur contineri paElo, id de quo cûgïtatum non efl.
Mais Vinnius, continue Pothier, réfute fort au long
l’opinion de ces jurifconfultes : il remarque judi-
cieufement que le texte fur lequel ils la fondent
y eft formellement contraire, puifqu’il y eft dit que
les bleds, ayant été perdus par une abondance extraordinaire
de neiges, c’eft le cas de la convention,
f ïmmoderatce fuerunt & contra "confuetudinem tempef-
tates. Bruneman, fur cette lo i, diftingue trois efpèces
d’accidens auxquels les fruits font lujets; i 0.,' ceux
qui arrivent ordinairement, tels que font les gelées
, coulures, grêles, qui ne caufent pas une perte
totale des fruits, & dont le rifque doit être fupporté
par les fermiers, fans qu’ils s’y foient expreflement
fournis par une convention.
a°. Les accidens plus rares qu’il dit être la matière
de la convention, par laquelle le fermier fe
charge de tous les rifques.
3 °, Enfin ceux dont on n’a point d’exemple, ou
qui n’ont pas eu lieu depuis plufieurs fiècles, tels
que l’éruption d’im volcan, le changement de lit
d’un fleuve, qui a .couvert d’eau toutes les terres
•énoncées au bail, &c. Ce ne font que les événement
de cette nature* que Bruneman “croit ne devoir pas
être compris dans la convention, par laquelle le
fermier s’efl chargé de tous les rifques qui peuvent fur-
venir aux fruits. En effet , 'il paroît que ce n’eft qu’à'
ce genre d’accidens qu’il convient d’appliquer la
règle de droit qu’on a citée il y a un moment.
Lorfque le bail ne contient aucune claufe qui
oblige le preneur à fe charger des rifques de la
cbofe louée ? il arrive plufieurs circonftances qui le
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mettent dans le cas d.’obtenir la remife d’une partie*
& même du total des loyers.
S e c t i o n X I .
Des motifs qui font accorder au preneur la remife
du loyer.
Pothier établit fur cette matière plufieurs principes
: i°. le preneur ou locataire doit avoir la re-
mife du loyer pour le tout, lorfque le bailleur n’a
pu lui procurer la jouiffance ou Tufage de la chofe
louée.
La raifon de ce principe eft que le contrat de
louage s’analyfe en une elpèce de contrat de vente
des fruits futurs, on de l’ufage futur de la chofe
louée, dont le loyer eft le prix : or de même que la
vente des fruits futurs n’eft valable , & que le prix
n’en eft dû qu’autant que ces fruits naîtront & feront
par leur exiftence la matière du contrat, on
doit pareillement décider qu’il ne peut être dû de
loyer, lorfque le preneur n’a pu avoir ni jouifi
fance, ni ufage, dont ce loyer foit le prix.
a®. Le preneur ou locataire que le bailleur n’a
pu faire jouir pendant une partie du temps du bail,
doit avoir la remife du loyer pour le temps pendant
lequel il n’a pu jouir.
La raifon en eft que chaque partie du loyer eft
le prix de la jouiffance de chaque partie du temps
que devoit durer le bail : il ne peut donc être
dû de loyer, pour la partie du temps durant laquelle
le preneur n’a eu , ni pu. avoir cette jouif-
fance. v
3 ®. Le preneur ou locataire que le bailleur n’a
pu faire jouir de quelque partie de la choie qui
lui a été louée, doit avoir la remife du loyer, pour
cette partie, pendant le temps qu’il n’en a pu avoir la
jouiffance.
Ce principe, qui eft une fuite des précédens, peut
néanmoins fouffrir quelque limitation, comme on
le verra ci-après.
4°. Le preneur ne peut demander remife du
loyer, lorfque l’empêchement eft venu de fa part.
Il fuffit, en ce cas, qu’il y ait une jouiffance ou
ufage poflîble de la chofe, qu’il n’a tenu qu’au preneur
d’avoir, ou par lui ou par d’autres, pour que
le loyer en foit du.
5°- Le loyer n’eft dû que pour la jouiffance que
le preneur -a eue en vertu du bail.
Suivant ce principe, fi le preneur, pendant le
cours du bail, a acquis la pleine propriété, ou du
moins l’ufufruit de la chofe louée , il doit être
déchargé du loyer pour le temps qui reftera à courir
du bail depuis fon acquifition, parce qu’il ne jouit
plus en vertu du bail, mais de fon chef
6°. Lorfque le preneur n’a pas été privé abfo-
lument de la jouiffance de la chofe, mais que par
un accident imprévu, fa jouiffance a fouffert une
altération & une diminution très-confidérables, il
peut demander qu’on lui diminue le loyer propor-
tionnément à ce qu’il a fouffert dans fa jouiffance.
Voici maintenant l’application que le jurifcon-
ftilte cité fait de ces principes aux baux des maifons
& des métairies.
A l’égard des maifons, fi le bailleur eft en demeure
d’en remettre les clefs ali preneur, celui-çi
n’en devra les loyers qü’à compter du jour que fa
jouiffance aura commencé.
Il en feroit de même f i , nonobftant la remife
des clefs, la maifon fe trouvoit inhabitable, par
quelque caufe que ce fût : dans ce cas-là le preneur
pourroit refufer de recevoir les clefs, jufqu’à
ce qiie la maifon eût été rendue habitable, & qu’on *
lui eût offert de nouveau de lui en remettre les clefs;
Il pourroit même demander la refiliation du bail,
parce que pour fe loger il n’eft pas obligé d’attendre
que cette maifon foit réparée.
Cependant fi ce n’étoit que par cas fortuif que
la maifon fût inhabitable, le bailleur pourroit empêcher
la réfiliation du bail, en offrant de loger
le preneur dans une autre maifon, jufqu’à ce que
celle qui eft louée fût réparée ; mais alors il convient
que le bailleur faffe raifon au preneur de ce
qu’il lui en aura coûté, pour le fécond délogement.
Si, après être entré dans la maifon louée, quelque
cas fortuit oblige le preneur d’en fortir, il
doit être difpenfé d’en payer les loyers, à compter
du jour de fa fortie. Tel feroit le cas où des
experts auroient rapporté que la maifon louée eft
menacée d’une chûte prochaine.
Mais fi la jouiffance du preneur n’a été empêchée
que relativement à quelque partie de la maifon
louée, il ne doit être déchargé du loyer que pour
cette partie.
Nous avons même fait voir que lorfque le travail
qu’il a fallu faire pour réparer la maifon louée,
n’a duré que quelques jours, ou n’a caufé qu’une
incommodité légère au preneur, il ne lui eft dû
aucune remife fur le loyer.
Si c’eft par fon fait ou par fa faute que le preneur
été privé de la jouiffance de la maifon louée,
il n’a nul droit pour être déchargé du loyer; c’eft
ce qui réfulte du quatrième principe que l’on a
établi précédemment. Cette décifion doit même s’appliquer
au cas où les affaires publiques obligeroient
le preneur d’aller réfider ailleurs : il faudroit fans
difficulté qu’il payât le loyer qui auroit couru pendant
fon abfence; il pourroit néanmoins être fondé
à demander la réfiliation du bail pour les termes
à écheoir.
Pour faire l’application du fixième principe au
bail d’une maifon, Pothier fuppofe l’efpèce fuivante :
Alexandre a loué à Céfar une auberge, fituée
fur la grande route, & depuis le bail, le gouvernement
ayant établi la grande route ailleurs, de fréquentée
qu’étoit l’auberge auparavant, elle eft devenue
déferte ; quoique, dans ce cas, Céfar ait
confervé la jouiffance de toutes les parties de la
maifon louée, il ne laiffe pas d’être en droit de
d emander qu’il lui foit fait une remife fur le lo y e r,
parce qu’il a fouffert une diminution confidérable
dans le produit de l’auberge.
Mais fi, dans le temps du bail, l’auberge d’Alexandre
étoit la feule d’un endroit, & que durant le cours
du bail il fe fût établi d’autres auberges dans le même
endroit, Céfar ne pourroit prétendre aucune remife
fur le loyer, fous prétexte que la concurrence
des nouvelles auberges auroit diminué le produit
de la première. La différence entre les deux cas
dérive dê'ce qu’en paffant le bail, il n’y avoir nulle
raifon pour que Céfar crût qu’il ne s’établiroit point
dé nouvelle auberge dans le lieu où il louoit la
fienne; & qu’au contraire, il n’avoit pas dû prévoir
que le gouvernement' feroit changer la route
établie. L’établiffement d’une nouvelle âùberge n’eft
qu’un événement ordinaire : le changement de route
eft un cas fortuit.
Quand par force majeure un fermier a été privé
des fruits de quelques années de fon bail, foit que
les ennemis aient fourragé fes bleds, foit qu’ils
aient été détruits par le débordement de la rivière,
ou par quelque autre accident femblable, il doit ob-
, tenir la remife de l’année de fermage, dans laquelle .
l ’accident eft arrivé.
Cependant s’il n’y avoit pas eu une perte totale
des fruits, il faudroit proportionner à la perte la
remife du fermage.
Au refte le fermier n’eft fondé à prétendre
ces remifes, qu’autant qu’il fe trouve dans les conjonctures
fuivantes.
i°. Il faut que la perte ait été caufée par un
événement qu’il n’a p u , ni empêcher, ni détourner;
c’eft pourquoi s’il àvoit pu éviter qu’on-ne
fourrageât fes bleds , en obtenant du général ennemi
une fauve-garde * telle qu’ii en accordoit pour
de l’argent à ceux qui en demandoient, il ne feroit
pas fondé à prétendre la remife du fermage pour
la perte qu’il auroit foufferte.
2°. Il faut que la perte ait eu lieu , tandis que
les fruits étoient encore fur pied, parce qu’auffi-tôt
que la récolte en eft faite, ils font aux rifques du fermier
, à qui ils appartiennent, & il en doit le fermage.
C’eft même fans fondement que quelques-uns
ont prétendu que, potfr que les fruits fufient aux
rifques du fermier, il falloir qu’il les eût ferrés ;
il fuffit, pour cet effet, qu’ils aient été féparés du
fonds ; ainfi des bleds 'en javelle ou en gerbes fur
un champ font acquis au fermier, & il en doit le
fermage.
3°. Pour que le fermier foit autorifé à prétendre
une remife fur le fermage, il faut que le dommage
ait été confidérable : il ne peut point demander
de diminution pour raifon d’un dommage modique,
. quelle qu’en ait été la caufe.
Mais jufqu’où doit s’étendre 4e dommage pour
être réputé confidérable & pour autorifer le fermier
à prétendre une remife far le fermage?
.. Il y a fur ce point plufieurs opinions : Brune-
njan demande le concours de deux chofes ; i° . quç
R Rr ? »