
s'ils connoi/loient, par expérience, les abus qui refit
Irent principalement de la ba -.alité des moulins.
niteux que ce droit tire ion origine
été & de la barbarie du droit féodal. Lorfque
les feigneurs ont été contraints, pour leur propre
utilité , d'affranchir ou de reconnoître la liberté
relie de. leurs hommes, lorfqu’ils ont voulu
mettre en valeur les terres incultes de leurs domaines
, & qu’ils en ont abandonné la pofleffion
pour en retirer un produit quelconque : il femble
qu’ils aient cherché eux-mêmes à diminuer le prix
de leur bienfait, par toutes les gênes & les récrierions
qu’ils y ont appofées , 8c par toutes les redevances
dont ils l’ont chargé.
De* là font nés ces droits exorbitans , qui gênent,
dans quelques endroits, le commerce des biens fonds,
en diminuent la valeur, & s’oppofent aux progrès
de l’agriculture dans les terres fujettes au champart ;
de-là ces droits de cens qui feroient aujourd’hui
♦ infupportables, -& qui équivaudroient au produit
du fermage, fl la dénomination numérique fous
laqûelle ils ont été établis, n’en avoit diminué le
poids ; de-là enfin, les droits de banalité de four,
de moulin & dé preffôir.
Je fais bien que la banalité des fours & prefloirs
doit exciter moins de réclamation , 8c eft fujette à
moins d’inconvéniens que celle des moulins , &
que c’eft cette dernière qu’on doit regarder comme
véritablement odieufe.
Dans les villes où cette banalité a lieu , on s’ap-
perçoit plus difficilement des abus qu’elle entraîne.
La fabrication du pain y eft ordinairement confiée
à une communauté de boulangers. L’intérêt de leur
commerce les oblige de veiller continuellement pour
réprimer l’avidité des meuniers, & ceux-ci, de leur
côté craignent, avec raifon, qu’une communauté
ne foit en état de pourfuivre, & d’obtenir la réparation
des torts qu’elle éprouveroit. Le peuple
également y redoute bien moins les fraudes atifez
ordinaires aux meûniers bannaux, il peut faire entendre
fes plaintes par les officiers chargés de la
police, qui font dans le cas de vérifier fur le champ
les malverfations, punir les coupables, & affurer
ainfi l’exécution des loix 8c le maintien de l’ordre
public.
Mais, dans les campagnes , 1e ‘malheureux journalier
eft prefque continuellement vexé par le meunier
banal, fans efpoir de voir ceffer fes exactions.
Ira-t-il fe plaindre à fon feigneur ? Hélas il n’ar-
fiv e que trop fouvent, que fon intérêt particulier
&. le prix confidérable qu’il retire du fermage de
fon moulin, l’engagent à fermer les yeux fur les
rapines de fon meûnier.
S’adreffera-t-il aux officiers de la juftice foigneu-
riale ? Souvent ils font leur réfidence dans une ville
éloignée, d’ailleurs l’infortuné manoeuvre ^peut-il
attendre que le juge eonftate le mauvais état de la
mouture, & le vol qu’on lui a fait, lorfqu’il eft
prefîé dans l’inftant même d’entamer la fournée qu’on
$ui apporte, pour fournir à fa fubfiftancc 8c à celle
de fa famille ? Sans pain , fans argent, pourra-t-il
fournir aux frais d’une procédure, qui pourroit lui
faire obtenir la condamnation du meunier infidèle ?
Concluons de tout ceci, que la banalité des moulins
fait portion de la propriété clés feigneurs , qu’à
cet égard elle doit être maintenue & gardée, lorf-
qu’elle fe trouve appuyée fur des titres authentiques
: mais*qu’il feroit à fouhaiter que cette banalité
fut détruite.
Les feigneurs, loin d’y perdre, y gagneroient
iûrement plüfieurs avantages. Sans compter que leurs
colons indigens, forcés de fe fervir d’un meûnier
avide, ne les aceuferoient plus d'en être les complices
8c les fauteurs , ils ne diminueroient prefquô
pas le produit de leurs foigneuries. Premièrement
le droit de banalité feroit racheté par leurs cenfi-
taires fur le pied d’une jufte eftimation, qui leur, fier*
viroit d’indemnité ; en fécond lieu, la fuppreffion
de la banalité n’opéreroit pas la deftruélion de leurs
moulins. Leurs meûniers, connus dans leur arron*
diflement, paieroient à-peu-près le même prix du
bail .de leurs moulins, mais dans la crainte d’être
changés à la moindre malverfation, ils s’abftien-
droient de tout gain illicite ; 8c les cenfitaires, de
leur côté , raffinés par la déflation de la contrainte ,
préféreroient de porter leurs grains au moulin de
leur feigneur, au moins à raifon de la proximité ,
8c de la promptitude du fiervice qu’ils en attendent.
Quoi qu’il en foit de l’origine de la banalité, &
de la manière dont elle doit être regardée, puif-
qii’elle exifte, il eft néceffaire de s’inftruire des règles
qui doivent en régler l’exercicé. Nous allons
examiner d’abord le droit de banalité en lui-
même : nous en diftinguerons enfuite les différentes
efpèces.
Du droit de banalité. Les anciens auteurs donnent
à la banalité les noms de bannières ou banière , que
Ducange exprime par le mot latin banneria. De-là
on appelloit baniers les vaflaux qûi étoient fujets
à la banalité, & au feigneur à qui elle appartenoit.
Les anciens titres, conçus dans un latin barbare
appellent les baniers, bannitores molendinorum , fefla-
tores furni, fe&atores molendini, 8c le diftricl d’un
moulin, feSla molendini.
Avant que le feigneurs fe fuffent approprié les
grands fiefs, & les euffent rendus héréditaires dans
leurs familles , le roi poffédoit feul le droit d’avoir
des fours, des prefloirs 8c des moulins publics ,
dont fes fujets fe fervoient au moyen du paiement
d’un droit léger, qui les difpenfoit d’en foire conf-
truire 8c d’en entretenir à leurs frais. Cette prérogative
étoit un attribut de la fouveraineté, parce
que de cette banalité naît un aéle de police qui ne
peut émaner que de la puiflance publique. C ’eft
encore aujourd’hui le droit public de l’A rtois, de
la Flandre & du Hainaut françois. Le roi feul y
poffède les fours banaux , 8c nul n’en peut établir
fans fo permiffion exprefle.
Les pofTefleurs des fiefs, en s’attribuant la juftice
& la pAvance publique fur leurs terres , fe font
Emparés du droit de banalité, & en ont étendu l’exercice
jufqu’à ôter à leurs vaflaux la liberté du choix
& à les foumettre à l’obligation de ne fe fervir que
des fours, moulins & prefloirs de leur feigneur.
Les coutumes, les conventions particulières paf-
fées entre, les feigneurs 8c leurs lujets ont donné
plus ou moins d’étendue aux droits de banalité, en
ont établi fur le même lieu une ou plufteurs efpèces,
qui toutes font indépendantes les unes des
autres, enforte que la jouiffance de l’une ne donne
pas au feigneur le droit de s’en attribuer une autre
que la coutume ou fes titres ne lui accordent pas.
On fuit aufli des principes différens, par rapport à
la banalité, dans les provinces régies par le droit
écrit, que dans les provinces régies par les coutumes.
Banalité dans les pays de droit écrit. Dans ces provinces
le feigneur de fief peut bien acquérir la banalité
par convention avec fes vaflaux , mais ce droit
n’y eft point un attribut eflentiel de fo foigneurie.
Il y a plus, quelque ancienne que fut fo pofleffion
à cet égard, elle ne feroit point fuffifante. La banalité
ne s’y acquiert point par la prefeription, fi
ce n’eft du jour que le feigneur a foit des défen-
fes publiques à fes vaflaux de l’enfreindre, 8c que
ces vaflaux y ont acquiefcé pendant trente ans, parce
qu’en ce cas les défenfes de la part du feigneur
font préfumer en fo faveur un titre conftitutif de
fon droit, & l’acquiefcement des vaflaux forme
contre eux une reconnoiflànce tacite de la légitimité
des défenfes qui leur ont été faites. .
Pour parvenir à cette prohibition, le feigneur
foit requérir, par fon procureur-fifcal, devant le
juge du lieu, qu’il foit enjoint à tous les habitans de la
feigneurie de rentrer dans les devoirs de la banalité,
dont on indique letabliffement par les diffé-
rens titrés qui peuvent fervir à la conftater, avec
défenfes à eux de s’en écarter, fous les peines portées
par les titres, &c. Le juge rend fon ordonnance,
portant injonction 8c défenfes , & cette ordonnance
fe publie & s’affiche par un forgent, qui
en dreflè procès-verbal.
Banalité du pays coutumier. Il y a des provinces
où la banalité n’eft pas plus un attribut etienne!
de la feigneurie, que dans le pays de droit
écrit : les principes font dès-lors les mêmes dans
l’un & dans l’autre pays.
Dans d’autres«provinces, la banalité appartient de
plein droit au feigneur haut-jufticier, à l’exclufion
du feigneur féodal. Telles font les coutumes d’Anjou
, de Poitou & d’Angoumois.
-Dans d’autres , le feigneur-féodal l’emporte fur
le feigneur haut-jufticier ; enforte que la banalité eft
un droit inhérent au fie f, comme dans les coutumes
de la Marche & de Bretagne.
Une troifième clafle de coutumes, comme celles
de Paris & d’Artois, regarde le droit de banalité
comme une fervitude qui ne peut s’acquérir fans
titre. On peut ranger fous cette même clafle letf
coutumes de Meaux, de Mantes & . de Verinandois
, dans lefquelles une fervitude s’acquiert par
trente ans.
On peut encore former une quatrième clafle des
coutumes de Nirernois & de Baffigni, qui difent
que la banalité peut s’acquérir, ou par prefeription
de 30 ans, après prohibition & acquiefcement tacite,
ou par une pofleffion immémoriale.
Ainfi c’eft la coutume de chaque province qu’il
faut confulter , pour fovoir fi la banalité y exifte de
plein droit, & à qui elle appartient : & lorfque la
banalité n’eft point un attribut de la jurifdiflion ou
de la direéfe, il fout un titre , ou du moins, comme
nous l’avons dit, une pofleffion de trente ans, à
la fuite d’une prohibition, pour pouvoir forcer les
habitans à reconnoître le droit.
Pour que le titre foit valable, il fout que le droit
qui en eft l’objet, y foit accordé par les deux tiers
des habitans au moins. On préfume alors que la
convention a paffé à la pluralité des voix; & en
fait d’affaires de communauté d’habitans, on foit que
le plus grand nombre oblige le plus petit. Cependant
Lacombe obferve que s’il n’avoit plu qu’à un
petit nombre d’accorder la banalité, ce petit nombre
y demeureroit afliijetti, fans nuire à la liberté des
autres habitans.
Il faut encore, pour la validité du titre, qu’il foit
authentique, c’eft-à-dire, dans la forme preferite
par les ordonnances. S’il étoit fous fignatureprivée,
il feroit trop facile de le fouftraire oc de rendre la
convention illufoire. Ce titre doit être en même
temps fynallagmatique entre le feigneur & les habitans
: fi ceux-ci fe foumettent à la banalité, il fout
que les motifs de cette foumiffion puiffem s’apper-
cevoir, & que le feigneur, de fon coté ; s’oblige aux
conftruétions 8c réparations néceflàires pour-l’entretien
de cette banalité ; en un mot, qu’il paroiflb
que les habitans ont eu autant davantage à l'accorder
, que lefeigneur à l’accepter ; car fi Fa banalité fe
trouvoit entièrement à la charge des habitans, le
titre du feigneur feroit regardé comme un titre extorqué,
& dès-lors incapable de lui affurer un droit
confiant 8c inattaquable.
Lorfque le titre conftitutif de la banalité eft perdu ,
& qu il n eft pas pofliblfe de le retrouver, peut-on
y fuppléer. par des a&es qui indiquent cette banalité
comme bien établie ? Si on s’attache à la lettre de la
coutume de Paris, art. y i, & à l’ordonnance de
i6 ïa , il faudra en conclure que, foute de re-
préfenter un titre en forme, le droit de banalité
fo trouve éteint. Mais ce feroit abufer de ces
deux loix. Elles exigent, à la vérité , un titre
mais elles ne rejettent pas ce qui peut le fuppléer.
Il feroit contre l’équité de priver un feigneur d’un
droit, qu’il prouyeroit légitimement établi par des
documens poftérieurs 8c une pofleffion confiante ,
par la foule raifon que fon titre fo trouve perdu
ou adiré.
Mais quels aéles admettra-t-on pour prouver le
droit de banalité? Un aveu 8c dénombrement exaél
& régulier, où U eft foit mention de ce droit, ainf*
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