
une difpofition eft révoquée en vertu d’une loi prohibitive
, on ne peut oppofer à celui qui «agit, le
fait du défunt dont il eft héritier, ni exercer contre
lui aucun recours de garantie. C’eft le cas de
dire que le père a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire,
& qu’il n’a pas fait ce qu’il auroit pu faire. Il lui
étoit libre d’avantager fon fils puîné en lui donnant
des rotures , & de réduire l’aîné à fa légitime fur
cette efpèce de biens ; mais dès qu’il ne l’a pas fait,
on ne doit pas fuppléer cette omiflion. Tel eft l’avis
de le Brun.
D ’autres néanmoins penfent que fi l’aîné exerce
fon aéfion révocatoire de la donation du fief faite
au puîné, celui-ci doit être indemnifé fur les rotures
de la fucceflion. Mais cette dernière opinion
ne me paroît pas fondée, parce qu’en indemnifant
le puîné, on autoriferoit indirectement une difpo-
fition prohibée par la loi.
De quelques ejpèces dans lef,quelle s le droit'd’aîneffe
paroît foujfrir quelques difficultés. Le droit d'aîneffie a
lieu fur les fiefs fubftitués par un collatéral, lorsque
l’ordre des fucceflions eft gardé dans la fubfti-
tution, & que les fiefs ont pafle en ligne direéte.
Cela a été ainfi jugé par arrêt du 3.juillet 1604.
La raifon de douter étoit qu’en ce cas les fiefs
ne viennent pas du père, mais de la feule libéralité
du donateur, & que le droit dîaîneffie n’auroit pas
lieu fur un fief qui feroit donné directement par un
collatéral, tel qu’un oncle qui le donneroit à fes
neveux. Les juges au contraire ont confidéré que
le donateur ayant gardé l’ordre des fucceflions dans
la fubftitution, il ne feroit pas jufte de le changer,
que l’on devbit préfumer que le but. de la fubftitution
n’avoit été que d’empêcher la difïïpation
du bien.
Ricard penfe que l’aîné doit jouir de fes droits
fur les biens que l’édit des fécondés noces réfërve
aux enfans du premier lit. Cette opinion néanmoins
ne paroît pas lans difficulté, parce que les enfans
peuvent prendre les biens que l’édit leur réferve,
fans fe porter héritiers, & que le droit & aîneffie
femble n’avoir lieu que dans le partage des fuccef-
fions, comme on le voit à l’égard au douaire où
l ’aîné n’a aucun avantage : cependant je trouve,
atnfi que le Maiftre, que Ricard eft bien fondé-,
parce que le but de l ’édit, en réfervant aux enfans
du premier lit les biens qui viennent du prédécédé
lorfque le furvivant vient à fe remarier, n’a pas
été de changer l’ordre du partage établi par la coutume
, mais de réparer, par cette réferve, le préjudice
que les enfans-du premier lit reçoivent des féconds
mariages : :d’ailleurs, fi les enfans ne font pas
obligés d’accepter la fucceflion pour, jouir du bénéfice
de l edit, il faut toutefois qu’ils foient habiles
à fuccéder: enfin , s’il n’y a point de droit $ aîneffie
dans le douaire, c’eft qu’il y a à cet. égard une
difpofition expreffe fondée:fur ce 4qu’il tient lieu
d’alimens également néeeffairçs à to(us les enfans.
L’aîné ne peut prendre aucun avantage dans les
fiefs qui ont été acquis pendant la continuation de
la communauté, faute d’inventaire1. Mais cela ne»
doit s’entendre que de la part que l’aîné & fes frères
ou fes foeurs ont dans ces acquêts , & non de
la portion qui eft reftée au furvivant, & qui fe
trouve dans fa fucceflion , car l’aîné doit y avoir les
mêmes droits que fur les autres fiefs de l’hérédité.
Auquel de deux jumeaux doit appartenir le droit d’aîneffie?
Entre deux jumeaux le droit $ aîneffie eft déféré
à celui qui a yu le jour le premier.
Lorfqu’on. ignore lequel des deux jumeaux eft né-
le premier, le droit â'aîneffe appartient à celui qui
eft en pofleflion de la quaiité d’aîné , 8c qui a été
reconnu pour tel dans la famille ; mais il faut, dit
Dumoulin , que cette pofleflion foit publique, reconnue
ou tolérée par le frère, & autorifee par le
père commun.
Si l’un ni l’autre des jumeaux n’èft en pofleflion
de la qualité d’aîné, Dumoulin penfe que c’eft an
fort à décider entre eux: Argon eft aufli dé cet
avis ; mais la plus commune opinion , dît le Brun ,
eft que le droit d'aîneffie doit être partagé entre eux ,
quant aux prérogatives qui peuvent être divifées ,
8c à l’égard de celles qui font indivifibles, ils doivent
en jouir alternativement. Faber adopte l’avis de
le Brun , & je croîs qu’on doit le préférer à celui
de Dumoulin, fur la queftion dont il s’agit. En effet
, chacun des deux peut palier pour le premier né ,
puifqu’il ne paroît précédé d’aucun autre dans l’ordre
de la naiflancê. Tous deux ont donc un droit-
égal à la chofe: & dès-lors on ne peut fans injuftice
donner le tout à l’un au préjudice de l’autre.
Du bâtard légitimé. Un bâtard légitimé par un mariage
fubféquent, eft capable du droitd’aîneffie ; cela,
ne fbuffre pas de difficulté. Mais on a mis en quel-,
tion fi le droit d?aîneffie arriveroit au fils, naturel
d’un* homme qui épouferoit une femme, & qui en,
auroit des enfans avant d’époufer la concubine qui
lui auroit donné ce fils naturel ? Le Brun a penfé
que le fils naturel, légitimé par un mariagefubfé—
quent, devoit être l’aîné. Dumoulin , Charondas „
Brodeau, Auzanet, Ferrière & phifieurs autres font
d’avis contraire, & fe fondent fur ce que- le droit
étant acquis au premier né du premier mariage dès-
l’inftant de fa naiflancê, il n’a pu en être dépouillé
par un mariage poftérieur..
Le Brun répond à., cela que « le droit $ aîneffie
» n’eft guère plus acquis pendant la vie du père,.
», que le droit de fuccéder ; qu’ainfi le fils légitime ,
» {né du premier mariage, n’a pas plus prévenu pour
» Te droit d1 aîneffie que pour le refte de la fuccef-
» fion; & que conféquemment rien ne doit empê-
» cher que le mariage fubféquent n’ait fon effet
» pour l’un comme pour l’autre.
J’avoue que, quoique la première opinion ait infiniment
plus de partifans que celle de le Brun
je trouve néanmoins celle-ci mieux appuyée : car
il me femble que c’eft une contradiction manifefte .
d’accorder au mariage fubféquent l’effet rétroaâif
de légitimer la naiflancê , & de lui refufer l’effet
d’attribuer les droits qui par leur nature paroiflent
& font réellement inféparables de cettê même ïîaif-
fance. Ajoutons que le droit d'aîneffie ne peut être
exercé qu’à l’ouverture de la fucceflion : qu à cette
époque les enfans des deux mariages ont un meme
Caractère de légitimité; qu’ils font tous freres, 8c
que le plus âgé d’entre eux eft inconteftablement
raîné : pourquoi donc les droits attaches a cette
qualité ne lui appartiendroient-ils pas ?
Quant à la légitimation par lettres du prince ,
elle a des effets moins étendus; quelque abfolues
que foient les claufes du refcrit, quand meme il f®~
roit revêtu de l’approbation de toute la famille,
quand même le ieigneur dominant y auroit con-
fenti ( ce qui eft néceffaire lorfque le fief doit rentrer,
dans la main , au défaut d’enfàns légitimes de
fon vafîal ) , néanmoins les enfans légitimés par
cette voie, ne peuvent, dans aucun cas, prétendre,
le droit d'aîneffie: tout au contraire , ils ne doivent
avoir qu’une portion égale à celle du moins prenant,
toit qu’ils partagent avec des mâles , foit qu’ils
n’aient pour co-héritiers que des filles, ou des enfans
d’un mariage contra&é depuis leur légitimation.
Une pareille manière de légitimer les enfans eft
défavorable, & l’effet doit effêtrefévérement ref-
ferré dans les bornes les ..plus étroites. Le droit d'aîneffie
& celui d’exclure les filles font des droits extraordinaires
; les accorder au légitimé par, lettres
du prince, ce feroit étendre un privilège déjà
exorbitant par lui-même, ce qui feroit entièrement
contre les règles. Telle eft l’opinion de Dumoulin
, & la plupart des auteurs l’ont adoptée.
Variété des coutumes fur le droit d*aîneffie.T ont ce
que nous avons dit jufqu’à préfent des droits & des
prérogatives de l’aîné, doit s’entendre de la coutume
de Paris, & du droit commun. Mais il eft né-
ceffaire de remarquer que. les coutumes diffèrent
beaucoup les unes des autres fur le préciput qu elles
attribuent à l’aîné.
Il y en a qui ,dans le partage des fucceflions, dif-
tinguent la qualité des perfonnes, & veulent que
les fucceflions des nobles fe partagent d’une manièr
e , & celles des roturiers d’une autre: tell es font,
par exemple, les coutumes de Champagne; mais
celle de Paris qui forme le droit commun dans les
coutumes où le droit d'aîneffie eft admis, & qui n’ont
point de difpofitions contraires, donne ce droit âîaîneffie
aux roturiers aufli-bien qu’aux nobles.
Il y en a , comme celle de Troyes, où l’aîné,
foit noble ou roturier, n’a que le principal manoir
& le vol du chapon. S’il y a. plufieurs fiefs mou-
vans du principal manoir , il choifit la mouvance de
tel de ces fiefs que bon lui femble; il a d’ailleurs
par préciput un arpent de chaque nature de terre ;
par exemple, un arpent de pré, un arpent de bois,
&c. Les mâles prennent chacun dans les fiefs autant
que deux filles ; & fi l’aîné décède avant fon père
ou fa mère , ne Iaiffant que des filles, elles ne re-
préfentent pas leur père au droit d?aîneffie, quand il
y a d’autres mâles, mais feulement au droit qu’il
avoit comme mâle, c’eft-à-dire, qu’elles ne prennent
point de préciput ; mais elles prennent la portion
d’un des mâles , comme leur père auroit fait.
Quelques-unes, comme celle d’Auxerre, ne donnent
à l’aîné que le principal manoir & le vol du
chapon, fans aucune portion avantageufe dans le
furplus des fiefs, 8c ne lui donnent même qu’un
feul préciput dans les deux fucceflions du père &
de la mère ; mais quoiqu’il ait pris fon préciput
dans la fucceflion du premier décédé, il peut, en
le rendant, choifir dans la fucceflion du dernier
mourant.
D ’autres, comme celle de Chauny, donnent aux
filles, au défaut d’enfans mâles , le droit d'aîneffie
dans les fiefs : quelques-unes donnent même tous
les fiefs à la fille aînée , à la charge feulement d’un
quint aux pûmes, foit en ufufruit ou en propriété,
félon les lieux.
La coutume du grand Perche donne à l’aîné noble
tous les meubles & effets mobiliers, à la charge
de payer les dettes mobiliaires, & en outre un préciput
dans les fiefs 8c dans les autres biens.
Les coutumes de Bretagne, d’Anjou, de Touraine
& plufieurs autres, font des avantages confi-
dérables aux aînés nobles.
Quand le fils aîné décède avant fon père & fa
mère, & qu’il laiffe des enfans, il y a quelques
coutumes qui n’admettent pas la repréfentation au.
droit d'aîneffie, s’il ne laiffe que des filles, 8c qui
n’admettent même les mâles que quand le père &
la mère n’ont point laiffé d’autres enfans mâles.
A l’égard de la fucceflion des fiefs en ligne collatérale,
les coutumes ne diffèrent guère moins que
pour les fucceflions en ligne direde. Nous n’entrerons
pas dans le détail de ces différences qui nous
meneroient trop loin : c’eft afîez d’avoir établi ici
les principes généraux & le droit commun ; nous
renvoyons à chaque coutume pour les loix particulières
qui y font prefcrites.
Des provinces de droit écrit où le droit d'aîneffie oe
lieu. Nous avons dit, au commencement de cet article
, que le droit d?aîneffie n’avoit pas lieu dans les
provinces régies par le droit écrit; il fout cependant
en excepter quelques-unes, dans lefquelles les coutumes
ont ftipulé un avantage en faveur des aînés :
telles font celles de Bordeaux & de Bayonne.
Celle de Bordeaux permet aux père 8c mère de
difpofer librement de tous leurs biens nobles ou roturiers
, meubles ou immeubles, par teftament, contrat
de mariage, ou autre difpofition valable, en
faveur d’un ou de plufieurs de leurs enfans, fans
'que l’aîné puifle s’en plaindre, ni demander autre
chofe que fa légitime de droit. Mais lorfqu’ils décèdent
intejiats, l’aîné fuceède feul aux comtés,
vicomtés , baronnies, 8c à toutes autres dignités ,
maifons nobles, 8c autres biens nobles, & il n’eft
tenu de laiffer aux autres enfans que leur légitime ,
qui doit être payée aux mâles moitié en terre &
moitié en argent, & aux filles en argent feulement.
S’il n’y a que des) filles, l’aînée d’entre elles jouit de
la même prérogative, 8c dans ce cas la légitime