
avoit reçu la Lorraine à titre de bénéfice, étoît fans
doute d’une maifon puiffante, riche d'ailleurs en
vaftes territoires & en poffeflions allodiales, fituées
dans l’empire & dans le royaume de France. L’hif-
toire dit qu’il les accrut par des ufurpations faites fur
les églifes dont il étoit l’avoué.
Gérard d’Alface ayant reçu l’invefiiture de la Lorraine
au défaut de la poftérité mafculïne de Frédéric
, Sophie, arrière-petite-fille de celui-ci, con-
ferva le * patrimoine & les aïeux de fa maifon; elle
époufa Louis, marquis de Mouçon & de Montbel-
liard ; ce fut le premier qui, de ces pofTeflions épar-
fes fur les frontières’de l’empire & du royaume ,
prit le titre de comte de Bar : fes fucceffeurs acquirent
bientôt de nouveaux territoires qui rele-
voient des grands vaffaux de ces deux puiffances.
Telles étoient les terres de Gondrecourt, de S.
Thiebaut, de la Marche & de Conflans, à la fource
& à l’orient de la Meufe. C ’étoit des fiefs du comté
de Champagne : ce fut fans doute à caufe de ces
fiefs, que, dans les aâes paffés avec les comtes de
Champagne, les comtes de Bar leur donnèrent le
titre de monfeigneurs, & n’en reçurent que celui de
fidèles ou de fujets.
Ce fut en conféquence que, dans l’établiffement
du comte Thibaut, roi de Navarre, fait pour ré-,
gîer les fucceflions des baronnies & châtellenies de
Champagne, le comte de Bar figure a la tête des
barons de Champagne.
Obfervons encore que, fuivant les fentences arbitrales
de S. Louis & de Charles-le-Bel, le comté de
Ligny efi: déclaré fief du comte de Bar, & arrière-
fie f des comtes dé Champagne, &c.
Ce fut ainfi que le comte de Bar devint vaffal
du comté de Champagne, fans ceffer de pofféder
allodialement fes terres d’Empire, & la ville & châtellenie
de Bar : mais plus on lit nos anciens pu-
bliciftes, moins on parvient à fe faire une idée jufie
dés prérogatives attachées aux aïeux de cette importance;
ces favans qui ne connoiffoient que la
jurifprudence récente, qui n’avoient médité que les
compilations de Tribonien & de Niger, nevoyoient
qu’ufurpations dans la jurifdiélion & les prérogatives
des fejgneurs. Ils n’avoient point remonté, ainfi que
Va fait de nos jours le comte du Buat, à ççs grands
qui, dans le berceau même de la monarchie, joi-
gnoient la qualité de collègues à celles de fubal-
ternes des rois ; qui avoient dès-lors fous eux des
corps de troupes qu’ils gouvernôientavec la même
autorité que les rois, quoique ce ne fût pas avec
la même indépendance.
Mais ces grands étoient les fujets des rois, quoi-
cme. dans l’ordre le plus relevé ; ils leur prêtoient
ierment de fidélité, quoiqu’ils ne leur fiffent pas
hommage : les comtes de Bar, en mettant à part
leurs fiefs, étoient fujets des rois de France, pour
leurs terres fituées en deçà de la Meufe, & fujets
des empereurs, pour les terres fituées au-delà de
Cette rivière.
]be traité de Bruges fit perdre à cçtte partie orientaie
du Barrois fon allodialité : Henri, comte de
Bar, ayant été pris, les armes à la main, par Phi-
lippe-le-Bel, fon fouverain, acquiefça à la com-
mife des fiefs qui depuis ont été rendus à fes def-
cendans, 6c promit de faire à l’avenir, pour lui
& fes fucceffeurs, hommage-lige aux rois de France,
de Bar, de fa châtellenie & de tout ce qu'il ienoit en
franc - alçu en deçà, de la Meufe, Ce traité efi: de
1301.
Si ces terres euffent dépendu de l’Empire, le
comté n’eut pu les reprendre en fief du roi de
France. Mais elles faifoient dès - lors partie du
royaume : des lettres-patentes du mois de mai 13 20,
& du 24 feptembre 1344 juftifient que, long-temps
avant ces deux dernières époques, le bailliage de
Bar reflbrtiffoit à celui de Sens ; depuis, les rois de
France & leur parlement continuèrent d’exercer
des aétes de fouveraineté fur le Barrois & fur les
comtes.
En 1304, un comte de Bar, ayant pourvu, dans
fon tefiament, à la garde de fes enfans & de fes
biens, crut ne pouvoir déroger à la coutume qu’avec
la permiflion du roi Philippe de Valois : « 6c s’il
» y avoit aucun droit répugnant à notredite ordori-
» nance, dit le comte, nous fupplions notre très-
» cher 6c redouté feigneur, qu’il veuille difpenfer
» de fa pleine puiflance 8c autorité royale, caffer
» 8c abolir cefdits droits 8c coutumes, en tant qu’ils
» pourraient être préjudiciaux à notre préfente or-
» donnance en tout ou en partie »*
En 1353, ce fut le parlement de Paris qui décida
_ de la garde noble du Barrois ; la veuve 8c le frère
du comte défunt, qui fe la difputoient, invoquèrent
également : generalem confuetudinem & communem ob->
fervantiam regni feu majoris partis, notarié obfervatce ,
è comitatu Barri & locorum vicinorum, videlicet co-
mitatûs Campantes. , ae etiam in patriâ Senonenfi9 ad
quem locum Barri refortitur ab antiquo, & per con-
fequens in cafu quo effet de ipfius comitatûs confite-
tudine dubium, rejforti confuetudo debeat attendi.
En 1346, en 1366 6c en 1374, le roi accorda
des lettres de rémifiion à la mère 8c aux oncles du
comte de Bar.
Vers la fin du treizième fiècle, le Barrois fut érigé
en duché, en faveur de Robert, gendre du roi Jean.
L’éreélion fut faite refpeétivement par des lettres du
roi 8c par un diplôme de l’empereur.
En 1419, Louis, cardinal de Bar, le dernier des
defeendans mâles de Louis de Mouçon 8c de la com-
teffe Sophie, céda ce duché, fous le bon plaifir du
roi, fon fouverain feigneur, à Réné d’Anjou, depuis
roi de Sicile 8c ' comte de Provence, qui époufa
l’héritière de Lorraine. Réné de Lorraine, petit-fils
du roi Réné par Yolande d’Anjou, fa mère, ayant
hérité des duchés de Lorraine 6c de Bar, réunit ces
deux provinces. Voyeç L orraine,
Cependant les comtes, les ducs de Bar 8c ceux
de Lorraine qui leur fuccédèrent, exerçoient tous
Ê les droits régaliens 8c de fouveraineté dans le Bar-
rots mouvant, compofé d’alçux, de fiefs & de tertes
démembrées de plulîeurs abbayes ; ils avoiertt
même à S. Mihiel une cour d’appel, dite des hauts
jours, mais qui vraifemblablement n’eut le refibrt fu-
prême fur les terres d’Empire, qu’après que l’empereur
Charles-Quint eut accordé aux ducs des prérogatives
très-étendues qui comprenoient le droit de non
appellando.
On a prétendu que cette cour avoit fait des aéles
de jurifdi&ion fur le Barrois mouvant : nous n’en
connoiffons aucun ; feulement un duc de Lorraine
ayant fait plaider que fes fujets avoient Valternative
de relever leurs appels au bailliage de Sens ou à la
cour de ' S. Mihiel ,• un arrêt du parlement de Paris
du 15 juillet 1507 ordonna que le duc avouerait
ou défavoueroit fon avocat : 8c le duc garda le
filence.
Cette alternative m’étoit fans doute prétendue que
conformément à un dénombrement du premier avril
1 3 97 f dans lequel le duc Edouard déclare « que Gon-
» arecourt 8c tous les lieux qui y font rappellés,
» reffortiffent, en tous cas, pardevant fon prévôt
» de Gondrecourt, 8c pardevant fon baillif, en
” caufe d’appel : & en ce qui touche fouveraineté
n & reffort dudit lieu de Gondrecourt, font d’ancien-
» neté reffortiffans en fes grands jours de S. Mihiel,
» 8c de S. Mihiel, reffortiffans audit Andelot ( fim-
» pie prévôté dans le bailliage de Chaumont ) ».
Il efi vraifemblable cependant que les ducs de
Bar exerçoient, dans le Barrois mouvant, des prérogatives
très-étendues ; qu’ils y levoient les impositions
qui leur étoient accordées par leurs états ;
qu’ils y battoient monnoie, faifoient des traités 8c
alliances. Mais tous ces droits 8c Une foule d’autres
leur étoient communs, ainfi que l’on peut le voir
dans l’ufage des fiefs de Bruffei, avec les autres
grands vaffaux 8c hauts barons. Quand les rois de
France , par des ordonnances rendues fucceflive-
ment, eurent dépouillé infenfiblement leurs vaffaux
des plus confidérables de ces prérogatives, les
ducs de Bar ceffèrent de les exercer paifiblement ;
Antoine qui demeurait en Lorraine, fut obligé de
prendre des lettres de naturalité : cè duc 8t François
fon fils donnèrent, le 15 décembre 1581, une
déclaration portant : « que le ro i, par fes lettres-
» patentes du même jour, leur ayant oéfroyé, pour
» le cours de leur vie 6c de chacun d’eux, tant
». feulement d’ufer, des droits de régale 8c de fou-
» veraineté, efdits duchés de Bar 8c choies par eux
» ternies de la couronne, ils confeffoient que, par
» la jouiffance paffée 8c à venir de ces droits, ils
» n’entendoient prétendre ne acquérir lefdits droits
» de régale, ne iceux leur competer, ne appartenir,
» mais en jouir, par le moyen de* la grâce 8c-per-
» miffion du ro i, notredit fouverain feigneur, pour
» le cours de nos vies 8c de chacun de nous tant
» feulement, faits que nos fucceffeurs, ne ayant
» caufe , y puiffent aucune chofe quereller ni de-
» mander ».
Il paroiffoit même que cette permifïiôn n’avoit
été faite aux ducs, qu’en confidération de la ceffioii
Élite au roi de leur ville de Stenay ; ceflion qui fut
révoquée quelque temps après : ces ducs étau t morts,
Henri II, par des lettres-patentes du a2, juillet 1548,
conferva au tuteur du jeune Charles, leur fils, « là
” jouiffance, pendant fa minorité, des droits royaux
” & de régale, ainfi que fon père & fon aïeul avoient
» joui ». Mais, malgré plufieurs lettres de juffion,
un arrêt du parlement débouta les tuteurs de l’entérinement.
Mais le duc Charles époufa une fille d’Henri II :
le duc & le cardinal de Guife, fes oncles, marièrent
Marie Stuart, leur nièce, à François II. Ils
abufèrent de leur afcendant pour obtenir de ce foi Me
monarque la rénonciation à toute fouveraineté fur
le Barrois.
L ’on n’ofa pas préfenter un pareil aéle à la fatte-
tion «lu parlement. Après la mort de François II ,
le duc de Lorraine éleva de nouvelles prétentions ,
forma de nouvelles plaintes fur les atteintes données
aux droits dont fes ancêtres avoient joui. Le
15 janvier 15 7 1 , le roi & le duc, fon beau-frère „
paffèrent, fous lefeel du châtelet, un concordat qui
llipule, en faveur du dite & de fes defeendans mâles
& ^femelles, les droits « de jouir, ufer librement
» & paifiblement de tous droits de régale & de fou-
» veraineté es terres du bailliage de Bar, prévôtés de
» la Marche, Chatillon, Conflans & Gondrecourt.
» Fors toutefois, excepté que pour le regard des
» fentences & jugemens donnés par le bailli de
» Bar ou par le bailli du Bafligny, efdites terres
» mouvantes dudit feigneur roi, les appellations.
» reffortiront immédiatement en la cour de parle-
» ment, fin on pour les petites caufes, n’excédantes
» la fomme^dont les juges préfidiaux ont accoutumé
». de connoître; lefquelies appellations reffortiront
» su. bailliage & préfidial de Sens ».
Ce concordat fut à pejne enregiflré en fit de fuf-
ttee, que le duc Charles .obtint du roi Charles IX -,
le 13 février 1573 » une nouvelle déclaration portant
: u que le duc auroit, & fes officiers-, la con-
» noiffance en première inffance de toutes caufes
» & matières fur les fujets dudit bailliage ( de Bar )
» es. terres de la mouvance, fans que, pour quel-
» que privilège que ce. fû t, ils puiffent être tirés
» m; diftraits hors dudit bailliage, foit pardevant les
» officiers des requêtes du palais, ou ceux des eaux
» & forêts, ou du châtelet de Paris.
» Qu’il lui feroit également loifible d’odroyer
» toutes lettres, de refeifion de contrats, refiitutions
» en entier, reliefs dillico, & autres quelconques
» lettres de grace 8t. de juftice.
» Que les ffyles anciens, ufités & invétérés aux
» prévôtés & bailliages du Barrois, feront invio-
» lablement gardés n. ■
Le duc cte Lorraine, n’étant pas encore fatisfait
de prérogatives auffi exccff.ves, obtint, le S août
1 ï 7 5 ’ une autre déclaration du: roi Henri III: par
laquelle ce prince dit, en parlant des aétes de foi1
prédéceffeur : « n’avons ■ entendu, fous la réfer-
»* vation de fief & refibrt, prétendre autres droits