
Le fucceffeur d’un abbé eft-ii tenu de payer les
dettes de Ton prédéceffeur ? Il n’y a pas de difficulté
que le fucceffeur au bénéfice ne foit tenu du fait
de fon prédéceffeur , lorfque l’aâion peut être
dirigée contre Yabbé, 8c que les dettes ont été
contrariées avec les formalités requifes, ou pour
les néceffités de Y abbé. A l’égard des arrérages de
rentes, il y a diverfité de jurifprudence entre le
parlement de Paris & le grand-confeil : dans le
premier de ces tribunaux y on n’affiijettit pas le
fucceffeur au paiement des arrérages échus du tems
de fon prédéceffeur : dans le fécond, au contraire,
on le condamne au paiement de vingt-neuf années.
Cette contrariété d’opinion eft odieufe , & il feroit
à-fouhaiter que le roi la fît ceffer par une loiprécife.
Des abbés commendataires. Les abbés commenda-
taires font regardés dans l’églife comme dès prélats
8c comme des vrais titulaires conffitués en dignité
eccléfiaftique ; ils prennent poffeffion de leurs
églifes abbatiales comme ou fait des autres églifes :
ils baifent l’autel , ils touchent les livres & les
ornemens , ils prennent la première place au choeur ;
les religieux font obligés de leur préfenter de l’eau
bénite , & de leur donner de l’encens ; ils ont
droit de porter la croix pe&orale 8c le çamail fur
le ro ch e t, malgré le réglement de l’affemblée du
clergé de France de 1645 » Çhi leur avoit interdit
ces marques de dignité, comme étant des Lignes
dè jurifdiâion purement èpifcopale ; enfin ils jouif-
fent des mêmes droits honorifiques que les abbés
réguliers , 8c en leur qualité ils peuvent être juges
délégués, 8c avoir féance dans les conciles.
Dans les abbayes qui ont territoire 8c jurifdic-
tïon , les abbés commendataires exercent les fonctions
de la jurifdiétion fpirituelle, 8c les peuples
les reconnoiffent pour leurs fupérieurs légitimes :
mais ils n?ont pas, comme les abbés réguliers, le
droit de faire la vifite 8c de connoître de la difei-
pline intérieure du monaftère ; c’eft au prieur clauf-
tral qu’appartient le droit de corre&ion ; un abbé
cardinal'n.e pourroit pas même, fous ce prétexte, fe
mêler de la difeipline intérieure des religieux, fous.
peine d’abus, 8c de l’appel auquel il1 donne lieu.
Les abbés commendataires ne font ordinairement1
pas bénis, 8c ils ne portent la croffe 8c la mitre
ue dans leurs armes. Ils font tenus , fuivant les
ifpofitions du concile de Trente, renouvellées en
France par différens conciles, 8c fur-tout par celui
d’Aix de 1585 , de fe faire ordonner prêtres dans
l’année de leurs provifions. L’article 9 de l’ordonnance
de Blois preferit la même.choie, 8c ajoute
<{Ue fi deux ans après la poffeffion annale légitime
8c paifible, les pourvus ne font pas faits prêtres,.
leurs bénéfices feront vacans 8c impétrables.
Il arrive cependant parmi nous que beaucoup de.
ces abbés obtiennent en cour de Rome des difpén-
fes fous le nom dè non promovendo , qu’ils font
réitérer de tems à autre ; 8c quoique le concile,
de Trente ait encore défendu d’étendre au-delà:
d’une année la difpenfe de non promovendo, obtenue
dans les cas de droit, elle ne laiffe pas d’avoirlîeiï$
8c le parlement de Paris a jugé en 1683 , que le
pape pouvoit la réitérer plufieurs fois.
Le pape 8c le roi peuvent d’un commun accprd
déroger à l’article du concordat qui fixe l’âge des
abbés commendataires à 2,3 ans accomplis.
Si un abbé commendataire, 8c à plus forte raifon
un régulier, fe conféroit eu fe faifoit conférer par
fon grand vicaire les bénéfices qui font à fa collation
, on pourroit attaquer cette collation par la
voie de nullité ; mais on peut pofféder en com-
rnende deux prieurés dépendant de la même abbaye.
La nomination 8c la deftitution des officiers de
juftice appartiennent à Y abbé : fi les religieux ont
une juftice difiinéle , ils peuvent de-leur côté infti-
tuer 8c deftituer leurs officiers pour les"terres qui
font dans leur lot.
•La difpofition des places monacales appartient*
auffi de droit commun aux abbés des maifons qui
ne font pas en congrégation , à moins que les religieux
ne juftifient d’un ufage 8c d'une poffeffion
contraires. Un arrêt du parlement de Touloufedu
/9 juillet 1 6 1 1 , 8c un autre du parlement dè Paris ,
du 11 février 1629, leur accordent de même la
nomination aux bénéfices dépendans de leurs abbayes,
comme un droit honorifique qui eft attaché
à leur titre ; mais cette jurifprudence n’a pas lieu
par-tout.
Dans les monaftères où la réforme a été introduite,
8c où les abbés ont cédé aux religieux le
droit de nommer aux places, ils peuvent obliger
les fupérieurs de la congrégation d’y mettre un certain
nombre de religieux , 8c les arrêts les y ont
condamnés-, lorfqu’ils en ont- fait refus. Cela a été
ainfi jugé par arrêt du parlement de Paris, du 8 avril:
1702, rapporté à la page 214 du cinquième volume
du Journal des Audiences.
Un abbé qui a le brevet du roi, 8c qui a obtenu un
arrêt qui lui permet de prendre poffeffion, a droit
de préfenter aux bénéfices , 8c même de les conférer.
G’eft ce qu’a jugé le grand-confeil , par
arrêt du 4 avril 1704.
Un arrêt du 22 novembre 1701, a jugé qu’un
abbé n’étoit pas tenu de poürfuivre l’homicide
commis envers un de fes religieux.
Si un abbé donne aux religieux quelques biens
de la menfè abbatiale, fes fucceffeurs font fondés
à revenir contre cette donation. Gela a été ainfi
décidé-par un arrêt du 20 juin 17 16 , rendu au parlement
oe Paris en' faveur de l’^ e de Saint-Mefinin
d?Orléans , quoique la donation fut faite depuis^
plus dè 80 ans. Voyez A b baye , Election ,
C onfirmation , C ommende , C oncordat ,
Mense , Bénéfice , &c.
A b-b é., eft auffi un titre que l’on donne à certains
évêques , parce que leurs lièges étoient Originairement
des abbayes , 8fc qu’ils étoient même
élu.s par les moines : tels font ceux de Gatane 8c de-
Montréal en Sicilèi Voye^-Evêque.
A bbé*, eff;eneoreun-nomquel’OndoaBe quelque-*
fois aux fupérieurs ou généraux de quelques congrégations
de chanoines réguliers, comme efi celui
de Sainte Génevieve à Paris. Foye{ C hanoine.
ABBÉES de moulins, coutume de Montargis,
thap. 10, art. 8. Ce font des ouvertures, par où
l’eau a fon cours quand les moulins n agiffent pas,
8c par lefquelles fean tombe fur la grande roué-,
8c la fait moudre. Vabbée s’ouvre 8c fe ferme par
des pales ou lamoirs , qui font à la charge du
meûnier, fi par fon bail il eft chargé des menues
réparations. - . _ ,
ABBESSE, f. f. nom de dignité. C eft la lupe-
rieure d’un monaftère de religieufes, ou d’une com-
munautéou chapitre de chanoineffes, comme Yab-
bejjc de Remiremont en Lorraine.
Quoique les communautés de vierges confacrées
à Dieu foi ent plus anciennes dans l’Eglife que celles
des moines, néanmoins l’irtftitution des abbeJJes eft
poftérieure à celle des abbés. Les premières vierges
qui fe font confacrées à Dieu, aemeuroient dans
leurs maifons paternelles. Vers le IV e fiècle elles .
s’affemblèrent dans des monaftères, mais elles n’-a-
voient point d’églife particulière ; ce ne fut que du
temps de S. Grégoire qu’elles commencèrent à en
avoir qui fiffent partie de leurs couvens. L’abbeffe
étoit autrefois élue par fa communauté , on là
choififfoit parmi les plus anciennes 8c les plus
capables de gouverner j elle recevoit la bèné-
di&ion de l’évêque, 8c fon autorité étoit perpétuelle.
Vabbeffe a les mêmes droits 8c la même autorité
fur fes religieufes, que les abbés réguliers ont fur
leurs moines. Voÿe^ A bbé.
Les abbeJJes ne peuvent à la vérité, à caufe de
leur fexe , exercer les fondions fpirituelles attachées
à la prêtrife , au lieu que les abbés en font ordinairement
revêtus. Mais il y a des exemples de
quelques abbeJJes qui ont le droit , ou plutôt le
privilège de commettre un prêtre qui les exerce
pour elles. Elles ont même une efpèce de jurifdic-
tion èpifcopale , auffi- bien que quelques abbés ,
qui font exempts de la vifite de leurs évêques
diocéfains. Voyeç Exemption.
L’abbejfe de Fontevraud, par exemple , a la fupé-
riorité 8c la direction , non-feulement fur fes religieufes
, mais auffi fur tous les religieux qui dépendent
de fon abbaye. Ces religieux font fournis à
fa corre&ion , 8c prennent leur million d’elle.
En France , la plupart des abbeJJes font nommées
par le roi. Il y a cependant plufieurs abbayes 8c
monaftères qui fe confèrent par éleftion , 8c font
exempts de la nomination du roi, comme les monaftères
de fainte Claire. Dans ces communautés, l’élection
doit être préfidée par l’évêque , ou par un
prêtre qu’il commet à cet effet, à moins que les
religieufes ne foient foumifes à d’autres fupérieurs,
en vertu de leurs règles ou de leurs privilèges. Lorfque
la majeure partie des fuffrages ne s’eft pas réunie
par le ferutin en faveur d’une perfonne, les autres
religieufes peuvent s’unir au plus grand nombre,
8c fi leur réunion furpaffe la moitié des fuffrages,
l’élue peut être confirmée par le fupérieur ; elle
gouverne même le temporel 8c le fpirituel de la
maifort, fans cependant pouvoir aliéner les biens,
ou admettre des religieufes à la profeffion pendant
le jugement de l’appel, fi les oppofantes à l’élection
8c à la confirmation, en ont interjette appel,
8c veulent lepourfuivre. Selon le concile de Trente,
celles qu’on élit abbeJJes doivent avoir 40 ans d’âge,
8c 8 de profeffion, ou avoir au moins 5 ans de
profeffion, 8c être âgées de 3 0 ans. Et fuivant les
ordonnances du royaume, toute fupérieure, 8c par
conféquent toute abbejfe, doit avoir 10 ans de profeffion
, ou avoir exercé pendant 6 ans un office
clauftral. M. Fleury, In J . au Droit eccléf.
Le père Martenne, dans fon Traité des rits de
l’Eglife, tome II. page 39 , obferve que quelques
abbeJJes confeffoient anciennement leurs religieufes.
Il ajoute que leur curiofité exceffive les porta fi
loin , que l’on fut obligé delà réprimer.
Saint Bafile dans fes Régies abrégées , interrog.no-,
tome I I ,page 45-3, permet à Y abbejfe d’entendre avec
le prêtre les confeffions de fes religieufes. Voye^
C onfession.
Il eft vrai, comme l’obferve le père Martenne
dans l’èndrôit c ité, que jufqu’au 13e fiècle non-
feulement les abbeJJes, mais les laïques même en-
tendoient quelquefois les confeffions, principalement
dans le cas de nécèffité ; mais ces confeffions
n’étoient point facramentales, 8c fe dévoient auffi
faire au prêtre. Elles avoiënt été introduites par
la grande dévotion des fidèles , qui croyoient qu’en
s’humiliant ainfi, Dieu leur tiendroit compte de
leur humiliation : mais comme elles dégénérèrent
en abus , l’églife fut obligée de les fupprimer. Il y
a , dans quelques monaftères, une pratique appellée
la coulpe-, qui eft un refte de cet ancien ufage.
Les abbeJJes doivent être bénites par l’évêque
diocéfain , à moins qu’elles ne dépendent d’un abbé
chef-d’ordre , qui ait'le privilège de les bénir.
Cette bénédiâion fe fait en la forme preferite par
le pontifical Romain. Les droits , l’autorité 8c lés
obligations des abbeffes , font, aux bienféances du
fexe près, les mêmes que celles des abbés :■ ainfi
elles çonfarvent la jurifdiéiion fur les maifons
religieufes de leur dépendance ; mais pour en faire
la vifite, elles doivent commettre à cet effet des
vicaires, qui font obligés de prendre un vïja de
l’ordinaire , qui fubfifte autant que la comntiffion.
L’abbejfe peut choifir un conteffeur , mais il faut
qu’il foit approuvé par l’évêque diocéfain ; celui
même qui leroit nommé par un abbé chef-d’ordre,
pour lés abbayes de filles de fa dépendance , ne
pourroit pas y adminiftrer le facrement de pénitence
fans le confentement de l’évêque.
L'abbejfe a i’adminiftration du temporel dè fon
abbaye ; mais elle a befoin du confentement de fa
communauté 8c des fupérieurs-majeurs, pour en
faire un échange , elle doit même prendre l’avis
de fa communauté pour procéder à la paffatioji