
Le long des bords du canal font deux bennes ou
chemins pour le tirage, l’un de neuf pieds, l’autre
de fix. Mais les francs bords, y compris ce chemin,
ont environ 36 pieds de chaque côté. 8c dépendent
du canal ; ils fervent à dépofer les terres qui proviennent
du recreufement du canal.
Sur cette longueur il y a io ï baffins ou fasd’é?,.
clufes, un pour communiquer de l’étang de Thau à
la riviere <f Hérault au-deflùs du moulin d’Agde ; 74
pour monter depuis le port d’Agde, jufqu’au baffin
de Nauroure, dont l’élévation eft dç 576 pieds , 8c
26 pour defcendre vers Touloufe, de 189 pieds
jufqu’à la Garonne au-deffous de Touloufe.
Ces 101 baffins font placés èn 62 endroits diffé-
renS, ou 6 1 corps d’éclufes. Il y a 37 baffins Amples
18 doubles, cinq triples, un quadruple, auprès de
Caftelnaudari, & un oftuple qui eft auprès de Béziers
, 8c qu’on appelle éclufes de Fonferane. De ces
61 corps d’éclufes, il y en a 44 du côté de la Méditerranée
, & 17 du côté de l’Océan ou de Touloufe ,
pour defcendre vers la Garonne.
Simon Stevin, ingénieur célébré des Provinces-
Uni es , eft le premier qui ait écrit fur les éclufes en
16 18 ; il dit que ce n’eft que fur la fin du x v ie. fiecle
qu’on a imaginé celles qui fervent aujourd’hui à fou-
tenir les eaux de la mer 8c des rivières. Bélidor,
tome III. page 5 4.
L’éclufe eft un baffin fermé à fes deux extrémités
par deux paires de portes bufquées, les unes appel-
lées d’amont, d’en-haut, de tête ou de défenfes, les
autres d’aval, d’en-bas , ou de mouille ; l’angle des
portes eft toujours tourné du côté d’en-haut pour
Soutenir les eaux.
Les éclufes du canal ont 18 ou 19 pieds d’ouverture
vers les épaulemens qui font en avant des portes
bufquées. Leur faillie eft de cinq pieds fur 18 de
bafe ; après les portes on trouve Iesbajoyers en maçonnerie
, qui ont neuf pieds de long. De-là le baffin
s’ouvre en forme d’ellipfe, il a feize pieds de plus
ou 34 pieds de large dans le milieu, fur une longueur
fie 90 pieds. Enfin les bajoyers ou jouilleres
ont encore neuf pieds de long; enforte que la longueur
totale d’une porte à l’autre eft de 108 pieds,
fans compter les parties extérieures, ou les épaulemens
, qui font au-dehors des portes. La hauteur
moyenne des éclufes eft de fept pieds neuf pouces,
c’eft la chute ou la différence des niveaux ; ainfi ,
quand il y a fix pieds d’eau 'fur l’éperon de défenfe,
il y en a 14 fur l’éperon bas ; mais il y a des chutes
d’éclufes depuis cinq pieds jufqu’à douze : une éclufe
moyenne contient environ cent toifes cubes d’eau,
il faut cinq à fix minutes pour la remplir, 8c huit à
dix minutes en tout pour faire paffer une barque de
bas en haut.
Une éclufe avec fes portes revient environ à 36
mille livres , les portes feules coûtent 2400 livres,
&ne durent que’quinze à vingt ans: elles font toutes
de chêne : on a eu envie d’y employer le frêne;
maison n’a pas ofé effayer le fapin. Un homme fuffit
pour ouvrir & fermer les portes d’éclufe en agif-
îant fur une fléché qui a quatorzé pieds en-dehors,
& quatorze ou quinze pouces d’écarriffage. Après
qu’on a ouvert les empalemens qui font dans chaque
porte, car il faut laiffer écouler l’eau , q u i, chargeant
les portes par fon poids, ne permettroit pas
de les ouvrir.
On fe fert de pouzolanne pour la conftru&ion
des éclufes , & on la tire de Civita-Vecchia près de
Rome ; on y emploie auffi la pierre d’Agde, qui
m’a femblé être une véritable lave de volcans comme
celle du Vefuve , dont la duretéieft inaltérable,
& qui rend toutes les conftruftions^ du camz/extrêmement
folides. 11 femble même qu’on pourroit
faire de la pouzolanne avec la pierre d’Agde ; mais
on m’a dit l’avoir tenté inutilement.
On peut voir tout ce qui concerne la conftruéfion
& la théorie des éclufes dans le troifieme volume
de l’Architecture Hydraulique de Belidor, qui eft pref-
que tout entier fur cette matière, ainfi qu’une partie
tdu quatrième volume.
La manoeuvre des eclüfes eft connue de tout le
monde: lorfqu’une barque veut monter, elle entre
dans le baffin par les portes baffes qui font fuppo-
fées ouvertes; quand la barque eft entrée, on ferme
les portes baffes ; on leve les vannes des portes de
défenfe ou des portes fupérieures qui retenoient
l’eau ; le baffin fe remplit, la barque s’élève à me-
fure, & fe trouve en cinq minutes au niyeau de la
retenue fupérieure ; alors on ouvre les portes de
défenfe, la barque fort librement, & ces portes ref*
tent ouvertes pour recevoir une barque defcen-,
dante. Celle-ci en arrivant, entre dans le baffin,
on ferme alors les portes d’en-haut dont les vannes,
font baiffees , on ouvre les vannes des portes baffes
, l’eau du baffin s’écoule , & la barque s’abaiffe,
au niveau de la retenue inférieure du canal ; on ou-,
vre les portes 8c la barque fort.
Ce canal eft traverfjé en différens endroits par 92'
ponts pour le fervice des grandes routes & des.
routes de traverfe ; il paffe lui même fur cinquante-,
cinq aqueducs ou {sonts, pour donner paffage à
autant de rivières quitraverfent par-deffous \t canal.,
Dans l’origine, il n’y avoit que trois ponts aqueducs
, le principal fur la riviere de Repudre, & lesî
deux autres fur les ruiffeaux de Jouarre 8c de Mar-,
feillette ; les autres ont été faits enfuite peu-à-peii
l’on en fait même encore pour fe débarraffer des,
rivières que l’on recevoit auparavant dans le canal,
& qui ne fervoient qu’à l’eftfabler. On y fuppléoit
par des épanchoirs ou vannes deftinées à faire écouler
les eaux & les fables. Mais on a trouvé que les,
ponts aqueducsétoient beaucoup plus commodes,-
c’eft M. de Vauban, lors de fa vifite en 1686, qui fit
multiplier les aqueducs aux frais du roi 8c de la
province.
11 y a auffi plus de 150 cales ou baffins Supérieurs
' au canal dans le lit des tôrrens ou des ruiffeaux. Ces
baffins en reçoivent les eaux, diminuent leur vîteffe
& arrêtent les dépôts de vafe qui pourroient enfa-
bler le canal; par le moyen de ces cales , on reçoit
dans le canal l’eau dont on a befoin, & l’on rejette
le furplus dans des contez-canaux, qui les portent
aux aqueducs. Cependant l’avantage de ces cales
n’eft pas comparable à celui des aqueducs qui donnent
un paffage libre aux rivières.
Les contxz-canaux dont nous avons parlé font
entretenus par les communautés voifines 8c le$ propriétaires
riverains par égales portions.
Ces cales font fi nécefl'aires, que l’on en fait continuellement
de nouvelles; il y en a dix de propo-
fées actuellement pour recevoir les eaux pluviales
qui nuifent beaucoup au canal.
On a fait auffi un grand nombre de paffe-liffes ou
de déverfoirs tout le long du canal ; ce font des ouvertures
avec des efpeces de ponts fur le bord du
canal, par lefquels dégorgent les eaux fuperflues
qui font rejettéesdans des contrz-canaux .• par-là on
entretient l’égalité dans le niveau des eaux du canal,
fans interrompre le tirage des francs bords qui continue
fur ces efpeces de ponts. Il y a auffi des épanchoirs
à fond, fermés avec des vannes, qui vuidenf
beaucoup d’eau quand on les ouvre.
Le canal eft creufé èn plufieurs endroits dans le
roc ; on compte qu’il y a eu cinquant mille toifes
cubes de rocher de déblayées, & deux millions de
toifes cubes de terre ou de tap, c’eft-à-dire de
tuf.
ït pâffe près de Beziers fous la montagne du Mal- *
pas, dans un percé de 8 5 toifes dont nous parlerons
k II fuit la riviere d’Aude fur une longueur de 24
milles. Cette proximité de la riviere eft une des fourbes
de dégradations & de réparations, par les dé-
hordemens ruineux & les inondations extraordinaires
de ce torrent, quoiqu’on ait tenu le canal fupé-
rieur aux plus grandes eaux. Dans le livre des mé-.
daiiles de Louis X IV , il eft dit que le canal traverfe
l’Aude en deux endroits , c’étoit l’ancien projet de
M. Riquet; mais il s’en eft écarté dans l’exécution à
cet égard, comme dans plufieurs autres points, 8c
il y étoit autorifé. par l’édit. On dut, à plus forte
railon , s’éloigner de l’ancien projet de fe fervir de
la riviere d’Aude pour la navigation ; cette riviere
eft trop inégale, trop baffe en'certains tems, trop
forte dans d’autres, trop rapide alors pour être remontée.;
un canal fait avec autant d’art que celui-ci
eft infiniment préférable à toute efpece de riviere.
Une des plus grandes difficultés de cette prodi-
gieufe entreprife étoit d’avoir, même eft é té, des
eaux fupérieures au fommet du canal & au baffin de
Nauroure, & c’eft ici que M. Riquet montra le plus
d ’intelligence, d’aûivité 8c de patience.
On a pris dans la montagne noire , cinq lieues au
nord-eft du canal, toutes les eaux fupérieures à fon
niveau, pour former deux rigoles , celle de la
montagne qui amene plufieurs ruiffeaux dans le
S o r , 8c celle de la plaine, qui va depuis la riviere
de Sor près Re ve l, fe terminer au baffin de Nauroure.
La rigole de la montagne commence à quatre
lieues de Saint-Papoul &c par la petite riviere d’A-
bran, dont on a arrêté les eaux ; cette, rigole a près
de dix pieds de large & environ trois pieds d’eau ,
coulante affez rapidement. La rigole reçoit, à deux
milles de-là, le ruiffeau de Bernaffone, après quoi
elle continue dans le roc v if fur une étendue de plus
de mille toifes, doub le tiers eft fait avec de grands
efcarpemens, dans des lieux qui auparavant n’é-
toient que des précipices.
Deux milles plus loin , la rigole de la montagne
reçoit lé ruiffeau de Lampy, après avoir coulé dans
un lit de 1345 toifes taillé dans le roc v if, 8c au travers
d’un couffin de montagne qu’il a fallu percer
dans le roc fur une longueur de 80 toifes , 8c une
hauteur d’environ huit toifes. On fe propofe de faire
un baffin à la prife d’eau du Lampy , pour mettre
des eaux en réferve lorfque l’on travaille au baffin
de Saint-Ferriol. Ces trois ruiffeaux ne tariffent jamais
, 8c la plupart du tems on n’en prend qu’une
partie pour le canal. Ils alloient tous trois à la Méditerranée.
Toutes ces eaux vont tomber dans le
Sor à deux milles de-là, dont environ 500 toifes
font prifes dans le roc, farts compter plufieurs couffins
percés, & plufieurs chauffées très-fortes confinâtes
en maçonnerie. Lors de la conftruftion du
canal, la rigole de la montagne finiffoit à l ’épan-
choir de Conquet, à-un mille &c demi du Lampy, &
les eaux le verfoient toujours de-là dans la riviere
de Sor qui eft dans le vallon voifin. Nous les, fuivrons
d’abord dans ce premier trajet, après quoi nous par-
lerons de la fécondé route qu’on leur a ouverte vers
Nauroure.
Six mille toifes au-deffous de Conquet, où les
eaux de la rigole de la .montagne fe précipitent dans
le So r , cette riviere de Sor eft arrêtée entre Soreze
& Revel par la chauffée de Pontcro'ufet pour recevoir
un canal de douze pieds de bafe, dans lequel il
coule au moins trois pieds d’eau ; ce canal paffe un
peu au-deffus de la petite ville de Re ve l, proche de
laquelle on avoit conftruit un petit pprt nommé le
Pon-Louis? éloigné de Pontçroufçt de 13 zq toifes.
C*eft au Port-Louis, tout près dé R e v e l, que
commence véritablement la rigole de la plaine >.
parce que la partie fupérieure, jufqu’au PontCrou-
fe t , étoit ouverte avant la conftruâion du canal
& fervoit à deux anciens moulins. Elle defcend, fans
recevoir de nouvelles eaux fur 4080 toifes de longueur
jufques aux Toumazes , à la maifon de Lan*
d o t , où après avoir reçu le ruiffeau de Landot, ellè
eft continuée fur 13300 toifes jufqu’à Nauroure*
c’eft-à-dire, au point de partage du canah
Les rivières & les ruiffeaux dont nous venons
de parler fourniffoient, pendant la plus grande partie
de l’année, un volume d’eau plus confidérable
que celui qui étoit néceffaire à la navigation ; mais
on craignit, avec raifon, que ces fources ne fuffent
pas fuffifantes dans le tems de féchereffe, fur-tout
lorfqu’après avoir mis une partie du canal à fec au
mois de juillet pour y faire les recreufertiens néeef-
faires dans le mois d’août & de feptembre , il faudrait
enfuite remplacer toutes les eaux qu’on auroit
été forcé de perdre.
On fuppléa à ce défaut en conftruifant à Saint-
Ferriol un grand réfervoir, qui conferve les eaux
fuperflues de l’hiver 8c du printems, pour en faire
ufage à la fin de l’été 8c en automne ; mais bientôt
apres la conftruétion du baffin de Saint-Ferriol,
l’expérience fit voir que le vallon de Landot ne four*
niffoit pas un volume d’eau fuffifant pour le remplir
, 8c que la plus grande partie des eaux que la
rigole de la montagne verfoit dans la riviere de Sor,
pendant l’hiver étoient fuperflues, on voulut en
profiter. L’extrémité inférieure de la rigole auprès
de Conquet étoit beaucoup plus élevée que le baffin
de Saint-Ferriol, mais le coteau des Campmazes
barroit le paffage : en 1687 , on furmonta cet obf-
tacle en perçant la montagne par un canal fouter-
rain de dix pieds de largeur, de vingt pieds de hauteur
& de foixante-dix toifes de longueur, 8c l’on
prolongea la rigole de la montagne au travers du
percé à une petite diftance de cette voûte ; les eaux
de la rigole fe précipitent, par une cafcade de vingt-
cinq pieds de haut, dans le ruiffeau de Landot, qui
les porte à Saint-Ferriol trois mille toifes plus bas*
d’où elles vont fe réunir à la rigole de la plaine.
Nous avons déjà dit que la rigole de la plaine qui
commence auprès de Revel, un mille au nord de Saint-
Ferriol, reçoit aux Toumazes, environ trois milles
plus bas, les eaux du ruiffeau de Landot, c’eft à
3 720 toifes au-deffous de Saint-Ferriol. La réunion de
ces eaux, lorfqu’elles font groffes , pourroit être
très-nuifible à la partie de la rigole de la plaine qui
refte depuis les Toumazes jufqu’à Nauroure, d’autant
qu’elle èft excavée à mi-côte fur une grande longueur.
Poupprévenir les breches que les eaux fau*
vages pourroient former à fes francs bords, on a
barré la rigole par une porte bufquée, placée au-
deffous ,de l’embouchure de Landot, & on vuide
toutes les eaux fuperflues dans la partie du ruiffeau
de Landot, inférieure à la rigole, au moyen d’un
réfervoir 8c de trois épanchoirs à fonds.
Il y a encore un autre réfervoir au - deffous des
Toumazes, à l’endroit où la rigole de la plaine eft
traverfée par le ruifleau de Saint-Félix.
La longueur totale des rigoles qui ont été creufées
à la main pour porter les eaux à Nauroure, eft de
30060 toifes; favoir, 12480 toifes dans la montagne,
depuis la prife d’Alzan jufqu’au faut des Campmazes
, & 17580 toifes, depuis Je Port-Louis, près
de Re ve l, jufqu’à Nauroure. On profite auffi , pour
la conduite de ces eaux fur la riviere de Sor, fur
7320 toifes, depuis Conquet jufqu?au Port-Louis,
& du ruiffeau de Landot, depuis les Campmazes jusqu’aux
Toumazes, fur 7390 toifes.
Il n’y a véritablement que dix-fept milles en lignes