
féjoiir de 1 5 ans enDau phiné, fe retira auprès du due de
Bourgogne pour allumer une nouvelle guerre civile.
Le pere, qui n’avoit à fe reprocher qu’un excès de
tendreffe pour ce fils dénaturé, tomba dans une langueur
qui le conduifit à la mort en 146 1, laiffant une
mémoire fort équivoque. Les merveilles opérées fous
fon régné lui donnent une place parmi les grands
rois. S’il ne parut jamais à la tête de fes armées , il
montra du moins beaucoup de difcernement dans le
choix de fes généraux. La défiance qu il eut de fes
talens militaires doit entrer dans fon éloge. Ce fut
fous fon régné que l’art de l’Imprimerie prit naif-
fance • mais l’efprit humain ne profita point de ce
bienfait pour étendre fes limites : les hommes guerriers,
farouches, mettoient plus de gloire à lavoir
détruire leur efpece qu’à l’éclairer. La milice de l’état
avoit été jufqu’alors aufli redoutable au citoyen
qu’à l’ennemi. On crut que pour réprimer ces brigandages
, il falloit lui affurer une paie qui fournît à
les befoins. Cette charge néceffaire pour rétablir la
fureté publique, donna naiffance à l’impofition de la
taille ;le peuple confentit avec joie à faire le facri-
fice d’une portion de fes biens pour fe fouftraire à la
violence du foldat affamé. Ce fut encore fous ce
re.<me que fe tint le concile de Baie , oh 1 on décida
lafupériorité du concile fur les décifions du fouve-.
rain pontife. CEneas Sylvius, qui en avoit été fecré-
taire, en défavoua les maximes lorfqu’il fut parvenu
à la papauté. Ce concile finit en 1443 ; Eugene IV
en convoqua un autre à Ferrare, qu’il transféra en-
fuite à Florence. Ce fut dans cette affemblée que fe
fit la réunion des Grecs avec l’églife latine. ( T ~ n .)
C harles VIII, ( Hift. de France. ) n’avoit que 13
ans lorfqu’il parvint à la couronne de France, en
1483. Louis X I qui craignoit de lui donner des talens
dont il auroit pu un jour fe fervir contre lui-
même , n’avoit confié fon éducation qu’à des hommes
fans mérite ; mais les difpofitions heureufes que
la nature lui avoit données triomphèrent de ces obf-
tacles. La régence fut confiée à Madame de Beau-
jeu ; Louis, duc d’Orléans, premier prince du fang,
qui monta depuis fur le trône, fe plaignit de ce qu’on
ne remettoit pas en fes mains les rênes du gouvernement
: fes murmures allumèrent une guerre civile :
Louis fut fait prifonnier à la bataille de Saint-Aubin.
Le reffentiment de Madame de Beaujeu prolongea
fa captivité ; mais dès que Charles régna par lui-même
, il fe hâta de brifer fes fers. Ce prince étoit déjà
connu par des aéles de clémence ; il avoit rendu la
liberté, les biens & l’honneur aux relies de la mal-
heureufe maifon d’Armagnac. Il époufa Anne de Bretagne
en 1491 » §£ cette heureufe union mit fin à
toutes les guerres civiles que ce duché avoit occa-
fionnées. La vigueur qu’il fit paroître dans fes démêlés
avec le roi d’Angleterre 6c l’empereur, apprit à
ces princes à ne pas méprifer fa jeunefle. La France
commençoit à fe relever de fes pertes ; les fautes
de Louis XI étoient réparées , quelques impôts
àvoient été fupprimés : tout étoit calme , lorfque la
manie des conquêtes troubla le repos du ro i, du
peuple 6c d’une partie de l’Europe. Charles d’Anjou
avoit cédé à Louis XI fes prétentions fur les royaumes
de Naples 6c de Sicile ; Charles V I I I céda le
Rouflillon 6c la Sardaigne au Roi d’Arragon, qui
commençoit à l’inquiéter, 6c partit à la tête de Ion
armée en 149 4 , paffa les Alpes avec autant d’audace
que de fatigues, traverfa l’Italie d’un pas rapide
, 6c entra dans Rome avec l’appareil d’un conquérant.
Il y donna des lo ix , & fit afficher fes ordonnances
aux portes du palais du pape. Ce fut là qu’An-
dré Paléologue lui céda fes droits fur l’empire d’O-
rient. Heureufement il ne fongea. point dans la fuite
à les faire valoir, 6c les fuites qu’eut la conquête de
l^aples lui firent foupçonner celles qu’auroit eues la
conquête de Conftantinople, Ferdinand s’enfuit à
l’approche de Charles ; ce prince foumet le royaume
en courant, il elt reçu dans la capitale prefque aufli
facilement qu’il l’eût été dans Paris. Déjà il fe prépare
à revenir en France ; mais le pape, l’empereur,
le roi d’Arragon, le roi d’Angleterre,, le duc de Milan
6c la republique de Venife fe figuent pour lui
fermer le retour. On l’attaque àFornoue le 6 juillet
1495. Compagnons, d it- il à fes foldats, les ennemis
lbnt dix fois plus que nous; mais vous êtes François.
Les alliés fe confient en leur multitude, nous, en
notre force & vertu. On en vint aux mains : Charles
enveloppé par les ennemis, foutint leur choc pendant
long-tems; il fut enfin fecouru, rétablit le combat
, & remporta la viéloire. Il coucha fans tente fur
le champ de bataille au milieu des morts. Tandis
qu’il rentroit glorieux en France, les Napolitains fe
kmlevoient : les garnifons Françoifes furent maffa-
crées. La crainte,avoit tout fournis à Charles V I I I ;
l’affedlion du peuple fournit tout à Ferdinand. Charles
V III alloit repaffer les monts pour châtier cette
révolte, 6c faire une nouvelle révolution, lorfqu’il
mourut au château d’Amboife le 7 avril 1498 ,,âgé
de 27 ans. Deux de fes officiers expirèrent de douleur
en voyant partir fon convoi. Ce trait fuffit à
fon éloge. ( M . d e S a c y . )
CHARLES IX , ( Hift, de France. ) étoit fils de
Henri II, & frere de François I I , rois de France. 11
fuccéda à ce dernier en 1560. Il n’y eut point de régent;
mais la reine mere Catherine de Médicis en
eut toute l’autorité. C ’étoit une femme impérieufe,
cruelle, fanatique, fuperftitieufe, diflimulée. Antoine
de Bourbon , roi de Navarre, prit le titre de
lieutenant-général du royaume; mais i l 'n ’avoit ni
affez de talens pour s’oppofer aux projets de. Catherine
, ni affez de méchanceté pour agir de concert
avec elle. On rendit la liberté au prince de Condé ,
qui avoit été condamné à perdre la tête. Trois hommes
puiflans, ennehiis fecrets les uns des autres,
fe liguèrent pour envahir l’autorité : c’étoieht le
Maréchal de Saint-André, le duc de Guife 6c le connétable
de Montmorency : cette union fut appellée
triumvirat. L’édit de Saint-Germain ordonnoit aux
deux partis de vivre en paix, tandis que ceux qui
l’avoient diété échauffoient la difeorde. On s’gffem-
bla à Poiffy pour rapprocher les efprits, on difputa
fans s’entendre, on ne conclut rien, 6c l’on fortit de
part 6c d’autre plus opiniâtres que jamais. On vou-
loit détacher Condé du parti des huguenots. Le parlement
rendit un arrêt qui le déclaroit innocent de
la conjuration d’Amboife. Cette fentence ne put ni
perfuader le peuple, ni attirer le prince : des deux;
côtés on demandoit la paix, on defiroit la guerre.
Ce fut dans ces circonftances que Marie Stuart, quitta
la France , 6c partit pour la Grande-Bretagne, oît
elle perdit la tête fur un échafaud ; fon dépa'rt fut à
peine apperçu par la nation, occupée de querelles
théologiques. L’édit de janvier, publié en 1562, ac:
corda aux proteflans le libre exercice de leur religion;
mais au lieu de les faire périr fur des gibets ,
on les égorgea dans ldhrs maifons : le duc de Guife
donna le lignai de ces affaflinats par le rnaffaere de
Vaffy. La guerre s’alluma aufli-tôt; le prince de Condé
fe mit à la tête du parti hérétique : Orléans devint
le centre de la révolte ; Antoine de Bourbon,
roi de Navarre, périt au fiege de Rouén : prince foi-
ble, bon foldat, mauvais général, maladroit négociateur
, ami peu fidele, 6c dont le plus beau titre
eft d’avoir été pere de Henri IV. Les armées s’appro-
choient; on envoya demander à la reine s’il falloit livrer
bataille:«demandez-le à la nourrice du roi,dit-elle
avec un fourire ironique ». La bataille fe donna près
de Dreux; les huguenots furent vaincus ; le prince
de Condé tomba entre les mains des catholiques-,
6c
& le connétable, entre celles des huguenots. Le ma- j
réchal de Saint-André qui avoit échappé aux coups
des (oldats ennemis, tomba'fous ceux d’un aflùflin
après la bataille ; François duc de Guife eut le même
fort à Orléans. Cet nomme fingulier, grand politique
, grand général, maître de lui-même comme
des autres hommes, infinuant, brave, ne iaiffa d’autre
héritage que zoo mille écus de dettes, ce qui
prouve que l’amour de la gloire 6c de l’empire étoit
fa feule paffion. Le roi marcha vers le Havre, & enleva
cette place aux Anglois, que les huguenots
avoient introduits en France. Cette conquête fut
fu iv ie, en 1563, d’un édit de pacification qui fut
peu refpe&é par les proteflans, 6c violé fans pudeur
par les catholiques. La majorité du roi fut déclarée
à 13 ans ; mais Catherine demeura toujours maîtreffe
des affaires. On fit la paix avec l’Angleterre ; Charles
IX y inutile à fon peuple, à lui-même, fit des
voyages dans les provinces, moins pour en examiner
la fituation que pour promener fon ennui. Il eut,
ainfi que Catherine, une entrevue à Bayonne avec
le duc d’Albe &lfabelle de France, époufe de Philippe
II. On prétend que ce fut-là que la perte des
huguenots fut jurée.
Les perfécutions rallumèrent la guerre ; on
traita de rebelles ceux qui ne fe laiffoient pas
égorger, on leur fit un crime de défendre leur v ie;
les proteflans réfolus de fe perdre ou de réufîir par
un coup d’éclat, tentèrent d’enlever le roi au château
de Monceaux ; mais les Suiffes le fauverent 6c
le ramenèrent à Paris. Le peu de fuccès de cette en-
treprife n’affoiblit point le defir qu’ils avoient d’en
venir à une aftion décifive : ce fut dans la plaine de
Saint-Denis qu’elle fe paffa, l’an 1567. Le connétable
, âgé de 74 ans , y commanda en habile général,
y combattit en foldat, & reçut fix bleffq|es; il vou-
loit mourir fur le champ de bataille : on l’emporta
malgré lui. Un cordelier s’approcha pour l’exhorter
à la mort : Penfes-tu , lui dit-il, qu’un homme qui
a vécu près de '8.0 ans avec gloire , n’ait pas appris
à mourir un quart d’heure. Des deux côtés on
s’attribua la victoire, elle étoit incertaine ; mais
l’honneur de cette journée doit appartenir aux roya*
liftes, puifqu’ils étoient les plus foibles, 6c qu’ils
ne furent pas vaincus. Le roi offrit l’épée de connétable
à Vieilleville ; le maréchal s’immortalifa par
un refus généreux, 6c ce fut par fon confeil que le
duc d’Anjou ( depuis Henri III ) fut nommé lieutenant
général du royaume. Montluc aux pieds des
Pyrénées, faifoit alors la guerre aux Efpagnols 6c
aux'proteftans : c’eût été un grand homme,s’il s’étoit
fouvenu que la religion ne permet pas de maffacrer
fans pitié les ennemis de cette religion même. On
fit la paix à Longjumeau en 1 5 6 8 ,6c dans la même
année, on reprit les armes. La reine avoit voulu
attenter-à la liberté du prince de Condé & de l’Amiral
de Coligpy, qui Commençoit à jouer un grand
rôle parmi les proteflans. Cette troifieme guerre ouvrit
l’entrée du royaume à ces reitres, la terreur
des deux partis; on fe battit près de Jarnac le 13
mars 1569-2 les royaliftes, fous la conduite du duc
d’Anjou , remportèrent la viéloire ; Condé fut aflàf-
finé après la bataille, par Montefquiou. Condé étoit
bleffé au bras avant le combat : « nobleffe Françoife,
»» dit-il, apprenez que Condé avec un bras en écharpe
» peut encore donner bataille ». Dans le même in-
ftant un cheval lui caffe la jambe, on veut l’emporter
, il réfifte , 6c pour toute réponfe il montre la
devife qu’il portoit fur fa cornette : pro Chrifto &
paeriddulcepericulum.Ce fut alors que le jeune Henri
(depuisHenri IV ) parut'à la tête des huguenots,
fous la conduite de l’amiral. Ce grand homme qui
prévoyoit la chiite de fon parti, vouloit lui affurer un
afyle qui fut à l’abri de la fureur des Catholiques.
Tome II.
Ce fut dans cette vue qu’il en$%ya une colonie dans
la Floride ; c’eft la première que nous ayons eue en
Amérique. U triompha à la journée de la Roche-la-
Belle ; iRais il fut vaincu à celle de Moncontour, le
3 octobre 1569. Le duc d’Anjou ne fut pâs profiter
de fon avantage , 6c l ’amiral fut réparer fes pertes*
La paix de Saint-Germain qu’on appella la paix mil
» étoit fi favorable aux huguenots, qu’ils auraient
dû s’en défier. On attira les principaux chefs à
Paris , 6c on les maffacra : on prétend que le roi tira
lui-même fur les malheureux qui paffoient la riviere
à la nage. On ajoute que depuis cet inftant il devint
fombre , mélancolique, 6c que le fouvenir de cette
affreufe journée répandit fur le refte de fa vie une
amertume infupportable. Cette perfécution eut le
fort de toutes les autres; elle multiplia lesprofélytes
de l’erreur : ils avoient eu des héros, ils ne croyoient
point avoir eu encore afîèzde martyrs. Quiconque
croit mourir pour fon dieu, meurt toujours avec
joie. On fit une quatrième paix aufli infru&ueufe
que les autres. Un nouveau parti fe forma en 1574,
c’étoit celui des politiques : le duc d’Alençon , le roî
de Navarre 6c les autres chefs furent arrêtés. On ne
fit plus ufage de poignards, on fe contenta de chaînes
dans cette occafion. Enfin, Charles I X mourut. C e
prince ne fut méchant que par foiblefle. Sa jeunefle
avoit donné d’affez belles efpérances ; on s’empara
de fon efprit, de fon coeur, de toutes fes facultés ;
on lui infpira toute la rage du fanatifme, on le conduifit
de crime en crime ; on le baigna dans le fang de
fes fujets. Il fut coupable fans doute ; mais ceux quî
lui frayèrent le chemin du crime, le furent plus que ]ui. ( M. d e S a c y .)
* C harles I , roi d’Efpagne. Voyeç ci-devant
C harles-Q uint , empereur.
* C harles II, roi d’Efpagne, ( #//?. cCÈfpàgneé)
n’avoit guere plus de quatre ans lorfqu’il monta fur
le trône de fon pere Pnilippe IV, en 1665. Sa minorité
fut tout à la fois malheureufe au-dehors & ora-
geule au-dedans. Anne d’Autriche , régente dif
royaume , jaloufe d’une autorité dont elle ne favoit
pas faire ulage, indifpofa les grands contre fon ad-
miniftration, & invita, par Ion inexpérience, les
ennemis de l’Efpagne à la dépouiller d’une partie de
fes provinces. Elle ligna la paix avec le Portugal
qui, jadis province Elpagnole, fut reconnu pour un
royaume libre 6c dépendant. Par le traité d’Aix-la-
Chapelle , Louis X IV conferva toutes les conquêtes
qu’il avoit faites dans les Pays-Bas Efpagnols, 6 c
ne rendit que la Franche-Comté qu’il eût peut-être
encore gardée, s’il eût voulu tirer tout l’avantage
poflible de la foiblefle de l’Efpagne.
Charles, devenu majeur, n’eut prefque pas de
part au gouvernement. Ce prince, d’une complexion.
débile, d’un efprit foible, 6c dont l’éducation avoit
encore été négligée à deflein , Iaiffa toute l’autorité
à fa mere 6 c à fon favori Valenzuéla : cependant ils
ne la gardèrent pas long-tems. D. Juan d’Autriche ,
fils naturel de Philippe IV, fit fentirà Charles l’efpece
de fervitude où on le retenoït, le défordre où étoient
les affaires, l’Efpagne épuifée par des guerres mal-
heureufes, 6 c déshonorée par des paix honteufes.
Le monarque fecoua le joug. La reine fut reléguée
dans un couvent de Tolede, 6c D. Juan déclaré pre*
mierminiftre; mais il répondit mal aux efpérances
que l’on avoit conçues de fes talens. La guerre avec
la France ne ceffa pas d’être une fource de.revers, 6 c
l’Efpagne perdit encore à la paix de Nimegue la Franche
Comté 6 c feize villes confidérables des Pays-
Bas.
En 1679, Charles époufa la princeffe Marie-Louife
d’Orléans, fille de Monfieur 6c d’Henriette d’Angle-
T terre. L’Efpagne continua de languir. Une guerre de
Y *