
pas fans fondement, 8c que l’opération du feu de ce
four n’exigeant pas une grande précilion dans fon degré
de chaleur, en peut effe&ivement admettre une
certaine latitude dans le meilleur module de (es proportions,
comme nous le verrons par les. détails.
Maispar-tout, l’art du chaufournier m’a paru n avoir
été éclairé jufqu’ à préfent , d’autres lumières que de
la tradition locale des gens grofliers qui le pratiquent.
A
Le cône renverfé du four B C î figu re 4 , eft porte
fur un foyer cylindrique G , du même diamètre de
vingt à vingt-huit pouces > 8c de dix-huit de hauteur,
qui fert tout à la fois de cendrier, de décharge 8c de
lou'fïlet pour le four. On pratique à ce.foyer une,
deux , trois ou quatre gueules F , figures 4 8 cS , félon
la grandeur du four, chacune de quinze à feifë pouces
de hauteur, 8c de douze ou treize d e ro rg e,
pour pouvoir y faire paffer aifément une pelle de fer
de l’efpece de celles que l’on appelle efcoupes : chaque
gueule eft cintrée par fon fommet de deux pouces
i figure 7 , fur une barre de fer i de vingt-cinq lignes
de largeur & quatre à cinq lignes d épaiffeur,
qui en fupporte les claveaux, 8c chacune eft encore
traverfée à lanaiflance de fon cintre par'une fécondé
barre e, femblable & droite, le tout bien fcelle dans la
maçonnerie.On fcelle aufïi une autre barre plus forte-E
à l’orifice inférieur de l’entonnoir, figure 5 , 8c à-peu-
près fuivant fon diamètre , fur laquelle, comme fur
les barres horizontales des gueules, le chaufournier fait
porter les extrémités d’autres barreaux volians ƒ ,
pour y former un grillage quand il en eft befoin.
La manoeuvre très-fréquente de charger ce four,
exige à fon fommet une plate-forme P , figure 3 ,
tout autour de l’entonnoir , 8c plus grande à proportion
que le four eft plus élevé. Il ne la faut pas
moindre que de largeur égale au diamètre fupérieur
du four ; fi le four eft d’environ douze pieds de large
, l’édifice total fe trouvera de trente-cinq pieds
de diamètre, fur quinze à feize pieds d’élévation, ce
qui demande de la folidité dans la bâtiffe. 11 faut donc
ou de bons revêtemens R , figure 4 , tout autour pour
foutenir la pouffée des terres de la plate-forme 8c de
toute la pierre, à chaux que l’on y amaffe , ou conf-
truire lé tout en maçonnerie pleine, ou choifir, fi on
le peut , fon emplacemeut contre un tertre, ou enfin
enfoncer le four entier dans les terres, comme
nous l’avons vu aux fours du premier genre. Dans
tous ces cas, il faut pratiquer au bas des grands fours
quelques galeries fuffifamment éclairées , tant pour
arriver aux gueules du four , que pour y dépofer la
chaux bien à couvert à mefure. qu’on la défourne.
Pour monter fur la plate-forme, il faut y former une
rampe douce A , figure 3 , par laquelle les-journaliers
puiffent continuellement rouler les matières à
la brouette.
Si le cône eft çonftruit avec des briques, qui font
certainement l’éfpece de matériaux qui y convient
le mieux , fa maçonnerie eft fuffifante avec huit pouces
d’épaiffeur. Il y faut cependant plufieurs contre-
forts pour qu’il ne fléchifle pas, en cas que les terres
rapportées faffent quelque mouvement. Du rèfte,
ces fortes d’édifices n’ont rien de particulier, dont les
deftins ne puiffent faire entendre les détails.
Un petit four de cette efpece , çrèufé dans la terre
& revêtu de briques , ne peut nulle part être cher à
conftruire : mais un grand , élevé en rafe campagne,
peut coûter, dans la Flandre maritime , jufqu’à
quinze 8c feize cens livres ; deux où trois grands accolés,
iroient à mille pü douze cens livres chacun,
le tout à proportion du prix dés journées d’ouvriers
& de la brique, qui s’y vend jufqu’à douze livres
le mille .
Charge de ce four en pierres dures. Pour charger ce
4pur 1 le chaufournier, après avoir formé, à l’orifice
inférieur de l’entonnoir, le grillage de barreaux vo lans,
y defcend & y arrange trois ou quatre brafféês'
de bois bien fe c , qu’il recouvre d’un lit de; trois où
quatre pouces de houille en morceaux gros comme
le poing.
Si la houille deftinée pour, çe four eft ep poufliere,
& que, la pierre à calciner foit dure , toute la pierre
doit avoir été réduite en morceaux de la groffeur dit
poing tout au plus. On en a tranfporté fur la plate-r
forme un amas fuffifant pour la charge complette du
fou r , ainfi qu’une quantité proportionnée de,houille.
Alors le chaufournier reçoit un panier rempli de ces
pierres que deux fervans lui defcendent, au moyen
d’une corde, 8c jette, les pierres fur le lit de hçuille,
puis un autre femblable panier : il rapge grofliére-
ment ces pierres ,1e plus, fouvent avec Ion pied fans
febaiffer, enforte qu’elles recouvrent toute la,houille.
Sur ce lit de pierres , qui s’appelle une charge, 8c
qui peut avoir trois à quatre pouces aù plus d’épaiffeur
, il étend un lit de houille, ou une charbonnée
en' vuidant un panier qu’on lui defcend, comme ceux
de pierres. Le poulîierpar fon choc en tombant s’in-
finue dans les joints des pierres, 8c les recquvrfe en tièrement.
Le chaufournier répété la même manoeuvre
des charges & charbonnées alternatives, jufqu’à.
ce que le four foit totalement rempli. Il 'obferve feulement
de faire les charges un peu plus épaùffes, à me-;
fure qu’elles s’élèvent, 8c fur-tout vers l’axe du four j
ôitle feu eft fouventle plus aûif, Ces charges forment
donc ordinairement une efpe.ce de calotte , & peu-^
vent avoir vers le fommet du four fept à huit pouces
d’épaiffeur autour de l’axe , au lieu de cinq à fix
pouces près les bords de l’entonnoir. Pour le fërvir,
diligemment, il y a huit ou dix manoeuvres munis;
de deux douzaines de mannes ou paniers qu’ils rem-
pliffent de pierres fur la plate-forme, & qu’ils vui-
dent fucceflivement dans celui que l’on defcend au
fond du four;ainfi que la houille, quand 1 e chaufournier
\& demande, Il faut, une heure, , pour arranger,
dans'le four environ foixante-doùze pijeds cubes dq
cette.menue pierre.
Les mêmes journaliers font occupés, à brifer .Ie
moellon avec des marteaux , lorfqq’ils ,ne jfervent
pas àia charge duiour ou. des, voitures qui viennent
chercher la chaux. Ce n’eft pas que de plus grQ.ffes,
pierres ne fe calcinent également bien au, feu de(
houille, comme on lé pratique quelquefois àportéq
des carrières & des mines ; mais Téloigpement de j’qne
& l’autré apporte néceffairemént des changemen&dans
la manipulation de cet attelief i c’ efioe que j’aire-.
marqué à dix lieues de .Landrethun, d’où l’on' tire la
pierre & la houille à grands frais pour les fours à
chaux dé MM. Thierry , • entrepreneurs des ouvrages
duroi.de France, , 8l négocians à Dunkerque,
qui m’ont fourni plufieurs bonnes remarques, affu-
rées fur leur longue 8c intelligente pratique, 8c
m’ont procuré toütes fortes de facilités à leurs, fours
pour mes épreuves. La houille doit être diftribuée
dans le four par couche ,, d’une épaiffeur pro-r
portiônnée à fon degré de bonté '& .àla maffe des
morceaux de pierre. Si les pierres ne font pour, là
plupart à - peu - près égales, » les plus groffes ne
feront pas encore pénétrées de feu ,lorfque les moindres
feront déjà calcinées : il faudroit donc obferver
dans-les charbonnées de donner plus ; de .houille à
celles-là qu’à.celles-ci ;; ce qui ,,outre la grande fu-
jétion , produiroit fouyent de Pinégalite dans la calcination
, beaucoup de. npyaux, que . 'les chaufourniers
appellent aufli rigaux 6c.marrons dans les grof-
fes pierres, 8c confommcroit beaucoup de houille
inutile autour des petites. Q r , quand la pierre eft
chere , on ne l'aiffe perdre ni les éclats des moëllpns,
ni les recoupes de la taillé.,-<&. il le rencontre nécef»
fairejnçntbeaittoup de menus morceaux dans la pierre
â calciner. Pour qu’il y ait plus d’uniformité dahs
le total, il Convient donc de brifer les moellons, &
de n’admettre dans le four que des morceaux de pier^
res au-deffous de vingt pouces cubes.
D’ailleurs, la houille que.l’on tire de loin , n’eft
pas toujours de la meilleure, fur-tout fi elle vient
de houillieres qui n’aient.pas un grand débit. Comme
alors il s’y en trouve fouvent d’anciennement tirée
de la mine, & par confisquent éventée ou fort
affoiblie , les débitans ne manquent guere à la mêler
avec la nouvelle, &c l’envoient ainfi détériorée à
ceux qui ne font pas à portée d’y veiller. Il faut, en
employant cette houille , faire les charges de pierres
plus minces ; la menue pierraille y convient
mieux. Quand on a la houille dans toute fa force ,
& mêlée de morceaux avec le pouflier , comme à
Tournay, Valenciennes , &c. on peut épargner une
partie des frais de la débiter fi menue : la grofle houille
donne un feu plus v if, parce qu’elle s’évente moins
à l’air , & eft plus chere à poids égal. Mais on a remarqué
par-tout que les moellons angulaires & minces
, au moins par un cô té, fous la forme irrégulière
d’un coin, en un mot, ce que l’on appelle des éclats,
fe calcinent mieux que ceux de forme cubique ou
arrondis, qui ne réufliffent pas dans les fours.
On fait aufli plus minces les charges du fond du
fou r, parce qu’il faut au commencement de l’opération
plus de feu pour faire fuer & recuire le fou r ,
fur-tout s’il eft récemment çonftruit ; & malgré cette
augmentation de feu, le pied du four fournit ordinairement
quelques mannes de pierres mal calcinées.
Du feu de ce four & de fa conduite. Il n’eft pas indifférent
de mettre le feu au four, lorfqu’il n’eft chargé
qu’en partie, ou d’attendre qu’il le foit totalement.
Si dans ce dernier cas, le feu par quelque accident,
ne prenoit pas bien & s’éteignoit, il faudroit décharger
tout le fou r , & perdre un tems confidérable de
tous les journaliers : ainfi, la prudence exige de l’allumer,
lorfque le bois eft recouvert feulement de
deux à trois pieds de hauteur par les charges. Pour
l’allumer, on jette dans le cendrier une botte de
paille que l’on y charge de quelques morceaux de
boisfec : on obferve de choifir celle des gueules, fut
laquelle le vent fouffle le plus dire&ement. Si le vent
étoit trop violent, on boucheroit celles des autres
gueules,par lefquèlles la flamme fortiroit du cendrier.
En quelques minutes, le bois qui eft fur le grillage
fe trouve enflammé : lorfqu’il l’eft fuffifamment, 8c
que la fumée commence à fortir par le fommet du
fo u r , on bouche toutes les gueules avec des pierres
& de la terre ou des gazons, afin que le feu ne s’élève
pas trop vite , & c’eft alors que l’on continue les
charges jufqu’au fommet du four.
Il feroit fans comparaifon plus commode au chaufournier
, que ces gueules fuffent .garnies chacune
d’une porte de tôle. Il eft fouvent néceffaire de les
ouvrir ou fermer pour bien conduire le feu , & rendre
la calcination égale dans toutes les parties du
four : mais comme il faut du tems, & quelques peines
pour arranger & déplacer cet amas de pierres &
de gazons, dont on fe fert ordinairement, les ouvriers
conviennent qu’ils feles épargnent quelquefois mal à
propos ; au lieu que des portes de fer avec regifttes,
comme à nos poêles d’appartemens , leur donne-
roient le moyen de gouverner le feu avec la plus
grande facilité. J*en ai fait faire de telles en faveur
d’un vieux chaufournier, praticien de quarante ans ,
qui m’en a remercié plufieurs fo is , comme d’un
grand préfent.
Les gueules par lefquelles on tire toute la chaux du
fou r, à mefure qu’elle eft faite , font fujettes à de
fréquentes dégradations. Leur cintre, qui n’eft porté
que fur une feulq barre, fç brife à force d’êtrç heurté
fome I IX
par le manche d’une pelle que l’on enfonce dans la
chaux, comme un levier pour la faire tomber dans le
cendrier i leurs pieds droits s’écornent & fe détrui-
fent par les coups fréquens de la même pelle qui ra-*
maffe la chaux. 11 faudroit dans ie cas d’une exploitation
fuivie plufieurs années, que les gueules fuffent
garnies d’un chaflis de fe r , qui en les défendant, fer-
viroit de battée à la porte de tôiê-
Il ne fuffit pas toujours 9 pour opérer l’égalité du
feu dans tout le cercle du fou r , de bien ménager le
courant de l’air ou tirage par le cendrier. Il fe rencontre
dans le maffif des pierres, fur-tout auprès des
parois du fou r, des endroits où le feu ne pénétré pas
Gomme ailleurs ; ce qui vient en partie de ce que la
pierre, en tombant des mannes, fe trouve plus en-
taflee dans quelques points que clans d’autres, 8c
moins garnie de houille dans fes joints. Ces endroits
font remarquables à la furfaee du four par la couleur
des pierres, qui ne font pas imprégnées de fuie *
comme celles fous lefquelles le feu a tait plus de progrès.
Il faut y donner un peu de jou r, pour que le
feu s’y porte davantage. C ’eft à quoi fert la lance ,
fi§ ^ > pé- I l du Chaufournier, Suppl. Le chaufournier
dreffe la lance fur fa pointe t 8c en l’agitant la fait
entrer & pénétrer à travers les pierres de toute fa
longueur : il la retire 8c la replonge plufieurs fois
de fuite dans le même trou , pour y former un petit
canal, & en pratique plufieurs feinblables dans le
voifinage, s’il le juge néceffaire. Il n’en faut pas
davantage pour déterminer le feu vers ees parties ,
8c rétablir l’égalité. Ces coups de lances font fort rarement
néceffaires ailleurs qu’auprès des parois de
l’entonnoir, & m’ont fait juger que les fours moins
evafés font plus favorables que ceux qui le font davantage
, dans ces premiers le feu devant atteindre plus
aifément toute la circonférence.
Lorfque le feu approche du haut du four, il faut
en garantir l’orifice par des abri-vents de planches
de quatre à cinq pieds dehauteut pour les petits fours,
8c un peu plus élevés pour les grands. On les dreffe
entre quelques piquets ; on les change de place, félon
que le vent tourne , 8c on les abat chaque fois
qu’il faut recharger le four. Iln’y a pas d’autre opération
à faire à ce four,jüfqu’à ce que le feu foit parvenu
à l’orifice fupérieur, & ait enflammé le dernier lit de
houille fous la deriiiere charge de pierrës, enforte
que l’on envoie la flamme, ceqüi arrive le troifieme
ou quatrième jou r, fuivant la grandeur du four , 8c
que le vent a été plus ou moins favorable par fa médiocrité.
De C extraction de la chaux, & des recharges du four.
Le feu , à mefure qu’il s’élève, abandonne le bas du
four, dont il a confumé toute la bouille, 8c qui fe refroidit
totalement. Alors le chaufournier jette une
borirte charbonnée fur la furfaee de fon fou r , 8c
commence enfuite à tirer par le cendrier la chautf
qui eft faite.
Il y auroit ae nncônvénient à déranger le pied du
four avant que le feu fût arrivé jufqu’au fommet, la
chute ou l’affaiffement des pierres reroit pénétrer 8c
tomber entre leurs joints les charbonnées du fommet
qui ne feroient pas encore enflammées : il fe
trouveroit par-là des efpaces de pierres dépourvus
de houille , 8c d’autres, qui en feroient furchargés.
C ’eft par cette raifon qu’il faut jettër une charbonnée
avant de tirer la chaux faite : le feu , quoiqu’il
fe montre autour de l’axe à la furfaee fupérieura
du four, n’eft ordinairement pas encore fi eleve prè9
la circonférencé; il faut y fournir de la houille pour
remplacer celle qui tombera plus bas, pendant le
mouvement que vont faire toutes les pierres dont lë
four eft chargé.
Pour tirer la chaux, le chaufournier arrache, les
barreau^ volans du grillage ; la chaux tombe aufli tqç
Bbb