plus au fud, rio Grandes Corientes ; félon là relation
des Ruffes il y a une grande riviere 8c rapide
au même endroit ; une autre chez A corti, encore
plus au fud; on n’en peut rien décider, puifque
toute cette côte n’a pas été reconnue par les Ruf-
fes ; enfin tout au fud, vers l’extrémité de l’Amérique
oueft 8c nord, eft Quivira , après quoi T o lm ,
enfuite la Californie , proprement ainfi nommee en
prefqu’île ; toutes ces côtes faifoient depuis la mer
Glaciale jufqu’au cap faint Lucar dix-fept cens
lieues, fans doute Efpagnoles, de dix-fept 8c demie
au degré ; eft-ce que cela n’eft pas d’accord avec la
diftance reconnue aujourd’hui ? Mais on s’eft opiniâtré
à foutenir (quoique les anciens aient déclaré
qu’on donnait le nom de Californie & de nouveau
Mexique à tout ce qui eft à Ion oueft ) que tout ce
qu’ils ont découvert de ce côté devoit être placé
dans ce que l’on avoit converti en île , en déduire
douze cens lieues de côtes, 8c réduire tout dans cet
efpace de cinq cens lieues ; entrée d’Aguilar, cap
Blanc, port de Drake, cap Mendocin & autres , ne
pouvoient être mis en doute ; donc tout ceci fe
trouve dans cet efpace. Quivira ôc Tolm, ou Te-
guajo n’y trouvent pas place, il faut donc les tranf-
porter à plus de mille lieues de-là, à l’eft. Par quelle
raifon ? on n’en indique que de très-frivoles ; 8c M.
B. qui a prouvé invinciblement l’authenticité des
anciennes cartes, 8c les nomme les meilleures,
donne enfuite cette épithete à celles qui y font diamétralement
oppofées. Qu’allegue-t-il en faveur de
cette opinion ?
i° . Le témoignage de Purchaz; fon ouvrage eft
il rempli de fables fi groflieres, que fon témoignage
opéreroit chez moi précifément le contraire ; car il
ne prouve jamais rien.
a°. Le comte de PignalofTa doit avoir dit que
Quivira fe trouvoit au nord-eft du nouveau Mexique.
Je voudrois avoir vu cette affertion du comte ;
je ne faurois la croire. Il étoit viceroi du Mexique ,
il devoit connoître ces pays deTeguajo & Quivira ,
du moins par les informations qu’il en aura prifes. Il
eft impoffible qu’il pût les placer au nord-eft, 8c dire
en même tems que ce pays a mille lieues d’étendue ;
qu’on jette les yeux fur toutes les cartes quelconques
, & fur-tout celle de M. Buache, & on y verra
qu’on fe rendroit ridicule en lui donnant cette étendue
de ce côté, où fe trouvent fans contredit les
Padoucas, que l’on connoît ; les Miffouriftes, les
Apaches , & où M. B. a trouvé à peine de quoi ménager
une place pour le nom de Quivira qui n’exige
pas mille lieues. Que d’un autre côté l’on jette les
yeux fur les anciennes cartes, on trouvera affez
exaôement ces mille lieues dans les pays de Tolm
ou Teguajo , 8c Quivira, depuis la prefqu’île de la
Californie jufqu’au véritable cap Mendocim, près de
Quivira.
En effaçant tous ces pays immenfes , on étoit en
peine où placer le Quivira ; chez Allard on trouve
ce nom avec ceux des Aixais 8c Xabotai, au trentième
dégré de latitude, au fud du nouveau Mexique
, & à deux cens foixante-cinq de longitude ; chez
Sanfon le fils, à environ trente-deux de latitude , Sc
deux cens foixante-dix de longitude ; aujourd’hui à
quarante-cinqdégrés de latitude, deux cens foixante-
cinq de longitude, & Teguajo à fon fud , à l’eft des
Panis & des Miffouriftes, qui n’en ont pas la moindre
notion.
3°. M. Buache dit q/ue la carte Italienne trace les côtes
du nord-oueft de l’Amérique, avec moins de pré-
cifion que la Japonnoife ; qu’on jette les yeux fur
celle que nous donnons en forme de fupplément,
n°• H , carte VI, 6c que l’on dife fi elle ne reffemble
pas à l’ouvrage d’un enfant, à qui, fans avoir queL
que notion, ondiroit, il y a de ce côté des terres
entrecoupées de haies 8c bras de mer, tracez-les.;
& qui alors les traceroit au hazard à droite 8c à
gauche.
4°. M. Buache affure que diverfes navigations ont
fait abandonner cette pofition,qu’il nomme prétendue.
Il y a bien des années que j’en ai cherché, avec tous
les foins poffibles, les relations; je-n’en ai pas pu
trouver, & fi l’on en trouvoit, il en faudroit examiner
l ’authenticité.
5°. Ce favant allégué celles des pilotes qui vont
des Rhilippins au Mexique. Je ferois curieux de les
voir ; leur inftruôion porte expreffément de ne pas
aller au-delà du trente-quatrieme dégré ; 8c fi Ge-
melli Carreria paffé jufqu’au trente-huitiemé dégré,
c’étoit quelque chofe d’extraordinaire ; ce vaifl'eau
y a pourtant obfervé des lignes de proximité de la
terre. Le port de Drake étoit auffi à trente-huit
dégrés.
On trouvera dans mes Mémoires & obfervations
géographiques & critiques , &c. beaucoup d’autreS
raifons en faveur des anciennes relations.
Il faut convenir pourtant qu’il y a une objeâion
un peu confidérable contre le giffement des pays à
l’oueft de la Californie, tels que les anciens les ont
repréfentés.
On dit, depuis l’extrémité de la prefqu’île , on a
fait courir la côte , la plupart oueft-nord-oueft, à
trente-huit, quarante , quarante-deux dégrés.
O r , Tchirikou a été jufqu’au cinquante-fix à cin-
quante-feptieme dégré ; Beering jufqu’au cinquante-
neuvieme. On marque même fur les cartes une baie
de ce côté, jufqu’à près de foixante-deux dégrés,
& ce au milieu de cette longue côte des anciens j
cette différence fi grande, vérifiée récemment par
les Ruffes, doit faire difparoître cette fuppofition
des anciens , & prouver qu’ils n’ont connu que cette
prefqu’île de Californie , telle qu’elle eft repréfentée
fur les cartes poftérieures 8c les nouvelles.
Voici ce que je réponds.
Il eft toujours sûr, comme M. Buache l’avoue
que l’extrémité de l’Amérique s’étend jufqu’à la fin
des côtes les plus feptentrionales , vis-à-vis les
Tzchutzki, à environ dix-fept cens lieues, depuis
le cap faint Lucar ; que la détroit a été trouvé le
moins large , à l’endroit même que les anciennes
cartes l’ont repréfenté tel ; que Drakè a affuré à la
reine Elizabeth ( à laquelle il n’auroir pas ofé impo-
fe r , fon équipage ayant pu dépofer contre lu i, &
lui faire perdre les bonnes grâces de la reine qu’il a
confervées au plus haut dégré jufqu’à la fin de fa
v ie , ) que le 5 juin 15 79 , il s’eft trouvé à l’entrée
du détroit à quarante-deux dégrés , 8c qu’à caufe du
froid il s’eft rendu au trente-huitieme dégré ; or s’il
n’avoit été que dans la prefqu’île , cela prouveroit,
vu le détroit à quarante-deux dégrés, que la Californie
eft une î le , 8c pourtant on avoue le contraire.
Voici donc deux points, partie faits, partie probabilité,
qui me paroiffent pouvoir réfoudre ce
problème.
i° . Que la latitude des lieux que Beering doit
avoir reconnue, eft doublement erronée dans la
relation même. Voye^ Varticle Latitude , ( Géogr. )
dans ce Suppl. 6c encore plus dans la carte ; félon
celle-ci il eft parvenu à environ cinquante-huit dégrés
8c demi; 8c pourtant il a pu reconnoître qu’une
baie s’étend jufqu’à foixante-un dégrés 8c demi, par
conféquent à foixante lieues au-delà de l’endroit où
il s’eft trouvé. Je ne dirai pas qu’on s’eft trompé de
dix à douze dégrés, je n’appuie pas mon fyftême par
des abfurdités ; mais fi l’erreur étoit dans l’un &
l’autre pris enfemble de cinq dégrés 8c plus, en joignant
ce fait à la conjeûure fuivant, çelle-çi en de-
viendroit plus probable.,
20. D ’Acofta, en parlant du chemin que les foldats
de Vafquez Cornero firent dans les quartiers de
Cicuiç, vers l’oueft jufqu’à Quivira , pour trouver
ce roi Tataraxus, fur les riehéffes duquel on leur en
avoit fi fort impofé, 8c dit : « tout le chemin eft cou1
» vert de fable, & le pays maudit par fa ftérilité,
„ fouvent pendant cent lieues, on ne trouve pais une
»feule pierre, ni une herbe, ni un arbre». Quoi
de plus naturel que de croire que depuis deux cens
ans ( ce voyage s’étant fait en 15 40 ) , la mer ait
pu gagner fur ces plaines fablonneufes, fans pierres,
fans montagnes quelconques ? Quelle merveille, f i ,
dis-je , deux cens ans après , la terre ferme fe trouvoit
reculée du huitième au dixième dégré ?
Le voyage de Moncaeht Apé le confirme. M. le
Page du Praz , dit , « qu’un homme Yafou de nation
» avoit affuré, qu’étant jeune, il avoit connu un
» homme très-vieux qui avoit vu cette terre avant
» que la grande eau l’eût mangée ,* qui alloit bien
» loin ; & que dans le tems que la grande eau étoit
» baffe, il paroît dans l’eau des rochers à la place où
» étoit cette terre ».
Quoi de plus fimpie qu’un pareil événement, foit
qu’un tremblement de terre en foit caufe, foit que
fa mer y ait gagné peu-à-peu ? Nous voyons de pareils
chàngemens , arrivés en grand nombre fur
notre globe, ainfi celui ci ne doit point paroître
incroyable, ni même fort furprenanr.
Une annonce datée de Pétersbourg le 21 mars
1765 , vient encore à Fàppui de cette conje&ure :
« On a découvert que la mer qui fépare le Kamt-
»fchatka de l’Amérique,eft remplie de petites îles &
» de bas-fonds-, 8c que la pointe de cette prefqu’ile
» n’eft éloignée de la côte de l’Amérique que de
» deux dégrés & demi ».
Une autre relation confirme tout ceci. Le cheva-
valier de G. favant curieux, qui s’eft informé de
plufieurs particularités à Pétersbourg, m’a rapporté
que tous ceux- qui1 ont été vers ces côtes, ont affuré
qu’elles font prefque inabordables ; qu’il y a quantité
de rochers, de bas-fonds, pays noyés, &c. .Tout
ceci- concourt admirablement pour fortifier mes
conjeâures : il n’y a que des recherches poftérieures
& exaftes qui-nous- en puiffent donner une entière
certitude.
Nous avons deux éditions originales du voyage
de D rak e , l’une qui- provient de lui-même, 8c
l ’autre imprimée à Paris , chez Goflèlin, en 1613 ,
donnée par F. de Louveneourt f fieur de Vauchel-
ïe s , dédiée au feigneur de Courtomer , parce
que c’eft d’un de fes vaffaux , qui avoir été de ce
voyage qu’il fa tenoit.
Les deux relations ne different que clans des articles
de petite importance ; le point du départ n’eft
pas indiqué. Les Anglois avqient pillé la petite ville
Guatierca, dans le continent que je ne trouve pas-,
non plus que Pile de Canon, où ils font arrivés peu
de jours après; voulant en partir, ils virent un va-if-
feau auquel ils donnèrent la chaffe , le prirent, 8c y
trouvèrent un gouverneur Efpagnol qui alloit aux
îles Philippines ; c’eft fur toutes ces circonftances
qu’on peuraflèoir feS conjeékires.
Les voilà éloignés de quelques jours de la terre
ferme , à-une île hors dir’ voifinage des Efpagnols,
puifque Drake y fit radouber fon vaiffeaû : cette
rencontre du gouverneur des îles Philippines doit
faire conje&urer qu’elle le fit déjà afl'ez avant dans la
mer. Je ne trouve rien de reffemhlant au nom &c à
fa fituation de cette î le , que fuivant les cartes- anciennes
(nous donnons carte IV dans ce Supplément,
un extrait de celle de Vifcher ) les Cazohès , qu’un
François a bien pu changer- en Canon. Ces îles
font placées vers le cap d’Engano, au deux cent
cinquante-deuxieme dégré de longitude 6c vingt-
neuf de latitude.
Drake voulant alors entreprendre fon voyage du
retour, affembla la florre pour délibérer fur la route
, favoir, fi on la feroit par le détroit de Magellan,
ou par la vafte mer du Sud ; & en ce cas, fi ce feroit
vers les Moluques 8c le cap de Bonne-Efpérance,
ou bien le long du royaume de la Chine & de la
Tartarie parle détroit d’Anian , pour venir defcen-
dre en Angleterre par la mer Glaciale , doublant le
promontoire Tabin 8c les côtes de la Norvège.
Faifant réflexion que parles deux premières routes ,
foit le long des côtes de l’Amérique, de la domination
Efpagnole 8c par le détroit de Magellan , foit
depuis le cap de Bonne-Efpérance, en côtoyant
l’Efpagne , ils rifquoient de perdre trop leurs tréfors;
la relation Françoife dit de D rake : « il a donc conclu
» qu’il falloir plutôt prendre la route du Japon 8c du
” royaume de la Chine , &c. il a réfolu q,ue nous
» retournerions -par la fufdite mer du Nord. Cette
» opinion étant fuivie le 16 d’avril 1579, nous a vons
» mis à la v o ile, 8c avons cinglé 8c fillonné fur
» l’échine de cette mer jufqu’à fix cens lieues de
» longitude' ».
Le 5 juin ils furent à quarante-deux dégrés du côté
du pôle ar&iquef&C trouvèrent l’air fi froid, qu’ils
font revenus au trente-huitieme dégré de la ligne ,
où ils trouvèrent un pays que Drake nomma nouvelle
Albion ; Drake n’ofa pas fuivre fon premier
deffein de paffer par le nord; après avoir fuffifam-
ment féjourné en ce pays, eft-il dit, fans indiquer
combien de tems, ils prirent la route vers la ligne ,
8c furent de retour après d'eux ans 8c onze mois.
La reine Elifabeth, dont le génie fupérieur Sc la
pénétration' ne font mis en doute par perfonne , 8c
qui avoit une eftime particulière pour Drak e, eut
la curiofité dé voir ce vaiffeaû , qui avoit fait le premier
, après Magellan, le tour du monde ; Drake ,
en lui faifant la relation du voyage, dit, qu’à quarante
- deux dégrés ( d’autres difent quarante-
trois ) , il fut à l’entrée du détroit d’Anian ;
elle eut peine à le croire, 8c fans la véracité reconnue
de ce favori , appuyée du témoignage de l’équipage
de tous ces vaiffeaux , on en auroit pu douter
alors. Auffi le (a) réda&eur de l’Hiftoire générale des
voyages ne veut pas croire que Drake ait jamais eu
deffein de paffer par le Nord. Quelle raifon en donna-
t-il ? i° . parce qù’il eft dit qu’il vouloir y aller de la
Chine ; 20. que le détroit d’Anian n’a jamais été bien
connu. Ces deux raifons fortifient plutôt cette certitude
qu’ils ne la diminuent.
i°. Alors la Géographie fe fondoit fur des faits
réels , fur les anciennes relations 8c cartes des Efpagnols
, qui indiquoient ce détroit entre l’Amérique
8c l’extrémité orientale de l’A fie ; par conféquent la
Tartarie , côptiguë à fon fud à la Chine ; comment
donc Drake pouvoit-il mieux indiquer la route qu’il
vouloit Tenir , que par les pays les plus voifins, 8c
les feiils connus de l’Afie, lâ Chine 8c le Japon ?
20. Si ce détroit n’a jamais été bien connu , on
peut dire qu’on en avoit plus de connoiffance alors
que depuis ce tems , où on avoit tout défiguré. Supposons
que non ; Magellan, peu auparavant, n’a-t-il
pas paffe par le détroit de fon nom, quoique celui-
ci n’eût jamais été connu du tou t, 8c que même on
eût à peine un foupçon qu’il en exiftât de pareils ,
au lieu que perfonne ne doutoit de celui d’Anian?
Un héros, un marin, un-amiral, des plus experts,
des plus célébrés, né devo.it-il pas chercher a augmenter
fa gloire en y ajoutant celle d’avoir paffé le
premier ce détroit, pour retourner en Angleterre ?
On voit d’ailleurs quelles raifons importantes lui ont
infpiré eerte réfoluiion.
C’eft donc d’après ce voyage 8c cette relation de
\a) T. XLly p. 12 y édit. 12, ;