
'pour choîfir ôc marquer lè ccunp. Le roi de Pruffe dit
dans fon inftrudion pour les généraux ( article ,
que dans l’efpace d’un-quarré de deux lieues , on
peut quelquefois prendre deux cens pofitions. En
parcourant un tel terrein, où quelqu’autre. que ce
foit en tous fens ; en vous arrêtant aux moindres
éminences pour découvrir par-tout, vous le recon-
noîtrez parfaitement , & vous jugerez avec certitude
de la maniéré la plus avantageulè de l’occuper.
II. Choiffez un lieu commode , qui ne foit ni humide
, ni marécageux ; ces fortes d’endroits étant
mal-fàins, & pouvant caufer par leurs exhalaifons
des maladies dangereufes dans une armée. Campez,
autant que vous le pourrez , fur un terrein élevé ,
éloigné des marais, des eaux croupiflantes, ou qui
ne coulent que fur un terrein bourbeux, excepté des
eaux falées , qui, quoiqu’elles ne courent pas, font
moins à craindre. Il eft aifé de connoître li l’air eft
fain, au vifage & à la mine des habitans du voifina-
ge , qui, par-tout où il eft mauvais, y font ordinairement
pâles.
III. Que le terrein foit fuffifant pour contenir l’armée
, Ôc plutôt plus que moins.
IV. Que le camp foit près d’une riviere ou de
quelque ruiffeàu ; les eaux coulantes étant les meilleures
ôc les plus faines. S’il eft'près d’un ruiffeàu ,
& qu’il ne fourniffe pps affez d’eau, faites conftruire
des batardeaux pour le groffir. Empêchez que l’eau
ne puiffe être détournée, & qu’on n’y faffe rien qui
la' gâte & la corrompe. Défendez, lorfque le cours
d’eau n’eft pas affez conlidérable, qu’on mene boire
les chevaux dans la partie; fupérieure , parce qu’ils
rendroient l’eau boürbeufe ; ôc ordonnez qu’on les
abreuve dans la partie au-deffous du camp & à la
gamelle. ,
Ne faites creufer des puits que lorfque les eaux
courantes font trop éloignées du camp ; parce que
les eaux n’en font pas faines, ôc qu’elles fe troublent
par la quantité qu’on en puife.
Il eft certain qu’une des principales caufes oui
ruinent une armée, eft la mauvaife qualité des eaux ;
ce qui provient de ce qu’elles font croupiflantes, ou
de ce qu’on y jette des immondices , qu’on y lave
dit linge, qu’on y fait tremper du chanvre ou du lin.
On ne peut donc prendre trop de précautions pour
fe procùrer de bonnes eaux & les conferver, &
pour empêcher que les foldats ne boivent de celles
qui croupiffent, ou autres qui peuvent les rendre
malades.
V . Qu’il y ait au camp, ou le plus à portée qu’il
fera poflible, du bois, du fourrage, des pâturages ,
de la paille ; que les marchands ôc les vivandiers
puiffent y arriver facilement ÔC fans rifques, & que
les chofes les plus néceffaires à la vie foient à jltfte
prix.
VI. Que le terrein ne foit pas fujet à être inondé
par des torrens ou des débordemens, occafiohnés
ordinairement par les pluies ou par la fonte des neiges
des montagnes voilines, qui pourroient caufer
un grand dommage à l’armée, & mettre le général
dans l ’embarras. Un orage qui furvint au premier
camp de Lippftatt, en 17 5 7 , obligea l’armée de
changer de pofition.
VII. Campez félon votre ordre de marche, ôc
autant que le terrein & les circonftances vous le
permettront, toujours de la même maniéré,afin que
les troupes accoutumées à'cet ordre foient moins
embarraffées , & comprennent plus aifément ce
qu’elles auront à faire Iôrfqu’elles devront camper
& décamper.
VIII. Avant . de camper faitesmettre les trôupes
en bataille , ôc placer les gardes.
IX. Que l’infanterie & la cavalerie foient placées
dans le terrein qui leur fera le plus commode. & le
plus avantageux, relativement à leurs befoins ôc à
le,ur fçrvice.
X . Laiffez toujours devant le camp un terrein
affez étendu pour y affembler les troupes Ôc les faire
mouvoir.
XI. Qu’il n’y ait»point d’obftacles qui empêchent
la communication, des différentes parties du camp ,
afin que rien ne gêne le fervice des troupes.
XII. Placez l’artillerie à trois cens pàs en avant du
centre de la première ligne de l’armée ; ôc lorfque le
terrein ne le permettra pas , faites-la parquer derrière
le centre de la fécondé ligne ou ailleurs où elle
foit commodément & sûrement.
XIII. Que le quartier général.foit pris au centre
du camp, foit entre les deux lignes de l’armée , foit
derrière la fécondé, & jamais à la tête du camp ,
fans une néceffité indifpenfable.
XIV. Parquez les vivres derrière la fécondé ligne,
ou le plus près que vous pourrez du centre de
l’armée.
X V . Etabliffez l’hôpital ambulant derrière le
camp , ÔC dans un lieu commode.
XVI. Obfervez de vous camper de maniéré que
vous puifliez vous porter en une marche au camp
que vous devrez prendre enfuite ; & faites enforte
d’y arriver de bonne heure , afin de prévenir le
défordre, la confufion, ôc les embarras que peut
caufer la nuit ; que les troupes aient le tems de fe
pourvoir de tout ce qui leur fera néceffaire, & de
prendre du repos.
C amp de raffemblement. On affemble une armée au
commencement d’une guerre, ou à l’ouverture d’une
campagne ; & cette affemblée fe fait en entier ou
par parties féparées.
Lorfqu’on doit agir offenfivement, dans quelque
pays que ce foir, on eft loin , ou plus ou moins à
portée de l’ennemi.
Dans le premier cas, comme on n’a rien à craindre
, ou ne doit chercher dans un camp de raffemble-
ment que la commodité de l’armée. On là;carnpe
enfemble, ou par petits corps, à portée des maga-
fins, ôc en tout de la maniéré qu’on l’a dit ci-devant.
Quelquefois on attend dans un camp de cette ef-
pece, que les herbes foient venues. Alors il faut y
être très-attentif aux premiers mouvemens dè l’ennemi
, pour qu’il ne vous prévienne pas , en quelque
point où vous ayez deffein de vous porter. II eft
effentiel d’y exercer fouvent les troupes , & de leur
faire obferver la plus grande difeipline. Ils ne doivent
pas être d’une grande garde , afin de ne point
fatiguer l’armée fans raifon. Il n’y a prefqüe pas de
guerres qui ne fourniffent des exemples de ces fortes
de camps.
Il n’en eft pas de même dans le fécond cas : du
choix des premiers camps dépendent prefque toujours
les fuccès-d’une campagne. Les uns ont pour
objet l’entrée du pays ennemi ; quelquefois même
de l’ouvrir tout-d’un-coup : les autres dé donner
jaloufie de quelque côté , ou d’y contenir un corps
ennemi, pendant qu’on pénétré de l’autré : ceux-ci
de fe mettre à portée d’attaquer, l’armée ennemie ;
ou de la faire reculer : celix-là de faire le fiegë ou le
blocus d’une place. Il ne fuffit pas alors que les
troupes aient leurs commodités, il faut en même
tems qu’elles foient campées, fuivant. des maximes
particulières à chaque deffein qu’on peut avoir.
Quel que foit l’objet d’un camp de raffemblement,
On commence par difpofer les quartiers de l’armée ;
on envoie aux troupes des ordres pour leur mar-
che,au rendez-vous général,ou aux rendez-vous particuliers
qui ont été déterminés, obfervant qu’elles
y arrivent toutes le même jou r , fuivant qu’il fera
néceffaire ou poflible. Il faut que l’armée ait à fa
fuite toutes les chofes- dont elle a befoin pour entrer
en campagne ~ ou du moins qu’elles, foient placées
de maniéré àî ne pouvoir nullement retarder fa
marche ôc fes opérations. Cela fuppofé, nous allons
voir; ce qu’il y a 4 obier ver dans un camp dè raffemblement.
I. En,quelque pays que vous vous trouviez , conformez
vous aux maximes générales.
II. Evitez de prêter le flanc à l’ennemi ; prenez
une pofition forte par elle-même : appuyez vos ailes ;
affurez par des détachemens les devants ôc les derrières
de votre camp.
III. Que: l’étendue de votre camp foit proportionnée
à la force de votre armée, de forte qu’elle ne
s’y trouve pas. trop ferrée ni trop étendue. Suivant
le nombre des.bataillons Ôc des efeadrons, alongez
plus ou moins la ligne ôc les intervalles, pour remplir
le terrein , ôc être à portée de ce qui devra couvrir
vos flancs. Lorfque votre camp ne fera pas affez
étendu , campez l’armée fur plufieurs lignes ; obfervant,
'toutes les fois que vous le pourrez, de laiffer
trois o.u quatre cens pas d’une ligne à l’autre..
IV. Si vouS êtes en plaine, campez fuivant l’ordre
de bataille ; ôc fi votre camp ne peut être affuré ,
comme il eft dit à la maxime I I , faites des retran-
çhemetfs , afin que l’ennemi ne puiffe vous obliger
de combattre que vous n’en ayez le deffein, ou que
les circonftances ne vous mettent dans la néceffité
d’en venir à une aflion.
V . Si le pays eft coupé,& que vous n’y puifliez pas
camper régulièrement, partagez votre armée, rnâis
fans trop écarter les corps les uns des autres. Faites
occuper les chemins , les villages, châteaux, cenfes,
ôc tout ce qui pourra lier le front de votre camp ,
ôc fuppléer à fa régularité-.
VI. Dans un pays de montagnes, campez les
troupes fuivant l’affiette des lieux ; mais toujours de
maniéré que les plus avancées puiffent être foute-:
nues promptement par les autres : gardez les défilés
Ôc toutes les. gorges par où l’ennemi pourroit arriv
er ; qu’aucune partie de votre camp ne foit foumife
à des hauteurs d’où il puiffe vous incommoder ;
occupez celles d’où vous puifliez découvrir fes mou-
Vemens, ôc qui cachent les vôtres. Le camp du roi
de Pruffe à Rosbac, en 17 5 7 , étoit fournis à des
hauteurs que nous avions en avant du nôtre, & d’où
on aur oit forcé ce prince de fe retirer, fi l’on eût
continué de le canonner comme on fit la veille de la
bataille.
VII. Que la cavalerie qui doit agir avec célérité ,
foit toujours campée dans la plaine; mais s’il fe trouve
vis-à-vis l’une de vos ailes un bois, un village , ou
quelqu’autre endroit où l’ennemi ait jetté de l’infanterie
, afin que protégé de fon feu il puiffe rallier fa
cavalerie , alors mettez à l’extrémité de cette aile de
l’infanterie, pour qu’elle foit à portée de foutenir à
fon tour la cavalerie. Cette difpofition a été pratiquée
de tout tems, ôc les exemples en font très-
communs dans les mémoires & hiftoires des guerres.
VIII. On campe ordinairement la cavalerie aux
deux ailes de l’armée ; quelquefois on ferme les ailes
par une ou plufieurs brigades d’infanterie. Il arrive
aufli qu’on porte toute la cavalerie fur une aile ; une
autre fois on la campe en fécondé ligne. Cette dernière
difpofition s’obferve principalement dans un
pays de montagne ; alors on n’en place dans la première
ligne qu’aux endroits où elle peut agir. Réglez
vous toujours , à l’égard de ces difpofitions
déférentes, fur le terrein; ne le diftribuezaux troupes
qu’autant qu’il leur fera propre ôc avantageux,
foit par fa nature , foit par la dif pofition de l’ennemi
que vous aurez en tête. Un champ de bataille, quel- i
<iue bon ôc quelqu’avantageux qu’il foit, perd tout
le mérite de fa fituation, li chaque arme n’eft en fa
place ; c’eft-à-dire, poftée dans le terrein qui lui
convient : il faut toujours qu’une arme puiffe être
fouteriue par l’autre.
IX. Ne campez jamais fur le bord d’une riviere
Où d’un ruiffeàu, que vous ne laifliez entre l’une ou
I 1 autre Ôc le camp, un efpace fuffifant pour ranger
larmee en bataille, ôc pour que vous ne puifliez
être incommodé du feu de l’ennemi qui fe trouveroit
campé fur l’autre bord.
X. S’il ne faut pas, fuivant la ihaxime précédente *
que votre camp foit près du bord d’une riviere ou
d’un ruiffeàu, lorfque l’ennemi eft fur l’autre bord ,
vous devez encore bien moins vous en éloigner ,
tellement que vous ne voyiez pas ce qui s’y paffe.
La bataillé d’Hochftet fut perdue en 1704, ôc nous
fûmes furpris au camp de Burgufflen en 176 1 , en
avant de Caffel, parce que les généraux manquèrent
d’obferver cette maxime.
XI. En quelque pays que vous campiez, ayez foin
de reconnoître les chemins, les rivières, ruiffeaux,
gués, les châteaux, les bois, Ôc autres endroits qui
feront aux e n v i r o n s ôc faites-les occuper félon
qu’ils feront plus ou moins importaris, parleur fituation
, par rapport à vous ou à votre ennemi.
XII. Le front ÔC les ailes de votre camp étant
bien connus, bien fermés ôc bien couverts, que les
derrières en foient libres ; qu’il y ait plufieurs che^
mins ouverts aux vivres ; en un mot que les communications
en foient bien établies.
XIII. Si vous êtes obligé de prendre vôtre quartier
général à la tête de votre armée, qii’il foit couvert
par un corps de troupes ôc quelques brigades
d’artilleriév
XIV. Obfervez effentiellement de vous camper
de maniéré que les mouvemens que pourroit faire
l’ennemi par fa droite ou par fa gauche, ne vous
obligent point à' quitter votre pofition ; mais qu’au
contraire, par quelque mouvement femblable de
Votre part, il foit forcé d’en faire un confidérable ,
& de vous abandonner le pays.
X V . Enfin, quoique vous foyez fur l’oflenflve 1
prenez toutes fortes de précautions pour la fûreté
de votre camp, où le voifinage de l’ennemi peut à
tout moment engager quelqu’aflàirè ; foyez en tout
vigilant ôc exaél, afin que votre ennemi n’imaginô
pas que vous le méprifez, ôc qu’il n’en devienne
plus audacieux ôc plus entreprenant.
Dans la guerre défenfive comme dans l’offen-
f iv e , les camps de raffemblement font loin ou près
de l’ennemi.
Les premiers n’ayaht rien de différent de ceux
qu’on prend en pareil cas lorfqu’il s’agit d’une guerre,
défenfive, on fe difpenfera de répéter ici ce qui etl
a déjà été dit au commencement de l’article précédent.
Ajoutez cependant qu’il eft effentiel de pren-4
dre ces camps de bonne-heure, d’autant qu’ils ont
quelquefois pour objet de manger un pays avant que
l’ennemi n’entre en campagne , afin de le lui rendre
plus difficile à traverfer, ôc de lui oppofer une ef-
pece de barrière, comme fit le maréchal de Crequy
en 1677.
Les féconds Ont de commun avec ceux qui font
à portée de l’ennemi dans la gueri'e offenfive, non-
feulement toutes les maximes qui concernent ces
derniers, mais il en eft encore quelques-unes qui
leur font particulières.
C ’eft ici fur-tout qu’il faut avoir la connoiffance
la plus exa&e du pa ys, pour affeoir fon camp dans
une pofition aVaiitageufe qui, par fa fituation, puiffe
empêcher l’ennemi de vous attaquer, ou d’entrer
dans votre pays ôc d’y pénétrer, foit pour faire quelque
fiege , foit pour vous couper vos communications
avec vos derrières, ôc vous forcer à vous retirer
: c’eft ici qu’un cotip-d’oeil prompt ÔC pénétrant
eft on ne peut pas plus néceffaire pour le choix des