
leurs fortereffes.Uladiflas avoit fait jurer en mourant
à fon fils, de faire une guerre cruelle à cet ordre
ufurpateur, qui vouloit tout envahir ou tout détruire.
Il lui laiflbit un trône chancelant, des terres
en friche , des troupes délabrées, des finances pref-
•que épuifées, des villes ruinées, des campagnes in-
feftées de brigands. Pour effacer les traces de la
guerre, & rendre à l’état fa première vigueur, Cafimir
fit la paix avec l’ordre Teutonique, lui abandonna
la Poméranie, & rentra dans la Cujavi^ &
dans le diftriû de Dobrzim. ; ,
Mais tous les ordres du royaume fe recrierent
contre cétte paix honteufe , prétendirent qu’on avi-
liffoit la nation , & que céder une province, c’étoit
s’avouer vaincu. Les moyens dont ils fe fervirent
pour réprimer l’ordre Teutonique,démentit la fierte
qu’ils avoient montrée. Ils armèrent en leur faveur
la cour de Rome de fes foudres ordinaires. L ordre
fut excommunié ; les nonces lui ordonnèrent de ref-
tituer le butin qu’il avoit enlevé, & de payer à Cafimir
une fomme confidérable. On fent quel effet dut
faire cette fentence fur des hommes qui avoient encore
les armes à la main. L’empereur, d’un autre
côté , leur défendit de céder les terres dont ils
s’étoient emparés. Il demeurèrent dans leurs conquêtes.
Cajimir, qui remettait fa vengeance à des tems
plus heureux, & vouloit rendre l’état inébranlable
dans l’intérieur avant de le rendre formidable au-de-
hors, fe contenta de garder fes frontières, donna tous
fes foins au gouvernement, &défigna pour fon fuc-
ceffeur, Louis, fils aîné de Charobert, roi de Hongrie.
La nation applaudit à fon choix ; mais ce ne fut cju’en
1339 qu’elle le ratifia d’une maniéré authentique., I
La tige mafculine des fouverains de Ruflie venoit
de s’éteindre. Les rois de Pologne avoient autrefois
renfermé cette contrée dans l’enceinte de leur empire.
Cajimir crut que les Ruffes courberoiënt fans
réfiftance fous un joug que leurs aïeux avoient porté.
Il entra dans leur pays, s’empara de Léopold, entra
triomphant dans plufieursfortereffes, leur donna des
gouverneurs Polonois, & revint dans fes états. La
reine venoit de defcendre au tombeau. Le volage
Cafimir mit peu de diftance entre le deuil & un nouveau
mariage. II époufa Hedrige , fille du landgrave
de Heffe, qu’il relégua bientôt dans un monaftere,
pour ne plus donner de frein à fes defirs. Chaque
jour voyoit une maîtreffe difgraciée, fa rivale préférée
, & le lendemain celle-ci étoit fupplantée par
•une autre. Soit que les chevaliers de l’ordre Teutonique
euffent des intelligences avec ces courtifan-
•nes , foit que la fortune eût amolli le courage de
Cafimir, il abandonna en 1343 , à cet ordre , la Poméranie
, Culme & Michalovie. Cependant fon ca-
raClere reprit fa première énergie, & l’irruption
des Tartares dans la Ruflie lui rendit fes forces & fa
gloire. Il marcha contre e u x , les rencontra fur les
bords de la "Wiftule, & les défit. Ils fignalerent leur
retraite par des défaftres. Tout ce qui fe trouva fur
leur paffage fut p illé, maffacré, brûlé, profané.
Cajimir rentra dans fes états ; mais il n’y goûta pas
long-tems ce repos favorable aux plaifirs après lef-
quels il foupiroit. Jean, roi de Bohême, vint fondre
tout-à-tout fur la Pologne. Cajimir s’avança contre
lu i , & le repouffa au-delà des frontières. Cajimir
toujours vainqueur, & prefque fans combattre, partage
déformais fes momens entre les foins de l’état &
ceux de l’amour. Le peuple fe plaignoit de ce que
les palatins s’écartoientdans leurs jugemensdu texte
des loix , ne confultoient que leur propre intérêt,
& difpofoient des fortunes au gré de leur caprice.
Cajimir les força de juger d’après les loix, & de prononcer
contre eux-mêmes quand les loix condamneraient
leurs prétentions. Ce prince établit lesré-
giemens les plus fages, favorifa le commerce, encouragea
l’agriculture, cultiva les fciences, protégea
les favans, fit bâtir des villes. Celle de Cajimir eft
un monument de fa magnificence. Il vouloit en élé-
ver une autre près de Scarbimirie ; mais l’évêque de
Cracovie , Jean Groth, ofa le lui défendre , & Cajimir
le grand n’ofa pas défobéir à fon fujet.
Mais après avoir obéi au clergé, lorfqu’il vouloit
l’empêcher de faire le bien , il lui réfifta lorfqu’il
voulut l’empêcher de faire le mal ; les prélats & les
prêtres lui confeilloient de renvoyer ce ramas de
femmes perdues , le fcandale de l’état dont elles fai-
foient la ruine , qu’il entretenoit dans une fplendeur
ridicule & lunette, à Opocin &. à Creflovie. Après
avoir prié vainement, ils commandèrent: le roi entra
dans une telle colere , qu’il fit noyer un de ces
cenfeurs audacieux. Mais bientôt il pleura la viCtime
de fes fureurs, & demanda l’abfolution au pape.
Clément VI fe fervit d’une autorité ufurpée, pour
rendre à l’humanité le fervice le plus important peut-
être qu’elle eût reçu d’aucun pontife; leshabitans
de la campagne autour de Cracovie étoient férfs,
il condamna Cajimir à leur rendre la liberté, & à
bâtir cinq églifes.
Malgré la révolution qui s’étoit faite dans le coeur
de ce prince, les prêtres ne manquèrent pas de publier
que la pefie qui défola la Pologne, Pinvafion
des Lithuaniens, les courfes fréquentes des Tartares
, étoient autant de châtimens du ciel qui punifloit
la nation des crimes de fon roi. Ce prince leur pardonna
ces difcours. Bientôt fon empire s’agrandit
encore par la réunion du duché de Mafovie, dont le
duc vint lui faire hommage à Califfe.
Tant de guerres foutenues contre l’ordre Teutonique
, tant de difcordes civiles occafionnées par les
élevions , enfin la pefte , pour comble de maux ,
avoient dépeuplé la Pologne à un point qu’elle mân-
quoit de cultivateurs ; d’ailleurs, cette nation fiere
& pareffeufe ne favoit que porter l’épée & dédai-
gnoit la beche. Cajimir appella dans fes états une multitude
d’habitans de la Pruffe, où la population s’étoit
tellement accrue , que la terre ne luffifoit pas à
les nourrir. Il donna à ces hommes laborieux des
terres à défricher, leur accorda des privilèges honorables
, établit un confeil qui devoit juger leurs différends
fuivant les loix de leur pays.
La gloire de tant de belles a étions fut encore ternie
par de nouvelles amours. C<z/?/7zïrépoufaHedvige,
fille du duc deGlogovie. Une autre tache à fa gloire,
fut fon entreprife fur la "Walachie ; deux freres,
Etienne & Pierre , fils du vaivode Etienne, fe dif-
putoient leur patrimoine ; l’un d’eux fuccomba &
alla implorer le fecours de Cajimir q ui, pour terminer
ce différend, voulut s’emparer du duché. Mais
les Walaches firent périr l’armée Polonôife dans les
bois. Cajimir crut réparer fa réputation, en établif-
fant à Léopold le fiege métropolitain de la Ruflie;
mais il la répara beaucoup mieux, en verfant fes ri-
cheffes dans le fein de fon peuple qui fut affligé
d’une famine cruelle l’an 1362. On reconnut alors
que les foibleffes humaines peuvent s’allier avec
des vertus. Le plus infidèle des époux fut le meilleur
des rois.
Le mariage de fa niece Elifabeth avec l’empereur
Charles IV, donna lieu à des fêtes dont le peuple
jouit fans les pa yer, & qui lui firent oublier fes malheurs.
Cajimir ne fongeoit plus qu’à affermir fon autorité
, la fplendeur de l’état & le bonheur des peuples,
lorfqu’il mourut’d’une chute de cheval, l’an
1370, âgé de foixante ans, après en avoir régné
trente-fept. C’étoit un prince ami de la paix & ide
l’humanité ; il fit peu la guerre , fi l’on compare fon
régné à ceux de fes prédéceffeurs : il avoit plus de
talens pour les marches que pour les batailles ; c’eft
ainfi qu’il fut repouffer les ennemis fans les vaincre»
C A S
Mais il poffédoit la fcience du gouvernement, favoit ■
infpirer le refpeCtfans infpirer la crainte, & rendre
fon peuple heureux fans le rendre infolent. Des loix
établies, l’agriculture mife en vigueur, des villes
bâties, la population augmentée , la renaifiance des
arts utiles, fuflifent pour juftifier le titre de grand,
que fon fiecle lui donna. Il ébaucha en Pologne la
révolution que Pierre le grand a depuis faite en Ruf-
fie , & s’il ne la pouffa point fi loin que le czar, c’eft
que touchant plus près aux tems de barbarie, il
eut de plus grands obftacles à vaincre, & moins
d’excellens modèles àfuivre. (M . d e S a c y . )
C asimir I V , (Hifioirede Pologne.) roi de Pologne
, fils de Jagellon , fuccéda en 1444 à fon frere
Ladiflas V. Il étoit à peine fur le trône qu’il eut les
armes à la main. Alexandre, vaivode dé Moldavie ,
chaffé de fes états par Bogdan, crut que Cafimir
prendroit en main la défenfe de fon vaffal. Il ne fe
trompa point : Bogdan fut chaffé , reparut à la tête
d’une troupe de brigands, difparut une fécondé fois,
fut atteint dans fa fuite, figna un traité qu’il viola
le jour même , attaqua l’armée Polonoife, fut vaincu
, revint encore , 8c fut affàfîiné.
Cependant la Pruffe accablée fous le joug de Tordre
Teutonique, appelloit Cafimir. L’offre d’une couronne
, la gloire de délivrer des peuples opprimés ,
le plaifir d’abattre un ordre orgueilleux , fi long-tems
fatal à la Pologne ; tant de motifs réunis conduifi-
rent Cafimir en Pruffe, vers l’an 1457. La fortune
des armes fe déclara d’abord en faveur des chevaliers
; mais la prife de Mariembourg, la conquête de
Choinicz , la défaite de plufieurs de leurs détache-
mens ébranlèrent par degrés ce coloffe qui menaçoit
tout le Nord. L’ordre demanda la paix. Cafimir la lui
accorda aux conditions les plus dures. Cu lm, Mi-
clou 8c le duché de Poméranie retombèrent fous la
domination Polonoife. L’ordre céda encore à Cafimir,
Mariembourg, Schut, Chriftbourg, Elbing 8c
Tolkmith. Ce prince honoraTe grand-maître 8c fes
fucceffeurs du titre de confeiller né du fenat de Pologne
; mais il leur vendit cher cette faveur, dont
ils étoient peu jaloux. Il étoit réglé que le grand-
maître , fix mois après fon élection , viendroit rendre
hommage au roi pour la Pruffe , 8c lui prêter
ferment de fidélité, au nom des chevaliers 8c de leurs
vaffaux.
Caßmir à fon retour eut la gloire de voir, en 1471,
Ladiflas fon fils appellé au trône de Bohême, 8c
fon fécond fils Cafimir, couronné roi de Hongrie.
Il mourut peu de tems après. Ce fut un homme célébré
8c non pas un grand homme. Il termina , il eft
v ra i, par l’abaiffement de l’ordre Teutonique , une
guerre qui, depuis deuxfiecles, avoit fait des frontières
de Pologne 8c de Pruffe, un théâtre dévoué au carnage
; mais fes fujets gémirent fous le fardeau des
fubfides ; 8c s’il les rendit redoutables , il ne les rendit
pas heureux. (M. d e Sa c y .)
C asimir V , ( Hiß. de Pologne. ) roi de Pologne.
Ce prince fut un exemple fingulier des bizarreries de
la fortune 8c de celles de l’efprit humain. Uladiflàs,
roi de Pologne, fon frere, l’envoya en Efpagne l’an
1638. Cette puiflance étoit alors en guerre avec la
France. Cafimir, à la fois négociateur 8c général,
devoit conclure un traité d’alliance entre Uladiflas
•8c Philippe 111, & prendre le commandement de la
flotte qui devoit détruire le commerce des François
fur la Méditerranée. Forcé par les vents à relâcher
fur les côtes de Provence, il promena dans Mar-
feille 8c dans Toulon des regards curieux qui devinrent
bientôt fufpe&s. Il n’avoit point de paflëport ;
jon faifit ce prétexte pour s’affurer de fa perfonne.
I l demeura deux ans en prifon. La cour de Pologne
ne l’abandonna point, 8c ne ceffa de négocier pour
fa délivrance qu’elle obtint en 1640. Celle de France
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craignoit que, malgré fes fermens , il n’allât fe joindre
aux Espagnols pour fe venger ; celle de Varfo-*
vie s’attendoit à le voir revenir prendre poffefliort
des états qu’on> lui donnoit en appanage. Toutes
deux fe trompèrent. A peine échappé de prifon ,
Cafimir fe jetta dans un cloître, & fe fit jéfuite à
Rome. Si cette révolution fut le fruit des réflexions
qu’ il avoit faites fur-le néant des grandeurs pendant
fa captivité, fa philofophie s’évanouit bientôt, 8c
l’ambition fe réveilla dans fon coeur. Ne pouvant
plus briguer une couronne, il brigua un chapeau de
cardinal 8c l ’obtint. A peine étoit-il reçu dans le
facré college, qu’Uladiflas mourut. Le jéfuite conçut
alors de nouveaux projets de grandeur, brigua
les fuffrages dans la diette Sc fut élu. Le pape le
releva de fes voeux : il laiffa fon chapeau à Rome,
& alla prendre la couronne à Cracovie, l’an 1648.
Les Cofaques s’étoient foulevés 8c avoient porté
le ravage fur les frontières ( Voye1 Co sa q u e s ,
dans ce Supplément. ) ; les injuftices que leur chef
avoit effuyées avoient allumé les premières étincelles
de cette guerre. La nobleffe excita Cafiinir
à venger la Pologne. « Vous n’auriez pas de crimes
» à punir, répondit le ro i, fi vous n’\en aviez vous-
» même donné i’exemple aux Cofaques. On perd le
» droit de châtier les coupables, quand on le devient
» foi-même ». Cetté réponfe étoit belle , mais le
mal étoit preflant, & il falloit plutôt fonger à défendre
les Polonois qu’à les haranguer; déjà les C ofaques
avoient gagné une bataille ; Bogdan Kmiel-
nieski s’avançoit à la tête d’une armée triomphante.
Cafimir, qui n’avoit point encore raflemblé les forces
de la république, lui propofa une treve, le reconnut
général des Cofaques, & parut moins donner la paix
aux rebelles, que l’accepter lui-même.
Les Cofaques n’attendirent pas pour rompre la
treve, qu’elle fût expirée. Ils entrèrent en Pologne,
cauferentde grands ravages, gagnèrent des batailles,
prirent & brûlèrent des villes, & vinrent les armes
à la main demander une amniftie & la confirmation
de leurs privile'ges que Cafimir n’ofa leur refufer.
La guerre ne tarda pas à fe rallumer. Les Polonois
avoient appris dans leurs défaites la maniéré de combattre
des Cofaques ; ils triomphèrent enfin de ce
peuple indocile l’an 1651. Jean Cafimir combattoit
au premier rang dans la bataille qu’il gagna contre
eux. Mais bientôt la nation fecoue fon joug , eft
châtiée de nouveau, fe révolte encore, fe ligue
avec les Rufies , fait avec fes alliés une irruption
combinée en Pologne. Elle eft fécondée par les Suédois
; Jean Cafimir fait des voeux, met fes états fous
la protection de la Vierge, tandis que fes ennemis
les ravagent ; il fit alliance avec l’élefteur de Brandebourg
qui, en devenant fon ami, cefla d’être fon
vaffal, acheta à vil prix l’indépendance à laquelle il
afpiroit, & vendit fort cher à la Pologne le foible
appui qu’il lui promettoit. Ce traité n’empêcha pas
les Ruffes, les Cofaques, les Tartares & les Suédois
de continuer leurs rayages. Tandis qu’ils pénétroient
dans la Pologne, Cafimir, au lieu de repouffer les
ennemis de l’état, ne s’occupoit qu’à détruire les
hérétiques, & affoibliffoit l’armée de la république
en ne recevant que des foldats catholiques fous fes
drapeaux.
Il chaffa les Sociniens, & oublia que parmi eux il
y avoit des artifans, des laboureurs & des foldats
mais ce qui déplut fimtout à la nation, c’eft que
cédant aux inftances de la reine fon époufe , il voulut
défigner pour fon fueceffeur Henri de Bourbon, duc
d’Enghien, fils du grand Condé. « On ne vous per-
» mettroit pas pour votre fils , lui dit -un gentil-1
» homme, ce que vous voulez faire en faveur d’un
» étranger ». C ’étoit Lubormirski qui avoit ofé faire
au roi cette réponfe digne d’un républicain: il avoit