
d’entretenir garnifon dans les villes de Tournai, de
Namur, d’Ypres, de Menin & dans quelques autres
places moins confidérables. # .
L’empereur n’ayant plus rien à craindre, m à ef-
perer du côté de la France & de l’Efpagne , tourna
fes regards vers la Hongrie, dont la conquête avoit
excité dans tous les tems la cupidité des Turcs. Ils
avoient foutenu R agotski, & Jofeph deliroit avec
la plus vive ardeur de fe venger de la proteftion
qu’ils avoient accordée à ce rebelle. Ils etoient en
guerre contre les Vénitiens qui le follicitoient d entrer
dans leur alliance : il fut facile de l’y déterminer. Le
prince Eugene fut chargé du foin de fa vengeance,
& partit à la tête d’une armée puiffante. Ce général
foutint la réputation qu’il avoit portée au plus haut
dégré. Sa première campagne ( 17 16 ) fut lignalée
parla vi&oire de Petervaradin ôcla prife deTemef-
warJ: la fécondé eut les fuccèsTes plus étonnans.
L’armée impériale en affiégeant Bellegrade, fe trouva
elle - même affiégée par cent cinquante mille
Turcs ; le prince Eugene , dit un moderne, fe trouva
dans la même pofition où Cefar s’etoit trouve au
fiege d’Alexie , & femblable à celle du czar Pierre
le grand, fur les bords du Prùth : il n’imita point
l ’empereur Ruffe qui mendia la paix, il fe comporta
comme Céfar , il battit fes nombreux ennemis
, & prit la ville. Une paix avantageufe fut le
fruit de fes viftoires ( 1 7 1 8 ) : elle donnoit à l’empereur
Bellegrade & Temefwar , places également
importantes.
Cette paix glorieufe étoit d’autant plus à defirer,
que l’empereur avoit befoin de toutes fes forces
pour défendre fes états d’Italie. Philippe V , excité
par le cardinal Alberoni, fôn miniftre, afpiroit à
recommencer la guerre, & fur un pretexte alfez
léger, il s’étoit emparé de la Sardaigne que le dernier
traité avoit afluree à la maifon d’Autriche. La
France, l’Angleterre ,-l’Empire & la Savoye , réclamèrent
la foi de ce traité, & forcèrent le roi d’Ef-
pagne d’abandonner une entreprife injufte. Le defir
qu’avoit l’empereur de former une marine*, dont il
ientoit le befoin, lui attira l’inimitié de ces puiffances
qui venoient de fe déclarer en fa faveur; une compagnie
des Indes , qu’il établit à Oftende, excita les,
inquiétudes des Hollandois , des Anglois, & même
des François : les premiers fur-tout, qui ne doivent
leur profpérité, leur exiftence même, qu’au commerce,
firent des plaintes ameres. Au droit naturel
de tous les peuples, ils oppoferent dès pattes , des
traités, & particuliérement celui de Munfter, qui
confirmoit les Hollandois dans la poffeffion exclu-
five du commerce des Indes, par rapport auxfujets
de fa majefté catholique, qui depuis étoient pafîes
fous la domination de l’empereur. La politique de-
mandoit fans doute que Charles renonçât à fon projet
, quelque avantageufe qu’en pût être l’exécution.
Il eut l’indifcrétion de s’unir avec le roi d’Efpagne,
fans fobger que cette alliance ne pouvoir fublifter
long-tems, tant à caufe de leur inimitié paffée , que
des grandes prétentions de la cour de Madrid fur
celle de Vienne. La démarche de l’empereur ne fer-
vit qu’à lui faire perdre la confiance de l’Angleterre ,
de la France, des ÉtatsGénéraux, de la Suede & de
la Pruffe , qui lui déclarèrent la guerre , & le forceront
après fix à fept ans de combats , de détruire
fa compagnie. L’Efpaghe fon alliée , dès la conclu-
fion de la paix , fe tourna du côté de la France &
de l’Angleterre. Ces trois puiffances s’unirent par un
traité, dont les articles furent dreffés à Sevilîe , &
depuis cette époque , les affaires de l’empereur allèrent
toujours en décadence. La mort d’Augufte I I ,
roi de Pologne & életteur de Saxe, donna lieu à
de nouvelles prétentions & à de nouvelles guerres.
Chacun ambitionnoit la gloire de lui nommer un
fucceffeur. L’empereur qui favorifoit l’elettion de
Frédéric-Augufte III, fils du feu roi, fit camper un
corps de troupes fur les frontières de la Pologne.
Louis X V favorifoit Staniflas qui avoit déjà occupé
le trône de Pologne, oh les voeux de la nation & les
armes Suédoifes n’avoient pu le foutenir. Ce monarque
déclara à l’empereur qu’il s’en prendroit à lui des
violences que l’on pourroit faire à la république. Il
envoya aufli-tôt, au-delà du Rhin , une armée qui
fignala fon arrivée par la prifé de Kehl ( 28 ottô-
bre 1733 ). La France renouvella auffi-tôt le traité
d’alliance avec l’Efpagne ; le roi de Sardaigne y
accéda ; la guerre fut alors déclarée dans les formes
; le roi de Sardaigne fe plaignoit des hauteurs
dont l’empereur avoit ufé à fon égard, lorlqu’il lui
donna l’invefliture de fes fiefs ; il l’accufoit encore
d’abufer en Italie de la fupériorité de fes forces, &C
d’avoir enfreint le traité de 1703 ; les premières
étincelles de cette guerre parurent en Italie. Le roi
de Sardaigne à la tête de l’armée Françoife, fortifiée
de fes troupes, entra fur les terres de la maifon
d’Autriche, & envahit tout le Milanez dont la capitale
lui ouvrit fes portes ( 9 novembre 1733 ).
Les Efpagnols eurent des fuccès non moins brillans.
Une flotte fuperbement équipée fit voile vers l’Itâ-
lie , Ôc alla établir fes quartiers dans le pays dfe
Sienne. Le printems de l’année fuivante ( 1734)
leur fuffit pour mettre fous leur puiffance la Miran-
dole & la principauté de Piombino. En une année,
la maifon d’Autriche perdit les royaumes de Naples
& de Sicile, & toutes fes principautés d’Italie. Les
fuccès étoient moins rapides en Allemagne, ce qui
: ne doit pas étonner , puifque le prince Eugene y
commandoit les troupes de l’empire ; il ne put cependant
empêcher que les François ne priffent Tre-
ves , & ne miffent à contribution toutes les places
de cet élettorat ; celui de Mayence ne fut pas moins
maltraité , ainfi que tout le pays fitué entre le Rhin,
la Sarre, & la Mofelle. Le comte de Belle-Ifle fe
rendit maître de Traerbac, & le marquis d’Asfeld
de Philisbourg, fous les yeux du prince Eugene. Ce
fiege fut fameux parla mort du maréchal de Bervick
qui en dirigeoit les opérations avant le marquis qui
emporta la place. Ces fuccès glorieux, d’une guerre
entreprife pour Staniflas, ne purent cependant l’affermir
fur le trône de Pologne , où les voeux d’un
peuple, dont ilauroit affuré le bonheur, l’appel-
loient pour la fécondé fois. Affiégé dans;Dantzickpar
les Saxons & les Mofcovites alliés de Charles F l , il
dut regarder fon évafion comme un coup du ciel.
Frederic-Augufte III y entrh triomphant après l’en
avoir chaffé ; ce prince & Philippe V retirèrent
tout le fruit de la guerre. La campagne de 1735 fe
fit avec langueur, principalement fur le Rhin; &c
dès-lors les négociations fuccéderent aux hoflilites.
Le comte de Neuvied fit les premières ouvertures
de la paix ; M. de la Bèaume eut la gloire d’y mettre
la derniere main à Vienne : quoique dans le traité
tout fût avantageux à l’Efpagne , Philippe le rejetta
d’abord, mais enfin il fut obligé d*y accéder. L’infant
don Carlos s’étoit fait couronner à Palerme, 6c
proclamer roi des Deux Siciles. Ce droit de fa conquête
lui fut confirmé. Le roi de Sardaigne eut
Tortonne, Novarre avec la fouveraineté de Langhes.
L’empereur recouvra fes premiers droits fur Milan
& fur les états de Parme &c de Plaifance que le roi
d’Efpagne eût bien voulu conferver. Staniflas abdiqua
la couronne de Pologne qu’ il avoit reçue de
Charles X I I , comme un témoignage de la haute
eftime de ce héros; &c pour prix de ce facrifice , il
fut mis en poffefiibn des duchés de Lorraine & de
Bar; la maifon de Lorraine qui cedoit ces provinces,
eut le grand duché de Tofcane. Cette paix qui ôtoit
J plufieurs royaumes à la maifon d’Autriche, fut
ïêçue commê on bienfait à h cour de Vienne. La
mort du prince Eugene I B ■ près la con-
clufion de ce traité, furpaffoit toutes les pertes: que
l’empereur avoit effuyéès. Les Allemands, tant qu’il
vécut le regardèrent avec raifon comme le génie
tutélaire de l’Empire : leurs profpérités diminuèrent
infenfiblemènt & s’enfévelirent avec lui. Charles V I
n’éproiiva plus que des revers, fans aucun mélangé
de fuccès ; obligé de fe déclarer contre les Turcs en
faveur des Ruffes , il perdit J emefwar, Bellegrade
& Orfava ; tout le pays entre le Danube & la Save,
paffa aux Ottomans, & le fruit des conquêtes du
prince Eugene fut perdu fans efpoir de retour. L empereur,
ditM. de Voltaire, n’eut que la reflource
de mettre en prifon les généraux malheureux, de
faire couper la tête aux officiers qui avoient rendu
des villes, & d e punir ceux qui fe hâtèrent de faire,
fuivant fes ordres , une paix néceffaire. Charles VI
mourut peu de tems après la guerre contre les Turcs.
Ilne laiffa point d’enfant mâle de l’imperatnce Elifa-
beth-Chriftine de Brunfvik-Blankenbourg,ilen avoit
eu un fils, nommé Léopold, qui mourut dans la meme
année de fa naiffance ; de trois princeffes fes^filles,
l’augufte Marie-Thérefe , depuis long-tems l’emule
des plus grands rois, fut la feule qui lui furvécut ; il
fut le dernier prince de la maifon d’Autriche, qui
pour être tombée au pouvoir d’une femme , n’en a
pas moins confervé tout fon éclat. Cette maifon illuf-
tre & puiffante avoit gouverné l’Allemagne, & avoit
fait fon bonheur pendant plus de trois cens ans. Ce
qui fait fa principale gloire, c’eft que dans ce .haut !
dé»ré de fortune , où elle parut fous plufieurs de
fes°princes, elle fut toujours refpetter. les droits &
les privilèges de l’Empire qui lui doit fa conftitution.
Avant Rodolphe de .Habsbourg qui fut le premier
de cette célébré famille , la liberté dont fe flattoit
l’Allemagne , n’étoit qu’une trifte anarchie. (M—y .)
C h a r l e s V II, életteur de Bavière , ( Hifloire
d'Allemagne, ) XLiii. empereur d’Allemagne depuis
Conrad I , né l’an. 1698, çouronné empereur le 22
février 1642, mort le 20 janvier 1745.
Ce prince dut le fceptre Impérial à la cour de
France , dont, il étoit l’allié ; mais pendant les trois
années qu’il les porta, il ne le tint que d’une main
foible. Ce fut lui qui donna naiffance à la guerre de
1740, contre ■ l’augufte Marie-Thérefe: une fauffe
interprétation du teftament de Ferdinand I , lui fournit
un prétexte pour revendiquer les royaumes
d ’Hongrie & de Bohême, comme des portions du
patrimoine de fi$ ancêtres : il prétendoit que ce fameux
teftament donnoit à fa maifon la poflefîion de
ces deux royaumes, au défaut d’hoirs .males dans
celle d’Autriche, dont la ligne mafculine venoit de
s’éteindre dans la perfonne de Charles V l% Le teftament
au contraire portoit au defaut $ hoirs ’légitimés^
d’ailleurs celui de Charles V I affuroit la ffucceffion
d’Autriche aux archiducheffes, dans les termes les
plus pofitifs : « Nous avons déclaré ( c’eft ainfi que
» s ’explique ce prince dans ce teftament,.érigé en
» forme de pragmatique-fanttion, en 1 7 10 ) en des
» termes intelligibles & exprès, qu’au défaut de ma-
» la fueceffion échoira en premier lieu, aux *ar-
» chiducheffes nos filles ; en fécond lieu, aux archi-
» ducheffes nos nièces ; en troifieme lieu, aux archi-
» ducheffes nos foeurs ; enfin, à tous les héritiers de
» l’un & deVautre fexe ». C e teftament fut publié en
forme d’édit, de la maniéré la plus folenmelle , &
reconnu par toutes les puiffances pour pragmatique-
fan&ion. C ’étoit un titre inconteftable pour Marie-
Thérefe ; l’éle&eur de Bavière n’en -foutint pas
moins fes prétentions. Les prùteftations de. Frederic-
Augufte III, roi de Pologne , fuivirent de près. II.
alléguoit les mêmes,'titres, & les mêmes raifonne-
mens que ceux de l’éle&eur. L’Efpagne réclama de
fon cô té, avec des droits encore moins plaufibles.
Marie-Thérefe avoit un ennemi plus redoutable que
ceux que nous venons de nommer. Cet ennemi étoit
d’autant plus dangereux, qu’il couvroit fes defleins
d’un voile impénétrable. C’étoit Frédéric de Brandebourg
: ce prince avoit envahi la Silefie dont il
prétendoit que fes ancêtres avoient été injuftement
dépouillés. La cour de Vienne le regardoit encore
comme fon allié. L’éleûeur de Bavière parvint à décider
en fa faveur , outre le roi de Pruffe , ceux de
de France, d’Efpagne , de Sardaigne & même celui
d’Angleterre. Ce dernier avoit d’abord formé la
réfolution d’embraffer de préférence l’alliance de
Marie-Thérefe; mais la crainte qu’il eut de voir
dévafter fes états d’Hanovre , lui fit changer de rc-
folution, quoiqu’il eût déjà armé trente mille hommes
dans l’efpoir de les employer en faveur de la
maifon d’Autriche. Des alliés auffi puiffans étoient
bien propres à donner la fupériorité à l’électeur de
Bavière.. Ses premières tentatives furent couronnées
par les plus grands fuccès : après s’être rendu maître
de Paffau & de Lintz, il jetta l’alarme dans Vienne
où Marie-Thérefe ne fe crut point en fureté. Il entra
dans la Bohême qu’il réduifit prefque toute entière
fous fon obéiffance : il prit même la couronne de
ce royaume & fut complimenté par le fameux maréchal
de Saxe, qui avoit beaucoup de part à ces
grands événemens. Il doutoit cependant de la durée
de fes conquêtes ; comme le maréchal le félicitoit
fur fon couronnement: oui certes, lui dit-il, me
voici roi de Bohême, comme vous êtes duc de Cour-
lande. Cependant cette fortune qui l’a voit jufqu’alors
favorifé , mais qui devoit bien-tôt l’abandonner, lui
préparoitle- trône de l’Empire : il y monta du con-
fentementdesélefteurs ( le 22 février 1742 ) , que
l’or de la France &c les négociations du maréchal de
Belle-Ifle réunirent en fa faveur. La confiance de
Marie-Thérefe ne l’abandonnoit pas au milieu de fes
revers ; elle trouvoit dans l’amour de fes fujets, des
reffourcesinépuifables : cependant elle fentit l’impof-
fibilité de réfifter à tant d’ennemis ; elle éteignit les
reffentimens pour attacher, à fon parti le roi de Pruffe
dont elle avoit le plus à fe plaindre. Ce prince met-
toit une condition bien pénible à tfa réunion avec la
reine: il exigeoit qu’elle lui abandonnât la Siléfie en
pleine fouveraineté avec le comté de Glatz. Elle
fentoitla plus grande répugnance à démembrer l’heri-
j tage de fes peres , mais enfin elle céda à : la néceffite.
Les affaires des alliés furent dès-lors-ruinées; ils
éprouvèrent les mêmes revers qu’ils avoient fait
éprouver à la reine : ils furent forcés d’évacuer la
Bohême, après avoir effuyé des pertes confidérables.
La Bavière fut envahie par les Autrichiens, & l’empereur
qui craignoitde plus grands malheurs, négocia
auprès de la cour de Vienne pour tâcher d’en
obtenir la paix ; il faifoit affurer Marie-Thérefe , que
content de là couronne Impériale, qu’il tenoit du
fufl’rage unanime des éle&eurs, il renonçoit à toutes
fes prétentions fur les états héréditaires delà maifon
d’Autriche. Il prioit la reine de lui rendre la Bavière,
& d’en retirer fes troupes. Le roi de France qui ju-
geoit cette paix néceffaire , ne voulut point en troubler
les préliminaires ; fes généraux en Allemagne
eurent ordre de ramener les. armées fur les bords du
Rhin, & il leur interdit toute efpece d’hoftilités. On
blâme le cardinal de Fleuri ; mais fi l’on avoit fuivi
fon avis, la France fe feroit. contentée de mettre
Charles V I I fur le trône Impérial, c’en auroxt etea.ffez
pour fa gloire. Ce plan auroit prévenu une guerre
meurtrière &C ruineufe. La reine qui chaque jour
remportoit de nouveaux avantages ,.refufa de ligner
le traité, & continua la guerre. Charles n’y joua point
un rôle fort brillant ; il n’y parut ni comme, empe^
reur, ni comme général : ilmourut dans le tems où