
forme, on conftruit le foulier deffus; c’eft de quoi
nous allons nous occuper, en nous attachant feulement
à la conftruétion d’un foulier ordinaire pour
homme.
Le cordonnier étant affis, prend fur fes genoux une
petite planche de bois dur, qu’il nomme Yécojfret ;
il étend deffus la peau de veau qu’il a deffein d’employer
, la pofant à l’envers, c’eft-à-dire, la fleur ou
le côté d’où fortoit le poil de l’animal, & qui a été
noirci, en-deffous, & la chair en-deffus ; il applique en-
fuite fur cette peau ainfi tournée, les patrons dont
chaquevordonnier doit être muni, qui font taillés en
forme d’empeigne, de quartier, &c. On les fuit avec
la pointe du tranchet, fig. (T, ou avec le couteau à
main, jig. 8. n°. 2 , en obfervant de couper pour cette
première fois un peu plus large que le patron ne
porte, parce qu’après cela on tire avec la pince le
cuir en tous fens, pour lui procurer toute fon ex-
tenfion : on pofe derechef la piece fur l’écoffret,
pour la couper cette fécondé fois jufte fuivant le patron,
excepté du côté des oreilles, oîi onlaiffeun
peu plus de cuir qu’il ne faut. Après avoir coupé
l’ empeigne A A ( PL. 1. du Cordon, dans ce Suppl. ) &
les quartiers CC, on coupe les autres pièces qui entrent
dans le foulier, favoir les paillettes D D , les
ailettes F F , & la trépointe E E . Cela fait, on prend
un quartier C C , que l’on pofe fur l’empeigne A A ,
comme on le voit dans la figure, & on fend l’empeigne
jufqu’en a , en fuivant le biais qui fait le bas de
l’oreille. On coupe enfuite en ligne droite jufqu’au
bout de la fente qu’on vient de faire ; on forme ainfi
line petite entaille d’environ un demi-pouce de profondeur
, qui fe trouve | un pouce & demi d’un des
côtés de l’empeigne ; & pour en faire autant de l’autre
côté, on plie en deux l’empeigne, enforte que le
triangle coupé s’applique fur l’autre bord: la partie
bb renfermée entre ces deux entailles, fe trouvera à
l’extrémité du cou-de-pied, & c’eft à ce bord que
fecoudla piece G , qu’on nomme auffi Ü oreille, quand
le foulier eft achevé.
Avant que de montrer comment toutes ces pièces
s’affemblent, il convient de dire une fois pour toutes
, comment les coutures fe font. Le cordonnier emploie
différentes el'peces de fil, du gris Sc du blanc,
plus ou moins gros, fuivant les coutures ; & lorfqu’il
ne coud pas avec le carrelet, fig. i5 (PI. I. Dicl. raif
des Sciences y & c .) , qui eft une efpece d’aiguille , il
ajufte à chaque extrémité de l’aiguillée une foie
de fanglier, enforte que ces bouts étant roides, on
peut les faire paffer facilement par les trous qu’on a
faits au cuir avec une alêne. Voye£ Aiguillée dans
ce Suppl.
La plus grande partie des coutures qu’il fait, font
des coutures lacées ; il les fait ainfi lorfqu’il doit ac-
coller deux morceaux de cuir & les joindre folide-
ment : il perce avec une alêne toute Pépaiffeur du
cuir, ou il l’effleure, comme ils difent, c’eft-à-dire
qu’il ne le perce pas d’outre en outre. Il approche
d’abord les deux cuirs l’un de l’autre ( Voye^ la fig.
i .p l. I . du Cordon, dans ce Suppl.') & il les perce d’un
feul coup d’alêne / , ; ; il paffe enfuite par le trou
qu’il vient de faire la foie d’un des bouts de l’aiguillé
e , & il l’égalife en joignant les deux bouts, & en
tirant en l’air l’aiguillée ; quelquefois on fait un noeud
pour arrêter ces deux moitiés: il continue à percer
le cuir avec l’alêne comme en 2 , 2 , près ou loin ,
fuivant qu’il a deffein de ferrer plus ou moins fes
points , & il paffe dans le trou qu’il a fait les deux
foies de l’aiguillée, enforte que le fil qui eft à la
droite foit à la gauche, & réciproquement ; alors il
tire à la fois les deux bouts de l ’aiguillée horizontalement,
faifant enforte que le fil qu’il tire de la main,
paffe au travers de l’anneau 3 qui fe forme à droite,
& qui y fera le point quand le tout fera ferré ; U
c’eft pour faire ce point & le ferrer vigoureufement,
que le cordonnier porte à la main gauche la manicle,
fig- 44 H- Dicl. raif. des Scienèes, & c .) , qui con-
fifte en un morceau de cuir de veau pris à la tête,
large d’environ deux pouces, & qui eft affez long
pouF entourer la paume & le deffus de la main, laii-
fant les doigts libres, moyennant quoi le fil ne fait
point d’impreflion fur la main quand il le tire avec
force. La couture étant achevée, on fait un noeud,
en faifant paffer le fil qui fort à gauche, d’abord par-
deffousl’anneau en 4 , (fig. i .p l . I . Suppl.') enfuite
par-deffus en 5 , puis encore par-defl'ous en 6 , &
lorfque le tout eft ferré , la couture eft folidement
terminée.
Pour en revenir à la conftruétion du foulier, le
cordonnier prend d’abord les deux quartiers qu’il
coud à l’envers, en les laçant comme nous venons
de l’expliquer; il prend , pour travailler plus commodément
, une forme, au-deffus du talon de laquelle
il a planté une petite pointe qui lui fert à engager
le cuir ; il tient cette forme fur fon genou à
l’aide du tire-pied (Voye{ la fig. 3 , Dicl. raif. des
Sciences, &c. ). Quelques-uns évitent cette couture,
en taillant le quartier d’une feule piece. Il coud enfuite
les quartiers aux empeignes, & toujours à l’envers ;
il prend après cela les pailletés, il en amincit les
bords & il les coud en effleurant la peau près des entailles
pour les fortifier. Cela fait, il amincit auffi les
ailettes, feulement le côté qui eft droit & le bout le
plus large ; il les place de chaque côté de l’empeigne
le long du bas, comme on le voit fig. 2. (PI. I. Suppl. )
en F 2 , enforte que leur extrémité foit à la diftancè
d’un bon pouce du bout de l’empeigne ; puis il les
coud tout alentour en effleurant la peau, excepté lé
bas 00, qui luit lebas de l ’empeigne. Après avoir
coufu toutes ces pièces, il retourne l’empeigne, & le
côté noirci eft alors en-dehors;
Le cordonnier peut jufqu’ici mener les' deux fou-
liers à la fois ; mais à préfent qu’il s’ agit de mettre les
femelles, il doit les travailler l ’un après l’autre fur
la même forme. La première femelle eft toujours
de cuir de vache ; il la laiffe tremper dans un baquet
plein d’eau , jufqu’à ce qu’elle foit fuffifamment foü-
ple & maniable ; après quoi, il la bat avec la panne
du marteau ,fig. iC. (Dicl. raif. des Sciences, & c .) fur
un billot, ou fur un gros caillou qu’il tient fur fes
genoux ; il la rend ainfi plus ferme & plus compacte ;
c ’eft ce qu’il nomme courroyer une femelle. Cela fait,
il l’affiche fur/la forme, c’eft-à-dire, qu’il l’arrête
par quatre clous, dont deux font au talon, un au
milieu, & l’autre au bout ( VoyeS| la fig. 3 ,■ pl. I .
Suppl. ). Il coupe enfuite le cuir qui excede la forme ,
& il pare les bords en bizeau jufqu’au bois de la
forme. Il place enfuite fur la forme, des hauffes; ce
font des pièces de veau noir taillées en forme dé
petites empeignes, qui couvrent le milieu de la
forme & qui s’étendent prefque jufqu’au bout : elles
fervent à donner de l’ampleur fur le cou-de-pied,
pour qu’on puiffe chauffer le foulier aifément. Maintenant
il prend l’empeigne dans l’état où nous l’avons
laiffée, il la met fur Informe, il l’étend vigoureufement
avec la pince, en te couvrant avec l’empeigne
les bords de la première femelle, & il l ’arrête
èn plantant furies bords del’empeignedes clous
de diftancè en diftancè, ainfi que la figure le repréfente.
Il s’agit après cela de coudre cette femelle
avec l’empeigne & la trépointe qui fe place en-
dehors fur l’empeigne , en fuivant les bords du bas
de la forme oii la couture doit fortir : cette piece de
peau de veau fert à porter la fécondé femelle qui
n’eft uniquement coufue qu’à cette trépointe ; c’eft
pourquoi elle fait le tour du foulier , & dans les
fouliers forts on la prend double, afin de pouvoir
faire une couture plus forte, Le cordonnier lace donc
toutes ces pièces en fuivant une légère gravure qu’il
a faite fur la première femelle pour fe diriger : il
nomme gravure un petit trait fait avec la pointe d’un
tranchet fur la femelle , en fuivant les bords à une
certaine diftancè* Il effleure cette femelle, mais il
perce l’empeigne en entier, de même que la trépointe
& il arrache les clous à mefure que la couture
avance. Cette couture étant achevée, il affiche la
fécondé femelle, qu’il a laiffé tremper dans l’eau
comme la première ; celle-ci eft de cuir fort pour les
fouliers dont nous parlons : il la courroie auffi comme
la première, & fi la forme eft cambrée, comme
c ’étoit autrefois l’ufage, il bat alors la femelle dans
la buiffe ,fig. 33. ( Dicl. ràif. des Sciences, &c. ) afin
de l’enfoncer, & qu’elle puiffe mieux s’appliquer fur la
première ; mais comme les formes dont on fait ufa-
ge aujourd’hui font prefque plates , cette opération
n’eft plus néceffaire ; la femelle peut très-bien s’ajuf-
ter fur l’autre fans cela, où on la fait tenir avec des
clous qui étoient à la première, & qu’on a ôtés. Le
cordonnier, après avoir affiché cette fécondé femelle,
prend un tranchet à redreffer, & i l coupe, comme il
convient, le cuir qui paffe la forme, en faifant un bizeau
du côté de l’empeigne ; il fait enfuite une gravure
profondè de demi-ligne , & diftante du bord
de 1r femelle de trois lignes ; il tient le tranchet de
biais, penche en-dedans de la femelle, pour faire
cette gravure que les ouvriers nomment la-fous-
femelle. Elle fert à placer au fond les points de couture
qui doivent attacher la fécondé femelle à la trépointe
, & on voit facilement que de cette façon les
points font à couvert, & qu’ils ne doivent s’ufer que
lorfque la femelle l’eft prefque toute. C ’eft pourquoi
le cordonnier élargit cette gravure avec le releve-
gravure, afin de pouvoir mieux placer fes points,
& il fait tout de fuite une couture lacée qui fait le
tour du foulier; après qu o i, il coupe la trépointe
près de la couture qu’il yient de faire. Ilne manque
plus rien au foulier que le talon, on en met quelquefois
de bois & d’autres fois de cuir ; nous parlerons
d’abord des derniers. Le cordonnier ayant préparé
un morceau de cuir un peu plus grand que le
talon ne doit être , il le fait tenir lur le foulier par le
moyen de quelques clous; il fait tout au tour une
gravure pour le coudre, foit à une trépointe parti- !
çuliere deftinée à porter le talon, foit aux femelles
qu’il perce alors toutes deux ; mais il eft obligé d’ô-
ter le foulier de deffus la forme. Le foulier eft maintenant
prefque achevé, il ne s’agit plus que de redreffer
le talon , c’eft-à-dire, lui donner la grandeur
& la forme qu’il doit avoir ; après quoi, il ôte encore
à la femelle le bifeau qu’il y a d’abord fait, en la coupant
prefque droite, & il ne s’agit plus alors que de
paffer la râpe, la lime, &c racler avec du verre
potir unir les bords de la-femelle & du talon. Quand
cela eft fait, on les noircit avec de l’encre, qui eft
compofée avec de l’empois bleu, du noir de fumée
& de l’encre ordinaire, & on finit par les liffer
avec la bifaigue ou bouis, qui eft un outil de buis
qu’on voit fig. 5. ( Dicl. raif des Sciences, &c. ) Le
ioulier eft alors achevé.
Si le talon doit être de bois, lorfque la couture
qui , en prenant les bords amincis de la femelle ,
ceux de 1 empeigne , & ceux de la trépointe amincis
m (fis- S-J>Lancht L Suppl. ) eft arrivée à la retraite
du cote oppofé où l’on a commencé ; on coud
tout de fuite le paffe-talon N , à l’envers du cuir,
tout autour du bas des quartiers, le prenant par fôm
bord d en bas avec le bas des quartiers ; ce bord deviendra
celui du haut du talon de bois , quand le
paffe-talon-fera retourné. C’eft pourquoi en le Coulant
, on le couche fur les quartiers, la fleur en dedans.
Le cordonnier prend enfuite le talon de bois-#
qui eft brut, il le bûche, c’eft-à-dire, qu’il lui donne
tome II,
la forme avec la groffeur & hauteur convenables I ,
le met en place, & l’attache à la forme avec le clou
a talon q u i, enfoncé dans le trou 1 , perce la pre-
miere femelle , & entre dans la forme. Comme le
deffus du talon de bois, qu’on nomme la boîte n’eft
pas toujours fi inexaftement bûché , qu’il s’applique
parfaitement fous le talon delà première femelle on
met entre-deux au pli de la cambrure un petit morceau
de cuir de vache , qu’on nomme le cambrillon,
qui lert encore à fortifier ce p li, en débordant dans
la cambrure. On ferre le tout en donnant quelques
coups de marteau furie clou à talon. Le cordonnier
mouille alors le tour extérieur du talon de bois avec
de 1 empois blanc , & renverfe le paffe-talon par-
deffus , ce qui l’applique fur le bois, la fleur du
cuir en dehors. Il tire avec la pince le bas du paffe-
talon, pour le bien tendre ; il arrête fur le talon ce
qui depaffe r ,fig. 5 , & coupe net avec le tranchet à
redreffer le cuir du paffe-talon, le long des côtés qui
regardent la femelle à une demi-ligne près du talon
de bois. Paffant enfuite le releve-gravure tout autour
du haut du paffe-talon, à Pendroit où il eft coufu
aux quartiers , on y fait paroître une petite rainure.
Tout cela fe fait avant que d’afficher la fécondé
femelle. Celle-ci doit être affez longue, pour qu’a-
pres qu on lui aura fait faire une boffe ou élévation
au^fondde la cambrure, vis-à-vis du cambrillon, &c
qu’elle aura été pliée le long du devant du talon ,
elle en dépaffe encore la hauteur de près dfun
pouce; elle doit être en même tems affez large pour
en exceder-les cotes de près de deux lignes. Dès
qu elle ^eft lacée, le cordonnier rabat & refferre fur
elles-memes, à petits coups de la panne du marteau,
les deux extrémités qui débordent le long des côtés
du talon de bois, les unit avec le tranchet à redreffer,
les pare & les lace à couture blanche ferrée,
depuis^ le pli de la cambrure , jufqu’au bas de chaque
côté.
Il s’agit de garnir le deffous du talon de bois. On
le garnit de deux cuirs l’un fur l’autre; le premier de
cuir de vache,s’applique immédiatement furie talon;
le fécond qui le recouvre eft de cuir fort à l’orge. On
ôte le clou à talon pour les mettre en place ; on les
arrête avec trois pointes en forme de triangle, &
l’on renfonce le clou à talon en les perçant. On taille
le contour de ces cuirs pour lui donner la forme du
talon ; on le polit, & on les attache avec de petites
chevilles de bois qui, entrant dans des trous faits
avec la broche tout autour en deffous, à deux lignes
du bord, percent les deux cuirs, & vont s’enfoncer’
dans le talon de bois. Onrafe avec le tranchet celles
des chevilles qui débordent. Enfin le cordonnier procédé
à coudre la boîte à couture blanche ferrée. Il
commence par percer la fécondé femelle au coin du
pli de la cambrure, le cuir du paffe-talon, & le bas
du quartier, le traverfant en-dedans, afin qu’en ferrant
les points, le paffe-talon fe joigne aux quartiers;
mais le fécond point ne perce plus que le cuir du
haut du paffe-talon, & le bas du quartier. Il continue
toujours ainfi , & finit au pli de la cambrure de
l’autre cô té, avec un noeud.
Nous ne fommes point entrés dans tous les petits
, détails que le cordonnier fuit dans la pratique de fon
■ art, & nous n’avons pas non plus fait mention des di-
i Verfés matières qui lui font abfolument néceffaires ,
, comme des diverfés efpeces de fil, des différentes
I cires , &c. parce que notre deffein n’a été que de
donner ici une idée générale dé J’affemblage des pièces
qui entrent effentîellemént dans la conftruâion d’un
foulier ordinaire. C ’èft ce.que nous croyons avoir
1 fait affez au long, & avec affez dé clarté. Ceux qui
. voudront connoître tous les détails dans lefquelsnbüs
ne fommes pas entrés, peuvent confulter Yart du
cordonnier, par M. de Garfault, où ils les trouveront,
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