
Drake qu’on devoit juger , fi on vouloir , quoiqu a
toi-:, rejetter celle des Espagnols. Voyons comment
on s’y eft pris. . -
Après qu’on eut défiguré cette partie de l’Amérique
, transformé la Californie en île , qu’on difoit
de 50o lieues de long, apparemment avec les fi-
nuofités, fans quoi elle auroit eu à peine 400 lieues,
au lieu de 1700 8c plus, que les Efpagnols indj-
quoient depuis le cap Saint-Lucar, jufqu’à 1 extrémité
du détroit ; que fon giffement y eft fud-eft à
nord-oueft, même plus fud Sc nord, au lieu de ,
oueft-nord-oueft ; qu’on eut mis ce détroit 8c
l’extrémité occidentale de l’île , au 130, 240 , 250 d
de longitude 8c plus , avec une grande terre de
Jeffo , entr’elle & l’Afie ; après que, de nos jours,
on eut vérifié l’ancienne pofition, 8c reconnu , que
ce détroit fe retrouvoit, félon la diverfité des nouvelles
cartes, entre l’Afie 8c l’Amérique, à 1 190,
200, 20 5 degrés ; on cherchoit à placer ce port de
D ra k e , dont on ne pouvoir nier l’exiftence , d’après
la relation , du moins pour la latitude ; par confe-
quent, au 38 e1 de cette île, dont on laide fubfifter
la figure 8c le giffement dans la prefqu’île , malgré
l’erreur reconnue : ce qui fait depuis le cap Saint-
Lucar même , 8c non depuis l’île Canon , qui fans
doute fe trouve plus loin en mer 17 degrés ab-
folus , c’eft-à-dire, longitude & latitude compenfée
240 lieues : où font donc les 600 lieues fur lefquel-
les s’accordent les deux éditions du Voyage de Drake
? Il y a bien plus: elles parlent toutes deux de
600 lieues longitude; aies fuppofer pour un moment,
depuis le cap Saint-Lucar à 237 degré; 8c
faifant voile au nord-oueft, à raifon d’un milieu ,
au 34e d; & à 17 lieues le degré,cela feroit 578 lieues
8c non340: comment ofer contredire une relation
aufli authentique pour la remplacer par des idées
creufes qui ne font fondées que fur l’arbitraire ?
Drake eft parti d’une île, qui paroît être fituée
adez loin vers l’eft du. continent; fi elle en avoit
été proche, le gouverneur des Philippines fe feroit
bien gardé de fè mettre en route , pendant que Drake
, qui étoit la terreur de toute l’Amérique Ef-
pagnole étoit fuppofé encore dans ces parages:
on le crut reparti par le détroit de Magellan pour
l’Europe. Toutes ces circonftances nous permettent
des conje&ures, pourvu qu’elles ne contredifent
aucune relation, ni la probabilité.
En attendant qu’on prouve quelque choie de.con-
Irairc , nous fixerons le point du départ aux îles Ca-
çones à 25.2 d de long. 29 de latitude ; 8c prendrons le
milieu de-là au 42 : on pourroit marquer 43 ; Ce qui
fera 3 d où le degré eft de 16 lieues 17'. Les 600
lieues en longitude feroient paffé 37 degrés à déduire
de 252 ; il feroit venu au 215 d.
Si on vouloit dire qu’également, félon les anciennes
carres, il n’auroit pas été à l’entrée du détroit
, qui y eft marqué, bien plus loin à l’oueft , je
répondrai :
i° . Qu’apparemment on ne voudra pas fe tenir fi
ftriâement attaché à ces 600 lieues , qu’on ne puiffe
en admettre quelques-unes de plus ou de moins. .
2°. Que les longitudes font encore de nos jours fi
incertaines, 8c l’étoient bien plus alors , qu’on ne
peut s’y fixer à 10 à 20 dégrés près, comme on
peut le voir pour l’Afie même , bien mieux connue,
où on a mis alors le Japon à 185 dégrés. Voyeç
Fextrait de la carte de Vifcher j carte l V. Suppl.
30. Audi les anciens géographes étant convaincus
de l’au'.henticité des relaxions Efpagnoles ,
pour l’étendue 8c le giffement des côtes, ayant eu
égard à la latitude 8c à un calcul du voyagé , par
eftime, ont placé ,1a' nouvelle Albion de 210, à 215
on 220 à 225 d , 8c vers les 38 d de latitude.
4°. Il faut diftinguer entre l’entrée du détroit 8c
fônmilieu J -celle-là y eft marquée ait véritable cap
Mendocin d’alors , à environ 205 ou 208 longitu»
de, 42 à 43 latitude ; au lieu que le cap de Fortu-
na, l’eft. à 190 & 195 , avec 55 latitude; le cap
Efcondidos 192-197 , fur 62 à 63.
50. Il eft même prefqu’impoflible que Drake
n’ait pas été julqu’au 205 d quand même on comp-
teroit le point du départ depuis le cap Saint-Lucar,
pofé à 265 d de longitude 8c 23 de latitude. Il a
employé 50 jours pour fon voyage au 42 '■ ; 600
lieues feroient 12 lieues en vingt-quatre heures f
Ceci a-t-il quelque degré de vrailemblance ? Je ne
veux pas comparer cette navigation 8c fa célérité
avec celle qui s’obferve conftamment entre le tropique;
depuis Acapulco au 275 comptons 270 , juf-
qu’aux îles Mariannes à 160 , il y a 110 degrés ; Sc
entre 17 6c 11 latitude, le dégré eft de plus de 19
lieues. Il y a donc 2090 lieues de diftance , qu’on
fait toujours en 21 ou 22 jours , ce qui fait 95 lieues
en 24 heures : & ici 12 lieues. Les vents alifés,
font, dira-t-on , une différence totale ; mais la différence
, d’un autre côté, n’eft pas moins frappante ,
en la comparant avec toutes les autres navigations
quelconques : je ne veux pas parler de celles de 30
lieues par jour, ni de 25 , qui font très-communes;
comptons feulement 20 lieues , Scies 50 feront 1000
lieues ; 6c alors il faudra convenir qu’il- a pu être
très-aifément , dans cet efpace de tems, à l’entrée
du détroit. Ajoutons qu’on ne peut pas
exclure ici totalement les vents alifés. Gemelli ,
quoiqu’approchant les 40 dégrés , a eu toujours les
vents contraires , c’eft-à-dire, de l’eft. EtM. de Bou^
gainville étoit furpris de ce qu’il les a éprouvés eft:
Sc fud-eft long-tems avant de parvenir à 430 dégrés
de latitude méridionale. Voilà donc au nord 8c
au fud de la ligne qu’on les éprouve déjà fi favorables
pour aller vers l’oueft, fud-oueft , nord-oueft«;
11 y a plus, le même M. de Bougainville parle
des courans fi forts & fi conftans de l’eft à l’oueft ,
qu’ils font caufe que l’on repréfente la mer du fud
infiniment moins longue qu’elle ne l’eft réellement*
On.ne fauroic donc être furpris que ces deux faits,
non douteux , concourant enfemble , faffent avancer
plufieürs iieues dans une heure. Si par contre on
confervoit la pofition dé ce port, d’après les cartes
poftérieures erronnées , à environ 253 longitude
, 38 latitude , 8c le point du départ du cap
Saint-Lucar, à 264 8c 23-7 dégré, compenfant les
longitudes & latitudes ', pour 50'jours qu’on a été
en route jufqu’au 42e dégré, il faudroit compter
à-peu-près 6 lieues par 24 heures. Quel contrafte !
M. de Bougainville fe plaint amèrement, qu’errant
parmi des îles innombrables, fur divers rhumbs
du vent, 8c par des empêchemens fans fin, vers la1
nouvelle Guinée 8c les Moluques, il n’a fait que
450 lieues en 36 jours , ou 177 lieues par jour ; 8c
ici fans le moindre empêchement, on n’en fait qua
fix.
On ne pourra pas objeûer que les vents contrai*'
res & les orages , ont été caufe de ce qu’il a avancé
fi peu, ou qu’ils ont échoué quelque part ; il s’agiroît
de le prouver. Dans toute fa relation on n’a pas
omis de lés rapporter, lorfque cette efeadre en a
effuyé avant ou après : ici rien de pareil, 8c ce n’eft
qu’en allant des Philippines à Acapulco , 8c hors des
tropiques, qu’on y eft fujet, 8c que. même on en
eft rarement exempt.
6°. On a toujours été fi bien perfuadé que
Drake eft allé à l’entrée du détroit, qu’en défigurant
l’Amérique feptentrionale , &: repréfentant la
Californie en île , on alléguoit comme un des principaux
motifs, qu’au bout feptentrional de l’île , on
avoit placé à 42 ou.43: degré le détroit d’Anian :
aujourd’hui qu’elle eft reconnue prefqu’île , plus de
détroit
détroit à fon nord, à-cette longitude & latitude?
mais celui-ci fe trouve entre l’Afie 8c l’Amérique..
Les anciennes cartes reprennent leur droit ; & mon
explication, de même que mon calcul fur ce voyage
de Drake ,fe trouveront fondés & évidens, autant
que l’erreur grofliere de l’emplacement du port de
Drake dans les nouvelles cartes.
Je me fuis d’autant plus étendu là-deffus, que
j’ai cru devoir appuyer l’authenticité des relations
Efpagnoles, 8c des cartes qui les ont pour bafe ,
lefquelles oh a voulu révoquer en doute , 8c même
anéantir, par celle de ce fameux héros Anglois.
Il m’eft tombé depuis peu entre les mains un
ouvrage compofé en Anglois, par Robert Brown,
fous le titre : Hijtoire de la vie , actions , voyages par
mer, principalement de celui autour du monde , du
chevalier François Drake. J’en citerai feulement ce
qui peut éclaircir les faits.rapportés dans les deux
autres relations. Drake prit la réfolution de retourner
depuis la mer du fud par le nord, tant parce
que pareille découverte augmenteroit fa gloire,
que par l’avantage que lu i , pour.le préfent, 8c fa
nation pour l’avenir , en tireroit. Pour radouber le
yaiffeau & faire quelques provifiorts , il chercha Un
lieu convenable : fit voile le 7 mars 1579 vers lîié
Caïnos & ÿ arriva le .16 du même mois. Le 25 il
réfolut de faire voile dire&ement 8c fans s’arrêter ;
fit pourtant encore des provifioris au lieu le plus proche
; 8c le 16 a v ril, cingla vers l’oueft par un bon
v en t, 8c fit 500lieues d’Allemagne en longitude.
Le 3 juin il avoit avancé 1400 lieues d’Allemagne ,
fe trouva au 43 dégré de latitude feptentrionale, par
fin grand froid qui fut encore plus fort deux dégrés
au-delà. Il avança plus loin; lé 5 juin le vent le
chaffa vers les côtes, 8c il jetta l’ancre dans une
baie où il trouva fi peu de sûreté contre les gros vents
& tempêtes, qu’il revint en pleine mer, 8c fut chaffé
par les vents depuis le 48 au 38 dégré. Le 27 juin il y
entra dans un bon port, 8c y refta jufqu’au 28 juillet.
Drake nomma ce pays nouvelle Albion. Aufli lpng-
tems qu’il cingla le long des côtes jufqu’au 48 dégré
, il ne put gagner aucune terre qui s’étendît vers
l ’eft ; la côte étoit toujours vers le ndrd-oueft , comme
fi elle y fût contiguë à l’Afie.
Cet extrait peut fuffire, & n’a pas befoin d’un
ample commentaire. Cet auteur Anglois écrivant en
Angleterre , où tous ces faits connus avoient été
recueillis de Drake même dans toutes leurs çireonf-
îances, nonfeulement confirment ce que lès autres en
ont dit, mais dans des détails très importans qui appuient
les idées que j’en avois conçues avant que d’en
avoir connoiffance : il confirme que Drake avoit
voulu revenir parle nord, 8c qu’il avoit pouffé juf-
qiràu 43e dégré, 8r plus loin,il nomme l’île Cainos. Je
n’ai pu la déterrer ; mais il fuffit que le trajet fût de
neuf jours : quandmême le point du départ eût été depuis
les côtes du Mexique, ce que perfonne ne voudra
foutenir , la diftance feroit confidérâble , 8c ab-
forberoit déjà celle qu’on lui donne en longitude
dans les nouvelles cartes. Cet auteur parlant de la
première partie de la navigation, dit que Drake
avança 500 lieues d’Allemagne en longitude ; ce
q u i, à raifon de quatre lieues de France , pour trois
d’Allemagne , feroit 664 lieues de celles-là ;. o ù , fi
on compte celles-ci à 1-5 de France, elles feroient
625 lieues,; o u , comme les autres difent, en compte
rond 600 lieues.
L’auteur en rendant compte de tout le voyage ,
depuis le 7 mars au 3 juin, le trouve de 1400
lieues d’Allemagne ; d’après ce dernier calcul, cela
feroit 1750 iieues de France. Les Efpagnols parlaient
de 1700 lieues d’Efpagne, ou près de 2000
lieues de France , jufqu’au bout du détroit d’Anian ,
vers le 65 degré. Ainfi, cela s’accorde encore à mer-
Tonic IJt
veille avec les cartes Efpagnoles; On aura été le 3
juin au cap Mendocino véritable, 8c 'jufqu’au 5 ,
peut-être , vers le cap Fortuna. Les nouveaux géographes
ont voulu fe fervir de ce voyage de Drake
pour déprifer les relations Efpagnoles ; au lieu que
ïi les Efpagnols avoient dreffé une relation de leur
invention , ils n’en auroient pu former une. plus favorable
que celle de Drake, puifqu’entr’autres il eft
dit, que la côte court toujours nord-oueft, comme f i
elle étoit contiguë à CAfie. Quoi de plus fort ôc de
plus convaincant !
Drake dit qu’il a eu un bon vent pendant fa navigation
de 500 lieues d’Allemagne ; il ne dit pas qu’il
l’ait eucontraireftansle refte des 1400 lieues. Qu’on
fe donne , fi on veut, ia torture pour concilier ceci
avec la longitude qu’on a affignée au port de Drake,
à tout au plus 15 dégrés depuis ie cap.Saint-Lucar ,
ou 20 dégrés depuis le continent, on n’en donnera
aucunë lolutiori tant foit peu apparente , qui puifl'e
faire impreffion fur les gens même les plus crédules.
Les vents & les orages les tourmentèrent feulement
, lorfqu’ils fe trouvèrent vers le 42e dégré ; &c
au-delà ; quel accord admirable entre ce fait & vceux
de la relation de Beering & de Tchirikow ! Ils furent
repouffés en mer depuis le 48 au 3 8 dégré ; & fi on
veut réfléchir, ce ne peut avoir été que vers lé fud-
eft: aufli dans les anciennes cartes, la nouvelle Albion,
eft fituée en cette proportion du cap Mendocin.
L’hiftoire dont nous parlons indique le jour du
départ de ce nouveau pays , omis par le« autres ;
par lefquelles pourtant on peut conclure que les
Anglois peuvent en effet y avoir féjourné environ
un mois, depuis le 27 juin au 28 juillet.
Enfin, cette feule relation fuffiroit pour faire reprendre
aux cartes 8c relations Efpagnoles Ieurjj
droits, dont les géographes poftérieurs les avoient
privées fans raifons 8c fans preuves. (E.)
CALIGULA (C aius) , Hifi. rom. fils de Germa*
niçus 8c d’Agrippine * naquit à Antium , fous le con-
fulat de fon pere 8c de Fonteius Capiton. On lui
donna lé ftirnbm de Caligulat parce qu’étant élevé,
fous la tente 8c dans le camp , fon pere voulut qu’il
fut vêtu comme les foldats, dont les hautes-chauffes
s’àppelloient caliga. GermanicuS voulant l’inftruire
dans l’art de la guerre , l’emmèna avec lui dans fon
expédition d’Orient. Caligtila j à fon retour, fit avec
àpplâudiffement l’oraifon fùnebre de fon aïeule Li-
vie. ,Les cruautés que Tibere exerça fur fës frétés ,
ne s’étendirent point jufqu’à lui. Souple 8c rampant
fous le meurtrier de fafamillé , il donna lieu de dire
qu’il étoit le plus fournis des ferviteurs 8< le plus
impérieux des maître.s. Dès fa première enfance, il
manifefta la cruauté de fespenchans : fon plus grand
plaifir étoit d’aflifter aux tortures 8c aux fupplices
des criminels ; il paffoit lés nuits dans les tavernes 8c
les lieux de proftitutiop où , à la faveur de fon dé-
guifement, il fe difpenfoit de rougir de fa dégradation.
Lçs farceurs, les muficiens 8c les bouffons furent
fes premiers favoris; 8c ce.Smereénaires, inf-
truits par fes leçons, réufliffoîènt. mieux dans l’art
de s’avilir. Tibere averti de fes débordemens, ne
prit aucun foin de les réprimer ,.fe flattant que le
goût des voluptés pourroit adoucir fes moeurs dures
8c féroces. Cet empereur, malgré fa tendreffe, ne
pouvoit fe diflimuîer les vices de fon neveu , & il
avoit coutume de dire : Je nourris le ferpent du
» peupleromain, 8c le Phaëton de l’univers ». Après
la mort de Tibère , il fut prpclamé empereur par le
peuple 8t le fénat: jarmee, qui l’avoit vu 'élever
dans le camp, fe félicita d’avoir un. tel maître. Les
honneurs qu’il rendit aux cendres de fa mere 8c de
fes freres , firent juger favorablement de la trempe
de fon coeur. Sa piété s’étendit fur toute fa famillç ;