
prononça-que ï’efprit de la loi étoit de ne point attendre
que les quatorze ans fuflent accomplis, & qu’il
fuffifoit qu’ils fuflent commencés. Cette décifion a
été refpeûée & a force de loi. Ce fut encore fous ce
regne qu’Aubriot, prévôt des marchands , jetta les
fondemens de laJBaftille. ( T — n .')
C harles V I , roi de France , ( Hiß. de France. )
naquit l’an 1367 de Charles V. fon prédéceffeur,
de Jeanne, fille de Pierre I. du nom, duc de Bourbon.
Il n’étoit âgé que de douze ans & neuf mois lorfqu’il
parvint au trône. Sa minorité fut fortorageufeî après
bien des conteftations pour la régence entre les ducs
d’Anjou , de Berri, de Bourgogne & de Bourbon ,
fes oncles, il fut décidé par des arbitres, que la régence
& la préfidenceferoient déféréesau duc d’Anjou
, & que les ducs de Bourgogne & de Bourbon
feroient chargés de l’éducation du roi & de la furin-
tendance de fa maifo'n : ce partage de l’autorité les
rendit tous mécontens ; & lorfque la paix étoit dans
l’éta t, la maifon royale étoit en proie à une efpece
de guerre civile : les exactions du duc d’Anjou le
rendoient l’objet de l’exécration publique : fa chute
fembloit inévitable lorfqu’il partit pour Naples , oîi
il prit pofleflïon des états de la reine Jeanne qui l’a-
voit adopté.
Le premier événement qu’offre l’hiftoire militaire
de ce regne , fut la fameufe viûoire de Rofabeck
fur les Flamands qui s’étoient révoltés : on la dut à la
conduite du due de Bourgogne. Le ro i, quoique
fort jeune, ne put fe difpenler de faire cette campagne
, parce qu’en fa qualité de feigneur fuzerain du
comte de Flandres,il devoit fa prote&ion au comte,
fon vaffal, contre des fujets rebelles. Une troupe
de fcélérats, connus fous le nom de mailLotins, le
rappellerent en France : ces hommes féroces s’aban-
donnoient à tous les excès, & répandoient le dé-
fordre & la confufion dans la capitale : leurs chefs furent
punis, & l’efprit de révolte & de brigandage
qui les animoit fut éteint dans leur fang. Le fchifme,
qui divifoit l’Eglife, arma la France contre l’Angleterre
: une entreprife , formée contre cette puiflance
rivale, échoua par la malignité jaloufe du duc de
Berri qui, fous différens prétextes, fe rendit trop
tard à l’armée.
De nouveaux orages s’élevèrent du côté de la
Bretagne, où le duc retint prifonnier le connétable
de Cliffon : le roi fit les inftances les plus vives pour
obtenir la liberté de fon connétable ; mais il ne put
l’obtenir que par la ceflion de plufieurs places : encore
ne jouit-il pas long-tems de fa préfence. Cliffon'fut
affaflinépeu de tems après par Pierre de
Craon qui trouva un afyle à la cour du duc de Bretagne
: l’armée Françoife réclama l’afTaflin, & fur le
rerus qu’en fit le duc, elle menaça fon pays : le roi
avoit déjà éprouvé quelques éclipfes de raifon : il
tomba tout-à-coup dans un état de fureur & de dé-
i mence, & le refte de fa vie on ne vit plus en lui que
quelques étincelles de bon fens qui brillèrent par
intervalle.
La nécefîité de confier les rênes de l’état à un prince
qui pût les diriger, fut la fource des animofités qui
eclaterent entre les maifons de Bourgogne & d’Orléans.
Le duc d’Orléans, chargé d’abord de l’ad-
niftration publique, fut prefqu’aufli-tot fupplantépar
fon rival, qui non-feulement conferva la régence ,
mais encore la tranfmit à fon fils Jean-fans-peur.
L ’exclufion donnée à la reine & au duc d’Orléans ,
qui furent forcés de fortir de la capitale, excitèrent
de nouvelles tempêtes ; une feinte réconciliation fem-
bla les calmer, & ne fit que les groffir : le duc de
Bourgogne , trop ambitieux pour fouffrir un égal,
fit affafliner le duc d’Orléans, & cette aûion atroce
trouva un panégyrifte dans le doéteur Jean Petit. La
jVeuYe du prince affafliné mourut de douleur de voir
ce crime impuni. Le duc de Bourgogne, dont te crédit
n’étoit plus balancé par fon rival, affeôa tout le
faite de la royauté; il en avoit tout le pouvoir, & l’on
peut bien dire qu’il ne lui en manquoit que le titre.
La fa&ion des Orléanois, autrement appellés les
d’Armagnacs, fe déchaîna contre fon adminiftration :
on voulut envain forcer les deux partis à confentir à
la paix, la haine qui les divifoit étoit trop invétérée.
Ils la lignèrent cependant, mais ils la rompirent
prefqu’aulîi-tôt : tous ceux qui montrèrent quel-
qu’inclination défavorable au duc de Bourgogne ,
furent forcés de s’éloigner de Paris , où la fureur du
peuple , dont le duc étoit l’idole , leur donnoit lieu
de tout craindre. Les faûions fe renouvelloient dans
la capitale & la déchiroient. Un nommé Caboche ,
boucher de profelfion , en forma une qui porta fon
nom ; cette faûion étoit pleine de cette férocité
brutale, ordinaires aux perfonnes qui exercent la
profelfion de fon chef , ils affommoient, ils égor-
geoientfans pitié les plus vertueux citoyens, & partout
dans la capitale le fang des habitans étoit verfé
comme celui d’un vil bétail. Ces affafîinats, ces atrocités
, ces horreurs fe commettoient cependant au
nom du roi q u i, dans un inflant où fa raifon vint
l’éclairer, gémit fur ces’excès alfreux. La guerre
étrangère fe mêla à la guerre c ivile, & les provinces
furent en proie aux mêmes maux qui défoloient la
capitale. Le duc d’Orléans, dont le reffentiment eft
encore excité par le malheur, appelle les Anglois
& leur ouvre les barrières du royaume. Le roi arme
contre lui par le confeil du duc de Bourgogne. Un
traité de paix, figné à Auxerre, promet aux François
la fin de leurs maux. La guerre recommence &
détruit leur efpoir. Les Parifiens , cédant au fouffle
du duc de Bourgogne* emprifonnent Louis, dauphin,
pour le punir de fes liaifons avec le duc d’Orléans î
le roi fe joint pour cette fois au duc d’Orléans contre
le Bourguignon. La perte de la bataille d’Azincourt
entraîna celle de la Normandie, qui fubit le joug de
l’Angleterre. Ifabelle de Bavière, époufe infidelle
& mere dénaturée , trahit fon mari & fon fils en fe
liguant avec leurs ennemis : elle leur livra Paris &
Tours pour gage de fon attachement ou plutôt de fa
perfidie. Le dauphin, obligé de -fuir à Poitiers, y
transféra le Parlement, & prit le titre de tuteur du
royaume. Ce titre modefte convenoit à la foibleffe
de l’état. Le duc de Bourgogne, profitant de fon
éloignement, rentre dans Paris, qu’il change en une
fcene de carnage. Villiers de l’Ifle-Adam , infiniment
de fes vengeances, fembloit devoir faire de la capitale
le tombeau de fes habitans. Ce prince , naturels
lement inquiet, s’effraie heureufement du progrès
des Anglois, & la terreur, dont il eft frappé, lui
fait accepter un accommodement. Le pont de Mon-
tereau fut indiqué pour traiter dès conditions : mais
il ne s’y fut pas plutôt préfenté, qu’il fut poignardé
par Tannegui Duchatel, ferviteur zélé du duc d’Or*
léans, dont il vengeoit la mort par le facrifice de fa
gloire. Philippe-le-bon, fils de Jean-fans-peur, devint
Fimplacable ennemi du dauphin qui cependant n’a-
voit point trempé dans cet affaffinat. Ifabelle , née
pour être l’opprobre de fon fexe & le fléau de la
France, fe ligua avec lui pour fe fouftraire à fon reffentiment.
On conclut àT ro y eun traité auffi honteux
que funefte à la monarchie ; il fut ftipulé que
Catherine de France épouferoit le roi d’Angleterre ,
auquel, après la mort de Charles, la couronne devoit
appartenir. Henri V. prit dès-lors le titre d’héritier
&c de régent du royaume, La bataille de Beau-
gé, gagnée par le maréchal de la Fayete fur le duc
de Clarence, lieutenant général de Normandie pendant
l’abfence de Henri V. fon frere , eft le dernier
événement mémorable de ce régné foible & malheureux
; on remarque encore un arrêt du parlement
H ordonna le duel entre Carrouge & le Gris,
Charles VI. mourut eri 14 « - H étoit âge de 54 ans;
il en avoit régné 41. Son exemple montre combien
les régences etoient orageufes pendant l’anarchie du
régné féodal, (df t ’ )
C harges VII, (JHiJt. de France.) monta fur le trôné
de France à l’âge de io ans. A fon avènement à la couronne
, prefque toutes les provinces avoient paffe
fous la domination des Anglois; & avec le titre faf-
tueux de ro i, il comptoit peu de fujets. Le droit
'de fa naiflance lui donnoit un beau royaume ; mais
il falloit le conquérir à la pointe de l ’épée. Le fur-
nom de Victorieux qui lui fut déféré , fait préfumer
qu’il avoit les inclinations belliqueufes, & tous les ta-
lens qui diftinguent les hommes de guerre. L’expul-
fion des Anglois fut l’ouvrage de fes généraux; &:
tandis qu’affoupi dans les voluptés il s’enivroit d’amour
dans les bras d’Agnès de Sorel,Dunois, la Tre-
mouille, Richemont & plufieurs autres guerriers ga-
gnoient des batailles, & lui acquéraient des provinces.
Tous les grands vaffaux de la France , dans
l’efpoir de s’en approprier quelques débris, favori-
foient ouvertement les Anglois qui cimentèrent leur
puiflance ufurpée par deux v i&oires, dont l’üne fut
remportée à Crévant près d’Auxerre, & l’autre, près
de Verneuil.La Franceentiere eût paffé fous le joug
étranger, fi les ducs de Bourgogne & de Bretagne ,
mécontens des Anglois, ne fe fuflent apperçus qu’ils
combattdient pour fe donner un maître. Ils retirèrent
leurs troupes, & refterent quelque tems fpe&ateurs
oififs de la querelle.
Les Anglois affoiblis par cette efpece de défer-
tion, n’en furent pas moips ardens à pourfuivre leurs
conquêtes ; ils mirent le fiege devant Orléans, que le
bravé Dunois défendit avec un courage héroïque.
La divifion qui fe mit parmi les chefs de l’armée An-
gloife ne fut pas le feul obftacle qui interrompit le
cours de leurs profpérités. Jeanne d’Arc,célébré fous
le nom de La pucelle d'Orléans, fut l’inftrument dont
on fe fervit pour relever les courages abattus. Cette
fille extraordinaire, qui avoit rampé dans les plus
vils détails de.la campagne, crut être la verge dont
Dieu vouloit fe fervir pour humilier l’orgueil des
ennemis de la France : elle fe rendit à Chinon, auprès
de Charles VII. J e viens,-lui dit-ellechargée par un
ordre du ciel de la double million de faire lever le
fiege d’Orléans, & de vous faire facrer à Reims. Son
ton , fa confiance étoient bien propres à en impofer
dans ce fiecle. Le roi & les grands crurent ou affe&e-
rent de croire que fa miflion étoit divine. Elle fe jetta
.dans Orléans, où «lie fut reçue comme une divinité
* tutélaire. Les foldatsenla voyant marcher à leur tête,
fe crurent invincibles. Le carnage qu’elle fit des Anglois
dans plufieurs forties les obligea de renoncer
à leur entreprife., après fept mois d’un fiege dont
chaque jour avoit été marqué par des feenes meur-
‘trieres.
Cette fille guerriere favoit prendre les villes comme
elle fayoit les défendre; Auxerre,Troyes,Soif-
fons & Reims,fubjuguées par fes armés, furent enlevées
au!x Anglois. Les affaires de Charles parurent
rétablies, & ilfu t fa c ré à Reims le 17 juillet 1419.
La pucelle, ^près avoir rempli fa miflion, voulut fe
retirer; majs fur la nouvelle que les Anglois for-
moient le fiege de Compiegne qu’elle leur avoit enlevée
, elle fe chargea de la défendre, pour mettre
le comble à fa gloire. Son courage audacieux la trahit;
elle fut faite prifonniere dans une fortie. L’ennemi
qui devoit refpefter fa valeur, la traita en criminelle
: on la conduifit à Rouen, où elle fut condamnée
à être brûlée dans la place publique le 14
juin 1431. Son arrêt fut motivé pour crime de forti-
lege : c’étoit un moyen victorieux pour rendre fa
mémoire odieufe dans ce fiecle de licence & de cfé*
dulité.
Les crimes de la politique multiplioîettt les meurtres
& les aflaflinats; on facrifioit les citoyens les'
plus vertueux à la haine de ceux qu’on vouloït attirer
dans fon parti. La réconciliation du roi avec le
Bourguignon fut fcellée du fang du préfident Louv
e t , accufé, fans preuve, d’avoir eu part au meurtre
du dernier duc de' Bourgogne. Le feigneur de
Giac eut la même deftinée que Louvet, auquel il
avoit fuccédé ; le connétable de Richemont lui fit
trancher la tête faps daigner inftruire fon procès. C es
exécutions militaires dont on voyoit de fréquens
exemples, répandoient l’effroi dans le coeur du citoyen.
La mort de la pucelle confieras les François, fans
abattre leur courage : la guerre fe fit pendant quatre
ans avec un mélange de profpérités & de revers.
Paris rentré dans l’obéiffance, donna un exemple
qui fut fuivi par plufieurs autres villes du royaume*
La réconciliation du duc de Bourgogne fit prendre
aux affaires une face nouvelle ; ce prince preferivit
en vainqueur des conditions que fon maître fut heureux
d’accepter; & après avoir été le plus zélé dé-
fenfeur des Anglois, il en devint le plus implacable
ennemi.'
Charles V i l avoit à peine repris la fupériorité, qua
fes profpérités furent empoifonnées par des chagrins
domeftiques. Le dauphin fon fils s’abandonnant à la
malignité des confeils des ducs d’Àlençon & de Bourbon,
déploya l’étendart de la révolte. Son parti,
nommé la prageriet fut bientôt diflipé. Son pere indulgent
jufqu’à la foibleffe, daigna leur pardonner*
La guerre rut continuée dans le Poitou, l’Angou-
mois & la Gafcogne , où les Anglois virent chaque
jour leur puiflance déclinèr. Ils obtinrent une treve
de huit m ois, qui fut à peine expirée, que les hofti-
lités recommencèrent avec plus de fureur. Les François
prodiguoient leur fang pour un roi noyé dans
les délices, & qui paroiffoit plus jaloux de régler
fur le coeur de fa maîtreffe que fur une nation guerriere.
Ses généraux, qui n’avoient d’autres palais que
la tente, & d’autres amufemens que les jeux de la
guerre, reprirent la Guyenne défendue par le valeureux
Talbot. Ce héros de l’Angleterre fut défait
& tué à la bataille de Carlile* Sa mort.porta le dernier
coup à la puiflance, des Anglois, qui furent bientôt
chaflés de toutes les poffeflions qu’ils avoient envahies
; la Normandie rentra fou? la domination de
fes anciens maîtres. Cette riche province , depuis la
naiflance de l’empire François, avoit effuyé de fréquentes
révolutions : détachée de là France pour être
le domaine d’un peuple de brigands guerriers, elle
ne fut plus qu’une province de l’Angleterre, dont la
valeur de fes habitans avoit fait la conquête fous
Guillaume le Conquérant. Elle fut réunie à la France
fous Jean fans T e r re , & reprife par les Anglois fous
Charles V I , dont le fils eut la gloire de la faire rentrer
fous fa domination en 1448. Cette brillante conquête
fut le prix de la vittoire de Formigni, remportée
fur les Anglois qui ne conferverent en France
que Calais , dont Edouard s’étoit emparé en 1347;
ils s’y maintinrent jufqu’en 15 53,qu’elle leur fut enle-
yée par le duc de Guife. L’indocilité des Bordelois,
familiarifés avec la douceur du gouvernement Anglois
, engagea le roi à bâtir Château - Trompette
pour les contenir dans l’obéiffance.
Lorfque toute la France fut réunie fous fon légitimé
maître, les loix reprirent leur vigueur, & la licence
de la foldatefque fut réprimée : la mémoire de
Jeanne d’Arc fut réhabilitée. Ce calme dont on avoit
tant de befoin, fut encore troublé par la révolte du
dauphin. Ce prince fombre & farouche, après un