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l’excellent mémoire fur cét objet éft inféré parmi
ceux desfavans étrangers, tom. 7 , .prop'ofe dè fer-
tilifer toutes ces terrés arides par lés ârrofemens du
Rhône , en élevant fon Ht ou canal dans l’endroit où
ce fleuve eft refferré entre les deux rochers de Beau-
caire & de Tarafcon. La digue hëcéffâirè pour le
rehauffement du Rhône , fâcilitèroît eh même teins
fta conftruftion d’un pont de piërré , qui feroit très-
utile en cet ehdr'oït, ôîi les Romains en àvoiènt un
fi magnifique, qu’on l’appélloit jronsàrarius, pont du
tréfor. ’Cèt excellent citoyen fait voir que ce fèroit
un moyen, i ° . de deiflëchërtous les marais qui font
confidérhblès dans le Languedoc & la Provence ;
i° . de faciliter la navigation par les canaux qui fer-
viroient également h la navigation &c à l’arrofemeiit ;
3°. de donner la facilité d’éléver lé riz en France ,
oii il croît auïîi aifément qu’ailléu^s.
De tous les faifeurs de projetsde'canaux d’arro-
fement, aucun ne s’eft plus diftinguë dans ce genre
que le favant aütéur de la France Agricole & Marchande.
Il obferve d’abord que les forts labours &
les ehg'rais forment la bafe de toute bonne culture ,
& qùè par ce moyen le fol le plus ingrat devient
fertile & décuple fon produit. Qué cette amélioration
ne peut fe procurer qu’avec des beftiaux & des
prairies , rèflource qui manque dans lespays fecs &
arides , éloignés des fources & des rivières , telle
qu’eft par exemple la partie de'Cfiampagne qu’on ap-
jpëlle Pouilleufe. Il démontre qu’il eft àifé d’y fup-
pléer , en formant avec les fourcés qui peuvent fe
trouver dans le voifinage , & à leur défaut avec des
eaux de pluie, des réfervoirs, des étangs, des canaux
6c des rigoles pour arrofer lès terres labourables &
lès prés artificiels'que l’on formeroit dans ce pays.
Ne fe.roit-il donc réfervé qu’à certains pays dans le
Languedoc , dans le Rouuilldn, dans le Dauphiné
d’àrro'fer leurs terres labourées & leurs prairies avec
des rigoles qu’ils dérivent des rivières , ou avec des
eaux qu’ils éleVènt par le moyen dés roues ? Quoi !
fi clans la plupart dès provinces on Connoît le prix
des eaux de riviere ; fi ôn les recherche avec tant
d’empreffemerit, comment fâit-on fi peu de cas dés
eaux de réfervoirs , de mares 6c d’étangs , qui font
fécondes par èliès-ïnêmes & fi favorables à la végétation
? Puifque l’eau éft de tous les moyens le plus
efficace pour fertilifer les terreins les plus ingrats,
faifons donc tous nos efforts pour en procurer partout
, en multipliant les réfervoirs & lès canaux. Nos
moîffons feroiént bien plus abondantes , fi la chaleur
6c l’aridité O’ar'rêtoient les progrès des plantes céréales,
dont les racines n’emploient qüe dèux à trois
pouces de terre fur une fuperficie bientôt defféchée
par les premiers rayons du folèil & lès haies du prin-
terns, &c.
Après avoir établi ces principes par une infinité
d’exemples plus perfuafifs encore que les raifonne-
mens , puifqu’ils font fondés fur l ’expérience , l’auteur
choifit pour l’application de fon fyftême, une
‘contrée 'de la Champagne , qui comprend les villages
de Poivre, dé Mailly , de Renoncours , & fur
le grand chemin de Vitry à M eaux, à câufe de la fé-
chèreffé 6c de l’ingratitude naturelle de fon fol : an
•moyen'dés réfervoirs d’eau qu’il y fait creufer, dès
canaux d’arrofage qu’il en tire , 6c de l’amélioration
des terres caufée par ces eaux raffemblées , qui
nourriffent en même tems de vaftes prairies artificielles,
il dértiontre un profit de-cent pour im en peu
d’annéès, par des calculs auxquels on ne peut fe
refufer.
Il eft étonnant que l’homme avec quelques coups
de pioche puiffe faire changer de face à tout un pays,
& qu’il foit fi indifférent fur d’àufii fimples moyens
d’y fixer l’abondance 6c la fertiKté que la nature fem-
liloit en avoir proferites 6c bannies. "Qu’on -lïfe cét
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excellent oliviàge , fil’dn vêtit fe convaincre que les
eaux font • le principe 'créateur 6c cortfèrvatèur de
toute bonne culture ; que fans elles on ne peut aVüi'r
de prairiès, & fans prairies de bèftiaux : alors loin de
laiffèr perdre 18 à 20 pouces d’eau qui tombent annuellement
, & qui ne lèVveht qu’à délayer lés terres
en entraînant 'lés parties Végétales les plus fécondes
& lés plus légërès , iiotis raffèriiblèrons ces mêmes
eauxàvèc foin,à l’exemple des Chinois, pour les distribuer
de-làdans nos champs, lorfque les chaleurs &
lès féchèrèflës brûlent toutes rïos récoltes. Si toutèslés'
communautés étôierit bien convaincues dès avantagés
qui rëfulteroient d’un pareil fyftême d’améliorati'oh ,
elles fe rénniroient pour faire à frais communs dans
les endroits convenables des ’réfervoirs d’eau, d’où
chacun auroi’t le droit d’en tirer des rigoles pour fies
champs & ’féS prés. En fuivattt par-tout un fyftême
aiifli fimple , on verroit bientôt la France mécOn-
rioiffable en peu d’années, & Tes terres égaler en
produit celles des Égyptiens & des Babyfohieh's,
dont lé rapport téhoit du prodige au rapp'ort de Pline
lé naturalifte , fans autre fefcret que celui de i’a'rio-
fément.
Le même auteur dè la France Agricole appliqué
de nouveau fès moyens d’amélioration aux montagnes
des Cevénnes, près d’Alez & d’Anduzè : ïOu't
vient fè plier de foi - mêmè à Fés .principes pour démontrer
qu’il n’eft point de pays arides , mohtueux
& couverts de rochers efearpés, qu’on he puiffe fèr-
tilifer avec les eaux raffemblées dahs dés réfervoirs
placés à propos. Mais Un l'e&eur curieux de s’inftrui-
re , he doit pas fwr-tout manquer de fuivte, avec
attention, tout cèqué cet écrivain patriotique a dit
fur le Périgord & pays voifins, tant pour y procurer
la fertilité dés terres par les ‘réfervoirs, les rigoles
d’arrofage , 6c par le defféchement du lit de la Dordogne
, de la Garonne, 6c du golphë qfté forme l a
Gironde (g) , qu‘e pour y afluter des débouchés & le
(g) L’auteur a choifi , potfr l ’application dé Tes principes le
diocefe de Perigueûx & les pays arrofés par la Drome , l’ïflo
& la V ezere avant leur réunion à la Dordogne qui fe réunit au
Bec d’Ambès avec la Garonne pour former la Gironde : il a fait
ce choix , non-feulement parce que ce pays âpre & momueux
préfenre plus de difficultés qu’un autre pour les canaux lés
arrofâges ; mais parce qu’un minière bierifaifant & patriorique
qui étoit alors à la fête des finances, y_a de grandes poffefîïons.
Les détails immenfes dans lefqiïëls entre l’auteur, ne peuvent
être Téparés du plan général dans lequel- il faut lés lire. Une
conféquence dè ce premier étàbliïîèment des canaux d’arrofage,
c’ëft le defféchertient des marais du bas Medoc & dû golfe dé
la Gironde ; car, dit l’auteur-, fi toutes les contrées dè la Güié'nne
& des p ays voifins font unies 'd’intérêt pour contenir par le
moyen des réfervoirs dans les lieux élevés '& les gorges des
montagnes les eaux qui vont fe jetter dans la Garonne & la
Dordogne & pour lés dift'ribuer en arrofagesfur les terres,
bientôt vous verrez le lit de ces deux rivierès à découvert ;
alors le lit de la Gironde qu’on pourroit deflecher , forftïeroit
le plus excellent rerrein, de même que le Medoc tout couvert
de marais qui regorgent du-plus pur limon des rivierès, & qui
feroient une nouvelle mine d’abondance. Tous cés vaftes cantons
du haut Périgord, du 'Qucrcy, du R ouergue, des landes
de Bordeaux jUfqu’à Bayonne, n’ont aujourd’hui un fo l fi ingrat,
que pàree que les parties limonneufes de la têVre ont été
charriées par les eaux qui n’ont laiffé que les pierres, ‘les roches & le fable {VoyerVarticle Limon, danslè Ditlionhàire raif. des
Sciences, & c . ). Rendez à toutes ces -ftériles contrées les fub-
ftances végétales qui leur ont été enlevées,-foit en y retenant
les eaux dans des réfervoirs pour ne les diftribuer que dans les
féchereffes, foit en répandant fur leur furface trois où quatre
pouces de ces terres limonneufesqu’on trouve en quantité dans
tous ces fonds ‘qü’inonde la Garonne , & qui rendent la navigation
de la Gironde fi difficile, & vous aurez le terrein le plus
fertile dans ces mêmes lieux où l’on ne Voit que de triftes dé-
ferts qui "font honte à notre p eu d’intelligence. Lès landes feules
deBordeaux comprennent une étendue de trente lieues fur une
largeur m oyenne de dix lieues, ce qui fait 500 lieues quarrées
de pays p e r d u q u o i ajoutant foiXante lieussquarrées pour les
marais & le lit de la Gironde, quelle vafte étendue 'de défert-s
& de terreins perdus ! Grand Dieu , des déferts en France!
L’auteur remplace la navigation de la Gironde par AtulccanauZC
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tfanfport facile des dentées pat les iiuiauX de nàvi-
eatlon dont il a tracé les plans. Heureux le pays oit
fon voudroit réalifer lès, rêves utiles de ce 2ele ci-
toyen ! Je ne puis mieux terminer eet important
ticie, qu’en raffemblant d’après Belidor, fous un
même, coup d’oe il, les principes de l’hydraulique fur
la conftruftion des canaux d>arrofage , & le defféchement
des marais & des lieux aquatiques.
Pour établir un canal d’arrofage , il faut fuppofer.
un fleuve plus élevé que les campagnes qu’on veut
arrofer, fans fe mettre en peine de la diftance, pourvu
qu’elle ne foit point exceflive, & qu il ne fe rencontre
point en chemin d’obftacle infurmontable pour
la conduite des eaux qu’on veut dériver. Après avoir
levé une carte du terrein avec les nivellemens nécei-
faires » on choifira, en remontant le fleuve, le point
d’élévation le plus propre pour la naiffance du canal,
afin de conduire les eaux au terme le plus éloigné du
précédent, en donnant à ce ccnü/.une pente & une
largeur proportionnées à fon ufage. Comme ct canal
doit être accompagné de plufieurs branches qui fourniront
de l’eau à des rigoles d’arrofage , on lui fait
fuivre les coteaux par lefquels on peut en foutenir la
hauteur, en lui donnant une pente qui maintienne
toujours les eâux à une élévation plus grande qite
celle qu’aura le fleuve à mefure qu’il s’éloigne de
l’endroit oîi fe fera la prife des eaux, c’eft-à-dire ,
que fi le fleuve a une ligne ou deux de pente par toife
courante ( les rivières qui ont plus de deux lignes
par toifes de pente, ce qui fait feize pouces huit lignes
par cent toifes , font regardéesyomme des torrents
) on n’en donnera que la moitié au lit du canal,
en obfervant de l’élargir à proportion du che ‘n
qu’,on lui fera faire & delà pente qu’on lui donnera,
parce que l’eau augménte de volume & de hauteur g
en raifon de la pente qu’on lui ôte.
Après avoir déterminé la quantité de pays qui peut
profiter du canal d’arrofage , ©n fait convenir les
particuliers de ce que chacun d’eux doit contribuer
pour le dédommagement des terres qu’occupera le
canal à proportion de l’avantage qu’ils en peuvent
tirer ; ce que l’on faura en réglant le prix de l’arro-
fage, fur celui de la dépenfe totale de l’entreprile.
On doit préparer enfuite la fuperficie du terrein
qu’on veut arrofer & s’accommoder à la figure du
p a y s , & aux finuofités où il faudra affujettir le canal,
de maniéré que les eaux puiffent fe répandre par-tout
dans les branches néceffaires aux héritages. On ouvre
& ferme ces branches ou canaux particuliers par de
petites éclufes à vannes qu’on place auflid’efpace en
efpace pour faciliter les diftributions qu’on fait le
plus fouvent par de petites bufes, où il he peut paf-
fer que la quantité d’eau qui doit appartenir à cha*
cun ; comme cela fe pratique en Suiffe & en Provence.
Il faut fur-toutes chofes donner aux branches
que l’on tirera du grand canal & aux rigoles qui partiront
de ces branches des largeurs & profondeurs
proportionnées à la quantité d’eau qu’on y fera paf- ;
1er relativement à fa viteffe, & au trajet qu’elle fera ;
obligée de faire. 11 y a plus d’art qu’on ne penfe à
faire équitablement cette diftribution, pour qu’un
héritage ne foit point favorifé au préjudice d’un autre.
Il eft de pluseffentiel d’établir une bonne police,
afin de régler le tems où il faudra donner les eaux ,
celui qu’on pourra les garder, &c. &c. On doit fe
conformer pour cet objet à ce qui s’obferve dans
la plupart des lieux où il fe fait des ârrofemens publics
, en ajoutant ou retranchant ce que l’on trouvera
convenable aux circonftances.
Il faut fur-tout apporter grande attention à ce que
navigables, l’un depuis Bordeaux jufqu’à la mer vis-à-vis la
tour de Cordouan , qui auroit fon cours par le Medoc & la
petite Flandre; l’autre depuis Libourne jufqu’à Royan. Voyc{ (a Carte de tous ces pays,
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les eaux qu’on deftine à l’ârrôfàgë des terres y foiérif
propres , parce qu’il s’en trouve quelquefois qui y
font plus nuifibles qu’avantageufes. Pour c e la , on
éprouve celles qui font au-deffus du point de dérivation
, en les répandant fur des plantes du lieu
qu’on vêut arrofen M. Arnoul, intendant de la Marine
, ayant fait faire un canal tiré de la riviere d’A i-
gues, qui paffe à Orange , pour arrofer fa terre de
Roche-Garde, dans le Comtat, s’apperçutj, avec fur-
prife au bout d’un an , que les eaux de cette riviere *
qu’on répandoit fur le terrein , empêchoient que
l’herbe n’y crût, & faifoient mourir les plantes qu’elles
humedoient , ce qui provenoit d’une terre blanche
comine de la craye , dont ces eaux étoient imprégnées
, & qui portoit la ftérilité par-tout où ellé
léjournôiti
Le vice le plus ordinaire des eaux que l’on tiré
immédiatement des montagnes vient de leur trop
grande crudité, capable de porter plus de préjudice
que d’avantages aux terres qu’elles arrofent. Quand
il s’en rencontre de la forte , il faut, à la naiffancë
de chaque rigole de diftribution, faire’ un bàflin où
elles puiffent féjourner avant que de s’en fèrvir, afin
qu’elles s’y adouciflent. Si on n’a pas de lieux propres
pour ces baflins, ou que l’on ne veuille point
fe priver de la culture du terrein qu’ils y occupe-
roient, chaque particulier pourra faire paffer à tra-
ver d’un tas de fumier , l’eau qui lui appartiendra*
pour lui faire changer dé qualité & en contrarier une
excellente , provenant des fels nourriciers qu’elles
emporteront avec elles. D ’autre part, lés parties du
fumier feront aufli entraînées & répandues fur tout
le terrein qu’on arrofera ; c’eft pourquoi il faut de
tems en tems en renouveller les amas.
Si dans les cantons qué doit parcourir le canal
principal, il fe rencontroit des terres marneufes ,
propres à engraiffer les champs , il faudroit, fi cela
fe peu t, fans lui faire faire un trop grand écart, le
conduire par ces endroits-là * afin d’en bonifier les
eaux. Par la raifon contraire, on prendra bien gardé
de ne pas faire paffer le canal dans un terrein qui
auroit une qualité pernicieufe ; en un m o t, il faut
étudier la nature & fe conduire en conféquence.
S’il arrivoit qu’il n’y eût point de riviere dans un
pays que l’on veut a rrofer, mais qu’il fe rencontrât
dans le voifinage une quantité de lources qu’on pût
raffembler dans un rélervoir, comme on a fait à
celui de Saint-Feriol, il faudroit de même en foutenir
les eaux par une digue , & faire un canal pour
les conduire dans les tems de féchereffe, aux termes
de leur deftination. Enfin, fi l’on en étoit réduit
aux eaux de pluies qui tombent annuellement fur la
furface de la terre , il faudroit pratiquer fur les hauteurs
& à mi-côte des réfervoirs, mares & étangs
pour en tirer des rigoles d’arrofages , comme l’eri-
feigne l’auteur de la France Agricole & Marchande.
Après avoir parlé de l’utilité des canaux (Carré*
fage , dans les pays fecs & arides , il n’eft pas hors
de propos de traiter des defféchemens dans ceux qui
font noyés par les eaux.
Lorfque, par la négligence des principes établis
fur la navigation des rivières ( V>ye^ cet article. ) , &
par l’ignorance des réglés dè l’Hydraulique * les dé-
bordemerts fucceflifs des fleuves & des rivières qu’ori
n’a pas eu foin de diguet, ont amaffé dès flaques
d’eau dans les lieux bas où elles n’ont point d’écoulement
, alors le mal va toujours en augmentant,
le pays devient à la longue aquatique , marécageux
& inhabitable. Je pourrois citer une infinité de bons
terreins qui font dans ce cas ; je ne fais qu’indiquer
cette partie du Dijonnois , noyée par les débordé-
mens de la Saône,de l’Ouche 6c d’Eftille, comme on
le voit dans la defeription des rivières de cette province,
On ne peut rendre à la fociété ces terreins