
tyrannie 3es maires du palais, donnoient chaque jour
<3es marques de leur indocilité ; on le traito-it encore
<Tufiirpateur. II put donc regarder le fupplice des
taxons comme un exemple lalutaire qui de voit faire
ceffer les murmures & affermir fon trône ; il eft vrai
que bien des fouverains né voudraient pas régnera
ce prix. Tous les ordres de l’état vécurent depuis
dans la plus .grande tranquillité. ^ 5
Les évêques qui, fous les régnés fuivans, s arrosèrent
le droit de dépofer leurs rois, n oferent
tnanifefter leurs prétentions fuperbes. Us n’approchèrent
du monarque ,-que pour lui donner'des marques
de leur obéiffance : jamais ils ne s’affemblerent
que par fes ordres; jamais ils n’eurent d’aiitre juge,
d’autre arbitreque lui. Quoiqu’il affedât une grande
p ié té , Charles fit toujours connôître que le lceptre
droit au-deflus de l’encenfoir ; & , s’il ne tint pas'
celui-ci, il fut au moins le diriger : Nous nous
fommes affembléspar l’ordre du roi Charles., notre
très-pieux & très-glorieux feigneur qui nous a pré-
fidés (Congrcgatis nobisin unum convention y praci-
piente & prajidenU .püjßmo & gloriofijjimo ^domino
noßro Carolo rege)». Tel-furile ftyle dont les évêques
fe fervirent fous fon regne ;Sc voici celui dont il
ufa à leur égard. « Je me luis alîis au milieu de vous,
& j’ai affilié à vos délibérations , non - feulement
comme témoin, mais encore comme votre fouve-
rain & comme votre juge ». L’obéiffance des nobles
qui formoient un troifieme .ordre dans l’é ta t ,n ’étoit
pas moins entière. La Foibleffe des-régnés précédons
leur avoit cependant rendu très-pénibles les devoirs
de fujets. Il leur laiffa le droit de voter dans les af-
femblées générales; mais comme il y fut toujours
préfent, & qu’il difpofoit de tous les bénéfices, tant
eccléfiaftiques que civils & militaires, il lui étoit
facile de captiver les fuffrages ; mais quoiqu’il fût
Toujours lès diriger vers fon but, il conçut le deffein
d’affoiblir l’autorité de ces affemblées. Ce fut pour y
parvenir qu’il changea l’ordre de la haute noble lie :
elle étoit partagée en deux claffes principales ; lavoir
celle des ducs 6c celle des comtes;la féconde fubor-
donnée à la première. Les duchés n’étoient pas,
comme ils font aujourd’hui parmi nous, des titres
honorables, mais lans'pouvoir : ceux qui en-étoient
revêtus, exerçoient, rant en paix qu’en guerre,
toute l’autorité de la juilice & des armes dans toute
l’étendue d’une province. Ils ne dépendoie.nt plus
du prince , mais feulement des affemblées générales ;
& comméla monarchie étoit partagée entre un petit
nombre de ducs, il leur étoit facile de'fe rendre maîtres
des délibérations. Le roi ne pôuvoit les lier
qu’en flattant leurs efpérances, par rapport à leurs
defcendans ; car les duchés n’étoient pas alors héréditaires.
Charles , perfuadé que ces ménagemens
étoient contraires-à la prospérité de l’état, forma le
projet de les abolir. Taffillon s’étant révolté, il failît
cette occafion pour éteindre fon duché dé Bavière.
Cette province ne fut plus gouvernée que par des
comtes, qui , joui fiant d’une confidération moins
grande, étoient auffi moins à craindre. Charles s’étoït
comporté de même envers les Aquitains, après le
défaftre de Hunold, leur duc. Toutes les démarches
de ce prince donnent la plus haute idée de fa politique
; & fi le ciel lui eût accordé une plus longue def-
iinée, il eft à croire qu’il eût aboli ces affemblées
qui furent fi funeftes à fes fucceffeurs. On peut les
regarder comme une des principales caufes de la
dégradation de fa poftérité. Il eft cependant vrai que
Charles dérogea , peut-être involontairement, à la
fageffe de fes maximes : dans le tems qu’il aboliflbit
les duchés, il érigeoit des royaumes. C’étoit l’ufage
des peuples feptentrionaux, d’admettre lés.enfans
des rois à la fucceflion d’un pere commun. Cet
« f ig e , plus conforme aux droits de la nature qu’aux
maximes de la politique', la vraie reine des nations,
avoit été conftamment iuivi par les François qui,
depuis long-tems en étoient les victimes. Charles vit
put y déroger entièrement ; il avoit1 plufielirs fils
légitimes; il les admit au partagé de fes états, ôc
leur donna à tous le titre de roi : il eft vrai qu’en les
décorant de ce titre fublime , il ne laiffoit pas de lés
foumettre à leur aîné, auquel étoit réfervée la digniré
d’empereur. Charlemagne eut encore l’attention de
mettre une très-grande inégalité dans, le partage ï cet
aîné eut à lui feul plus des deux tiers de la monarchie.
Il étoit donc affez puiflant pour foumettré fes freres
par la force, s’ils faifoient quelques difficultés de le
reconnoître pour leur fouverain; mais ce partage
refta fans exécution. Une mort prématurée moif-
fonna le prince Charles , à qui l’empire étoit deftiné.
Louis fon puîné, .prince digne de régner fur ces valûtes
états , -fi pour être roi il ne falloir que des vertus,
•les poflecla en entier, à l’exception de l’Italie , qui
fut donnée'à Bernard fon neveu, comme royaume
mouvant de l’ empire. Charlemagne avoit reçu.la
couronne des mains de Léon ; ce grand homme fem-
bla prévoir que les fucceffeurs de ce pontife fe feraient
un titre de cette cérémonie ,• pour s’arroger
le droit de conférer l’empire. Ce fut fans doute cette
crainte qui le porta à ordonner à Louis de prendre
la couronne impériale fans le miniftere du pape, ni
d’aucun eccléfiaftique. Le couronnement fe fit de
cette maniéré ; Charlemagne ayant pofé le diadème
fur l’autel, en préfence des prélats, fit figne à fon
fils qui le prit auffi-tôt de fes propres mains, & le
mit fur fa tête. Cette inauguration fi fameufe dans
nos annales , fe fit à -Aix-la-Chapelle , où Charlemagne
reçut peu de tems après les honneurs de l a
-fépulture. Il mourût dans la loixante-douzieme année
de fon âge, la quarante-huitieme de fon régné , la
quatorzième de fon empire. Ce fut un prince grand
dans la paix & dans la guerre, également capable
d’être légiflateur & pontife : jamais il n’exifta de roi
plus vêrlé dans les'matières de la politique & de l a
, religion. Ses capitulaires, chefs-d’oeuvres de légifla-
tion pour ces tems, en font une preuve éclatante.
Également économe de fes biens & de celui de fes
fujets, il foutint l’éclat du diadème fans attenter à
leur fortune ( Montefquieu remarque que Charlemagne
îddioxX. vendre jufqu’aux herbes de fes jardins;
ce n’étoit pas par avaricé, car fouvent il faifoit remettre
au peuple la moitié du produit dé fes revenus).
Placé fur un trône ufurpé par fon pere, il fe
vit lur la fin de fes jours tranquille poffeffeur de là
plus belle moitié de l’Europe. Plufieurs rois ( ceux
d’Angleterre & d’Efpagne ) s’offrirent à être fes
tributaires, & Àâron Al - Rachid s’honora de fon
alliance. Ce monar’que dont la puiffance s’étendoiç
de l’Immaiis à l’Atlas, lui envoya les clefs de Jéru-
falem pour marque de fon eftime. Né roi d’un peuple
barbare, dont la guerre étoit l’unique métier, il
ï'entit la néceffité de s’inftruire : il appella les fcien-
ces & en développa le précieux germe. Sa préfence
entretenoit une généreule émulation entre les favans
que fes bienfaits attiroient à fa cour. Souvent même
ce prince defcéndoit de fon trône 6c facrifioit aux
mu'fes les; lauriers qui ornoient fes mains triomphantes.
Les mufes rèconnoiffantes ont confàcré fes'
grandes aérions ; mais juftes 6c modérées dans leurs •
éloges , en, relevant lès vertus du héros, elles ont'
dévoilé les foibleffes de l’homme. Né avec des paf-
fions impérieufes. CW/« ne fut pas toujours attentif
à en prévenir Tes ravages,: il alarma fouvent l a
pudeur dés vierges: Ses écarts, l’horrible maflacre
dés Saxons & la multitude de fes femmes^. de fes
concubines, ont élevé des doutés fur la fainteté que
plufieurs papes lui ont déférée. Il eut cinq femmes,
favoir, HUmentrude, Défidérate , que d’autrea
appellent Sîbille, fille de Didier, roi des Lombards ;
ces deux femmes furent répudiées , la première par
dégoût, l’autre par des intérêts politiques : Hilde-
garde, originaire de Sueve, c’eft-à- dire, de Suabe ;
Faftrade, fille d’un comte de Franconie , 6c Huit-
garde qui étoit de la même natio» qu’Hildegarde.
D ’Hilmentrude naquit Pépin qui fut furnommé le
boffu , par rapport aux défauts de fon corps* Ce
prince fut relégué dans le monaftere de Prout,
pour s’être déclaré le chef d’une confpiration formée
contre Charlemagne fon pere. Hildegardé donna naifr
fance à Charles, à Carlomon que le pape fit appeller
Pépin, & à Louis furnommé le pieux o ù -U débonnaire
, fucceffeur de Charlemagne. Hildegarde eut en
outre autant de filles, favoir, Rotrude., Berthe &
Gifelle. De Fafjrade naquirent Thetrade 6c Hiltrude,
l’une & l’autre religieuses & abbeffes de Farmou-
tiers. Huitgarde mourut fans laiffer de poftérité.
Charlemagne eut de plus quatre concubines, fa voir,
Régine, Adélaïde, Mathalgarde & Gerfuidè. De
Régine naquit D rogon, prince vertueux, & qui remplit
le -fiege épifcopal de Metz. Adélaïde donna le
jour à Thierry, dont nous ne favons aucune particularité,
excepté la difgrace que Louis le débonnaire
lui fit reffentir ainfi qu’à fes freres. Mathalgarde fut
njere de Hugues, abbé de Saint-Quentin dans le
Vermandois. De Gerfuide fortit Adeltrude. Quel-,
ques-uns prétendent qu’Emme, femme d’Eginard,
étoit fille de Charlemagne. JPlufieurs écrivains comprennent
Hilmentrude dans le nombre des concubines
; mais on a pour garant du contraire une lettre
dii pape q u i, lorfque ce prince la répudia,, fit fes
efforts pour lui faire horreur du divorce.
Entre les loix de ce prince , on remarque l’abolition
du droit d’afyle accordé aux églifes en faveur
des criminels, & celle qui permet aux païens nouvellement
convertis de brûler pendant le joijr les
cierges qui fervoient à les éclairer dans les cérémonies
nofturnes qu’ils pratiquoient en l’honneur de
leurs divinités. La crainte que les Saxons ne retour-
naffent.à l’idolâtrie, qu’ils n’avoient abandonnée
que par la terreur de fes armes, le porta à ériger
parmi ces peuples un tribunal femblable à celui de
' l ’inquifition. Ce terrible tribunal fut connu fous les
fucceffeurs de Charlemagne , fous le nom de courWé-
mique ou de jujlice 'Keflphalienne. Les prétentions de
cette cour femerent l’effroi dans toute l’Allemagne,
& la remplirent de défordres. Les empereurs même
en furent épouvantés; leur autorité ne fuffifant pas,
Çs uferent de toutes les précautions pour l’abolir.
Charles V en vintheureufement à bout parl’établifle-
ment de la chambre & du confeil aulique. Des auteurs
interprétant mal un paflage d’Eginard, ont prétendu
• que Charlemagne ne fut jamais écrire , pas même
ligner fon nom; c’eft une erreur détruite par plufieurs
monumens. Cet' auteur n’a voulu dire rien
autre chofe, que ce monarque ne put parvenir à former
de beaux caraâeres. Sous fon régné la France
eut pour bornes au midi, l’Ebre , la Méditerranée,
le Vulturne, l’Ofante & les villes maritimes de l’état
de Venife ; à l’orient, la Teffe & la Viftule ; au nord,
la mer Baltique, l’Eder, la mer Germanique & la
^Manche ; à l’occident, l’Océan ; les peuples d’entre
l’Elbe & la Viftule n’étoient que tributaires: leurs
rois dévoient être confirmés par les empereurs.
, Charles, ce prince le plus accompli des fils de
Charlemagne, fit fes premières armes en 884 dans la
guerre de Saxe. Les hiftoriens ont négligé de marquer
l’année de fa naiflance ; mais fi elle ne précéda
point les nôces d’Hildegarde fa m ere, il avoit à peine
fix ans. L’empereur voulant le former dans les batailles
, croyoit ne pouvoir lui en faire contempler
trop tôt l’image : il le mit à la tête d’une armée con-
fidérable, & qui, excitée par fa préfence, vainquit
fome //,
les Saxons près de Drafgni. On lui attribue l’honneur
de cette viâo ire , dont probablement il ne fut que
le témoin. Il en remporta une plus grande & plus
véritable fur les Sclaves, établis en Bohême ; après
les avoir défaits en bataille rangée, & tué de fa mahl
Lechon leur chef, il porta le ravage dans toutes les
terres de leur dépendance. La même fortune accompagna
ce jeune prince l’année fuivante (806), il
lés défit après un combat opiniâtre, tua Milidicok
leur ro i, & les força de payer tribut. Ses fuccès fur
les Normands qui fe portoient déjà fur les terres de
France, mirent le comble à fa gloire. Charlemagne
touché des grandes qualités de ce fils, lui réfervoit
l’empire. Une mort prématurée l’en priva. Il mourut
l’an 811. Charlemagne le pleura : ces Jarmes font
une preuve de la fenfibilité du pere, & le plus bel
éloge du fils. Le pape Léon III lui avoit donné l’onction
facrée lors du couronnement de Charlemagne«
I £ |
C harles I I , furnommé le Chauve, ( Hiß. de
France. ) x x v e. roi de Neuftrie , nom que porta la
France jufqu’au dixième fiecle, cinquième empereur
d’Occident depuis Charlemagne. Ce prince qui prépara
la chûte du trône des Pépin, naquit à Francfort,
l’an huit cent vingt-trois,de Louis I & de l’impératrice
Judith. Sa naifiance fut accompagnée de plufieurs
calamités publiques. La pefte, la guerre & la famine
défoloient toutes les provinces de l’empire. Ces fléaux
devinrent plus terribles par la, jaloufie de Lothaire,
de Pépin & de Louis, fes freres par une autre
femme. Comme nous avons développé le principe de
cette jaloufie & les défordres qu’elle eccafionna ,
nous n’en parlerons point ici : on peut les lire à
l'article de LOUIS le Débonnaire, dans ce Supplément.
Contentons-nous d’obferver que l’enfance
de Charles fut extrêmement agitée ; il fe vit tantôt
ro i, tantôt captif, tantôt entre les bras d’une mere
tendre & chérie, tantôt entre les mains de fes freres
acharnés à fa perte ; mais fes malheurs mêmes
furent la principale caufe de fon élévation : l’empereur
comprit qu’il lui falloit réduire ce fils à la condition
de fujet, ou fe réfoudre à le voir opprimer, ou enfin
lui faire un fort qui pût balancer la puiffance
de fes freres. Sa tendrefle , les follicitations de l’impératrice
, & les guerres impies que lui fit Lothaire ,
aidé de fes freres & des pontifes Romains , le décidèrent
pour ce dernier parti. Il lui avoit donné
plufieurs provinces à titre de royaume ; il révoqua
cette donation, & le fit proclamer roi de Neuftrie
& d’Aquitaine. Ces deux royaumes réunis avoient
au midi l’Ebre, la Méditerranée jufqu’au Rhône,
à l’orient le Rhône, la Saône & une ligne tirée
de la fource de cette riviere à la Meufe , avec tout
le cours de ce fleuve ; au nord la Manche ; au couchant
l’Océan. Lothaire eut le refte de la monarchie,
excepté la Bavière qui fut laiffée à Louis, furnommé
le Germanique. L’empereur, en réglant ce partage ,
n’avoit pardonné à Lothaire, qu’à condition de fer-
vir de pere & de protecteur à Charles, contre les
entreprifes du roi de Bavière., pour qui ce partage
étoit une efpece d’exhédération ; & pour l’attacher
de plus en plus par le lien des bienfaits, il lui rendit
en mourant l’épée & le feeptre impérial qu’il lui avoit
donnés long-tems auparavant, mais qu’il lui avoit
retirés pour le punir de fes fréquentes révoltes. La
volonté de ce religieux prince fut mal fiiivie par des
fils trop ambitieuxpour refpeôer la voix dû fang & de
la paternité. Charles, poffeffeur & roi de la plus belle
partie de la domination Françoife , ne voulut reconnoître
qu’un égal dans Lothaire, auquel il devoit
rendre hommage, comme à ion empereur. Les guerres
civiles, les aflaflînats qui avoient fouillé le trône
des Mérovingiens, avoient fait connoître aux def-
tru&eurs de cette race illuftre & coupable,, qu’uq