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d’abord qu’une faSion, & M R S raffembla une 1
armée : il livra bataille à l’archeveque , la perdit
& perdit avec die fa couronne 8e le fruit de
tant de travaux. Le prélat le força de déclarer qu il
renonçoit au trône * &c le relégua dans un château
qu’il lui laiffa par pitié. H
Peu d'atmées après l’archeveque mourut ! Charles
fut rappelle, 8c remonta une trotfieme fois lur le
trône ; il y chancela le refte de fa vie. Toujours en
euerre avec Chrifliern, fouvent vaincu g menace par
des fa étions fans ceffe renaiffantes, en butte aux outrages
du clergé, peu refpeae de fes fujets, perdant
chaque jour ce qu’il avoit gagne la veille : g mourut
en 1470 8c défigna pour fon fucceffeur Streen-ture,
à qui il confeilla de ne prendre que le titre d’admi-
niftrafenr pour ne pas effaroucher l'orgueil du clergé
8c de la nobleffe. ' * . .
Il efttrifte de contempler le tableau de tant de
difgraces, fans pouvoir plaindre celui, qui en e(t la
viffime. Charles Camufon paroît les avoir mentees
par les cruautés qu’il exerça dans les provinces ou
il fit la guerreipar la barbarie avec laquelle il tia a
fes ennemis, 8c fur-tout par labaffeffe avec laquelle
il demanda pardon à unevêque.fon fujet , qm fut
aufli impitoyable que lui-meme .(M . DE Sa c y . )
Charles IX , ( Hift. de Su.dc. ) roi de Suède.
Sigifmond, roi de Pologne, après la mort de Jean
111 fon p e re , roi de Suede, fut appelle par les états
du royaume pôiïr lui fuccéder t inftrument aveugle
des deffeins de la cour de Rome , il voulut rétablir
la religion Catholique dans cette partie du nord , 6c
fut la viftime de fon zele. Charles , duc de Suder-
manie, fon oncle, avoit par degres envahi toute
l’autorité pendant le régné de Jean III, Ion trere ,
il n’en avoit point abufé ; à peine Jean eut-il ferme
les yeux , qu’il fit reconnoître Sigifmond, 1 invita a
venir occuper le trône qu’il lui étoit deftiné , 8c lui
promit d’en être le plus ferme appui.Par cette modération
politique il falcina tous les y e u x , oc jétta
dans l’avenir les fondemens de la haute fortune H
laquelle il afpirôit. Ce fut en i ; ? i que Sigifmond
parut en Suede ; mais ce ne fut qu en 1594 SI11 “ *ut
couronné à Upfal. , .
Il avoit amené de Pologne des hommes clair-
voyans & profonds dans l’art des intrigues , qui pénétrèrent
tous les deffeins de Charles; ils ne manquèrent
pas de le peindre au roi comme le plus dangereux
de fes ennemis , 6£ lui prédirent que ce prince
ambitieux feroit caufe d’une grande révolution ;
mais Sigifmond forcé de retourner en Pologne, craignit
que, s’il confioit la régence à d’autres mains qu’à
celles de fon oncle, ce prince n’allumât une guerre
civile, plus cruelle que tous les maux dont on le
menaçoit. Il le déclara donc régent du royaume, &
partit, après avoir fait d’inutiles efforts pour rétablir
en Suede la religion Catholique & l’empire de la
cour de Rome. Cette tentative avoit indifpofé les
efprits, Charles fut en profiter pour a/ïermir fa puif-
fance. Les états s’affemblerent à Suderkoping , en
, & déclarèrent que Charles tenoit moins la
regence de l’autorité du roi que du voeu de la nation
; qu’elle étoit inamovible dans fes mains, & que
Sigifmond lui-même ne pourroit la lui ôter.
Charles joua le héros , il s’oppofa à cette réfolu-
tion , bien sûr de ne pas la changer ; abdiqua la régence
, pour qu’on la lui offrît1 une fécondé fois ,
l’accepta ; & en montant au faîte de la grandeur,
parut céder malgré lui-même aux inftances de la
nation. Sigifmond ne fut pas moins irrité de la conduite
des Suédois, que de celle de fon oncle ; mais
ce prince, mauvais politique, aliéna , par une fevé-
rité déplacée , les efprits qu’il devoit ramener par la
douceur: 11 donna le gouvernement du château de
Stockholm à un feigneur catholique ; Charles le de-
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pofa; & cet afte d’autorité lui gagna tous les coeurs.
La nation ne jettoit plus fur lui les yeux inquiets
dont on fuit un régent dans fes opérations , mais les
regards refpeftueux dont on contemple un fouve-
rain adoré. Elle célébra par des fêtes publiques , la
naiffance de Guftave-Adolphe, fruit du mariage de
Charles avec Chriftine, fille d’Adolphe , duc de
Holftein. Il affembla les états à Suderkoping ; ce fut
là qu’il porta le dernier coup à la religion Catholique
, expirante en Suede, 6c à l’autorité de Sigifmond
déjà chancelante. La confeffion d’Ausbourg
fut généralement adoptée : on.convint qu’à l’avenir
aucune ordonnance de Sigifmond ne feroit publiée
que du confentement du duc 6c du fenat ; ainfi toute
l’autorité étoit partagée entre ce prince & les ma-
giftrats. Les bornes de ce partage éleverent bientôt
de grandes difcuflions : Sigifmond qui nignoroit
plus les deffeins ambitieux de fon oncle, lui ota la
régence 6c la rendit au fénat, mais Charles avoit un
parti puiffant, il fe fit déclarer gouverneur par la l-
fembléed’A rb o g a ,& leva une armée. On en alloit
venir aux mains, une négociation rallentit la guerre
& ne l’éteignit pas. Le traité par lequel la régence
futremife entre les mains de Charles, en retardant
la perte de Sigifmond, ne fit que la rendre plus sure.
Le duc cherchoit un prétexte pour ne pas mettre bas
les armes, afin d’être prêt à tout événement ; au heu
de licentier fon armée , il la conduifit en Finlande ,
elle y commit de grands ravages , pour punir cette
province de quelques légers murmures que fa poli-r
tique traitoit de révolte. Mais parmi le tumulte des
armes, Charles n’a&andonnoit point le fil de les intrigues
; il avoit à Stockholm des amis pleins de
zele q ui, dans une affemblée des états, tenue en
1600, firent déclarer Sigifmond & Ladiflas, fon fils,
déchus de leurs droits à la couronne de Suede. Tandis
qu’on dépofoit fon neveu , Charles parcouroit
l’Eftonie en conquérant, & pénétroit jufqu’au fonds
de la Livonie. Il en fortit pour fe rendre à Norko-
ping, où il avoit convoqué une affemblee des états ;
il y parut avec un front modefte & même ennuyé
des grandeurs : il dit qu’il étoit teins que la Suede le
donnât un maître ; que pour lui, après avoir porte
pendant tant d’années le fardeau du gouvernement,
il étoit quitte envers fa patrie ; qu’il vouloit à fon
tour rentrer dans la foule des citoyens & vivre leur
éga l, heureux 6c inconnu. Ainfi parloit le plus ambitieux
des hommes; les états furent une fécondé
fois trompés par cette feinte modeftie , ils offrirent
la couronne à Jean,frere de Sigifmond. Charles trompé
à fon tour dans fon attente, craignit d’avoir joué
fon rôle avec trop de vérité. Mais Jean, prince fans
ambition comme fans talens , crut que s’il montait
fur le trône, il ne feroit que fe préparer une chute
célébré, il confeilla donc aux états d’y placer le duc
Charles, & ce prince fut élu. Il commença fon régné
fous de malheureux aufpices; fes troupes effuyerent
de grands échecs en Livonie, il eut lui-même la honte
de lever le fiege de Wiffenftein : de nouvelles tenta-
, tives ne furent pas couronnées par de plus heureux
fuccès. Sigifmond qui cherchoit moins à régner fur
les Suédois , qu’à les punir de l’avoir détrôné, engagea
la Ruffie dans fes intérêts, & réveilla la haine
des Danois, affoupie depuis quelques années. Char-
les demanda des troupes pour faire tête à tant d ennemis
; les états plus touchés de l’épuifement ou le
trouvoit la Suede que des guerres dont elle etoit
menacée, lui refuferent une nouvelle armee. On
eut lieu d’obferver que la modération dont Charles
avoit fait pârade jufqu’alors ne lui etoit point naturelle
, il s’abandonna à un tranfport de colere fi violent,
qu’on craignit pour fes jours ; un embarras dans
la langue & de fréquens écarts d’efpnt, furent les
fuites de ce délire. Tout fembloit avoir conjure la
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perte de Charles & de la Suede ; Jacques de la Gàr-
dié , général des troupes, fut battu à Clufin par les
Polonois, & trahi par les Mofcovites fes alliés.
Le Danemarck qui attendoit pour fe déclarer que
la fortune des armes fe décidât, mit une armée fur
pied dès qu’il crut Charles à demi vaincu, & par la
foibleffe de fon efprit & par les Polonois unis aux
Ruffes. Chriftiern remporta d’abord de grands avantages
, prit quelques places, ravagea les côtes, &
tailla en pièces plufieurs partis. Enfin Guftave Adolphe
parut fur lafcene ; né avec des talens précoces,
cultivés avec ardeur, il donnoit des confeils aux
vieux capitaines, dans l’âge où c’eft un mérite affez,
rare de favoir les écouter. Il avoit dix-huit ans, fes
grâces, fon courage, fon éloquence, enfin ce je ne
fais quoi qui charme les foldats, les enflammèrent du
plus noble enthoufiafme ; ils coururent de conquêtes
en conquêtes , celle de Calmar leur fut cependant
difputée : ce fut dans les grands périls qu’on
connut les grandes reffources du génie de Guftave.
Charles jaloux de la gloire de fon fils -, voulut paroî-
tre auffi à la tête de fes armées, mais ce n’étoit plus
qu’un fantôme de roi ; il ne fe montra que pour être
'éclipfé par un jeune prince qui devoit être la terreur
& la gloire du nord : il revint à Nykoping où il
mourut, le 30 Oftobre i 6 i i,âgé de foixante-im ans.
Charles de Sudermanie ne fut, ni un homme médiocre
, ni un grand homme •: plus iritriguaiît que négociateur
, il fit de grandes chofes avec des moyens
obfcurs. Bon capitaine, mais rarement heureux , il
fembloit n’afpirer qu’à des fuccès légers, mais im-
portans , & craindre de hazarder dans des expéditions
décifives tout le miit de fes travaux. 11 fe dé-
fioit de la fortune, des hommes & de lui-même : il
trompa 6c fat trompé plus d’une fois ; tel eft le jour
fous lequel on doit l’envifager jufqu’à l’inftant où un
accès de colere égara fa raifon , qu’ il ne recouvra
jamais entièrement. ( M. d e S a c y . )
C harles G usta'v e , ou C harles X , ( Hiß. de
Suede. ) roi de Suede. Il defcendoit, par Jean Cafimir
fon pere, de la maifon des comtes palatins du Rhin ;
& Catherine fa mere étoit fille de Charles IX , roi
de Suede. Chriftine,réfolue d’abdiquer la couronne,
fit défigner Charles pour fon fucceffeur, & lui remit
le fceptre en 1654. La Suede avoit Cru d’abord que
Chriftine ne plaçoit fon coufin far le trône, que
pour le rendre digne d’elle, & l’époufer enfuite.
Mais le départ de cette princeffe fit évanouir cette
efpérance* Charles étoit né avec un penchant décidé
pour la guerre. Depuis long-tems la Suede jouiffoit
d’une profonde paix. Charles, dans une affemblée
d’états généraux, repréfenta que cette inaftion des
troupes énervoit leur courage, 6c que la réputation,
des armes Suédoifes perdoit infenfiblement fon éclat.
La nation adopta volontiers ce fyftême ï on réfolut
d’abord de faire la guerre ; on délibéra enfuite pour
favoir à qui on la feroit. Le choix fatal tomba fur
la Pologne ; on réveilla une vieille querelle déjà oubliée.
Le roi Cafimir fit éclater fon reffentiment, en
proteftant contre l’éleftion de Charles Gufiave. On
lui répondit que trente mille, témoins lui prouve-
roient bientôt que ce prince avoit été légitimement
proclamé. Ainfi Cafimir , qui étoit déjà aux prifes
avec les Mofcovites, eut un ennemi de plus à combattre.
Le général Wîttêmberg entra dans la Pologne,
diffipa fans coup férir l’armée de la République, &
reçut, au nom du roi de Suede, le ferment des vai-
vodes de Pofnanie & de Calitz. Charles parut bientôt
lui-même, courut de conquêtes en conquêtes ,
joignit fon armée à celle de Vittemberg, 6c marcha
contre Cafimir. Les Suédois étoient déjà près de
Colo. La Warte étoit la feule barrière qui les fépa-.
rât de l’armée Polonoife. Un ambaffadeur vint de la
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part de Cafimir demande* la paix à 'Châties; il fit
une longue harangue. Mais il n’obtint pour toute
réponfe que Ces mots : « Nous nous verrons bientôt
» de fi près, Cafimir & moi, que’nous pourrons né-
» gocier de vive voix». Charles continua fa marche
triomphante, fut reçu dans ^*Varfovie, fournit les
principales villes , difpofa des gouvernemens en faveur
de fes officiers. Cafimir fuyoit fans ‘©fer a o
cepter ni rendre le combat, n’employant pour fuf-
pendre la courfe de fon ennemi que de fréquentes
ambaffades, qu’il ne daignoit pas écouter. II ofa cependant
attendre les Suédois près de Czarnowa l it ’
fut vaincu, perdit mille foldats, abandonna fon ba-
gage, difparut, fut pourfaivi, reçut un autre écheè
fur les bords de la Donacia, & laiffa les Suédois af-
fiéger Craeovie. La ville fe rendit après une défenfe
affez gl orieufe. Cafimir, qui n’avoit point perdu l’efi*
poir de fléchir fon ennemi, lui députa Bronkoviskî.
A toutes les propofitions que lui fit cet envoyé >
Charles répondit froidement : « Je ne négocie qu’en
» un féjour fixe. Le fuccès de mes armes ne me
» permet pas de m’arrêter. Si votre maître veut que
_» je donne une plus longue audience à fes ambaffa-
» ,deurs, il faut qu’il m’en envoie un qui réfide tou*
» jours dans mon armée ». Tout fe fournit : les fol-
dats de Cafimir abandonnèrent ce malheureux prince,
& vinrent fe ranger fous les enfeignes Suédoifes :
toute la nobleffe imita cet exemple. On parla même
de dépofer Cafimir, & de placer fa couronne fur la
tête de Charles. Mais ce prince n’avoit pas befoin
du titre de roi ; il n’eût rien ajouté à fapuiffanceî
‘Charles donnoit des loix à la Pologne, 6c rêgnoit
fur cette république avec plus d’empire qu’aucun
de fes princes n’avoit fait jufqu’alors.
Le bonheur de Charles lui fit bientôt des ennemis*
Le pape tïembloit que les Polonois n’adoptaffent la
religion du vainqueur. L’empereur craignoit le voi-
finage de ce conquérant. La Hollande qui le voyoit
tourner fes vues vers la Pruffe & Dantzik, étoit
alarmée pour fon commerce avec cette ville : en
effet, Charles étoit entré en Pruffe. La même fortune
y accompagnoit fes armes : mais fon abfence fit en
Pologne une révolution plus rapide, que fes fuccès
ne l’avoient été. Cafimir reparut, & reconquit tous
les coeurs. Charles revint en Pologne, gagna une bataille
près de Colômby, & s’avança julqu’à Jaroflaw,
où fon armée fe remit des fatigues d’une marche pénible.
Sans ceffe harcelée par les Polonois, affaiblie
par la défertion, prête à périr de faim, refferrée entre
la Viftule & la Sarre, menaçée d’un côté par
les Polonois, de l’autre par les Lithuaniens,fa perte
paroiffoit inévitable. Le courage de Charles ne fut
point ébranlé. 11 força le paffage de la Sarre, tailla
en pièces les Lithuaniens, courut à Varfoviê, laifl'a
Jean Adolphe fan frere en Pologne, revint en Pruffe,
ravagea les environs de Dantzik ; il alloit fe rendre
maître de cette v ille , lorfqu’on vit paroître une
flotte puiffânte, que les Hollandois eftvoyoient pour
négocier, difoient-ils, aVec la Suede, en faveur de
Dantzick. Une ambaffade fi redoutable étoit sûre
d’obtenir audience. Charles confentit à un traité de
paix, & fe fortifia par l’alliance de l’éiefteur de
Brandebourg. Ces deux princes s’avancèrent vers
Varfoviê ; ils rencontrèrent les Polonois > unis aux
TartareS, caiilpés avantageufement fur les bords de
la Viftule : on eh vint aux mains ; on fit de part &
d’autre de beaux exploits & de grandes pertes ;
ihais la viftoire dëirteura indéêife; le combat recommença
le lendemain avec plus d’acharnement;
on changea de pofition : chacun chercha à fürpren-
dre fon ennemi : Charles à féparer les Polonois des
Tartares, & ceux-ci à féparer Charles- de l’élefteur.
La nuit fufpendit encore le combat, 6c les deux partis
demeurèrent dans leur camp. Ce ne fut que le