
» maltraiter ceux qui réfiftent; enlever les principaux
» du pays qui peuvent être fufpeéts, en niant avec
» eux des meilleurs procédés ; ne perdre ni ne négliger
» aucune occaiion favorable ; donner quelque choie
» au hazard; mais en tou t, comme le recommandent
» Vegece & Montécuculli, fe faire une loi fuprême
» du falut de l’armée ».
X X X . « Il vaut mieux réduire l’ennemi par la
» faim , par des cufes, par la terreur que par des ba-
» tailles , oii la fortune a fouvent plus de part que la
» valeur». Vegece. Les téméraires, dit V empereur Léon,
qui. réuiliflenr par des coups de la fortune, n’ont que
l ’admiration du vulgaire ; ceux qui ne doivent leurs
fuccès qu’à leur adreffe, méritent feuls d’être loués.
X X X I . « Un général d’armée ne donnera jamais
» bataille, s’il n’a pas quelque deffein important. Lorf-
» qu’il y fera forcé par l’ennemi, ce fera sûrement
» parce qu’il aura fait des fautes qui l’obligent de re-
» cevoir la loi de fon âdverfaire ».
« Les meilleures bataillès font celles qu’on force
» l’ennemi de recevoir ; car c’eft une réglé conftatee,
»qu’il faut obliger l ’ennemi à faire ce qu’il n’avoit pas
» envie de faire ; & comme votre intérêt eft diamé-
» tralement oppofé au lien, il vous faut vouloir ce
» que l’ennemi ne veut pas ». Le roi de Truffe article
X X I I I . de fon Infraction militaire. Il faut', dit V egece
, tout imaginer, tout effayer, tout entreprendre
avant que d’en venir à une affaire generale. C’eft
dans ces grandes occafions que les généraux doivent
prendre d’autant plus de mefures, qu’une plus grande
gloire eft attachée à leur bonne conduite , & un
plus grand danger à leurs fautes. C’ eft le moment oii
l’expérience, les talens, l’art de combattre & la prudence
triomphent au grand jour.
XXXII. Il eft effentiel de cacher à l’ennemi le
plus qu’on peut, la difpofition fur laquelle on va le
combattre , pour qu’il ne puiffe en faire perdre les
avantages par des mefures contraires.
XXXIII. Dès qu’on a bien pris fes mefures, fuivi
en tout les réglés de l’a r t , & qu’on s’ eft convaincu
qu’on n’a rien oublié de ce qui peut contribuer à
l’heureux fuccès d’une entreprife , qu’on a préparé
fa retraite en cas qu’on ne réuffiffe pas ; il faut être
tranquille fur ce qui pourra arriver, ufer de tous fes
talens & de toutés fes reffources pour fe procurer
la viftoire.
X X X IV . S’il arrive quelque chofe de fâcheux, fe
garder de le laiffer connoître. Il eft de la prudence
du général de cacher aux troupes ce qui peut leur
abattre le courage.
X X X V . «Un jour d’aftion on encourage les trou-
» pes, en leur infpirant du mépris-de leurs ennemis,
» enleurrappellantles vittoires précédentes, enles
» intéreffant parles motifs de l’honneur, du falut de
» la patrie), par l’efpoir du pillage’, en leur faifant en-
» vifager la viéloire comme le terme de leurs travaux.
» Souvent une plaifanterie, un bon mot, dits d’un air
» de gaieté, enflamment le courage ». M. de Maizeroy,
Cours de Tactique , maximes générales.
« Il y a des temps oit les troupes font animées par
» des motifs de vengeance ou par une animofité natio-
» nale. II eft important alors de profiter de la première
» chaleur des efprits, qui ne manqueroit pas de fe ra-
» lentir ». Le même.
« N’engagez jamais une affaire générale, que vous
» ne voyez le foldat fe promettre la viftoire ». Vegece.
XXX V I. « Quand une troupe eft gagnée par la
» terreur.& qu’elle fuit, c’eft en vain qu’on veut Par-
» rêter. Les foldats n’écoutent dans ce premier inftant
» ni reproches, ni menaces. Il vaut mieux les fuivre,
» tâcher de leur perfuader de fe retirer plus en ordre,
» les rallier infenfiblement ; & dès qu’on les voit un
» peu calmés, c’eft le momentde les piquer d’honneur
» & de les ramener. M. de Vendôme, à la bataille de
» Caffano, voyant le pont qui étoit derrière lui tout
» couvert de fuyards, le paffa avec eux ; il les rallia
» de l’autre côté & les jetta dans le château, oit ils
» furent très-utiles ». M. de Maizeroy.
XXXVII. « Lorfque des troupes ont été battues,
»$tne faut pas les avilir par des reproches qui leur
» donnent du mépris d’elles-mêmes. S’il y a de leur
» faute, on punit les plus coupables, & l’on exhorte
» les autres à rétablir leur honneur. Quand le général
» eft aimé, elles fe piquent de regagner fon eftime ;
» elles en demandent avec ardeur les occafions; mais
« s’il a perdu leur confiance, les plus belles harangues
» ne les ranimeront point ». Le même.
« Céfar n’imputoit jamais aux troupes les mau-
» vais fuccès ; s’il leur faifoit des reproches, il ne les
» accufoit que de trop de vivacité, & de n’avoir pas
» bien fuivi fes ordres ; il puniffoit feulement quelques
» chefs des plus coupables». Le même, dans fa traduction
des Infiitutions militaires de C empereur Léon ,
tome I I , page z ig .
XXXVIII. « Quoi qu’il puiffe arriver, il faut être
» ferme & confiant, garder toujours une grande ega-
» lité d’ame, éviter également de s’enfler dans la'prof-
» périté, & de s’abattre dans l’adverfité ; parce que,
» dans le monde, les bons & les mauvais fuccès fe fui-
» vent de fort près, & font un flux & reflux conti-
» nuel : c’eft pourquoi l’on rie doit pas fe repentir; ni
» s’affliger d’une entreprife qui a mal réufli, lorfqu’a-
»près avoir bien examiné (k pefé toutes chofes, il
» étoit vraifemblable qu’elle devoit avoir un fuccès
» heureux; quand il eft vrai fur-tout que, fi elle étoit
» encore à faire, & que toutes les circonftances fe
» trouvaffent de même, on agiroit comme on a agi ».
Montéculli, chapitre 4 , article /.
X X X IX . « Il eft fouvent important de ne pas
» faire connoître aux troupes qu’on veut fe retirer, il
» eft toujours inutile qu’elles le fâchent. M. de T u-
» renne ayant réfolu de fe retirer au camp de Dettwei-
» 1er, refufa d’aller faire une promenade, de ce côté ;
» pour ne pas faire foupçonner fon deffein. » M. de
Maizeroy, Cours de Tactique, maximes.
XL.» S’il arrive qu’on tienne l’ennemi enfermé dans
» une gorge, & qu’il ne puiffe échapper que par des
» rufes, il faut fe méfier de toutes celles qu’il peut em-
» ployer. Il Te fert quelquefois delà négociation pour
» gagner du tems.... En pareil cas, on doit donner fes.
» conditions avec un tems très-court pour les réfou-
» dre : fi la réponfe ne convient pas, on n’entend plus
» à rien ». Le même Traité de Tactique, maximes générales
, n°. 3 /.
XLI. « Les fufpenfions d’armes, ou les traités
» qu’on peut faire ne doivent pas porter un général à
» la négligence. Il doit au contraire redoubler de vigi-
» lance & fe garder avec foin. S’il n’eft pas capable de
» manquer à fes engagemens, l’ennemi peut êtreper-
» fide. Il eft honteux en pareil cas de dire, Je ne Vau-
» rois cru ». U empereur Léon, Infl. X X .
XLII. « Le devoir d’un général, comme de tout
»autre chef, eft de faire valoir les aérions de ceux
» qui fe font diftingués fous fes ordres,, ou qiji lui ont
» donné des avis utiles. Mais, comme il y a des âmes
» baffes & fauffes dans tous les états, on trouve, dans
» le métier des armes, ainfi qu’ailleurs, des gens qui
» prennent pour une fineffe l’art de cacher la lumière
» qui les a guidés, & d’étouffer le mérite, en le fai-
» fant fervir à leur avancement ; ils oublient tou t,
» excepté eux ; au contraire de M. Turenne q u i,
» dans les comptes qu’il rendoit, penfoit à tout le
» monde, excepté à lui». M. de Maizeroy, Cours de
Tactique , maximes.
Maximes générales pour une campagne de défenfiye. ■
I. Il n’y a aucune des maximes générales qu’on
vient
vient de preferire, pour la conduite d’une campagne
d’offenfive,qu’on ne doive favoir pour agir défenfive-
ment, tant parce que la plupart de ces maximes font
communes aux deux genres d’opérations, que parce-
que les autres font connoître ce que l’ennemi peut
faire quand il eft fur l’offenfive : par cette derniere
raifôn,il eft néceffaire qu’un général, chargé d’une
campagne d’offenfive, n’ignore point les maximes
Suivantes.
II. On peut juger de la partie de la frontière oîi
l’ennemi doit s’affWnbler, & de l’objet qu’il fe pro-
pofe, en obférvantîesdjeux, le'ripmbre & la corifif-
tance de fes dépôts : on fe mettra en état de s’dp-
pofer à fes deifeins, & de les faire échouer en ap-
provifionnant de fon'xôté lés places les plus èxpo-
lées & les plus importantes, en reconnoiffant d excellentes
polirions, & en prenant toutes les mefures
poflïbles pour n’être point prévenu en campagne.
I I I . Uri général qui eft fur là défenfive doit éviter
toute occafion de combattre, oit la fupériorité
du nombre peut beaucoup cherche à harceler
l’ennemi, à i’affamer ; il s’applique à ruirier fon armée
en détail, en fe tenant toujours à portée de profiter
de fes fautes, en occupant des portes sûrs &
avantageux, en l’attirant dans un défilé ou quel-
qu’autré lieu reffèrré 011 il puiffe fe ranger fur un
front égal au fien , oti le nombre n’ait plus lieu, &
où la viâoire dépende des bonnes difpofitions qu’il
fera , & de la valeur de fes troupes.
IV . Il faut qu’il foit aâif*, hardi, entreprenant ;
une conduite timide à coup sûr: décourageroit fes
troupes , leur feroit perdre toute la confiance
qu’elles, auroient en lui ; à la fin elles le méprife-
roient, & elles lâcheroient le piedlorfqu’ellès le
verroient forcé de combattre malgré lu i, par quelque
faux mouvement qu’il auroit fait.
V. C ’eft dans une campagne de défenfive fur-tout
que pour faire, ou ne pas faire quelque chofe, il ne
faut jamais fe régler fur la conduite de l’ennemi,
mais uniquement frir ce, qui nous intéreffe effentiel- :
lement ; c a r , comme le dit Vegece : « vous com-
» mencez à agir contre vous-même, dès que vous
» imitez une démarche que l’ennemi a faite pour fon
» avantage ».
VI. » Il y en a , dit Montécuculli, qui laiffent
» avancer l’ennemi dans le pays, afin que fon armée
» étant affoiblie par les garnifons qu’il .eft obligé de
» mettre de côté & d’autre, ils puiffent enfuite le
» combattre avec plus d’avantage ».
» D ’autres feignent de craindre pour rendre l’en-
» nemi plus affûré & plus négligent, & en fe retirant
» ils le conduifent vers des lieux défavantageux &
» vers leurs fecours qui s’avancent, puis ils tournent
» tête tout d’un coup & combattent ».
» Les autres marchent continuellement, ou pour
» tirer l’ennemi de fes poftes, & l’affaillir ; ou pour le
» ruiner par des marches auxquelles il n’eft pas accou-
» tume ». Mim. de Mont. liv. I , chap. 3 , art. 3 .
V I I . « Quand on eft fans armée ,, ou qu’elle eft
»> foible, ou qu’on n’a que de la cavalerie, il faut ;
» 1 °. Sauver tout ce qu’on peut dans les places for-
» te s ; ruiner le refte, & particuliérement les lieux
» oïi l’ennemi pourroit fe porter.
» 2°. S’étendre avec dès retranchemens, quand on
» s’apperçoit que l’ennemi veut vous enfermer; chan-
>»ger de porte ; ne demeurer pas dans des lieux où
» l’on puiffe être enveloppé fahs pouvoir ni combat-
» t re ,n i fe retirer , & pour cela avoir un pied en
»terre & l’autre en.mer, ou fur quelque grande
» riviere.
» 30. Empêcher les deffeins de fori ennemi, en
» jettant de main en main, du fecours dans les places
» dont il s’approche , diftribuant la cavalerie dans
p des lieux éparés pour l’incommoder fans ceffe ;
Tome I I
» fe faifir des paffages; rompre les ponts& les mou-
» lins; faire enfler les eaux; couper les forêts & s ’en
» faire des barricades ». Les mêmes, liv. I. chapitre 3 ,
article 4.
En pareil cas on s’attache à la confervation des
places les plus imppr:tantes ; on y met de bonnes garnifons
, ori démolit les autres ou on les abandonne.
En incommodant l’ennemi de toutes maniérés on
empêche fur- tout que fes partis ne s’écartent trop
de fon armée, & ne jettent trop facilement la terreur
dans le pays. On retire de la campagne tout ce que
l’on peut en ôter; on confume par lefeu les fourrages
qu’ori ne peut mettre en lieu de fûreté; on envoie au
loin les beftiaux, & autant qu’il fe peut, à couvert
des grandes rivières, où ils foient en fûreté & où ils
fubfiftent aifémenr.
I .Ym* L’ennemi, dit Vegece , a quelquefois compté
de finir bientôt une expédition; mais fi l’on parvient
à la faire traîner en longueur, ou la difette le
confume, ou le dépit de ne rien faire de corifidérable
le rébute &c l’oblige de s’èn aller. C’eft alors que fes
foldats , épuilés par le travail & les fatigues, défer-
tent enfouie ; une partie fe diflipe ; d’autres fe rendent
à vous, parce que la fidélité des troupes tient
rarement contre la mauvaife fortune ; d’autres tombent
malades .& périffent ; & une armée qui étoit
nombreufe en entrant en campagne, fe fond inc effam-
ment d’elle-même. Combien d’armées ont éprouvé
un tel fort !
IX. Le réfultat d! 'une campagne eft le parti qu’on
doit prendre quand la faifon ne permet plus de tenir
les troupes fous les toiles.
Lorfqu’on a agi offenfîvement, & qu’on a fait des
conquêtes, il eft queftion de favoir fi l’on eft en état
de les conferver, & les moyens qu’on emploÿera
pour s’y maintenir. Dans un pays de places fortes ,
on confidere celles qu’il eft important de garder ou de
démolir ; les poftes qu’il faut fortifier & garnir pour
la sûreté des quartiers , des magafins, des hôpitaux,
pour couvrir les convois , conferver une communication
libre avec fes derrières, pour affujettir le
pa ys, s’affûrer des principaux paffages, du cours des
rivières , &c. Dans un pays ouvert on examine les
villes qui peuvent être facilement, promptement &
avantageufement fortifiées, les poftes , les rivières,
& autres objets dont on pourra fe couvrir & fe fervir
utilement. Les mefures prifes par M. le maréchal
deBroglie, en 1761, pour la confervation de la Heffe,
qu’il avoit reconquife pendapt cette campagne , font
un parfait modèle de ce qu’o'ri peut faire en,pareil
cas. En très-peu de tems ce général fit fortifier plu-
fieurs villes &plufieurs poftes, il fit ouvrir des grands
chemins , & fit tous les approvifionnemens qui lui
étoient néceffaires : avec cela, la Fulde , riviere qui
traverfe la Heffe , fut rendue navigable, par fes ordres
& par fes foins. L’entreprife que firent les ennemis
pendant l’hiver, pour nous faire abandonner ce
pa ys, prouva clairement & univerfellement, par
les mauvais fuccès dont elle fut fuivie pour les
alliés*, combien M. le maréchal de Broglie a voit mis
de vigilance, d’a&ivité & de prudence dans fon pro-
jé t , & la grande capacité de ce général. Cette campagne
eft inconteftablement ùne des plus belles &
des plus inftruâives qu’il y ait dans Thiftoire.
Si par quelque motif que ce foit on ne peut conferver
le pays tonquis , on l ’évacue, on er) tire de
groflès contributions, on l’appauvrit de maniéré à
le laiffer hors d’état de pouvoir fournir aucune ref-
fôurce à l’ennemi ; quelquefois on le brûle, on le
faccage.
Quand on eft fur la défenfive , il eft effentiel de
prévoir de bonne heure où l’onfe retirera pour prendre
fes quartiers d'hiver , & de s’occuper de tout ce
qui pourra en affûrer la tranquillité. Si l’on n’a plus