
N’allez donc pas employer ces inftrurnens à tout
propos. Sur-tout ne mêiez pas indifcrétemént ,
comme le font aujourd’hui tant de composteurs -,
n’allez pas, dis-je, mêler les flûtes aux trompettes;
la douceur des premières ôtera aux dernieres ûne
partie da leur fierté ; cela n’eft bon que dans deV
occafions où une efpece de tendrefl'e doit percer
parmi les cris de guerre, & les chants de triomphe :
îorfque , par exemple , un héros bien aimé rentre
triomphant dans la capitale, & que la joie affec-
tueufe qu’a le peuple de revoir fonpere, fe mêle
aux cris des guerriers.
- Les tenues des inllrumens-à vent font encore un
effet lingulier. Une tenue de cor-de-chaflé dans le bas
a quelque choie de fombre ; celle d’une flûte eft plus
trifte, plus tendre, celle d’un h:*atbois plus grande,
plus majeftueufe , fur-tout fi elle va en croiffant..
On a banni dés orehefltes la harpe , la guitarrè ,
le lu th, &c. parce qu’on y remédie en quelque façon
par le pi^icato des violons. J'abandonne volontiers
ces iriflrumens , pourvu qu’on me laide la harpe ; les
longues cordes pincées rendent un ton fi doux , fi
tendre, qui va droit à l’ame, pourvu que rien ne
gêne leurs vibrations : & je penfe qu’un air trifte
accompagné d’une feule harpe & d’une flûte , feroit
une profonde impreflion. Mais je m’explique, point
de harpe organisée , une bonne fimple harpe , à laquelle
on aura adapté le mode de l’air, enforte qu’il
qu’il n’y entre point del'emi-tons qui manquent à cet
inftrument.
-. Souvent une mélodie èft tellement exprefîive, que
tout accompagnement l’affoiblit, au lieu de la renforcer
; voilà le moment de l’uniffon : mais n’en abufez
point comme quelques-uns qui le placent, non quand
il le faut, mais quand l’ignorance les empêche de
trouver une bonne baffe à leur chant.
Je crois qu’un compofiteur qui travailleront fur
les principes que je viens-d’avancer,les confirmant,
les modifiant, .ou même les remplaçant par d’autres
quand l’expérience l’exigeroit, je crois, dis-je, que
ce compofiteur parviendroit bientôt à ir.aîrrifer fes
auditeurs à fon gré. ( F. D. C. )
EXTIRPER , v. a ( Jardinage. ) détruire, déraciner
les plantes qui nuilént à la végétation des autres.
Ces plaintes qui tracent, telles fur-tout que certains
gramens , font difficiles à extirper, (-fi)
* § EX TISPICE ,. . . . Dans cet article, au lieu
de Martinus , lifez Martinius, Lettres fur C Encyclopédie.
EX TR A IT , f. m. ( Belles-Lettres. ) On a calculé
qu’à lire quatorze heures par jour , il faudrait huit
cens ans pour épuifer ce que la bibliothèque du roi
contient fur l’hiftoire feulement. Cette difpropor-
tion défefpérante de la durée de la vie avec la quantité
des livres dont chacun peut avoir quelque chofe
d’intéreffant, prouve la néceffité des extraits. Ce
travail bien dirigé feroit un moyen d’occuper utilement
une multitude de plumes que l’oifiveté rend
nuifibles ; & bien des gens qui n’ont pas le talent de
produire avec l’intelligence que la nature donne ,
& le goût qui peut s’acqi•*>' rir , réuffiroient à faire
des extraits précieux. Ce feroit en littérature un
attelier public, oit les defoeuvrés trouveraient à
vivre en travaillant. Les jeunes gens commenceraient
par là ; & d e ce ta tte lié r il fortiroit des hommes
inftruits & fofmés en différens genres.
Il n’y a peint de fi mauvais livre dont on ne puiffe
tirer de bonnes chofes, difent tous les gens d’efprit
oc de goût. Il n’y a pas non plus de fi bon livre
dont on ne puifle faire un extrait malignement tourné
qui défigure l’ouvrage & l’aviliffe : c ’eft le mifé-
rable talent de ceux qui n’en ont aucun ; c’eft l’induf-
trie de la baffe malignité, & l’aliment le plusfavou*
reux de l’envie ; c’eft par cette lecture que les fots
fe vengent de l’homme d’efprit qui les humilie &
qu ils goûtent le plaifir feeret de le voir humilié à
ion tour. C eft-Ià qu’ils prennent l’opinion ou’ils doivent
avoir des produftions du génie, le droit de le
juger eux-mêmes & des armes pour l’attaquer Delà
vient.que dans un certain monde, les plus chéris de
tous les écrivains, quoique les plus méprifés , font
des barbouilleurs de feuilles périodiques, 'qui travaillent
les uns honteufement & en feeret & les
autres à .découvert avec une fîere impudence à
dénaturer par leurs extraits les produélibns dii talent.
On reproche à Bayle d’avoir fait d'excellénS extraits
de mauvais livres, & d’avoir trompé lés.lefleurs
par. 1 intérêt qu’il favoit prêter aux ouvrages' le t
plus arides!! les critiques dont nous parlons, ont'
trouve' plus, facile de dépouiller, que d’enrichir, &
le reproche qu on fait à Bayle eft le feul qu’il ne
mente pas. .
Suggon Vifleffofor., neprati HiUci,
dpe benigna e viper-a crudele ;
E fecondo güinfiind , o buoni, o rei,
L una^in tofio il converte, & l ’alt/w in melle.
( M. Ma r m o n t e l . 1
EXTRAVASÉ , fe dit en Agricu ltur e 'du fuc qui1
fort de tes va.ffeaux lymphatiques,, pour fe répandre
dans le tiflu celia aire. LeTuc propre des plan-
B H B | leur caufe des maladies oit. des
accidens , comme leTang e x t r a r a j i e a produit dans
.les animaux.
I q E. lu£ végétal s'extravafe quelquefois, de maniéré
qu ilfort.entiereme„tdes:vaiireaux , & fe montre au
dehors . . lantor tous la forme de refîne , comme au
pm & a le p ic .a ; tantôt fotfs celle de gomme, aux
cenliers , aux pruniers , pêchers . abricotiers, aux
■ çn |eve épaiffie, 6-c. En fortant ainf. des
plaies des; arbres , il caufe hioins de dommage que
. loriqu ,1 le répand dans les H H H lymphaiiqi.es
ou dans le tiffu cellulaire, (-f-) . if';, r *
EXTRÊME (Mhâphÿf) En i'/dfM. Ghangeux
fit imprimer à Paris deux volumes in-ix , qui ont r a B f f i r a i 9 U H Jc..nce de la real,te. Nous allons donner un notice de
ce avant ouvrage j nous croyons qu’elle pourra être
unie & agréable aux philqfophes & aux littérateurs.
Ce traite eft divife en dix livres ; daflsdè premier
qui ne contient que (oixàme pages , l'auteur établit
la tneorisde tout fon lyftêitie, & dans lesneiiflivres
fmvans, ,1 fan une applicaiion de fes principes aux
W W au* B B Eavernffement ou pluiôt la
préfacé nous apprend,.que l’auteur avoit entrepris
de faire, pour 1 Encyclopédie, 1,’article-Ré a u t é '
que çeu-a-peu les idées en fe développant,, on’t
forme deux volumes ; il ajoute qu’il commence
par diftinguer la réalité de la vérité , & qu’il
a cherche à découvrir le cara&ere de la réalité de
la meme maniéré que Defcartes avoit découvert
celui de la vérité ; qu’il a trouvé que le moyen de
reconnoitre la réalité étoit fondé fur un principe
d ou decouloient une foule de conféquences dans
tous les genres de connoiffances : il ajoute que la
lcience de la réalité eft plus dure que celle de la vé-
rite, avec laquelle on n.- pourra plus à Pavenirla
confondre. Il dit : voici le principe fur lequel porte
toute cette fcience . . . Dans la conjlitution prlfcnu
de Chomme, les extrêmes fe touehent fansfe confondre
f la réalité ne fe trouve que dans le milieu qui c fl entre
Us deux extrêmes. J
L’auteur dit que le? extrêmes ne font pas feulement
des mots qui n expriment que des rapports ; ils font
encore relatifs arexdifférens efprits: c’ eft l’infini applique
à tous les genres de connoifliinces, & à tous les
ces C0ni]0>flances. M. Changeux croit qu©
I infini eft conçu différemment par tous Içs hommes ,
St»
&: que ce qui eft infini par rapport à un ignorant, ne
l’eft point par rapport-à, un fayant ; qu’il y a autant ;
d ordres d’infinjs qu’il y a d’hommes qui font ufage
du raifqnnement, & quoique^tojis les chapitres- de
cet ouy’rage puiflent être entendus différeminent-,
cependant tous les hommes en tireront néceflaire*
ment les ijienies confequ&nces> & les mêmes lumières
ftir la réalité ., parce que la réalité occupe le milieu
entre les extrêmes. Il ajoute que., quoique les
hommes fefoucien.t peu de la réalité, & quel’onme
puifle pas. fe, flatter de leur faire abandonner' leurs
chimères , il eft cependant utile de les entretenir du
vrai bien : ils ne font pas fâchés de oonnoître les
moyens d’être fages & heureux ; lors même qu’ils
font le plus déterminés à ne point faire ufage de leurs
connoiffances ; ils jouiflent alors, au moins en idée,
des biens dont ils fe privent. Enfin M. Changeux ob-
ferve que dans la je une (Te où l’empire tout-puiflant
de l’habitude n’a point encore détruit la nature, il eft
probable quefiI’onenfeigiiDit la fcience de la réalité
comme elle doit 1 etre, on pourroit rendre la jeu-
neffe infiniment plus fage ,‘ parce que .cette fcience
eft propre à l'h om m e ,& t ’effi peut-être lafeule que
les fouverams doivent pofféder à fond : il faut en e& t
qu’ils fâchent en quoi confifte la réalité en tout, pour
ne point fe tromper, & pour n’être point trompés :
dans cet objet ils n’ont-befoin que de connoître parfaitement
le principe unique & fimple dont i f eft
queftion, & d’apprendre à en faire ufage.
_ Dans le chapitre premier, du premier livre , M.
Changeux définit les extrêmes, & il en examine les
propriétés. II dit que les extrêmes font toutes les chofes
ou. les qualités des chofes, lorfquon Us étend, ou lorf
quonlpç diminue muant que l'imagination U permet/
c eft-à-dire , qu’on leur donne, autant qu’elles en font
|ufceptibles, un caraftere d’infini dans les deux gen-
wÈ oppôfés : il d it , que fans ce carattere d’infini il
eit évident que plufieurs chofes ne feraient point
parfaitement extrêmes. Ce mot d’infini marque donc
une impoflîbilite d’ajourer ou de retrancher quelque
çhofe de l’objet; en un mot i ln y a que l’infini, ou le
nombre infini en grandeur, & le nombre infini en
petitefle, qui puiffent être dçuxextrêmes; ce font alors
deux abfolus parfaitement oppofés. U eft évident
qu'il faut raifonner des êtres & de leurs qualités différentes
comme de là grandeur ou de la petitefle mimé-
rique qui font extrêmes.
Dans le chapitre fécond, M. Changeux montre
comment deux extrêmes font oppofés entr’eux : telle
eft l’extrême grandeur & M extrême petitefle. L’oppo-
fition par contradiftion, telle que l’exiftence & la
non-exiftence ne font pas des extrêmes, parce que
1 etre & le non-etre n ont rien de commun ; l’on ne
peut rapprocher n i’éloigner leurs parties.
Dans le chapitre troifieme , on prouve que les
extrêmes Ce touchent :par exemple, les angles excefli-
vement aigus , & les angles exceflivement obtus,
qui font deux extrêmes, fe rapprochent infiniment
de la ligne droite ; il en eft de même dans toutes les
fçtences. Nous avons beau confidérer les chofes par
leurs extrêmes, ces extrêmes fe rapprocheront & fe
confondront dès que nous tâcherons de les diftinguer
en nous éloignant de la nature. On fait voir dans le
chapitre quatrième, que, fi les extrêmes fe touchent,
c eft toujours fans fe confondre ,.c’eft-à-dire, quoi-
qu ils fe rapprochent infiniment & d’une maniéré li
prodigieufe qu’ils peuvent être dits fe toucher immédiatement
; cependant ils ne fe confondent point ;
enlorteque li nous ne les diftinguons plus, nous fen-
tons cependant qu’ils ne font pas les mêmes, & qu’ils
ne peuvent point être identifiés : ainfi quoique le
mouvement extrême & le repos parfait fe rapprochent
infiniment, & puiffent devenir une même
choie pour nous g [\s ne font pas cepenciant wne
lome II.
meme chofe en eux-mêmes. On peut s’en con vaincre
ën comparant le mouvement infini rétrograde avec
■ le mouvement infinidiréô.
Dims le chapitre cinquième, on tire différentes con<
iequehces dii rapprochement des extrêmes. M. Changeux.
obferve que, quand il a dit ^ué les extrêmes fe
totrdient , il a vo’tiru'jiîdiquer que les effets qu’ils
prctàfrriefït fur flotïs ^ 'ôht line reffembïançe, une analogie
infiniment rapprochée : mais elle ne les rend
pas pourcela parfaitement fémblables en eux- mêmes i
1 7 * P‘lls » cette“afiâtogie infiniment rapprochée
n,aît/ , ur eIoignemeht infini. A le bien prendre, il
s enfuit que deux èxtrêmés'ne fe touchent point dans
H fons ,qh.i’ils deviennent une feule & même chofe ;
lis font feulement ihfiniment près l’un de l’àutrè. La
loi du rapprochement infini des extrêmes ne fignifie
donc autre chofe , ii ce n’eft que lorfqn’ils font
infiniment éloignés , ils fè réjoignent îmmédiàte-
me,nt ». ^ ^ fuppofe qu’ils isféloignent plus
qu infiniment , ils fe' ïàpprôcherbnt plus qu’infini-
ment, toujours d’autant plus qu’ils s’éloignèrônt,
fans que jamais on puifle les confondre. On voit que
l’auteur imagine plufieiifs ordres d’infinis.
Cette loi invariable du rapprochement naît-elle
de la nature des chofes, où de notre coriftifùtiôn pre-
fente ? & fi notre maniéré de fentir & la foibleffe de
hotre jugement nOifs y affujettiffent, ne peut-on pas
dire aufli que dans la nature elle n’en eft pas moins
obfefvée ? En effet, les loix générales s’y réduifent
en derniere anâlyfè, èc il eft évident que l’ordre de
1 univers fubfifte par l’oppofition dés contraires. Les
elemens fans ceffe Oppofés confervent entr’eux une
fubordinatiôn qui les éloigne des extrêmes ; ils procurent
par la vertu de cette loi fimple la merveilleufe.
variété qui régné dans le monde. On peut admirer
le meme effet dans l’économie animale, dans l’ordre
politique, &c.
La doftrine univerfelle'des anciens fe bornoit à
appliquer à la phyfique & à la morale cet adage, ce
proverbe ou cet apophthegme, quidquideft violentum
non ejl durable, tout ce qui eft violent n’eft pas durable
; in mediovirïus , la vertu confifte dans le milieu:
voilà à-péu-près à quoi fé réduifoit, chez les anciens
peuples inftruits, toute la dôàrine des extrêmes: ces
principes étoient la bafe de la morale & de la politique
d’Ariftote.
Le chapitre fixieme eft employé à montrer que la
llll Ah rapprochement infini des extrêmes eft une loi
générale, qui s’applique à nos fenfations & à nos
idées, c’eft-à-dire, à l’univers tel que nous le concevons
; car l’univers de l’homme n’eft que le réfultat
de fes réflexions fur fes propres fenfations, il n’en eft
pas diftingué dans fon origine : cette loi regarde donc
l ’homme, foit qu’il raifonrie, foit qu’il fente.
Le chapitre feptieme enfeigne ce que l’on nomme
vrai milieu entre les extrêmes, & ce que l’on appelle
miluu apparent. L’auteur d i t , que le vrai milieu eft
un point également diftant entre deux ou plufieurs
extrémités oppofées : ce ^milieu conftitue le plus haut
degre de la realite : mais la réalité exifte cependant
aum dans tous les autres points intermédiaires qui
ne font que les milieux appàrens. ^
S’il eft vrai que le jufte point du milieu foit le plus
haut dégré ou \efummum de réalité, & fi les extrêmes
fe touchent, il fuit de-là, i° . que toutes les chofes
que nous appercevons par lés fenfations & par les
idees, doivent être placés entre les extrêmes : tout
ce qui eft hors de cette fphere n’exifte point pour
nous , 8>c fe perd dans l’abyme du néant. 20. Le cen-
tre_ exaét qui fepare les deux extrêmes, doit être le
point où le plus grand dégré d’exiftence des chofes
doit fe faire fentir & percevoir : ainfi dans les fenfations
fimples où Vextrême vivacité & l’extrême foibleffe
des impreflions fé rapprochent, ce fera entre
BB B b b b