
que l’Impératrice-Reine retrancha la moitié des corvées
que fes fujets étoient obligés de faire dans fes
états. - •
L’empereur, dans les voyages qu’il fit au mois
de juin 1773 fans pompe , fans efcorte, recevoir à
cheval ou dèbout dans fa voiture les nombreufes
requêtes de fes fujets , auxquels ce prince donnoit
des réponfes gracieufès & confolantes.
Parmi ces requêtes, il s’ en trouva une conçue
en ces termes : « très-gracieux , très-compatiffant
» empereur, quatre jours de corvée parfemaine, le
» cinquième à la pêche, le iixieme , il faut fuivre
» le fei«meur à la chaffe, le feptieme eft confacré
» à Dieu. Jugez, empereur très-magnifique, s’il
» nous eft poffible de payer les impôts & la taille,? »
Le jeune & fage monarque1 qui gouverne la
France j vient de donner àtous les fouverains un
bel exemple à fuivre, en aboliffant les corvées dans
tout le royaume, par fon édit du mois de février
1776.
COSAQUES ( LES ) , Géogr. Hift. C’eft le nom
qu’on donne à un peuple guerrier, qui habite les
parties les plus-méridionales dé là Mofcovie., &
fur-tout ce qu’on appelle la petite Ruffe, èn langue
Mofcovite , molaia, Rojfa. Il y a toute apparence
qu’ils font Ruffes d’origine. Quoiqu’il y ait une grande
reflèmblance entre la langue Polonoife & la Mofcovite
, celle des Cofaqües à cependant pluskd’affi-
nité avec cette derniere. Leur religion eft la même ;
ils fuivent le rit Grec ’, ils y font même fort attachés :
& s’ils n’ont pas apporté cette religion de içur première
patrie , oh elle eft généralement fuivie;, ôn
ne fauroit dire en quel temsxni à quelle occafion ils
l’ont embraffée.
Il feroit intéreffafit de favoir comment ils fe font
féparés du gros de la nation pour faire un peuple à
part, pour vivre fous des loix toutes différentes,
& pour établir entr’euxune forme de gouvernement
toute militaire, & qui n’a rien de commun avec
celui de la nation dont ils font defcendus. Un habile
homme .a donné Ià-deffus certains détails curieux ,
que le célébré Bufching a tranfçrits dans fon ouvrage
; nous allons en donner le précis.
Les anciens Mofcovites peu reffemblans à ceux
de nos jours , qui fe montrent fi bien, lorfqu’il s’agit
d’attaquer un ennemi ou d’en repouffer les affauts ,
étoient en quelque façon le jouet de ces mêmes
Tartares que les Ruffes dans la derniere guerre, ont
fi facilement fubjugués, malgré la prote&ion de l’empereur
des Turcs. Ces peuples faifoient autrefois
des courfesfréquentes dans la Ruffie,ils en ont quelquefois
même traité les fouverains avec la derniere
indignité: les provinces les plus voifines de leur pays
eurent le plus à fouffrir de leurs ravages. Ce qu’on
nomme aujourd’hui la petite Ruffe ou l’Ukraine,étoit
la principale province de ce vafte pays. Les fouverains
y ont fait leur réfidence dès le tems du grand-duc
Igor, jufqu’à celui d’André Jurgewitfch Bogolubf-
k o y , qui en l’année 1 15 7 , transféra le fiege de la
fouveraineté de Kiovie à Wolodimer: dès-lors il y
eut dans cette ville des princes indépendâns. En
1240, les Tartares, fous la conduite de leur chan
Bâti, fe rendirent maîtres de Kiovie & dévafterent
le pays; ils y abuferent étrangement de leur pouvoir
: ils établiffoient & dépofoient à leur gré les
princes Ruffes dans le diftrift de cette derniere ville
’ & ailleurs. L’an 1320, Gedimin, grand-duc de Lithuanie
, mit une fin à la domination des Tartares :
il vainquit Staniflau , prince de K io vie, qui defcen-
doit des anciens grands-ducs de Ruffîe, & s’étant
réndu maître de la ville, il y établit un gouverneur.
C’eft vraisemblablement de cette époque qu’il
faut dater le commencement des Cofaqües. La haine
d’une domination étrangère obligea plufieurs des
anciens habitans à s’expatrier, & à chercher une
retraite aux environs de l'embouchure du Borif-
thene, qu’on nomme aujourd’hui lé Dnieper.
Ce fleuve, avant que d’entrer dans la mer Noire,
forme une efpece de lac d’affçz grande étendue , &c
un grand nombre de petites îles: plus haut on,trouve
treize cataractes ou chutes d’eau qu’on nomme communément
les treize porovis du Boiyjlhene, Ùnefitua-
tion comme celle-là , étoit propre à fe défendre
& les attaques fréquentes que ces fugitifs avoient
à effuyer de la part des Tartares, des Lithuaniens
& dès Polonois , & l’obligation de repouffer tant
d’ennemis, les mit dans lanéceflité d’établir parmi
çux un gouvernement militaire , très - différent de
celui fous lequel ils avoient vécu jufqu’alors. On ne
peut guere en fixer le commencement avant cette
époque.
Des établiffemens de cette nature ne fe font pas
tout d’un coup. Une fécondé irruption que les T artares
firent en 1415-, dans laquelle' il fe rendirent
encore maîtres de Kio vie, augmenta vraifemblable-
ment le nombre des fugitifs. Une troifieme Caufe
put, y contribuer : Cafimir , fils de Jagellon , roi de
Pologne, entreprit d’unir à la Pologne la principauté
de Kiovie. Il la partagea en diftricts, il établit dans
chacun de ces diftri&s des vaivodes, des caftellans,
des ftaroftes, des juges & d’autres officiers, tous de
nation Ruffe ; il ne mit point de différence entr’eüx
& les Polonois naturels^ il vouloir même rendre
ces difpofitions durables, & les confirmer par des
loix dont fes fucceffeurs ne dévoient point s’écarter.
Cependant elles, durèrent peu , il s’introduifit
quantité de Polonois dans le pays, ils y acquirent
des domaines, ils furent attirer à eux les emplois
honorables & lucratifs, ils commencèrent à
traiter avec hauteur les anciens habitans, que cette
façon d’agir rebuta de plus en plus, & ce mécontentement
groffit encore le nombre des émigrans.
Il eft vraifemblable auffique ce fut à cette époque,,
ou du moins vers ce tems, que le pays dont
les Cofaqües for tirent, fut appelle la petite Ruffe,
pour le diftinguer du refte des provinces quifor-
moient cette vafte région , qu’on nomme aujourd’hui
Mofcovie ou Ruffe, Pendant que la première
étoit unie à celle-ci fous: un même fouverain , ou
pendant que 1 une & l’autre etoient opprimées par les
Tartares, il n’y a pas d’apparence qu’On ait penféà
cette diftinûion.
Peu après ces émigrans, que l’on nomma d’abord
Meda Roffsky, mot qui peut fignifier les petits Ruffes,
s’étendirent jufqu’au Bog, & même jufqu’au Dnief-
ter, & occupèrent le pays compris entre ces fleu-
yes & le Boryfthene. Ils bâtirent des villes & des
villages, oh ils fe retirèrent en hiver pour y habiter
avec leur famille. En é té, la jeuneffe & ce qu’il y
avoit de gens vigoureux, fe répandoient fur lés frontières
, & harceloient perpétuellement les Turcs &
les Tartares, ce qui mettoit la Pologne & la Lithuanie
à couvert de leurs dévaluations : li bien que les
fouverains de ces deux pays, non-feulement les laif-
foient faire, mais de plus leur accordoient certains
avantages, & cherchoient à mettre plus d’ordre à
leur gouvernement , afin qu’ils fe rendiffent plus
redoutables à ces deux peuples, ennemis du nom
chrétien.
Aujourd’hui on diftingue deux fortes de Cofaqües ;
les Maloroffs & les Saporogiens : ce dernier mot
paroit fignifier demeurant au-deffous des chûtes d'eaux.
Dans les commencemens, on n’y mettoit pas de différence
: tous les Cofaqües étoient habitués au-deffous
des catara&es ou porovis du Boryfthene. Le
roi Sigifmond ï. crut qu’il convenoit d’en placer une
k
partie ait-deffuS: il leur céda un morceau de pây$
confidérable , afin qu’ils fuffent plus à couvert des
courfes des Tartares, & il augmenta d’ailleurs leurs
privilèges.
II y a toure apparence qti’orieùnftruifitàlors quelques
places fortes dans cè 'pays, accordé tout nouvellement
aux Cofaqües, afin qu’ils puffent y retirer
leurs armes, ce qu’ils avoient d’artillerie &
leurs munitions, & que lés Tartares ne puffent pas
fi facilement s’en emparer. C ’eft vraifèffiblablement
ce qui à occafionné la conftru&ion des villes de
Tfchigirin & de Tfchirkasld: on en à toujours parlé
comrfle de villes cofaqües, mais elles ont été ignorées
avant que ce peuple exiftât. Un des fucceffeurs
de Sigifmond fit encore mieux. Etienne Bathori ,
ce roi qui s’eft rendu fi fameux par fa prudence &
par fa valeur, pour rendre les Cofaqües plus utiles à
fon royaume & en tirer meilleur parti en tems de
guerre, en forma fix corps OU régimens , chacun de
mille hommes ; il les partagea en fotna ou drapeaux.
Chaque Cofdque du régiment devoit être infcrit dans
le rôle'' du- drapeau auquel il ^ppartenoit, & s’y
rencontrer ait premier ordre toutes les fois qu’on
Faffembloit; chaque divifiOn étoit commandée par
des officiers permanens ; enfin tous les régimens pris
enfemble avoi'ent un commandant qui fut appelle
hetmann, nom dérivé dé ‘het, qui veut dire chef.
Pour lui attirer plus de confidération, le roi lui
donna une bannière royale , une queue de cheval,
un bâton de commandement & un fceau. Il établit
auffi parmi eux divers emplois civils, dont on s’abf-
tient d’indiquer les noms.
, Ce même roi accorda au prince Bogdan Rofchins-
•k y , premier hetmann , la ville de Terechtemirow
pour lui & pour fes fucceffeurs, & il permit aux
Cofaqües d’occuper le pays qui s’étend delà jufqu’à,
Kiovie. Il augmenta auffi leur territoire à l’orient du
Dnieper, d’un quartier de pays de vingt milles
d’étendue.
Terechtemirow devint la capitale des Cofaqües,
au lieu de Tfchirkasld, qui l’avoit été jufqu’alors.
Elle fut la réfidence de l’hetmann ou de celui qui en
faifoit.les fondions. On y confervoit les titres & les
franchifes de la nation. C ’étoit la place d’armes & le
rendez-vous des troupes quand elles vouloient entrer
en campagne. Les Cofaqües dévoient fe fournir
eux-mêmes d’armes & de munitions , & faire la
guerre à leurs dépens, à moins qu’on ne veuille
donner le nom de paie à quelques préfens que le roi
faifoit annuellement à chaque foldat, & qui confif-
toient en une. peau de boeuf, un ducat & une peliffe.
Un certain nombre d’entr’eux reftoit conftamment
auprès du chef, il étoit permis aux autres d’habiter
dans les villages. Par cet arrangement , on avoit
pourvu à la culture du pays en même tems qu’à fa
défenfe.
Cette bonne intelligence entre le roi & les Cofa-
ques* dura peu de tems. Sigifmond III. fucceffeur
d’Etienne, ne fentit pas tout l’avantage qui en reve-
fioit au royaume : il vouloit les gêner dans leurs
expéditions, retrancher quelques-uns de leurs privilèges
, donner aux Polonois les premières dignités,
faire dépeindre le hetmann des Cofaqües du général
de la couronne. Plufieurs nobles Polonois bâtirent
dans leur pays des bourgs & des villages, & après
y avoir attiré des hahitans à force de promeffes, ils
prétendirent les traiter en efclaves. Le clergé romain
s y introduifit: on plaça à Kiovie un évêque catholique
romain , à côté du métropolitain Ruffe ; on
chercha à réunir l’églife grecque de ce pays au fiege
de Rome, & dans un efpece de concile , tenu à
Brefte, en Lithuanie, en 15 95 ,onperfuadaau clergé
de la petite Ruffie de renoncer à l’obédience du
patriarche G rec de Cônftantinople, pouf feconnoî-
tre la fuprématie du pape. ■
Toutes ces vexations émurent ce peuple qui crut
enfin devoir fouteniÉ fa religion & les droits de fa
patrie par la force. Il en réfulta une guerre qui dura
trois régnés avec une alternative de bons & de mau-
V/vr glcce^‘ Enfin Bogdan Chmelnizki, homme
attit & très-intelligent, que les Cofaqües avoient
choifi pour leur hetmann, finit ces troubles. Il avoit
remarqué queIesPolonoïspromettoient beaucoup,
quaild le befoin de leurs affaires le dentandoit, &
qu’ils ténoient peu quand elles avoient changé’ de
facé. Il crut que fa nation ne pouvoit rien faire de
mieux que de fe reunir à celle dont fes ancêtres
avoient fait partie , en fe foumettant aux czars de
Mofcovie, dont les prédéceffeurs avoient eu droit
fur la petite Ruffie que les Polonois retenoient injuf-
tement. }
Le traité fe conclut le 6 Janvier 1654, à Peréaf-
lawl, enfùite de quoi les villes & les habitans du
côté oriental du Dnieper, ainfi que la capitale de
la province de Kiovie,.fuivirent l’exemple des Cofa*
ques ; Chmelnizki avoit porté les forces militaires
des Cofaqües à quarante mille hommes, & les avoit
partagés en quinze corps , dont la plus grande partie
avoit fa demeure à Poccident du Dnieper & por-
toit le nom des ville^qu’ils habitoient , comme
de Tfchigirin, Tfchirkaski, &c. dès-lors ce nombre
fut porté à foixante mille hommes , & divifés en
dix corps qui établirent leur demeure à l’orient du
fleuve , & prirent les noms, des villes principales de
ce quartier de pays.
Pendant que la guerre duroit entre les Polonois
& le s Cofaqües, plufieurs familles qùittoient journellement
la rive occidentale du Dnieper pour s’établir
du côté oppofé. Enfin l’ancien pays qu’ils oceu-
poient:, ne fe trouva plus fuffifant pour l’entretien dé
tous, ils furent contraints de s’étendre toujours plus
vers l’orient , du côté de. Belgorod, fur ies frontières
de la Crimée j pays alors inhabité, mais très-
fufceptible par fa nature de bonifications. Là fe formèrent
les cinq régimensSlobodiens, connus fous les
noms de Achtirka, de Sumi, de Charkow, à'Ifum &
de Rybna ou OftrogofchK. L’établiffemenr de- ces colonies
commença en 1652 : elles fe trouvèrent tellement
au large, qu’elles purent en 1659 , recevoir
& placer une grande multitude de leurs compatriotes
qui étoient venus les joindre.
On ne fait pas bien précifement en quel tems fut
bâtie la Setfcha des Cofaqües Saporoniens;‘on croit
que ce fut fous le régné de Sigifmond I. C ’eft une
fortereffe dans une île du Borifthene, en-deffoiis des
catara&es : dans les commencemèns, c’étoit tout Amplement
le rendez-vous de ceux qui fe deftinoient à
faire une campagne : ils s’y rencontroient pour élire
leur ch e f, & pour concerter les mefüres.qu’il y
avoit à prendre pour réuffir dans leur expédition.
Dans la fuite, ce lieu eft devenu la demeure d’un
nombre de gens non mariés, réfolus de fairé plus
ou moins long-tems leur tout de la guerre , & de
renoncer à toute autre occupation. Toute perfonne
qui afpiroit aux honneurs de la guerre , alloit paffer
du moins trois ans dans la Setchà, quelquefois ils
faifoient durer ce féjqur fept & même dix ans ; après
ce terme, ils revenoient dans leurs maifôns comblés
d’honneurs & de biens.
Il refte une queftion affez intére^ànte à déterminer
; c’eft l’origine du nom de Cofaqües. On fait que
les habitans de la petite Ruffie ne l’ont pas toujours
porté. D ’où dérive-t-il? Quelques-iins le tirent du
mot koja, qui en langue côfaque fignifie chevre ou
chevreuil, par où l’on a voulu marquer l’extrême
agilité de ces peuples ; d’autres, de koffa, une fau-
d lU ; d’autres encore de kaçaèk , un voleur : il y en