
mis & commença fon régné fous les plus heureux
aufpices en 1458. La Norwege fe hâta de lui offrir
la couronne, qu’il reçut à Drontheim la même
année. La mort d’Adolphe, fon oncle, lui donna de
nouveaux états ; 6c malgré les prétentions de plu-
fieurs princes , il réunit à fon domaine le duché de
Slewigh, & les comtés de Holftein & de Stormarie.
La ville de Hambourg fetrouvoit enclavée dans la dernière
de ces leigneuries; lesmagiftrats, encore jaloux
de leur antique libertine rendirent auroiqu un hommage
verbal : 1 s’en contenta, fur de les forcer, quand
il le voudroit, à une foumiffion plus authentique.
Les vertus 6c la gloire de Chrifiiern fembloient
s’accroître avec fa puiffancé : refpefté de fes voifins,
il fut l’arbitre des différends qui s’élevèrent entre les
villes de Schwerin , de Lubec 6c de Lunebourg.
Chrifiiern n’agit point comme la plupart des monarques
, que de petits princes prennent pour juges en-
tr’eu x, & qui terminent la querelle en s’emparant
de l’objet contefté ; fon équité lui mérita la confiance
de toute l’Allemagne : il lui reftoit encore unefom-
rne confidérable à payer aux princes qui lui avoient
cédé les comtés de Holftein & de Stormarie ; il alloit
mettre un impôt fur les états pour acquitter cette
dette , lorfqu’il apprit que Marius Fregen , légat du
pape, avoir vendu des indulgences en Suede , fous
le prétexte de faire la guerre aux Turcs avec le produit
de cette vente. La tomme étoit proportionnée à
la fottife du peuple , 6c le prélat alloit emporter du
Nord des riflieffes immenfes. Chrifiiern , qui ne pou-
voit concevoir que Dieu vendît fes grâces à prix
d’argent,pour aller faire la guerre à des hommes qu’il
avoit créés, fe failit de cet argent, acquitta la dette de
l’état, & la Suede eut des indulgences gratis.
La puiffancé des villes anféatiques donnoit de
l’ombrage à Chrifiiern ; la fplendeur de leur commerce
exeitoit la jaloufie de fes peuples : il forma une ligue
de plufieurs princes Allemands pour accabler
ces républiques fitôt quelles oferoient troubler le
repos du Nord, 6c ce traité fut fi fecret, que les républiques
le foupçonnerent à peine. La fageffe de
Chrifiiern-'qui avoit éclaté dans tant d’opérations
politiques, échoua cependant contre le parti de
Charles. Les amis du prince détrôné, réfolurent
de perdre l’archevêque d’Upfal dans l’efprit de
Chrifiiern, afin de perdre Chrifiiern lui-même dans
l’efprit du peuple. Ils lui peignirent l’archevêque
comme un perfide qui machinoit fourdement pour
replacer Charles fur le trône , ou peut-être pour y
monter lui-même. Le roi donna dans le piege; 1 archevêque
fut arrêté 6c conduit en Danemarck :
aufli-tôt les accufateurs du prélat devinrent fes dé-
fenfeurs ; ils perfuaderent au peuple, que par ce
coup d’état, Chrifiiern avoit viole fes fermens , attenté
aux privilèges du cierge , que la caufe de Jean
Salftat devenoit celle de la nation , qu’il falloit rap-
peller Charles. Il reparut en effet, fut couronné de
nouveau, & dut cette révolution aux viftoires que
K a till, évêque de Linkoping, 6c neveu de l’archevêque
, remporta fur les troupes Danoifes.
Chrifiiern crut qu’il étoit tems encore de réparer fa
faute: il rendit la liberté à l’archevêque. Celui-ci, plus
fier de donner 6c d’ôter, au gré de fon caprice, la
couronne de Suede , que s’ il l’eût portée lui-même,
paffe dans ce royaume , change en un moment le
fyftême politique , fait une révolution dans les efprits
, raffemble une armée , met 'celle de Charles
eh fuite, le force lui-même à déclarer en plein fénat
qu’il renonce à toutes fes prétentions fur le trône ,
le relegue, en Finlande , fait nommer un adminiftra-
teur, 6c s’empare de l’autorité prefque toute entière.
Chrifiiern reconnut alors qu’en délivrant l’archevêque
, il n’avoit pas été moins imprudent, qu’en le
chargeant de fers. Le rufé. prélat, pour fermer à ce
princel’entrée de la Suede, l’occupoit ailleurs ; &-par
de lourdes menées, exeitoit contre lui Gérard,, comte
d’Oldenbourg, frere du roi. Celui-ci accumula révoltes
fur révoltes, outrages fur outrages, entra dans le Holftein
à main armée, fouleva la Frife, demanda pardon
à fon frere , l’obtint, 6c abufa de fa clémence pour
commettre de nouvelles hoftilités. Chrifiiern toujours
en guerre contre ce prince ne pouvoit faifir un moment
pour reparoître enSuede ; tandis qu’il étoit aux prifes
avec fon frere , l’archevêque mourut, & Charles fut
rappellé 6c couronné une troifieme fois par fon parti.
Dès que Jean Salftat eut fermé les y e u x , Gérard
rentra dans le devoir ; Chrifiiern fit reconnoître Jean
fon fils pour fon fucceffeur : paffa en Suede à la tête
d’une armée , rencontra celle de Charles près d’Elfs-
bourg , 6c remporté une viéloire fignalée : s’il avoit
pourluivi les fuyards, Charles tomboit du trône une
troifieme fois, mais Chrifiiern préféra le repos de la
Suede à fes propres intérêts, mit bas les armes, &
ne prenant plus la guerre , mais l’équité, pour juge
entre Charles 6c lui, indiqua une affemblée à Lubec,
oh leurs droits refpe&ifs dévoient être difeutés par
les députés des deux nations. On s’affembla en tumulte
, on difputa avec paflion, on ne conclut rien ,
6c l’on fe fépara plus ennemis que jamais.
Cependant Charles mourut ; alors Chrifiiern reparut
fur la feene, bloqua le port de Stockholm avec
une flotte nombreufe, ne put empêcher l’éleftion de
Stréen-Sture, adminiftrateur, mit fes troupes à térre,
fut attaqué dans fon camp , combattit en foldat, 6c
fut blefle. On le rapporta fur fon vaiffeau ; fes trouv
e s foutinrent le choc quelque tems : mais enfin
accablées par la multitude, elles regagnèrent la flotte
êfi défordre , 6c Chrifiiern retourna en Danemarck.
Il s’occupa des foins du gouvernement, & fans pa-
roître regretter la couronne qu’il avoit perdue , fon-*
gea à fe montrer digne de celle qu’il avoit confer*
vée. Le pape voulut l’engager à quitter fes états pour
faire la guerre aux Turcs ; il rejetta cette propofition
avec mépris : mais ce prince qui favoit défendre fon
coeur de la fureurépidémiquedescroifades, fe laifla
furprendre par la manie des pèlerinages; il alla à
Rome vifiter le tombeau des apôtres, & en rapporta
une bulle, par laquelle fa fainteté daignoit lut
permettre d’établir une académie dans fes états. Il
étoit fingulier de voir un monarque fage 6c puiflant
faire un voyage de cinq cens lieues pour demander
à l’évêque de Rome lapermiflion d’éclairer fon peuple
, ou plutôt rien n’étoit fingulier dans ce fiecle
barbare. Ce fut à Copenhague que ce corps académique
fut établi en 1474, fous le nom ffuniverfité.
Le mariage de Jean, prince héréditaire de Danemarck
, avec Chriftine , fille d ’Erneft, éleâeur de
Saxe , donna lieu à des fêtes pompeufes, qui acquirent
encôre plus de célébrité par l’inftitution de l’ordre
de l’Elephant. Le refte de la vie de Chrifiiern
ne fut qu’une fuite d’opérations politiques ; la Dyth-
marfie rangée fous fon obéiffance fans effufion de
fang, l’union de Calmar rétablie, & le trône de Suède
promis à Jean fon fils, les dettes de l’état acquittées
, l’ordre remis dans les finances, la naiffance
d’un petit-fils, qu’on nomma Chrifiiern, confolerent
fa vieilleffe de tant de malheurs dont fa vie avoit été
traverfée, & qu’il ne méritoit pas; il mourut en 1481.
Chrifiiern I. eft le chef de l’augufte maifon qui occupe
aujourd’hui le trône de Danemarck : il préten-
doit defeendre du célébré Vitikind, chef des Saxons.
Mais il n’avoit pas befoin de cette origine , pu chimérique
, ou réelle , pour être un des plus grands
princes de fon tems : excellent capitaine , s’il ne fut
pas conquérant, c’eft qu’il eut horreur de l’être ; s’il
fit des fautes en politique , ce fut fa candeur qui les
lui fit commettre. Le Danemarck fut heureux fous
fon régné, même au milieu des guerres qu’il foutintj
Sc les Suédois, en refiifant de le reconnoître, fe firent
plus de maux à eux-mêmes, qu’ils ne lui en cau-
ferent. On lui reproche de n’avoir pas cultivé les lettres
* il les aima du moins, 6c fut favorifer leurs progrès.
Il laifla trois enfans ; Jean, qui lui fuçcéda ;
Frédéric, duc de Slewigh 6c de Holftein , qui dans la
fuite parvint au trône ; 6c Marguerite , qui époufa
Jacques IV. çoi d’Ecofle. ( M. d e Sa c y . )
CHRISTIERN II, ( Hifi. de Danemarck. ) roi de
Danemarck: il étoit fils du roi Jean. La nation fe
hâta, de le proclamer héritier de la couronne. L’état
étant devenu fon patrimoine, il fongea dès-lors à
. l’affermir-, & en reculer les bornes. La Norwege
. s’étoit foulevée en 1504; Streen-Sture, adminiftrateur
.d e Suede, s’efforçoit d’établir la domination Sué-
. doife dans cette contrée ; Chrifiiern parut ; Suédois
. 6c Norwégiens ,. tout s’enfuit; la férocité de fon ca-
raélere ne tarda pas à éclatér ; les rebelles furent
traités avec la derniere rigueur , 6c la crainte de
manquer en Norwege., de fujets & de foldats, fut
peut être un des motifs qui arrêtèrent fa vengeance ;
de là il paffa en Suede, oh il remporta quelques
avantages ; enfin Jean étant mort en 15 13 , Chrifiiern
lui fuccédà. La nation éblouie par les premiers fuc-
cès de ce prince , fe promettoit un roi qui f établi-
roit l’union de Calmar fur de nouveaux fondemens,
& rendroit les armes Danoifes redoutables au refte
de l’Europe. Chrifiiern occupé d’abord des détails du
gouvernement fit venir de Hollande d’habilqs jardiniers
à qui il donna l’île d’Amag à cultiver. Réfolu
de foumettre la Suede, il fit entrer le légat Arcen-
. boldi dans fes intérêts, & négocia dans les mêmes
vues avec la ville de Lübec. Ce prince ne veilloit
pas avec moins d’attention fur la cour 6c fur fes
miniftres. Fobourg accufé de malverfation , fut arrêté
6c pendu peu tems après. C’étoit le miniftre To-
beru qui fut le juge de ce malheureux ; mais bientôt
foupçonné lui-même d’avoir empoifonné Colom-
bule, maîtreffe du r o i , il fut mis en prifon & traîné
devant le tribunal des fénateurs. Ceux-ci eurent le
courage de le trouver innocent, & de déplaire au
.roi qui avoit juré fa perte ; ce prince appella un
ramas de payfans qu’il paya pour être aufli cruels que
lui, 6c qui le condamnèrent à mort ; en vain la reine
6c toutes les damés de la cour fe jetter-ent aux pieds
.du/roi pour obtenir fa grâce ; ce prince fut inflexib
le , l’arrêt fut exécuté, & la nation témoin de ce
,1‘peâacle, trembla pour l’avenir, & f e repentit d’avoir
couronné Chrifiiern.
La haine du peuple parut peu l’inquiéter : il ofa
même braver le clergé, s’emparer de quelques domaines
de l’églife, faire arrêter l’évêque d’Oden-
f é e , 6c attirer des do&eurs évangéliques dans fes
■ états pour y prêcher la, religion réformée. De nouveaux
impôts aigrirent les efprits ; Chrifiiern les irrita
.davantage encore en nommant fon barbier à l’arche-
,vêché de Landen. Il n’eut pas .plutôt placé fa vile-
;créature fur ce fiege fi refpe&é dans le Nord, que
.de concert avec le prélat, il s’empara de quelques
domaines du chapitre. Efclave de Sigebrite, il corn-
.mit toutes les violences que cette femme audacieufe
.lui d i&oit, il lui en laifla tout le fruit, 6c ne s’en re-
ferva pour lui-même que la honte. Les efprits étoient
.tellement indifpofés, que Chrifiiern auroit dû fentir
qu’il s’expofoit à perdre le Danemarck., s’il le quit-
,toit pour conquérir la Suede. Ses troupes entrèrent
.dans la Sçanie ; elles y portèrent le ravage & la mort;
avant de façcager une v ille , on faifoit afficher la
bulle du pape qui autorifoit ces horreurs^ comm.e
fi Chrifiiern n’eût été que le miniftre des fureurs de la
.cour de Rome.
Bientôt il paffa lui-même en Suede,,. afliégea Ta
ville de Stockholm, & força la veuve de l’adminiftra-
teur à capituler. Cette femme, au-deflusde.fon fexe
Tome II.
par fon courage, avoit mieux défendu la place que
. les plus vieux généraux ; 6c jamais Chrifiiern ne s’ën
fût rendu maître, fi tous leshabitans l’avoient fécondée
; il entra donc dans Stockholm, y fut couronné,
& repafîa en Danemarck. Ce fut là que dans un
calme fombre 6c terrible il médita fa vengeance. Les
peifîdes confeils de fes lâches favoris échauffèrent
fon f effentiment par degrés ; il partit enfin l’an 1510,
6c reparut à Stockholm , cachant fous un air ouvert
& affable le projet odieux qu’il roûloit dans foname.
D’abord on veut lui parler des fautes qu’avoit com-
mife.s l’arçhevêque d’Upfal : il répond avec une mo-
deftie affeélée, qu?il ne veut point porter un regard
audaciéux fur les affaires de l’églife, 6c que c’eft aux
commiffaires nommés par le pape à juger ce prélat.
N Cependant il invite la veuve de l’adminiftrateur
& tous les fénateurs à une fête pompeufe : ils y courent
en foule ; Chrifiiern les careffe, mais au milieu
des tranfports de joie oh toute l’affemblée fe livre,
. le vifage du roi change de couleur, fes yeux s’allument
, fon ame féroce fe montre fans voile, il fait
arrêter les fénateurs, on les traîne à l’échafaud, plus
de foixante & dix magiftrats périrent ; bientôt les
confuls eurent le fort des fénateurs, les foldats devenus
bourreaux, fe répandirent dans les rues, pillant,
brûlant, maflacrant, 6c firent de la ville un champ de
bataille. La veuve devoit être noyée , mais l’avare
Chrifiiern efpéra qu’elle racheteroit fa vie en lui découvrant
lés trélors que fon époux avoit laiffés,
41 Ta condamna à une prifon perpëmf l le , tous les
Suédois frémiffoient, 6c les Danois*etoient frappés
d’horreur , l’Europe étoit indignée, on prétend
que la cour de Rome approuva tout ce que Chrifiiern
-avoir fait.
Il retourna en Danemarck , amenant avec lui
Guftave Eric-Son, que fa fureur avoir épargné. Sur
fon chemin, il fit noyer des religieux qui avoient
caché leurs provifions pour les dérober à l’avidité
des foldats. La mere 6c la foeur de Guftave furent
traitées avec barbarie ; tout trembloit autour du
r o i , il porta en Zélande la terreur qui l’accompa-
gnoit. La crife. étoit trop violente pour durer lon'g-
tems; & Pinftant oh.la fervitude d’un peuple devient
plus, dure, eft quelquefois celui oh il touche au mo*
■ ment de recou vrer fa liberté ; Chrifiiern aflembla les
états pour leur communiquer les projets, de guerre
qu’il méditoit ; mais Paflemblée, au lieu de s’occuper
de Inexécution de fes ordres, lui déclara qu’elle
renonçoit ^jl’pbéiffanee qu’elle lui avoit jurée ; que
par fes cruautés accumulées il avoit perdu tous fes
droits fur le trône, 6c que le Danemarck alloit fe
choifir un nouveau maître. Le plus-furieux des hom-
_ines devint alors le plus foible. En horreur à fon
peuple , abandonné par fes favoris, menacé par fes
■ gardes mê.mes, il fe hâta de\ piller le tréfor ro y a l,
-& s’enfuit avec fa famille; il effuya une tempête,
& après.avoir longrtems lutté contre les vents , aborda
dans les Pays-Bas l’an 1513 aurnois d’avril; il tra-
verfa l’Allemagne & alla chercher un afyle à la cour
de l’empereur fon beau-frere.
Si Chrifiiern n’éût été que malheureux,; toute l’Europe
fe feroit intéreffée en fa fayeiir ; mais il étoit
coupable, 6c il ne trouva que des protecteurs politiques
qui çherchoient à, lui rendre les états pour les
^partager avec lui. L’éleéleur de Brandebourg fu(t de
. ce nombre ; il fit de grands préparatifs qui n’eurent
que de foibles effets. Chrifiiern offrit à Guftave de
lui céder le trônp de Suede , s’il yoüloit lui aider: à
remonter fur celui de Danemarck.; mais. Guftave
. s’étoit déja.ligué avec Frédéric , fucceffeur de Chrif-
■ Mern , contre cet ennemi commun. L’empereur fon
beau-frere, qui d’abotd avoit paru époufer fa querelle
avec beaucoup de chaleur, s’étoit refroidi tout-
à-coup , parce qu’il craignoit d’attirer dans l’Empire
F f f ij