
Alexandre, qui profitoit des crimes de fa m ere, &
qui, par la dégradation de fon frère, avoit été replacé
fur le trône, crut avoir tout à redouter d’une
femme familiarifée avec les atrocités ; il s’impofa un
exil volontaire ; & tandis que Cléopâtre fe félicite de
régner fans partage, le peuple lui impofe la loi de
fe choifir un -collègue : Alexandre eft rappelle ; 6c
fur de la faveur du peuple, il ne fe borne plus à
jouir de l’ombre du pouvoir, il en veut la réalité ;
fa mere acheté des affaflins, pour fe débarraffer de
de fon collègue, qui la prévient 6c la fait mourir.
gp sip
C lé o p â t r e , (Hiftoire des Egyptiens. ) Ptolomée
Au le te, fentant fa fin approcher, défigna pour lui
fuccéder fon fils Ptolomée, furnommé le jeune Denis
&c fa fille aînée, connue fous le nom de Cléopâtre.
Le fénat Romain, qui fut établi pour tuteur, déféra
cet honneur à Pompée q ui, trop occupé de fes-propres
affaires, confia l’adminiftration de l’Egypte aux
foins d’Archillas 6c de l’eunuque Photin,miniftres qui
avoient des talens, 6c à qui il ne manquoit que des
moeurs. Cléopâtre, qui avoit autant d’élévation dans
l’efprit que fon coeur avoit de foibleffe, laiffa Archillas
6c Photin jouir d’un vain titre, 6c s’arrogea
tout le pouvoir. Leur vanité humiliée calomnia cette
princefle ; ils publièrent que, voulant jouir du trône
fans partage, elle, tenoit fon frere dans une dépendance
aviliffante : le peuple prit les armes, 6c Cléopâtre
, pour fe fouftraire à fes fureurs, fe retira en
Syrie, où elle leva une armée. Elle fe préparoit à
faire une invafion dans l’Egypte, lorfque Pompée,
vaincu à la journée de Pharfale, alla chercher un
afyle chez un peuple qu’elle avoit droit de punir.
L ’affaflinat de cet illuftre Romain fut vengé par fon
propre ennemi. Céfar voulant encore être le pacificateur
de l’Egypte, ordonna à Ptolomée & à Cléopâtre
, de licentier leurs armées, & de venir difcuter
leurs droits à fon tribunal, fous prétexte que, repré-
fentant le peuple Romain qu’Aulete avoit établi tuteur
de fes enfans , il pouvoit s’ériger en arbitre ,
fans violer les droits de leur indépendance. Cléopâtre
pleine de confiance dans le pouvoir de fes charmes,
fe perfuada que fa beauté feroiLplus éloquente que
les plaidoyers des orateurs. Elle fe rend fecréte-
ment à Alexandrie ; & , à la faveur des ténèbres ,
elle pénétre, fans être reconnue, dans l’appartement
de Céfar. Elle étoit trop tendre 6c trop belle, pour
ne pas intéreflër la reconnoiffance de fon juge. Céfar
étoit trop galant, pour ne pas rendre hommage à fa
beauté : il fit appeller Ptolomée qu’il invita à fe
réconcilier avec fonépoufe : le prince, fcandalifé de
la trouver dans la maifon d’un homme qui avoit la
réputation d’être le mari de toutes les femmes, en
parut moins difpofé à la reprendre ; 6c, voulant fe
venger de fa décifion, il dépofe fon diadème, & le
met en pièces aux yeux d’une multitude qu’il avoit
fait affembler pour être le témoin de fa dégradation.
Le peuple d’Alexandrie, touché de fon malheur,
court aux armes, & inveftit le palais de Céfar qui,
fans s’émouvoir, fe montre aux féditieux : il prend
un ton d’autorité, 6c leur parle en maître qui diète
des loix : il fait lire le teftament d’Aulete, & en
prefcrit l’exécution. Le peuple calmé applaudit à fa
décifion, & Cléopâtre eft affociée à fon frere dans le
gouvernement.
Cette émotion fut fuivie d’une autre plus dange-
reufe. Achillas qui craignoit d’être puni par Cléopâtre,,
fe met à la tête d’une foldatefque familiarifée
avec tous les crimes. Céfar. afliégé dans Alexandrie,
.eut befoin de toutes les refîources de fon génie pour
enfanter une armée. Les artifans & les efclaves furent
métamorphofés en foldats. On combattit fur
terre & lur le Nil : la fortune ne trahit jamais Céfar;
& toujours vainqueur, il fe délaffa de fes fatigues
dans les bras de l’amour. Cléopâtre lui donna un fif$
qui porta le nom de Céfarion , 6c qu’Augufte eut
l’inhumanité de faire égorger : l’amour qu’elle avoit
infpiré à Céfar, étoit li violent, qu’il forma le def-
fein d’établir une loi qui permettroit à tout citoyen
Romain , d’époufer autant de femmes qu’il lui plai-
ro it, pour avoir lui-même le ptivilege d’affocier à
fon lit fon amante. Il remonta le Nil avec elle ; &
elle l’eut accompagné dans l’expédition qu’il médi-
toit contre l’Ethiopie, fi fon armée n’eût murmuré
d’aller porter la guerre dans ces climats brulans.
Cléopâtre,favorifée de Céfar, fut affurée de l’impunité
de tous les crimes : le jeune Ptolomée, qu’on lui
avoit affocié au gouvernement,alarma fon ambition:
il fut empoifonné par l’ordre de cettefoeur barbare,
qui jouit paifiblement d’un trône dont fon fratricide
auroit dû l’exclure. Après que Céfar eut été afl'afliné,
' Cléopâtre, incertaine 6c flottante, favorifa fucceflive-
ment les deux partis. La journée de Philippe décida
du fort de Rome 6c des rois fes alliés : Antoine pafla
dans l’Afie, 6c Cléop'atre fut citée à fon tribunal, pour
fe juftifier de ce que les gouverneurs de la Phénicie
qui étoit foumife à l’Egypte, avoient fourni du fe-
cours aux ennemis du Triumvirat. Duellius, qui
fut envoyé en Egypte, fut fi ébloui de l’éclat de fa
beauté, qu’il lui prédit qu’elle auroit bientôt fon
juge à fes genoux : elle partit pour la Cilicie : fôn
vaiffeau, chargé de richeffes, étoit aufli magnifique
que fa fuite étoit voluptueufe : la poupe étoit d’o r ,
les rames d’argent,& les voiles de pourpre : le fon des
flûtes, des guitares, 6c de tous les inftrumens propres
à infpirer de douces langueurs, frappoit les
oreilles, 6c réveilloit les fens. La reine étoit parée de
tous les attributs de Vénus. Des enfans repréfen-
toient de petits Cupidons, 6c de jeunes filles les Grâces.
L’odeur des differens parfums qu’on brûloit, fe
répandoit fur tout le rivage : le bruit fe répandit que'
Vénus arrivoit à Tarfe, pour avoir une entrevue
avec Bacchus; elle avoit vingt-cinq ans; l’expérience
qu’elle avoit déjà faite du pouvoir de fes charmes
lui fit efpérer un triomphe nouveau.
Antoine, âgé de quarante ans, avoit encore tout
le feu des pàfïïons. Il l’envoya complimenter, & la
fit inviter à fouper ; mais elle le fit prier de fe rendre
lui-même au rivage, où elle avoit fait préparer, fous
une magnifique tente un feftin, où elle étala un luxe
&c une élégance dont les Romains, accoutumés à la
délicateffe, n’avoient pas même une idée. Antoine
n’oublia rien pour la furpaffer le lendemain; mais il
s’avoua vaincu : ils'devinrent bientôt amans : leurs
coeurs également dominés par l’amour & l’ambition
, entretinrent leurs feux, par le rafinement de
toutes les voluptés : aux plaifirs de la table fuccé-
doient ceux de l’amour. Antoine lui ayant contefté
la poffibilité de dépenfer un million dans un feul feftin
, elle ne fit fervir que des mets ordinaires ; & fur
la fin du repas, on lui préfenta un vafe rempli de
vinaigre, dans lequel elle fit diffoudre une perle ef-
timée un million de notre monnoie, 6c elle l’avala.
Chaque jour elle donne un nouvel exemple de fes
profufions : fi elle invite fon amant à un feftin, elle
lui fait 'préfent des vafes 6c coupes d’or qui brillent
fur la table : les applaudiffemens qu’elle reçoit la
jettent dans de nouvelles prodigalités, 6c elle eft
aufli follement magnifique envers tous les officiers
Romains, qu’envers fon amant.
Après quelques jours paffés dans une ivreffe continuelle
de plaifirs, ils quittent Tarfe, pour aller
goûter les délices d’Alexandrie : tandis qu’ils s’afldu-
piflent dans des voluptés voifines de la débauche, le
fénat ordonne à Antoine de marcher contre les Par-
thes : il part, 6c fon amante trouve bientôt le fecret
d’adoucir les maux de l’abfence. Sans frein dans fes
pençhans ? eUç s'abandonne aux h o n te s les plus
yilsj;
vils ; ils liii paroiffent affez nobles, dès qu’ils font
affez robuftes. Plufieurs achetèrent, au prix de leur
vie, le plaifir d’une nuit; & cette reine lafcive, par un
refte de honte, fe déharrafloit, par un aflaflînat,
des compilées de fon incontinence. Antoine triomphant
, vint chercher le prix de fes conquêtes dans
l’Egypte. Le roi d’Armenie 1 chargé de chaînes, fut
traîné dans les rues d’Alexandrie ; 6c Cléopâtre eut
la gloire de voir à fes pieds un monarque, dont le
vainqueur était fon captif. Enivrée de fa profpérité,
plie aipire à l’empire du monde : fon amant lui en
fait la promette, 6c il ordonne la cérémonie de fon
couronnement. Au jour indiqué, il monte fur .un
trône, lp front ceint d’un diadème , 6c portant dans
fa main un fçeptre d’or. Cléopâtre afiife à fa droite,
eft proclamép reine d’Egypte, de Chypre, de Lybie,
& de la Célé-Syrie, conjointement aveç fon fils Céfarion.
Lestrônes du refte du monde furent partagés
entre les fils qu’elle avoit eus d’Antoine, 6c ils prirent
le titre de rois des rois. Ce fpeètacle feândaleux
fouleva tous les Romains : Oètave fait des préparatifs
pour venger l’affront fait au nom Romain. Antoine
lui oppofe des forces nombreufes. Il fe rend à
Ephefe, où il fut fuivi de Cléopâtre : les vieux foldats
furent indignés de voir leur chef dominé par une
femme qui étaloit dans le camp le luxe d’une cour
voluptueufe. Ce fut à S.amos que Cléopâtre jouit de
la plénitude de fa gloire : tous les rois qui s’y trouvèrent,
ne parurent que fes fujets. Dès que la faifon
permit de commencer les hoftilités, on en vint aux
mains près du rivage d’Aétium. A peine l’adion étoit
commencée, que Cléopâtre, effrayée du bruit des
armes, prit la fuite. Antoine, infidèle à la gloire, ne
çonfulte que les intérêts de fon amour : il fuit l’exemple
de fon amante, & abandonne la vi&oire à fon
rival. Cléopâtre raffembla dans Alexandrie les débris
de fa grandeur : devenue inquiété 6c foupçonneufe,
elle immole, à une politique timide, tous ceux qui
pouvoient allumer des féditions. Antoine trahi par
fon armée de terre, vient rejoindre fon amante qu’il
trouve entourée de vi&imes ; il- lui devint indifférent
dès qu’il fut malheureux ; 6ç cette reine , dont l’ambition
tenoit toutes fes autres pallions affervies,
formate deffein de lui fubftituer fon vainqueur : elle
envoie fecrétement à Oètaye une couronne & un
fceptre d’o r , pour lui faire connoître que tous les
droits de la fouveraineté réfidoient en lui. Il lui promit
l’impunité, pourvu qu’elle fît mourir Antoine :
tandis que Cléopâtre négocie fa paix avec Oétave,
elle redouble fes careffes à fon crédule amant, dont
l’anniverfaire fut célébré, avec une magnificence
que l’état préfent auroit dû profcrire. Au milieu de
toutes ces fêtes, elle continuoit fes négociations avec
Céfar ;& bientôt fon amiral avec fa flotte pafla du
cp.té de Céfar. Après cet éclat, elle avoit tout à
craindre du reffentiment de fon époux outragé &
trahi : ce fut pour en prévenir le jufte reffentiment
qu’elle fe retira dans le tombeau des rois, fes ancêtres,
où elle fit tranfporter fes tréfors. Le bruit de
fa mort fe répandit dans Alexandrie , 6c Antoine ne
pouvant fe réfoudre à lui furvivre, fe fit donner la
mort par un de fes affranchis : tandis qu’il refpire
encore, il apprend que fon époufe eft vivante : il
ordonne à fes efclaves de le tranfporter dans le tombeau
où elle s’eft réfugiée. Cléopâtre qui craignoit
une trahifon , défendit d’ouvrir les portes, & fe
fervit de cordes pour le guinder en-haut : leur réunion
fut touchante : Antoine tout fanglant & refpi-
rant à peine, tourne fes yeux mourans vers elle, &
paroît mourir fans regret, puifqu’il meurt dans fes
bras: tandis qu’ils confondent leurs larmes, 6c qu’elle
nettoie fa plaie, il expire dans fes bras.
L’ambition de Céfar étoit de fe faifir de Cléopâtre
vivante. Proculeus, à la faveur d’une échelle, eut
Tome I I ,
î’adrefle de s’introduire dans le tombeau : dès qu’il
l’apperçut, elle tira fon poignard pour s’en percer le
fein : il le IuLarrache, en lui difant : Princefle, c’eft
outrager Céfar, que de lui ravir la gloire d’étendre
fur vous fa générofité. La première grâce qu’elle demanda
fut d’enfevelir le corps d’Antoine ; 6c elle s’en
acquitta avec une magnificence qui rappella fon an-*
cienne fplendeur : la fievre dont elle fut attaquée lui
fournit un prétexte de s’ahftenir de manger,& de prendre
des potions qui pouvoient la délivrer du fardeau
de la vie. On pénétra fon deffein, & Céfar lui fit dire
qu’elle devoit vivre pour fes enfans. Il alla lui rendre
une vilite, où elle le reçut couchée fur un lit .>
avec tme fimplicité étudiée 6c plus féduifante que les
ajuftemens les plus recherchés. Le défordre de fes
cheveux, fes regards triftes 6c languiflans fembloient
promettre un nouveàu triomphe a l’amour : fa voix
exprimait toutes les pallions; &,en décelant les mou-
vemens de fon ame, les tranfmettoit dans le coeur de
celui qui pouvoit l’entendre : fes yeux aidés de la
.magie de fa voix touchante communiquoient un feu,
dont elle paroiffoit elle-même embrâfée : dès qu’elle
apperçut fon vainqueur : Recevez, lui dit-elle, mon
hommage : je fus autrefois fo.uveraine; c’eft à vous
que la vi&oire & les dieux ont déféré ce titre : tandis
qu’elle parloit, fes regards mendioient ceux de
Céfar, qui n’ofoit les fixer fur elle : foninfenfibiliré
la rendit furieufe ; elle fe jetta une fécondé fois à fes
genoux, en lui difant: Je dételle la v ie , & ma gloire
me défend de la conferver. Céfar en la quittant lui
fit les plus flatteufes promefles ; & , quelque teins
après, il chargea le jeune Dolabella de lui annoncer
de fe tenir prête à partir avec fes enfans dans trois
jours. A cette nouvelle, elle fe repréfenta toute
l’horreur de fa deftinée ; 6c fe tranfportant dans le
tombeau d’Antoine, elle l’apoftropha comme s’il eût
été vivant. Après qu’elle eut arrofé le tombeau de.
fes larmes, elle fe fit fervir un magnifique repas.;
enfuite elle écrivit à Çéfar, pour lui demander la
faveur d’être enfevelie avec fbn cher Antoine : elle
fe revêtit de fes plus riches habits, comme fi elle
eût dû afliftér à une fête ; & fe jettant fur fon lit ,
elle demanda une corbeille de fruits qu’un payfan
venoit de lui apporter. Il y av.oit un afpic caché fous
les feuilles : elle fe .fit une incifion au bras, & pré-
fentà fa plaie à lécher à l’animal, dont la morfure fit
circuler le poifon dans fes veines, & lui procura une
mort prompte 6c fans douleur, : telles furent la v ie
6c la mort de cette reine célébré, qui éprouva l’i-
vrefle de l’amour 6c les tour me ns, de l’ambition,
qui allia le goût des arts à celui des voluptés, 6c
la délicateffe à la débauche. Le tems deftrutteur de
la beauté fembla refpeéler fes traits, & l’expérience
lui prêta des armes pour fubjuguer les coeurs les plus
rebelles. Quoique tendre & fenfible, elle étoit fans,
frein dans fes vengeances , & prodigue envers fes
amans : elle verfoit fans remords le fang des rivaux
de fon ambition. ( T— N. )
CLÉOPHAS, Çélijl. Eccléf. ) frere de S. Jofeph ,
6c fils comme lui de Jacob, époufa Marie, foeur de
la Sainte - Vierge, 6c fe trouva ainfi oncle de Jefus-
Chrift ; il ne comprit bien le myftere de la croix,
que lorfque Jefus reffufcité lui apparut fur le chemin
d’Emmaiis où il alloit avec fon fils Siinéon ; alors fes
yeux s’ouvrirent, 6c il crut. Il avoit encore trois autres
fils, Jofeph , Jacques le nfiheur & Judas, autrement
Thadée.
* § CLEPSIAMBE.. . Infirment de nmfiqiic ancien
dont on ne connoit que le nom. Hefychius 6c les Lexicographes
Grecs difent que clepjiambes eft le nom de
certaines chantons dans Alcman. Lettres Jur VEncyclopédie.,
CLEPSIANGOS,( Mujiq. injlr. des anc.) Athénée,
dit qu’Ariftoxene mettoit le clep/iangos, au nombre.
Nn n