
•admifes dans le college des prêtre s Ettufqtfes, à-peu-
près comme les femmes font aujourd’hui affociées
ou dépofitaires des myfteresles plus fecrets de la religion
fmguliere du peuple Drufe , qui habite les
plaines enveloppées par la chaîne des montagnes du
Liban.
L’on fait que les Etrufques inventèrent l’ordre tof-
can dans le même tems que les Grecs imaginèrent
l’ordre dorique & l ’ordre corinthien. Ce fait démontre
le goût particulier que ce peuple avoit pour Tar-
chiteCture.
On voit i° . dans l’ouvrage qui a pour titre, Tho-
moe Dempfteri de Etruria regali libri y . primutn editi à
Thomas Cok e, 2 vol. in -fol. Florentin 1 y23 ; z°. dans
les Recueils de Buonarotti; 30. dans ceux de Gori;
40. dans les Mémoires’de Üacadémie de Cortone, quantité
de monumens qui démontrent le bon goût que
les Etrufques a voient pour la fculpture, l’archite&ure,
la peinture & pour la gravure. Pline le naturalifte
convient qu’il y avoit deux mille llatues dans la ville
Eitiifque, nommée Bolfena, & que l’on y voyoit
une ftatue coloffale, qui avoit cinquante pieds de
haut. Paufanias rapporte qu’Arimnus, roi de Tof-
cane, eft le premier des fouveràins etrangers qui
envoya fon magnifique trône pour le mettre dans le
merveilleux temple que l’on avoit élevé à Olympe,
à l’honneur de Jupiter.
M. de Caylus obferve que les auteurs dont nous
venons de parler, auroient dû nous donner des
détails fur les belles formes & fur les ornemens
agréables des vafes etrufques; mais il y fupplée en
‘mettant fous les yeux du le&eur fes obfervations &
les plans exaCts de quantité de monumens qu’il a def-
linés & gravés en partie de fa main avec toute l'exactitude
que l’on peut raifonnablement efpérer. C e phi-
lofophe artifte fait admirer, dans les vafes etrufques,
la précifion dans la forme, la jufteffe dans le contour
& dans la pofition des ànfes ; l’art de groupper les
figures, & de leur donner de l’expreffion, _6*c. M. de
Caylus prouve que les anciens Tofcans abondoient
en fculpteur-s : il dit qu’il eft à préfumer qu’ils avoient
grand nombre de bons peintres ; il obferve que malgré
leur fragilité, il eft étonnant qu’il nous f efte une
fi grande quaritité de vafes ètrufques qui conftatent
la multiplicité des manufactures de l’Etrurie. Ce fa-
vant convient qu’il eft vrai que nous confondons
fou vent lesvafes ètrufques avec ceux de fabrique égyptienne
, ou plutôt avec ceux de la fameufe fabrique
grecque, établie dans Tîle de Samos : mais il ajoute
que l’on peut cependant diftinguer les vafes ètrufques
par leur légéreté, par la délicateffe de leurs ornemens
, & par plufieurs autres circonftances que nous
indiquerons plus bas. Nous ajoutons que pour ne
point s’y méprendre, il faut mettre en parallèle les
vafes ou du moins confulter les fidelles gravures de
M. de Caylus,
L’hiftoire nous apprend que pendant plufieurs fie-
cles, les manufactures de poterie étrufque ont joui
dans l’univers d’une réputation égale à celle que nous
accordons à la porcelaine de la Chine. L’on a trouvé
à Vollaterra, à Rome, &c. plufieurs petites montagnes,
formées parles débris des rebuts des manufactures
de poterie étrufque. M. de Caylus obferve que
fouvent l’on y voit les mêmes formes & les mêmes orne
mens répétés dans les compofitions; mais cependant,
en les confidérant, l’on voit en même tems que les
Etrufques favoient bien varier leurs inventions lorf-
qu’ils le vouloient. L’on y reconnoît même les époques
des progrès de la perfection dans chaquefiecle. Il
paroît que les Etrufques dans .leurs deffins, ont été
quelquefois imitateurs ; mais jamais ils n’ont été de
ferviles copifies des Egyptiens & des Grecs : ils ont
profité de leurs lumières, fans jamais s’affujeîtir à
ïeur goût, 1
M. de Caylus préfume qu’ à force de recherches
& d’obfervarions fur les monumens ètrufques , on
pourra peut-être un jour parvenir à éclaircir la plupart
des ufages civils , militaires & religieux des
Tofcans, fur-tout fi l’on compare les monumens
avec les anecdotes hiftoriques de cepeuple fingulier.
Les Tofcans, je veux dire les Etrufques, dans leurs
tableaux, cherchoient, ainfi que les fauvages de l’Amérique
, à fe procurer un afpeCt & une attitude terrible
; ils ajuftoient fur leurs cafques de grandes oreilles
, ils en hériffoient le fommet par de longues pointes
de fer, ou par le moyen de grandes crêtes ou
panaches : ils réufliffoient mieux que nos foldats, à
fe procurer un air d’ours en crifpant leurs mouftaches
& en leur donnant la même tournure que nous don*
nons à celles de nos chiens barbets, pour les rendre
plus ridicules qu’épouvantables.
Le goût & le caraCtere particulier des Etrufques
eft plus frappant & plus varié dans les pierres gravées
qui leur fervoient de cachet, que dans leurs
autres ouvrages. Comme ils aimoient à la folie 1'Iliade
d’Homere, ils gravoienttrès-fouvent des fujets analogues
, & repréfentoient très - fouvent Achille, Hector
& Hercule ; les fatyres, les centaures, des aftro-
logues & des génies ailés. Il paroît par leurs monumens
qu’ils aimoient exceffivement les combats & la
chaffe à la courfe & au faucon. Les hiftoriens nous
apprennent qu’ils regardoient la mufique comme un
préfent divin ; c’eft pourquoi dans leurs compofitions
on voit ordinairement des chaffeurs, descombattans ,
des muficiens & des guerriers, couverts de cafques,
de cuiraffes & de bottes de fer. L’on affure que les
Etrufques inventèrent, t°. les combats fanglans des
gladiateurs; 20. la danfe; 30. les têtes à double face;
telles que celles de Janus, pour défigner allégoriquement
le paffé & le préfent, ou les différens âges &
les différentes connoiffances de l’homme ; l’on croit
aufli qu’ils inventèrent les cérémonies d’expiation &
de purification, fur-tout celles pour fe purger des
crimes horribles de beftialité, &c. qui étoient affez
communs parmi eux. Ce même peuple repréfentoit
prefque toutes les divinités avec des ailes, pour mar»
quer leur activité. Les Tofcans ornoient leurs cruches,
leurs foucoupes & les cornes, qui leur fervoient
, ainfi qu’à tous les peuples, de taffes pouf
boire, en y gravant l’image de dieux, des héros, &c.
M. de Caylus obferve que l’on voit très - rarement
des joueurs de flûte peints fur les monumens des
Etrufques. Dans les commencemens, ils repréfentoient
leurs figures à-peu-près comme celles des
Egyptiens, c’eft-à -d ire , roides, avec les bras & les
jambes accollés, prefque fans mouvement. Leurs
draperies étoient fans plis, ou du moins elles en
avoient peu. La tête de leurs figures avoit les cheveux
treffés; mais dans la fuite, ils détachèrent les
bras & les jambes de leurs figures fondues en bronze %
peintes ou fculptées; en un mot, ils donnèrent du
mouvement, de la force & de la grâce à leurs compofitions.
Lesvafes des Etrufques ont pour l’ordinaire
le fond de leur couleur uniforme, noire ou roufle ;
ils font modelés à - peu - près avec autant de foin
que nos porcelaines des Indes. Les Etruriens n’em-
ployoient pour peindre leurs vafes que trois ou quatre
couleurs terreufes, mifes à plat comme celles des
: Chinois, fans dégradation de coloris î,,iis favoient
! compofer des émaux de différentes couleurs, pour
embellir leurs vafes de terre cuite. Souvent ils em-
portoient certaines parties du vernis ou d’émail avec
des inffrumens particuliers, & ils ajbùtfciiértt’ en-
fuite le blanc, le rongé ou lé noir pour tracer le
contour, ou pour diftingüerleurs.figures& pourformer
des ornemens. Ordinairement le vafe eft d une
couleur noire, & toutes les figures & tous" tes ornemens,
font ou totalement rouges ou de quelqu’autre
couleur, rehaüffée avec de la craie blaftche. Quelquefois
la tête, les mains, les pieds, font incarnats;
& les vaftes manteaux des figures de leurs aftrolo-
gues font ou blancs ou de quelqu’autre couleur. Au
centre du vafe, ils imprimoient unerofeou une marque
de la fabrique. L’on a trouvé dans Hcrculane
quantité de grands & de petits tableaux de cette ef-
p ece, peints en monochromes, c’eft-à-dire, en ca-
mayeux d’une feule couleur , ou peints avec deux ou
trois couleurs : mais ces camayeux d’Herculane furent
peints par des Grecs. L’on y a encore trouvé plufieurs
beaux vafes ètrufques & une grande table de
marbre pour les libations que dévoient faire les juges
avant que d’examiner les procès. Cette table porte
une infcription étrufque, dont on trouvera le détail
& l’explication dans les Lettres que M. Seigneux de
Correvon a fait imprimer à Yverdon fur les découvertes
d’Herculane.
Nous croyons que les perfonnes qui aiment lès
beaux arts, liront avec plaifir au fujet des Etrufques
les obfervations fuivantes, que nous avons extraites
dir très-favant ouvrage qui a pour titre, Hifloire de
l'Art che^ les Anciens, par M. J. Winckelmann : à
Amfterdam, chez Harrevelt, 1766, 2 vol. in -8°.
Cet auteur admiré par les vrais favans, a confacré
le chapitre troifieme de fon premier volume, à nous
démontrer par des faits, ce qu’étoit l’art chez les
Etrufques & chez leurs voifins. Il divife ce chapitre
en trois ferions : dans la première, il détaille les con-
noiflances néceflàires pour bien apprécier l’art des
Etrufques. Dans la fécondé feétion, il traite de l’art
même chez ce peuple: il détaille fes caraéteres, leurs
lignes, & les différentes époques dè cet art. La troifieme
feCtion ne rappelle que les faits qui intéreffent
l’art des peuples voifins des .Etrufques.
Dans la première feérion, qui concerne les connoiffances
néceffaires pour bien apprécier l ’art des
Etrufques, M. Winckelmann examine dans l’article
premier les circonftances extérieures & les caufes des
cara&eres particuliers de Part étrufque; dans le fécond
article, il traite de l’image des dieux & des héros
ètrufques ; enfin dans le troifieme article, cet auteur
indique les ouvrages les plus remarquables de l’art
de ce peuple fingulier.
Dans l’article premier, qui concerne les caufes extérieures
qui ont contribué ou nui aux progrès de
l ’art étritfqué , M. Winckelmann admet pour première
caufe qui afavorifé l’art de ce peuplé, i°. la liberté :
al obferve très- judicieufement que la forme du gouvernement
influe effentiellement fur les arts & fur
les fciénces de tous les peuples: par exemple, la liberté
dont jouiffoient les Etrufques en vivant même
fous leurs rois, permit à Part & aux artiftes de s’élever
à la perfection , parce que les roi^ Tofcans n’ëtoient
pas des defpotes, le titre de roi ne défignoit chez eux
qu’un fimple général d’armée, ou bien un gouverneur
particulier qui étoit élu annuellement par les états*
généraux. Toute l’Etrurie étoitdivifée en douze provinces
: elle étoit par confisquent un état ariftocrati-
que, régi par douze chefs qui avoient au-deffus d’eux
un furveillant ou un cenfeur amovible * qui étoit aufli
élu par lecorps total de la nation. Les Etrufques étoient
fi jaloux de leur liberté & fi ennemis de la puiffance
royale defpotique & inamovible, qu’ils mépriferent
& devinrent les ennemis dés Veïens, lorfqüe au lieu
d’un chef annuel, ils élurent Un roi. Dansle iv* fieclé
de la fondation de Rome, ils étoient par la même
raifon naturellement ennemis des premiers habitâns
de Rome, & le peuple Romain ne put empêcher les
Etrufques dé s’allier avec fes voifins* dans la guerre
imarfique ; qu’ en accordant aux Tofcans le droit de
citoyen Romain.
La fécondé caufe des progrès des arts chez les
Etrufques, fut le commerce fur terre & fur mer. Paufanias
dit que ce peuple s’allia d’abord avec les Phéniciens
qui étoient pour lors le peuple le plus ingénieux
: les Etrufques leur fournirent une flotte, pour
combattre les Phocéens. Hérodote dit que les Etrufques
eurent plus d’intimité avec les Carthaginois qu’a*
vec les Grecs ; ils fournirent aux Carthaginois une
armee navale qui fut battue par Hiéron, devant la
ville de Syracufe.
Les Etrufques eurent peu d’affinité avec les Egyptiens
, peuple exceflivement fombre & mélancolique;
qui déteftoit la mufique & la poéfie, que les Etruf-
ques aimoient à la folie, parce qu’elle les guériffoit
en partie de la petite dofe de trifteffe ou d’atrophie
qui leur étoit naturelle. L’étendue du commerce des
Etrufques réforma leurs moeurs, & par la comparai-
fon des objets, il perfectionna leurs talens naturels
pour les arts.
La troifieme caufe extérieure du progrès des arts
chez les Etrufques y fut la gloire & les récompenfes
qui font nécêffairement affe&ées dans les républiques
aux perfonnes qui fe diftinguent dans leur état par
leurs talens ou par leur vertu.
La caufe intérieure des progrès des Etrufques dans
les arts, fut leur génie ou leur tempérament ; il fut la
fource du caraftere diftinCrif de leurs ouvrages. M.
Winckelmann obferve que les Etrufques n’atteignirent
cependant jamais dans les arts le point de perfection
oii parvinrent les Grecs, parce que les Grecs
éfcoient naturellement moins bilieux que les Etrufques.
Ar.iftote obferve que les perfonnes mélancoliques
font ordinairement rêveufes, propres aux fortes méditations
& aux recherches profondes : mais de tels
hommes ont toujours eu & auront éternellement
des fentimens outrés & exceflifs. Le beau, c’eft-à-
dire y. les douces émotions que câufent les formés les
plus naturelles fur des âmes délicates & fenfibles, eft
pour \eux fadeur, infipidité-, badinage d’enfant ; leur
coeur* ainfi que les magafins de pondre, ne s’agite
que par explofion générale ; ils méprifènt le beau, ils
ne recherchent que le fublime. L’Etrurie ignorante
fut bien tôt aufli éclairée que les peuples qu’elle fré-
quentoit; mais comme là mafle des lumières étoit
alors très - peu confidérable, l’Etrurie donna dans la
fuperftitibn ,ou plutôt, dansle momentoù elle devint
pieufe , elle mérita d’être appelléè la ïnere de la fu -
perfiition. E es Etrufques fe livrèrent enfuite avec fureur
à l’aftfologie judiciaire, aux évocations des efi
prits* &c. L’ on ne doit donc point être furpris lorf-
qu’on voit dans Denis d’Halicarnaffe ; que l’an de lâ
fondation dé Rome , 399, les prêtres Etrufqiies, qui
protégeoientles Tarquins détrônés, allèrent attaquer
Rome, armés deferpëns vi vâns & de torches ardentes.
Les Etrufques inventèrent les combats fanglans des
gladiateurs* ils les admirent non - feulement dans les
amphithéâtres, inais encore à la fuite des enterremens.
Le cara&ere des Etrufques eft peu altéré. Dans les
fiecles derniers, la feCle des flagellans Européens a
pris naiffance dans la Tofcane : j’ajoute que le vulgaire
ne s’y plaît qu’à lire actuellement- les poëtnes
pleins de magie, de poffeflîonis du diable, de giganto*
machie, de métamorphofes & de preftiges de charlatans
de place ; il n’écoute avec tranfport que la- mufique
qui peint les tempêtes; l’éclair, le tonnerre*
là foudre & le fabbat. Enfin l ’on ne doit point êtré
furpris de ce que- les ànciennès urnes' fépulcrales de
la Tofcatië ne font chargées que de bas-reliefs, qui
repréfentent avec énergie des combats fanglans ; oit
des devins en méditation ; & de ce qu’au contraire *
les urnes fépulcrales romaines, travaillées par les
Grecs, ne repréfentent que des objets'agréables qui
font allufioh à la vie humaine ; tels font les papillons *
les colombes, les lièvres, les guirlandes de fleurs &ç
de fruit, les nayâdes qui ehlevent le chârmant Hyl-
lus, &c. Lés Romains plus gais que les Etrufques