
de l’armée. Au milieu de ce tumulte , les Cofaquës
& les Tartares* d.ont les chevaux étoient accoutumés
à gravir dans les lieux les plus inacceffibles, pénètrent
dans le bois. Les Polonois, épuifés de fatigues,
Te laiflënt égorger fans réfiftance ; ceux à qui il refte
affez de force pour fuir , s’engagent daus les marais
& y demeurent enfevelis. Plufieurs rendent les armes.
Les Tartares, occupés au pillage, leur donnent
la v ie , moins par pitié que par indifférence. Ce fut
près de Corfum que fe.paffa cette boucherie.
L’alarme & l’épouvante pafferent jufquès aux
Trontieres oppofées de la Pologne. On s’attendent a
chaque inftant à voir le vainqueur aux portes de
Varfovie, lorfqu’on reçut une lettre de Cmielniski
adreffée au roi. Il lui repréfentoit que la tyrannie
de la nobleffe, & les exa&ions des fermiers du domaine,
avoient forcé la nation à prendre les armes;
qu’elle étoit prête à fe foumettre s’il vouloit lui rendre
fes privilèges & fa liberté ; que la derniere a&ion
devoit apprendre aux Polonois qu’il etoit dangereux
d’opprimer un peuple guerrier, & que tant que
'ceux-ci feroient juftes, les Cofaquës leroientfideles.
Uladiflas n’étoit plus lorfque cette lettre arriva. II
venoit de terminer en Lithuanie une carrière affez
belle pour ne lui pas faire regretter la vie. Il étoit
à craindre que pendant le trouble d’une eleélion
Cmielniski ne vînt apporter le fer & le feu au milieu
delà diette. On choifit, pour lé fléchir,--dam K ifiel,
palatin de Biraclaw , attaché , coffime lu i, au rite
Grec. Ce feigneur étoit chargé par la république de
promettre aux Cofaquës le rétabliffement de leurs
privilèges, une domination plus douce, une protection
plus réelle. Cmielniski attendit ce député à Bria-
lacerkiew. Il congédia les Tartares, & renvoya une
partie de fes troupes. Mais il ordonna aux premiers
de ne pas s’éloigner, afin qu’il pût compter fur leur
fecours au cas qu’il fût attaqué. Les autres , fous la
conduite de Czivonos, fe répandirent dans la Podo-
lie & dans la Ruffie, où ils commirent des ravages
affreux.
Cmielniski fe hâta d’écrire à la république pour
défavouer la conduite de ce général, & promit même
de le livrer, ainfi que fes principaux complices, à
la vengeance des états. Le nombre des rebelles grof-
fiffoit tous les jours. Les payfans de Podolie ne trouvant
plus de quoi fubfifter dans leurs chaumières, ou
renverfées ou brûlées, s’unirent aux Cofaquës pour
réparer leur fortuné. Cette armée , de plus de cent
mille brigands, menaçoitle Pologne. Le ducde'Wif-
nowics paffale Boriftêne à la tête de quelques troupes
; Janus Tikewics, palatin de K io vie , &c Offino-
k i, lieutenant général de Lithuanie, ne tardèrent pas
à fe joindre à lui ; une noble émulation les animoit,
la diette étoit affemblée pour élire le fucceffeur
d’Uladiflas; une vi&oire remportée fur les Cofaquës
devenoit un titre pour obtenir les fuffrages ; mais
malgré leurs efforts , ils ne purent attirer les, rebelles
au combat. Ils fe bornèrent à obferver leurs mou-
vemens. Cmielniski ne refia pas plus long-tems oifif,
il vint fe joindre à Czivonos. La nouvelle de fôn
arrivée répandit la terreur dans l’armée Polonoife ;
elle fe retira lâchement. Cmielniski en fut témoin; mais
ne fachant à quel motif attribuer la fuite des ennemis
, il craignit que ce ne fût une rufe de guerre , &
négligea de les pourfuivre.
Cmielniski tourna fes pas vers Léopold. Cette
ville , mal fortifiée, fans vivres & fans garnifon,
étoit l’entrepôt des richeffes du Levant. Le château
fut bientôt emporté , la ville étoit déjà démantelée ,
l’ennemi s’apprêtoit à donner l’affaut : les affiégés
propoferent aux Cofaquës une fomme confidérabîe: '
on marchanda longfrtems : ceux-ci exagéroient leur
mifere ; Cmielniski exagéroit leurs richeffes, : enfin la
ville fut rachetée. Cmielniski s’ayança versZamofcié ;
'la nobleffe Ruffè, chaffée de fes châteaux par.
les payfans unis aux Cofaquës, s’etoit jettee dans
cette place. Ces vaffaux rebelles preffoient le fiege
avec une ardeur que redôubloitle fouvenir des ou-,
trages & de la tyrannie des nobles. Ceux-ci fentirent
bien qu’ils n’avoient aucun quartier à attendre. Ils
fe défendirent avec tant de vigueur, qu’ils forcèrent
les ennemis à lever le fiege. Cmielniski, pour
fermer à la nobleffe lé chemin de la Ruffie, alla y
cantonner fes troupes. L’hiver vint fufpendre les opérations
de la guerre. La république demanda la paix
d’un ton fuppliant. Le Cofaque la refufa avec hauteur.
Enfin après bien dès débats, la diette proclama
Jean Cafimir roi de Pologne. Ce prince, après avoir
inutilement tenté auprès du Cofaque les voies de
douceur & d’accommodement, envoya contre eux
André Firlei. Celui-ci attaqua les- Cofaquës dans
leurs quartiers, s’empara de quelques places, & par
ces fuccès , rétablit la réputation des armes Polo-
noifes. Le kam des Tartares venoit de fe joindre à
Cmielniski ; ce ne fut pas fans dépit què ce général
vit un allié fipuiffant marcher de front avec lu i, ôc
s’affocier à fon expédition. Il affefta cependant la
plus parfaite intelligence avec le kam. Depuis plufieurs
fièclès on n’avoit vu une armée fi nombreufe ;
elle étoit de plus de trois cens mille hommes ; fa marche
couvroit une province entière : elle^nveftit le
camp Polonois. Firlei ne fut point effrayé par l’ap-
' pareil menaçant des troupes ennemies : il n’avoit
que neuf mille hommes à oppofer à cette multitude :
Il s’étoit retiré fous les .murs de Sbaras, & y a voit
fait un amas prodigieux de munitions de guerre &
de bouche : « Mes amis, dit-il à fes foldats, ne foyez
point étonnés du nombre de nos ennemis, ils font
plus faciles'à vaincre qu’à, compter, ils ne combattent
que par l’efpoir du pillage, ils ne trouveront
parmi nous que l’indigence , l’amour de la gloire &
de la liberté. Leur multitude même doit nous raffu-
rer. Notre camp occupe fi peu de place, que les
trois quarts de leurs forces leur deviennent inutiles.
Voyez comme leurs rangs font mal gardés , nulle harmonie
dans leurs mouvemens, nulle difeipline dans
leur camp. Enfin quand tous ces motifs ne devroient
pas ranimer votre courage, vous etes Polonois, &
il s’agit du falut de votre patrie ». On l’interrompit
par des cris, & chacun jura de mourir les armes à
la main , plutôt que de fuir ou de fe rendre.
Le 13 juillet 1649, les affiégeans parurent fous
les armes au point du jour. Le kam lui-même étoit
à la tête des T artares, Cmielniski s’etoit place au premier
rang des Cofaquës : Firlei rangea fes Polonois
le long des retranchemens, & choifit pour lui le
porte le plus périlleux : ce fut de fon côté que l’attaque
commença, il la foutint avec vigueur ; mais
à l’avantage du nombre, les ennemis joignoient celui
du terrein. Malgré l’inébranlable fermeté du général
Polonois, le retranchement fut forcé, abandonné,
repris plufieurs fois ; les affaillans avoient à
chaque moment des troupes fraîches pour remplacer
celles qui avoient combattu. Ils ne laiffoient
point refpirer les Polonois; ceux-ci épuifés de fatigues
, la plupart percés de coups, ne dormoient, ne
mangeoient que les armes à la main ; mais leur courage
s’accroiffoit avec le péril, & les alliés les trou?
verent-plus fermes dans les dernieres attaques que
dans les premières»- Cmielniski vit bien qu il falloit
un fiege dans les formes , & fit ouvrir la tranchée ;
les travaux furent bientôt pouffés jufqu aux pieds
des retranchemens. Le nombre des Polonois, diminué
par tant d’attaques, ne pouvoit plus fuffire à
garder un efpace fi vafte, il fallut de ver des retranchemens
plus étroits derrière les premiers, &c détruire
ceux-ci pour ne pas laifier aux ennemis
l’avantage de s’y loger. La famine faifoitdes ravages
affreux dans Sbaras & dans l’armée, le foldat difpu-
toit au bourgeois les plus vils alimens. Le partage
d’une proie dégoûtante divifoit des hommes raffem-
blés par l’héroïfme le plus pur.
Telle étoit l’affreufe fituation des Polonois, lorf-
qu’on apprit l’arrivée du roi. Il s’avançoit à la tête
de vingt mille hommes raffemblés à la hâte, niai
armés, mal payés, mais à qui l’exemple des affié-
gés apprenoit à ne rien craindre. Cafimir, après avoir
fait faire à fon armée une marche forcée , campa
près de Sborow. Le kam & Cmielniski ne l’attendirent
pas dans leurs lignes, mais ils coururent à fa
rencontre avec foixantô mille Tartares & quatre-
vingts mille Cofaquës. L’armée de la république n’étoit
pas encore rangée en bataille , qu’une partie
des Tartares & des Cofaquës vint fondre fur les
“Polonois , tandis que le refte les prenoit en queue^
apres une vigoureufe réfiftance, l’avant-garde fut
enfoncée, les Tartares pénétrèrent dans les vuides,
tout fut pris ou maffacré. La viftoire penchoit en
faveur des alliés, lorfque le caftellan de Sandomir
fe jetta fur les Tartares & les prit en flanc. Cette
diverfion donna le tems à l’avant-garde de fe rétablir
& au refte de l’armée de fe déployer.*
• Cmielniski marcha de front contre le corps de bataille.
Cafimir étoit au centre , & donnoità fes foldats
l’exemple du courage. Le choc fut terrible ; les
Polonois fermes à leurs portes, encouragés par la
vue de leur ro i, ne laifferenf. prendre fur eux aucun
avantage ; il n’en étoit pas de même aux ailes, la
gauche écrafée , culbutée par la cavalerie Tartare,
xnenaçoit d’entraîner dans fa défaite la ruine de toute
l’armée, Cafimir y vola : fa préfence rétablit le combat.
Telle étoit la fituation des deux armées lorfque
la nuit fur vint, chacun la paffa à fon porte couvert
de fes armes. Cafimir exhortoit fes foldats, les com-
bloit d’éloges, & leurpromettoit de nouveaux triomphes
: cependant malgré la fiere contenance qu’il afr
feftoit, il n’étoit pas tranquille. Le kam lui donnoit
peu d’inquiétudes, mais il craignoit Cmielniski & fes
Cofaquës. Il efl'aya de le détacher de l’alliance des
Tartares. Il lui fit tenir une lettre , dans laquelle il
lui rappelloit les bienfaits d’Uladiflas &c les anciens
traités qui uniffoient les Polonois & les Cofaquës ;
il lui dévoiloit enfuite lés projets ambitieux du kam,
que Cmielniski connoiffoit mieux que lui ; enfin il
l ’exhortoit à quitter ce ramas de Tartares qui laif-
loient aux Cofaquës tous les périls de la guerre, &
en recueilloient tout le fruit.
Le roi attendoit avec impatience la réponfe de
Cmielniski. Mais lorfque le jour parut, il vit les
Cofaquës & les Tartares rangés en bataille. 11 fe’
prépara à les receyoir. L’événement de cette journée
fut le même que celui de la veille. Les Polonois
en eurent tout l’honneur, puifqu’ils ne furent pas
vaincus. Les Tartares & les Cofaquës rentrèrent dans
leur camp. La divifion étoit prête à naître entre les
généraux. Cmielniski foupçonnoit la fidélité du kam.
Celui-ci, au lieu des conquêtes ailées qu’il s’étoit
promifes, ne trouvoit par-tout qu’une réfiftapce opiniâtre.
Il écri vit au roi de Pologne pour lui offrir la
paix. Cmielniski, craignant d’être abandonné feul à
la fureur des Polonois , demanda un accommodement.
Il l’obtint à des conditions très-dures : il fut
obligé à venir fe jetter aux genoux de Cafimir , le
prier d’oublier fa révolte & de lui pardonner. R eft
vrai que le r o i , fenfible à fon repentir, le déclara
chef de la milice Cofaque. Les députés de la république
lui préfenterent la queue de cheval & l’étendard
, marque de l’autorité dans laquelle il étoit
confirmé.
Tandis qu’on négocioit dans le camp de Sborow,
on combattoit fous les murs de Sbaras. La nouvelle
Tome II,
de la paix n’y avoit point encore été portée. Le kam
& Cmielniski avoient retardé le départ dés courriers
pour donner à leurs troupes le tems d’exterminer les
Polonois. Ceux-ci fe défendoient avec une confiance
inébranlable ; ils étoient réduits aux plus cruelles
extrémités, & ne parloient pas encore de fe rendre.
Enfin ils reçurent une lettre de Cmielniski. Ce général
profitant de leur ignorance, leur mandoitibue
s ils vouloient lui payer un fomme confidérabîe, il
donneroit à fes troupes le fignal de la retraite.Les ha-
bitans demandèrent quelques jours pour contribuer.
Pendant ce delai le traite fut publié : on reconnut
l’artifice de Cmielniski, & il fut obligé de fe retirer.
Ce général n’avoit point oublié l’affront qu’il avoit
reçu à Sborow, ni la démarche humiliante que la
perfidie de fon allié l’avoit forcé de faire ; il négocia
fecrétement avec la Porte ; il obtint la protection
de l’empereur ennemi né de la république. Bientôt
la guerre fut rallumée. L’armée Polonoife s’avança
vers le Boriftêne. Cmielniski, par des diverfions
faites à propos, fut la divifer, & remporta quelques
avantages; mais enfin il fut vaincu, & s’en-
fuit. On croyoit les Cofaquës domptés par cette
vittoire , mais Cmielniski reparut à leur tête; il fut
plus malheureux encore que dans la campagne précédente.
Cependant la république, lâffée d’une guerre
qui minoit fourdement fes forces, donna la paix aux
Cofaquës, pardonna à leur chef qu’elle devoit punir,
& rétablit les anciens traités'.
Cmielniski trouva une mort digne de lui dans un
combat qu’il livra aux Polonois, & où il difputa la
viftoire jufqu’au dernier foupir. Tels font les principaux
traits de la vie de cet homme célébré, qui eut
la gloire de mettre la Pologne à deux doigts de fa
perte. Il charmoit les ioifirs que lui laiffoient les intervalles
de fes expéditions par des feftins , où il
s’abandonnoit à la débauche la plus crapuleufe. Ba-
zile , prince de Moldavie »dont la fille avoit époufé
un des d\s de Cmielniski, ayant été chaflé de fes états,
vint un jour implorer le fecoqjs de fon allié. Le
chef des Cofaquës étoit alors "au milieu des plaifirs
& de la bonne chere. Il fallut que le prince de Moldavie
attendît une femaine entière pour trouver le
moment favorable de l’entretenir. Enfin il obtint une
audience, & fit au Cofaque une peinture touchante
& pathétique de fes malheurs. Pour toute réponfe
Cmielniski fe faifit d’une large coupe pleine de vin
& s’adreffant à Bazile, il l’invite à la vuider, en l’af-
furant qu’elle contient un sûr remede contre tous
fes chagrins. Le prince de Moldavie fe retira indigné
, en difant : J ’ayois cru jufqulici que les Cofaquës
étoient des hommes, mais je ne vois que trop mainte*
nant^ qu'on a raifon dédire que ce font, ou des hom-
’ mes changés en ours, ou des ours changés en hommes.
( M. DE S a c Y. )
C N
CNÉPH, ( Myth. ) c’eft l’être fuprême dans le
fyftême des Egyptiens : ce premierêtre exiftoiravant
la formation du monde ; & de fa bouche fortit l’oeuf
primitif, dont les aittres êtres étoient émanés. On
le repréfentoit fous la figure d’un homme qui tenoit
un feeptre à la main, ayant la tête couverte d’un
plumage magnifique , qui marquoit fa fouveraineté
fur toutes chofes, & à la bouche un oe u f, fymbole
du monde qu’il avoit formé. Ou bien, on prenoit la
figure d’un ferpent replié en rond, tenant fa queue
dans fa bouche , pour nous apprendre- qu’il n’a ni
commencement, ni fin. (+ )
CNISME, ( Mufiq. des anc.') danfe & air de danfe
des Grecs, qu’on exécutoit fur la flûte. ( F. D. C. )
O o o ij'