
Les briques du troifieme rang croifent celle du
fécond : celles-là font croifées par celles du quatrième
; les briques ainfi rangées dans toute l’étendue
du four, fe nomment un champ de brique ; 8c lorfqu’il
y en a d ix , on forme ce qu’on appelle un lacet ,
c’eft-à-dire. qu’on arrange un rang de briques comme
la figure y de la même planche le montre , en forte
que le jour qu’elles laiffent entr’ elles eft d’envirort
trois pouces ; ce qui fe pratique toujours de dix
en dix champs. Dans tout le relie de la fournée,
il n’y a que deux ou trois lignes de vuide entre les
briques..
Cinquante champs de brique font une foitrnee
complette ; la malle de briques excede les murs du
four de douze champs. On obferve néanmoins de
revêtir le pourtour de cette partie excédente, avec
des briques cuites pofées en pannereffe ; ainfi ce
revêtement a quatre pouces d’épaiffeur , non compris
un crépi de terre graffe dont on le recouvre.
Le deffus du tas eft couvert avec des tuiles pofées
de plat, 8c qui fe recouvrent par le bout d’environ
un pouce : outre cela quand le feuffe porte trop
vivement d’un cô té, on a foin d’y répandre de la
terre. Ces grands fours, tels que celui que nous
venons de décrire, fervent à cuire la brique 8c la
tuile : mais la plus grande partie de ceux où l’on
fait ordinairement de la tuile font plus petits, 8c
n’ont que deux bouches.
Dans les autres fours, oii l’on cuit de la tuile avec
la brique, on arrange d’abord un champ de briques
fur le gril. Les briques des autres champs font rangées
tout près les unes des autres : c’eft par-deflus
ces champs de briques qu’on arrange les tuiles.
L’arrangement des briques dans les fours des tuileries
de Grandfon , eft à-peu-près le même que
celui que nous venons de voir. On arrange d’abord
le premier champ fur l’arrâfement des'banquettes.
On met enfuite le fécond champ, que l’on range
exactement comme.le premier, avec cette différence
que les briques de ce champ croifent celles du premier
: celles du troifieme champ fe rangent de meme
8c croifent celles du fécond, & ainfi de fuite ; en
obfervant néanmoins de faire en forte que les ouvertures
que ces briques laiffent entr’elles , répondent
directement les unes aux autres dans tous les
champs. Le nombre de champs de briques que les
tuiliers mettent dans leurs fours eft affez arbitraire;
il dépend du plus ou du moins de briques qu’ils
doivent cuire ; car s’ ils ont beaucoup de tuiles à
cuire, 8c peu de briques, ils ne mettent qu’un champ.
On fait dans ces tuileries une efpece de briques pour
les canaux de cheminées ; elles font plus étroites 8c
plus épaiffes que celles que l’on fait communément,
elles ont neuf pouces fix lignes de roi de longueur,
trois pouces deux lignes de large & deux pouces
d’épaiffeur ; celles-ci fe fendroient toutes fi on les
tangeoit au fond du four là où la chaleur eft la plus
grande : c’eft pourquoi on les met au-deffus, quand
on en a à cuire, en les rangeant une à une, 8c les
tuiles font au milieu.
Il n’ eft pas poflible de donner des réglés uniformes
pour la conduite du feu ; cela dépend de la
qualité du bois que l’on emploie, de la grandeur
du fourneau , 8c de la qualité de la terre qu’on y
doit cuire.
Il eft cependant une réglé générale, favoir, qu’on
doit commencer par faire un très-petit feu , c’eft ce
que les tuiliers appellent enfumer ; les briques qui
paroiffoient feches, fendent alors beaucoup d’humidité.
Au four du Havre , on ne fait à chaque bouche
qu’un feu compofé de trois groffes bûches ; on
l ’entretient ainfi pendant vingt-quatre heures, après
cela on y ajoute une bûche. La prudence exige que
l’on continue long-tems ce feu pendant trente-fix
à quarante heures , 8c même plus long-tems fi les
terres font fortes, pouf éviter que la brique ou là
tuile ne fende 8c ne fe déforme ; on augmente petit
à petit ce feü , enfuite On met le grand feu. Pouf
cet effet on range un tas de bûches tout-à-fait au fond
des bouches ; on tire én avant la braife , 8c on met
de nouveau bois par-tout ? ce qui fait un grand feu
qu’on continue pendant vingt-quatre heures : dans
cet efpace de tems , on confômme jufqu’à dix-huit
cordes de bois. Quand on apperçoit que les gueules
font blanches , ou , comme difent les ouvriers ,
qu’elles font de la couleur de la flamme d’une chandelle
, alors on rallentit. le feu pouf empêcher que
la brique ou la tuile ne fe fonde : quelque tems après
on ranime le feu jufqu’à ce que la couleur blanche
foit rétablie.
Si on apperçoit qu’il dégoûte de la terre fondue
entre les arches , on les débouche en pouffant le
bois vers le fond, Sc on ferme les portes du côté du
vent qui anime le feu.
On couvre aulîi de terre le deffus du fourneau ,
du côté où le feu fe montre trop violent : 8c l’on
fait des ouvertures aux côtés où Faction du feu
paroît trop lente.
On finit par fermer toutes les bouches 8c toutes
les ouvertures qui fe font faites , tant aux côtés
qu’au deffus du fourneau ; l’ouvrage continue à fe
cuire, fans qu’on jette de nouveau bois ; on ne tire
l ’ouvrage du four que lorfqu’il eft refroidi,
Telle e ft , fuivant M. Gallon, la maniéré de faire
cuire la brique du Havre, dans les grands fours.
D ’autres briquetiers conduifentTeur feu bien différemment
, 8c avec beaucoup plus de ménagement.
Nous croyons qu’il ne fera pas inutile de rapporter
ici ce que M. Duhamel dit à ce fujet ; car il n’eft
guere poflible de connoître bien le fond de cet art,
que par la connoiffance des pratiques différentes des
ouvriers.
D’abord, 8c pendant un ou deux jours, ils font un
petit feu de gros bois vis-à-vis le fommier; enfuite
ils féparent le feu en deux , 8c ils mettent chaque
moitié vis-à-vis les arches, 8c l’entretiennent avec
de gros bois.
On y met quelques petites bourrées avec quelques
bûches bien léchés. Quand la braife de ce bois eft
en partie confirmée , on y ajoute quelques autres
bourrées 8c quelques buenes. On entretient ce feu
modéré pendant trente-fix heures', en fourniffant
toujours un peu de bois : on examine enfuite le deffus
du four , pour connoître fi la fumée fort également
dans toute fon étendue , ou par tous les foupiraux
fi on en a pratiqués: le quatrième jour on augmente
un peu le nombre des bourrées qu’on fait entrer fous
les arches, 8c on continué à en augmenter peu à peu
le nombre jufqu’au feptieme ou huitième jour : alors
au lieu de ces bourrées, en emploie de bons fagots
dont on augmente le nombre pendant deux jours
pour établir le grand feu ; fi on n’apperçoit plus for-
tir par le haut du four une fumée très-noire 8c épaiffe,
mais feulement celle du bois, on juge que l’humidité
des terres s’eft diflipée, 8c l’ouvrage eft en cuiffon ;
alors on augmente le feu de fagots pendant environ
deux jours.
Il y a des briquetiers qui mettent le petit feu au
fond des arches, 8c qui l’attirent peu-à-peu vers le
devant : ils font durer ce petit feu quinze à feize
jours, en l’augmentant toujours peu-à-peu , de forte
qu’ils confomment cinq à fix cordes de bois avant
que de mettre le grand feu. Alors ils ferment avec
des briques 8c de la terre la moitié de la hauteur de
la porte qui communique de la chaufferie à la bombarde.
Le grand feu fe fait avec des fagots allumés
dans la bombarde ou fournaife ; on les portq fous
les arches avec des fourches de fer qui ont douze
à quatorze pieds de longueur : ce grand feu dtirô
quatre à cinq jours 8c.autant de nuits , Ôcconfomme
quatre à cinq milliers de fagots.
Si le feu paroiffoit s’animer plus d’un côté que
d’un autre , on l’augmenteroit dans les arches du
côté où il eft le moins v if, 8c on couvriroit de terre
au-deffus du four les endroits par où la chaleur s’é-
chapperoit en plus grande quantité ; car la vivacité
du feu fe porte toujours vers l’endroit où le courant
de la chaleur s’établit.
Quand on ne voit plus fortir par le haut du fourneau
qu’une fumée claire, on augmente vivement
le feu ; 8c au bout de deux ou trois jours, quand
on voit le feu s’élever fort au-deffus du four , on
maçonne entièrement la porte qui communique de
la chaufferie à la bombarde : on ferme aufli les
foupiraux ou lumières du dèffus, fi cette partie
eft voûtée; ou bien fi le four eft découvert , on
couvre l’ouvrage d’un pied d’épaiffeur de terre 8c de
gazon. La chaleur étant ainfi retenue, la terre continue
à fe cuire. Il eft important de laiffer refroidir
l’ouvrage peu-àjpeu : un refroidiffement trop précipité
romproit toutes les briques ou toutes les tuiles ;
c ’eft pour cela qu’il ne faut ouvrir 8c vuider le, four
que quand l’ouvrage a prefqiie entièrement perdu
fa chaleur; ce qui n’arrive dans les grands fours qu’au
bout cinq à fix femaines.
Il eft très-important que toute l’humidiré de la
terre foit diflipée, 8c que la chaleur ait pénétré jufqu’au
centre des briques, avant de donner le grand
feu; car on trouve des briques vitrifiées à la fuperfi-
cie , 8c dont la terre n’a pas perdu intérieurement fa
couleur naturelle : ces fortes de briques ne valent
abfolument rien.
Pour faire une bonne cuiffon, il ne faut pas que
le feu foit jamais interrompu ; il doit toujours augmenter
d’aéHvité depuis îe commencement de la
cuiffon jufqu’à la fin.
Quand dans une partie du fourneau les briques
ne pâroiffent pas affez cuites , on en met tremper
quelques-unes dans l’eau. Alors, fi elles s’y atten-
driffent, On les met à part pour les remettre une
fécondé foisàu four : ordinairement ces briques recuites
font excellentes.
Voici ce que les tuiliers de Grandlon obfervent
en cuifant leurs briques 8c leur tuiles. Ils enfument
d’abord leurs fours, en ne faifant qu’un très-petit
feu avec de gros quartiers dé bois de chêne , qui ne
donne prefque point de flamme ; on continue ce feu
de bois de chêne , qui eft placé fous les voûtes en
l ’augmentant infenfiblement, jufqu’à ce que la fumée
blanche ceffe,que la fumée noire vienne 8c que l’on
n’apperçoive aufli plus fortir de fumée parles voûtés
ou par les bouches; car l’humidité qui fort de la
brique s’échappe aufli par-là. On continue ce feu
pendant deux fois vingt-quatre heures dans les fours
qui contiennent Vingt-cinq à vingt-fix milliers , tant
briques que tuiles. Alors la tuile 8c la brique ont
rendu toitté leur humidité , 8c l’on peut commencer
à faire un feu plus v if 8c qui donne plus de flamme.
Pour cet effet, on ne met plus de bois de chêne fous
les vOutes,^ ou dans les fournaifes; mais on brûle
alors du-bois de fapin un peu fe c , qui, comme l’on
fait, produit un feu v if accompagné de beaucoup de
flamme ; on l’augmente infenfiblement , jufqu’à un
certain point qui dépend de la connoiffance que
les ouvriers ont de la terre, 8c du plus ou moins de
facilite qu elle a à cuire ; enforte qu’on ne peut pas
bien le déterminer. Lorfqu’on ne brûle plus de bois
de^ chenè , niais du fapin, on éleve un petit mur de
briques jufqu’au milieu de la bouche du four, en-
forte qu’il n’y a que la partie fupérieure qui foit ou-
Verté : ° n introduit le bois par deffus ce1 mur, qui
en foùtîént une des extrémités ;* on pratique feulement
au, bas du mur un évent pour donner paffage
A llair, afin que lescharbpns qui tombent au fond fe
confument. On ne met jamais ni braife ni bois fous
les arches ; le courant .d’air quif .-s’établit dans ces
longues voûtes, fufîit pour y porter fuffifamment de
chaleur : car elle eft plus grande 8c fe porte avec
plus de force dans le fond du four , que vers le côté
oppofé; enforte que fans une précaution que les ouvriers
prennent, qui eft d’élever le feu dans les voûtes
de façon qu’il touche prefque le deffus , les jfm
ques 8c les tuiles rangées près de ce côté ne feroierit
.pas affez cuites. Leur maniéré d’élever le feu au-
deffus de la voûte eft bien fimple; ils, brûlent alors
de longues pièces de fapin dont une partie excede le
mur qui ferme la bouche; on charge avec des pierres
çette extrémité , enforte que l’autre s’élève jufqu’à
ce qu’elle touche la voûte , alors la flamme qui fort
de la voûte monte en plus grande quantité du côté
oppofé au fond , que dans le fond.
Il faut environ quatre fois vingt-quatre heures
pour cuire une fournée de vingt-cinq à vingt-fix
milliers tant briques que tuiles. Les ouvriers ré-
connoiffent que l’ouvrage eft cuit, lorfque , 'comme
ils difent, les pièces qui font au-deffus du four ont
acquis une couleur de cerife d’un rouge-clair. Au
refte ce deffus dùfour eft couvert avec des tuiles pô-
fees de plat, comme cela fe pratique par-tout. On
gouverne aufli le feu ic i, comme on l’a dit ailleurs,
en couvrant ou découvrant à propos le deffus du
four. Et quand l’ouvrage eft cuit ., on le couvre de
fable Sr de terre, 8c on achevé de murer les bouches
8c les évents.
Voilà ce que nous avions à dire fur la maniéré de
Cuire la brique avec le bois. Il nous.refte encore !à
parler, pour terminer cet article , de ia maniéré de
cuire la brique avec le charbon de terre , 8c avec la
tourbe. Mais comme cette opération de cuire avec
la houille , comme Ton fait en Flandre , demande un
Affez grand détail',1 que M. FoUrcroy rapporte avec
beaucoup de clarté., nous avons crû devoir donner
ici cette partie de fon mémoire, telle quelui-ntême
l’a donnée, crainte d’ert rendre quelques endroits
peu intelligibles en cherchant à l’abréger.
Les ouvriers qui enfournent 8c font cuire la brique
au charbon de terre, font ceux que l’on appelle proprement
briqueteürs; apparemment parce 'que tout le
fuccès de l’entreprifë’ dépend d’ettx. Quand onparl’e
d’un bon briqueteur dârts toutes les prôvih'Cés du nord
de la France où l’on fabrique une grande quantité de
briqués , on entend un bon conduÛeur de fourneaux..
Un attelier dè Cés oiivriets ou Une main de bri-
queteurs, comme ils parlent entr’eux, confifte en une
troUpe de treize hommes, qui conftruifènten quinze,
à feize jotirs , fi le tems eft favorable , un fourneau
de cinq cens milliers de briques. Les rangs entr’eux
font lé cuifeur ou chauffeur, qui commande les autres
8c conduit le feu ; deux ehfourneurs qui artëhgent leS
briques fur le fourneau; trois entre-deuX qui fervent
les premiers dans leurs opérations fur le fourneau
, 8c font paffer lés briques 8c le charbon de
main en main : enfin, fept rëchercheurs Ou brouefl-
teurs , qui voiturent au fourneau tout ce qui entre
dans fa conftruftion. L’entrepreneur leur fournit un
oü deux journaliers furnuméraires', polir écràfer lè
charbon s’il en eft befoin.
Les différentes manoeuvres de tous ces Ouvriers
font continuellement entremêlées f -parce que tous
contribuent égalementà la conftrùétion du fourneau-.
Cependant, comme le travail des enfourneurs 8c
celui du cuifeur demandent des attentions particulières;,
je confidéferai féparément leurs fonctions1
en indiquant la Iiâifon qui fe trouve entre celles du
cuifçur 8c des enfourneurs.