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Il eft sûr auffi que les feuilles font, à leur furface
fupérieure, pourvues d’organes de tranfpiration, 6c
peuvent, en certains cas, dépenfer par cette fecré-
îion plusdefeve qu’elles n’en procurent, ou qu’elles
n’en reçoivent, & même épuifer celle que contient
la plante, tandis qu’elle eft privée de racines, ou
bien lorfqu’elle en a encore trop peu en raifon de
la furface compofée de jeunes écorces 6c des feuilles.
Il eft auffi d’expérience que la jeune écorce af-
pire 6c tranfpire ; qu’un morceau de bois v if expofe
au contaél d’un air aride 6c aux rayons folaires, fe
deffeche promptement, qu’il fe chancit & fe pourrit
au contraire par une imbibition trop abondante,
& fur-tout par une privation prolongée de l’air
libre ; tandis qu’étendu dans un lieu frais & ombragé
, fans être trop humide , il fe confie rveroittrès-
long-tems en cet état de verdeur mitoyen entre la
■ mort & la vie.
C ’eft fur cette théorie abrégée que nous allons
établir la pratique générale des boutures, réfervant
pour l’article particulier de chacune des plantes les
modifications qu’il conviendra d’y apporter, fuivant
les efpeces.
On appelle bouture un morceau de bois jeune 6c
v i f , convenablement coupé 6c taillé , qu’on deftine
à être planté pour lui faire prendre racine.
Puilque les boutures ont befoin, pour repreriére,
de contenir beaucoup de fev e, & puifqu’encore les
feuilles en dépenfent par la tranfpiration, il faut
choifir en général pour les planter, le^rems où la
feve n’eft pas diflipée par le mouvement, 6c où les
feuilles ne font pas encore développées, c’eft-à-
dire , l’automne, la fin de l’hiver ou le commencement
du printems; mais comme il eft des bois plus
difpofés les uns que les autres à fe chancir & à fe
pourrir, il faudra pour ceux-ci préférer la dernière
époque : il s’en trouve auffi de durs qui ont befoin
d’être imbibés 6c attendris , pour que leurs mamelons
ou boutons intérieurs fe difpofent à l’éruption.
C ’eft l’automne qui convient le mieux pour ces derniers,
ainfi que pour ceux dont la feve agit dès la
fin de l’hiver.
A l’égard des arbres toujours verds, comme il
eft de leur effence de ne pas quitter leurs feuilles ,
6c qu’ils tranfpirent toujours un peu, fi on en faifoit
des boutures en automne, elles dépenferoient, ne
recevroient rien , 6c pourriroient du bout par l’humidité
: fi l’on choififfoit la faifon du printems, où
la tranfpiration 6c l’exhalaifon font confidérables,
;leurs feuilles difliperoient plus de fucs que le bas de
la bouture n’en pourroit pomper ; d’ailleurs le hâle
attaqueroit les feuilles qui lui font fi néceffaires; 6c
comme elles tiennent fortement par les pédicules
qui ne font dans plufieurs qu’une expanfion de l’écorce
, l’écorce fe rideroit, 6i la bouture périroit par le
•deflechement. Il convient donc en général de choir:
f ir , pour planter les boutures de ces arbres, untems
où elles aient affez de vie pour pouffer promptement
des racines, ou au moins des bourlets grenus
propres à en produire, 6c capables de fubvenir par
la fuccion à la tranfpiration des feuilles dont on eft
toujours obligé de leur laiffer un certain nombre :
c’eft ce qui arrive lorfqu’on choifit l’intervalle des
deux fieves , & pour certaines plantes les derniers
tems de la derniere ; c’eft tantôt la fin de juin, tantôt
le milieu d’août, tantôt la fin de feptembre, fuivant
les efpeces : à ces époques la feve a. le dégré
d’impulfion néceffaire fans être diflipée par un trop
grand mouvement ; la nutrition peut fe mettre vite
en balance avec la tranfpiration ; enfin la jeune
écorce 6c les feuilles ont acquis affez de .confiftance
pour être à l’abri du deflechement. Ceci eft confirmé
par une foule d’expériences que j’ai faites, 6c qui
ont été toutes fatisfaifantes.
Quant à la longueur qu’il convient de dônner aux
boutures, elle doit être proportionnée à leur grof-
feur ; mais un bois trop gros eft en général recou-
vertM’une écorce trop vieille 6c trop dure, 6c qui
s’oppofe par conséquent à l’éruption de ces mamelons
intercutanés , dont nous avons fait connoître
les propriétés, il convient donc de choifir le bois
plutôt menu que gros , & par conféquent de faire
les boutures plutôt courtes que longues.
Parlons maintenant de la proportion qu’on doit
mettre entre la partie de bouture enterrée. & la partie
aérée : il eft de réglé de les plus enfoncer que
le plant enraciné : en effet, il faut bien les mettre
à portée de. s’imbiber par une plus grande furface,
puilqu’elles ne peuvent encore s’approprier par des
racines l’humidité nutritive de la terre mais .auffi
comme les racines aiment ie vOifinage de l’air libre»
6c tendent toujours par cette raifon à fe développer
non loin de la furface de la terre, fi l’on enfonce
trop la bouture, elle n’en pouffera point autour de
la coupure; rarement s’enracineroit-elle au collet,
parce que cette partie n’y eft pas difpofée ; 6c fi cela
arrive, toute la partie inférieure qui fe pourrira,
communiquera fouvent pour toute fa vie un vice
dangereux à la plante. En général il convient d’enterrer
les boutures moyennes d’unpeu plus dutiersde leur
longueur » & les petites, de la moitié. Cette réglé
doit varier, fuivant le dégré de ténacité de ia terre»
& le plus ou le moins d’ombrage 6c de fraîcheur locale
ou artificielle^
Nous avons vu que les boutons prominerts ne
pouffent pas de racine en terre, mais qu’ils font très-
- utiles dans la partie aérée de la bouture, pour attirer
la feve en haut, 6c la faire plonger enfuite au moyen
de l’imbibition par les feuilles qu’ils produifent : il
eft donc à proposd’ôter ceux de la partie enterrée,
6c je dirai en paffant qu’il feroit bon de mettre un
peu de cire préparée fur les fupports qui les por-
toient, afin d’empêcher trop d’humidité de s’introduire
par-là; il faut au contraire en laiffer dans la
partie qui eft hors de terre ; 6c comme la feve fe
porte avec plus de force fur la perpendiculaire que
fur toute autre ligne, il feroit effentiel d’avoir un
bouton terminal ; mais on coupe la branche en plufieurs
morceaux, ainfi il n’y en a jamais qu’un qui
foit pourvu de ce bouton; il faudra donc recouper
les autres fur les boutons les plus robuftes : ces bou-.
tures ayant une coupure fupérieure par où la feve
pourroit s’évaporer, il fera néceffaire de la boucher
avec de la poix ou de la cire préparée, de maniéré
pourtant qu’on ait foin de ne pas enduire l ’endroit
où le bois & l’écorce coïncident, parce que c’eft delà
que doivent partir les racines. Cet ufage des cérats
pour les boutures eft. à-peu-près,à quoi fe doit réduire
tout ce que le doôeur Agricola leur attribue
de vertus pour favorifer la naiffance des racines.
A préfent nous allons nous occuper de la coupure
inférieure ; c’eft de cet endroit que dépend prefque<
toujours le fuccèsde. la bouture, par la raifon que
les mamelons intercutanés ont plus de facilité à for-
tir autour de cette coupure qui leur laiffe une libre
iffue , que lorfqu’il leur faut foulever & percer
l’écorce. Quand on coupe le- bas de la bouture en
bec de flûte, la partie alongée ne reçoit que peu de
nourriture , & fe pourrit d’ordinaire. Je crois donc,
6c mes expériences y font conformes , qu’il faut la
couper le plus horizontalement qu’il eft poffible ,
c’eft-à-dire, pas plus obliquement qu’il ne faut, pour
faciliter le coup de la ferpette qui doit être fort
tranchante : fi la coupure n’étoit pas nette , les
éraillures de l’écorce obligeroient le bourlet qui
devance 6c prépare le développement des racines,
de fe former plus haut que le bout de la partie
ligneufe qui ne pourroit plus être couvert que par le
grofliffement de ce bourlet, 6c fe chanciroit en attendant,
.
Mais pour les boutures les plus rares ou les plus
opiniâtres, il eft expédient de choifir les parties 1
inférieures des menues branches des arbres & arbrif-
feaux ; on les enlevera rez-tronc, avec un infiniment
bien émoulu, c’eft-à-dire , qu’on emportera
cette efpece de protubérance conique qui fe trouve
à leur infertion, 6c n’eft autre choie que le Support
groffi du bouton d’où la branch.e eft née : cette attention
devient de la plus grande importance, en ce
que la protubérance dont il s’agit eft pourvue de
nombre d’afpérités qui recèlent autant de mamelons
à racine ; elle procurera encore cet avantage
q u e , les fibres ligneufes qui font circulaires 6c forcen
t un tiffu .épais en cet endroit, bouchent le
canal médullaire qui pourroit admettre trop d’humidité
: c’eft pourquoi il ne faudra pas toucher à-la
coupure inférieure dé qes fortes de boutures, fi ce
n’eft pour en parer un peu les bords, dans le cas o.ù
.elle auroit des parties trop faillantes, 0,11 d’autres
qui paroîtroient froiflées.
On trouve auffi dans difprens endroits des branches
de certaines plantes, des nodofités, des articulations
ou rugofités qui ont cette même difpofition
à pouffer des racines que l’on remarque dans ce
noeud de coïncidence des branches avec le tronc, 6c
ce font autant de particularités où d’anomalies ..dont
il faut fagement profiter: J’ai vu dans un petit bois
line branche de troërte, qui, d’unè rugofité fortuite,
a voit pouffé des racines au bas de fa tige, à-la faveur
de l’ombre 6c de l’humidité. Dans les arbriffeaux
farmenteux, comme la vigne, ou volubiles, comme
les chevre-feuilles , il faut couper la bouture immédiatement
au-defl'ous des noeuds qui s’y trouvent
naturellement. Dans d’autres, il faut fe prévaloir
de quelques protubérances accidentelles : enfin,,
pour certains arbres rares Ou à boutures rebelles , il
^convient d’occafionner d’avance des nodofités artificielles
: quelquefois il fuffira de faire durant l ’été .,
aux branches de ces arbres, des coches ou de petits
jeernes , d’efpace en efpace ; mais le plus sûr eft
d’employer une ligature de fil de, laiton ou de fil ciré.
L ’option doit fe faire fuivant. le dégré de dureté du
bois; cette ligature produira des bourlets fi propres
au développement des racines , que je leur en ai vu
pouffer dans certains arbres, fous un pou de moufle
dont je les avois couverts. Cette couverture devien-
.droit utile dans bien des cas, non pas pour précipiter
l ’éruption des racines, mais pour la rendre prochaine.
Des boutures ainfi préparées manquent rarement,
fi.on les foigne d’ailleurs dans les bons principes.
Lorfqu’un arbufte eft délicat, ou qu’il eft encore
foible , des ligatures fur-tout de fil de laiton pour-:
roient caufer la mort, en faifant périr quelqu’une
de fies branches principales qui répondent à des maî-
treffes racines, 6c cela eft arrivé à des kalmia ;.mais
nous ne penfons pas qu’en aucun cas on puifle rif-
quer quelque chofe, quand on fait cette opération
fur un petit nombre de petits rameaux d’un arbufte
qui en a d’ailleurs fuffifamment, & qui s’appuie fur
plufieurs branchés vigoureufes, 6c lorfqu’on a foin
de couper à propos 6c convenablement la partie de
branche garottée dont on veut faire une bouture.
Malpighi confeille de faire quelques coches dans
le pourtour de la partie de bouture qui doit être enterrée.
Je me fuis mal trouvé de cette pratique,
elle a pour principe d’augmenter la chance , du .développement
des racines, en mettant plus de mamelons
intercutanés à portée de faire une éruption
facile, par les bords de c.es coupures multipliées;
mais .elles donnent trop de prife à l’humidité qui
peut çaufer la pourriture, 6c d’ailleurs elle contrarie
la feve qui,eft obligée de les tourner, 6c par conféquent
qui fait moins de chemin en un-tems donné,
6c dépofe fur les bords de ces ouvertures qu’elle
tend toujours à boucher , des couches ligneufes
qu’elle dérobe au haut 6c au bas de la bouture qui en
ont un befoin effentiel.
Un phyficien botanifte à fait pouffer dans l’eau des
racines à des feuilles de haricots. J’ai vu de la fane,
de la marelle à racine tubéreufe 6c comeftible, produire
de petits tubercules dans un lieu humide .où
on l’avoit jettée.. On pourroit planter des boutures
de certaines plantes au-travers des trous d’un couvercle
adapté à une jatte emplie d’eaü, 6c peut-être
même que des boutons terminaux , pourvus de
leurs fupports, s’enracineroient auffi de cette maniéré
; ôn mettroit cette jatte fur une couche chaude
& ombragée ; 6c lorfque les boutures auroient quelques
racines, on pourroit les rifquer dans un terreau
très-léger, 6c les faire paffer fucceffivement.& graduellement
dans des terres qui euffent toujours plus
de confiftance. Pour les arbriffeaux & plantes qui
aiment extrêmement l’humidité , je fais qu’il eft expédient
de planter leurs boutures dans un pot, 6c de
plonger ce pot à demeure dans un plus grand ou
dans un feau , où il y ait fuffifamment d’eau , pour
lui donner au moins un demi-bain.
Dans tous les cas, fi les boutures demeurent trop
long-tems fans travailler, elles fe pourriffent : il
convient donc., les plus communes & les plus faciles
exceptées, de leur procurer une chaleur moite qui
puiffe hâter leurs progrès. Les plus rares feront
plantées en pot ou panier, 6c dépofées dans des couches
tempérées, fi les arbres où on les a prifies, ne
viennent pas de climats chauds;s’ils en viennent,elles
demandent des couches de tan, qui pourront convenir
auffi à celles des arbres de la zone torride, pourvu
que ces couches foient placées dans l’étuve, ou fous
une caiffe vitrée. Quant aux boutures d’arbres acclimatés,
où de climats analogues à celui du cultivateur,
on lés plantera dans des planches de terre rapportée
6c mêlée, entre deux petites couches de
fumier récentes , 6c l’on fera bien même d’enterrer
du fumier chaud aux deux bouts de la planche.
On comprend aifément que les racines nouvelles
que pouffent les boutures, font d’abord foibles &
tendres ; il faut donc en général que la terre deftinée
à les recevoir, foit en planche , foit en pot ou panier,
ait plus de légéreté que de ténacité, autrement
elles aurdiént trop de peine à la percer. Prefque
toujours il y faut mêler du fable & des terreaux
confommés de fumier ou de bois pourri, en plus ou
moins grande quantité, fuivant l’appétit 6c le goût
des .efpeces. Trop d’humidité fur la partie de la bouture
qüi fe trouve rez-terre, pourroit la faire pourrir
au collet ; c’eft dire affez que la couche fupérieure
de terre doit être la plus légère & la plus feche. On
jne rifquera rien du tout d y employer du fable de
riviere pur.
Il nous refte à régler l’humidité qu’il convient de
procurer artificiellement aux boutures : celles que
l’on fait avant l’hiver, n’ont befoin d’être arrofées
qu’au printems ; mais on doit quelquefois., dès après
leur plantation, cou vrir de moufle ou de menue
paille, la terre où elles font placées ; & c’eft dans
deux cas, ou lorfque le bois eft geliffe de fa nature,
ou lorfque les boutures font.fi minces, qu’ellespour-
roient être déracinées par la gelée qui fouleve la
terre : cette précaution devient néceffaire dès la fin
de février, ou vers.la mi-mars; mais c’eft «flors afin
de parer au hâle qui régné, dans cette-faifon. Cette
couverture économifera les arrofenfens, 6c les fup-
pléera même jufqu’à,un.certain.point : on.n’arrofera
que lorfque la féchereffe aura pénétré àu-deffous,
6c elle doit être au refte plus ou moins épaiffe, fuivant
l’expofition où l’on placera les boutures*