
Godefroy,. & qu’elle vivoit encore lors de fon départ.
OldericusVnalis, auffi auteur Liégeois , dit que
le duché-de Bouiüon ne fut qu’engagé , mais il triple
le prix ; voici les termes dont il le fert : tune Gode-
fridus Lotaringiot dux , Bullonii cajlrum cum omnibus
appenditiis fuis epifeopo Leodicnjî invadiavit 9&abèo
J'eptem milita rnarcas argenti recepie.
Le Pere Bouille , dans fon Hijloire de Liege, rapporte
q'ue le duché de Bouillon fut vendu par le
duc Godefroy à l’évêque de Liege, moyennant
1300 marcs d’argent & trois marcs d’o r , à condition
que fi trois de fes plus proches parens qu’il nom-
moit, ne retiroient pas ce duché en rembourfant la
fomme , il demeureroit à l’évêque de Liege à perpétuité
, après la mort de ces trois héritiers.
Telles font les autorités fur lefquelles on établit
les droits de propriété originaires des évêques de
Liege fur le duché de Bouillon. C’eft au public à
juger fi les contradictions frappantes qui régnent
entre tous ces écrivains fur le prix de layente prétendue
, leur incertitude abfolue fur la nature , l’ef-
fence & les conditions de l’aCté peuvent donner
l’exiftence à un titre qui n’a jamais été produit hi
cité. Fifen lui-même, auteur Liégeois , à qui toutes
les archives de Liege ont été ouvertes, avoue de
bonne f o i , en parlant de cette vente : Nunquam
tamen injlrumentum venditionis Bullonii mihi videri
licuit.
Ce qui pourroit avoir induit en erreur ces écrivains
fur cette prétendue vente ou engagere , dont
ils n’ont eu de connoiffance que fur des bruits publics
, ne feroit-ce pas un a£te paffé effectivement
par Godefroy de Bouillon, dans le tems qu’il fe pré-
paroit pour fon voyage de la Terre-Sainte ? Par cet
aCte , du confentement d’Yves fa mere , il met les
fondations faites par fon ayeul maternel, & par lui
dans le duché de Bouillon, en faveur de l’abbaye de
S. Hubert & du prieuré de S. Pierre de Bouillon ,
fous la protection de l’Eglif'e de Liege , contre tous
ceux de fa famille ou autres , qui voudroient y portier
atteinte : cet afte eft; trop long pour le tranferire
en fon entier, nous en rapporterons feulement ce
qui concerne le fait dont il s’agit. Sed quia Jerufa-
lem ire difpofui dcffenjionem hujus mecz advocationis
committo in manu omnipotentis pro cujus amore potef-
tatem & honorent meum relinquere deliberavi , committo
6* in dejfenfione ecclejiat Leodienjis, quee per divinum
fu s , ecclejiajlicam jujlitiam debet tueri9 committo itiam
in manu venturi meo loco-ducis, &c.
Cet aCte eft dans les archives du chapitre de Liege
, & dans celle de l’abbaye de S. Hubert. Il ne fe-
roit point étonnant que l’evêque Otbert, homme
entreprenant, à la faveur du titre de proteCtion déféré
à fon églife , eûf répandu dans le public, après
le départ de Godefroy de Bouillon, que ce prince
lui avoit vendu ou engagé fon duché ; & que fur
cette fimple affertion , tous les écrivains du tems
l’euffent cru.
Enfin , Otbert fe mit en poffeffion de ce duché ;
on ne fait pas par quelles voies ; il n’y avoit per-
fonne pour l’en empêcher. Après le départ de Godefroy
, & de Baudouin & Euftache fes freres , Yves
leur mere s’étoit retirée dans tin couvent de fon
comté de Boulogne, oii elle mourut en odeur de
fainteté.
Renaud I. comte de Bar , ayant prétendu qu’à
caufe de Mathilde fon époufe, fille de Boniface,
marquis de Lombardie , parent de Godefroy de
Bouillon, il avoit droit de retirer ce duché , pro-
pofa à l’évêque, de Liege de le lui recéder, aux o ffres
de lui rembourfer lés fommes qu’il juftifieroit
avoir payées ; l’évêque de Liege , ; qui étoit alors
Alexandre, refufa cette reftkution. Renaud lui dé-
Clara la guerre, affiégea & prit la ville & le château
de Bouillon en 1134.
Adalbero II. fucceffeur d’Alexandre, en porta fes
plaintes au pape Innocent II. Il.fit même deux voyages
à Rome pour obtenir l’excommunication du
comte de Ba r, comme raviffeur des biens de l’é-
glife ; Renaud y fut auffi ; mais le pape , après
avoir entendu les deux parties, prononça contre
l’évêque de Liege. Il falloit que fa caufe fût bien
injufte, dans un tems oit les privilèges de l ’églife
étoient portés au plus haut point, & oh la moindre
atteinte contre fes droits 6c poflêffions, étoit
punie des anathèmes les plus effrayans. L’évêque de
Liege , abandonné par le pape, fe pourvut vers
l’empereur Conrard III. mais avec auffi peu defue-
cès ; tous ces faits font puifés dans les écrivains Liégeois
, favoir ; Ægidius aurece Vallis in vita Adal-
beronis II. Alberic dans fa Chronique , en 1-141 ; Ni-
colaus canonicus Leodienjis in triumpho Sancli Lamb.
& c . Ils finiffent ainfi le compte qu’ils rendent de
cette difeuffion : quapropter epifeopus , fecundo re-
diit inejicax , nec apud regem jujlitiam , nec apud vi-
carium S. Pétri ullam confecutus mifericordiam, & quiet
deerat ei apojlolica regalifque jujlitia , arrnis Bullo-
nium cajlrum repetere Jlatuit.
Ces mêmes écrivains nous apprennerit qu’Adal*
bero fit alliance avec le comte de Namur, & quelques
autres grands feigneurs fes voifins, qu’ils vinrent
mettre le fiege devant Bouillort ; 6c que défef-
pérant de parvenir à fe rendre maîtres du château y
Adalbero fit venir de Liege la châffe de S. Hubert.
qu’après une proceffiçn bruyante à l’entour du château
, il fut pris miraculeufement en 1 141. Il ne falloit
rien moins qu’un tel prodige pour légitimer fes
prétentions*
L’hiftoire ne fait pas mention du tems auquel les
évêques de Liege en furent dépoffédés. On voit feulement
qu’en 1435 » ^ean Detos, feigneur de Heinfi
bergues , étoit duc de Bouillon ; il efi nommé en.
cette qualité, entre les princes qui, la même’annéè,
accompagnèrent Philippe le B on , duc de BourgoJ
gne , au traité d’Arras. Olivier de la Marche, dans
fes Mémoires, en parlant de ce traité fait entre Charles
VII. & le duc de Bourgogne, «-apporte qu’à cette,
convention 6c affemblée faite à Arras , de la part de
monf. de Bourgogne, il y fut en perfonne, y étant
accompagné du duc Arnould de Gueldre , de l’évêque
de Liege, du duc de Bouillon, qui fe nommoit
de Heinsbergues, de Jean Monfieur, héritier du duc
de Cleves ; Pontus Heult. Rerum Burgund. , dit Phi-
lippum fequebatur Arnoldus Gtldrice dux , Bullonis
dux , Joannes filius natu maximus ducis Cliviez, A n tilles
Cameracencis & Leodienjis. Suffrid , Cronic. duc.
Braban. & en l’Hijloire des évêques de Liege, fait fou-
vent mention de ce Jean de Heinsbergues , qu’il appelle
excellentifjimum principem, & remarque- qu’en
1411 , lui 6c fes enfans , entre lefquels étoit l’évêque
de Liege, firent un traité de paix avec le duc
de Brabant.
Après ce Jean de Heinsbergues , il paroît que le
duché de Bouillon paflà à Robert de la M arck, premier
du nom.
En i4 86 , Robert II. fon fils , duc de Bouillon,
ayant eu quelques difeuffions avec Maximilien, archiduc
d’Autriche, fe mit avec fes places, fous la
protection de Charles VIII. lequel, par fes lettres
du 13 juillet de la même année , promit de l’aider
& fecourir comme les feigneurs de fon propre fang
& lignage , contre tous ceux qui voudroient lut
faire la guerre , entr’autres contre l’archiduc d’Autriche
; & s’engagea de ne faire aucun traité fans l’y
faire comprendre.
Cette proteCtion n’empêcha pas que l’archiduc
ne vînt affiéger Bouillon, 6c s’emparer du duché qu’il
garda jufqu’après la paix de Senlis, faite en 1493 •;
entre Charles, VIII. & Maximilien, devenu roi des
Romains , 6c Philippe , archiduc d’Autriche , fon
fils. Par ce traité de pa ix, dans lequel Robert de
la Marck, duc de Bouillon, fut compris, on convint
que tous ceux qui avoient fervi en cette guerre , de
part & d’autre, rentreroient en la jouiflance de leurs
terres & feigneuries, pour en jouir comme ils en
jouiffoient avant l’empêchement furvenu, à caufe
des guerres depuis l’an 1470.
Il furvint apparemment quelques nouvelles difficultés
entre l’archiduc & le duc de Bouillon, car le
traité de Senlis n’eut fon entière exécutiçn à leur
égard, qu’en conféquence d’un autre traité particulier
, fait entr’eux le lyDécembre 1496, par lequel
il fut fpécialement convenu qu’en fuivant la paix
de Senlis, ledit Robert de la Marck feroit réintégré
ès terres & feigneuries de Florenges & comté "de
Ch in y, & auffi de la terre & feigneurie de Bouillon
, ce qui fut exécuté, & le traité de Senlis depuis
confirmé & ratifié après la mort de Charles VIII.
par le roi Louis XII. fon fucceffeur, par traité fait
à Paris le z août 149S*
L ’année d’auparavant , il y avoit eu un autre
traité de paix , entre le duc de Lorraine & ce même
‘Robert de la Marck, duc de Bouillon, conclu par
l ’entremife de Louis XII. qui pour cet effet leur avoit
envoyé le-maréchal de Vaudricourt.
Au traité de Cambrai de l’an 1508, entre Louis
XII. l’empereur Maximilien I. & Charles, archiduc
d’Autrichè , le même duc de Bouillon eft compris
parmi les alliés & confédérés de la France.
En 1518, le même duc de Bouillon, & Evrard de
ia Marck fon frere, évêque, de L iege, firent un traité
de confédération & d’alliance défenfive, avec Charles
d’Autriche , roi d’Efpagne, à S. T ro n , le 27
avril.
Enfin, il fit un traité d’alliapce avec François I. à
Remorentin , le 14 février 1520.
C’eft ce dernier traité, & comme nous l’avons ci-
devant d it, un jugement rendu par la cour fou-
veraine de Bouillon, contre Emeric, feigneur d’Hier--
g e s , protégé par Charles V. qui occafionnerent la
première guerre eÉlire cet empereur & François I.
, En 1Ç21, Charles V* envoya le comté de Naffau
à la tête d ’une armée, pour s’emparer du duché de"
Bouillon. Il affiégea & prit la ville & le château ; il
ÿ fit mettre le feu après les avoir pillés ; & en 1322,
il donna ce duché à l’évêque de Liege, qui étoit refté
fon allié en Conféquence du traité de 1518.
Le maréchal de la Marck le reprit en 15,52, M-. de
Thou , la Popliniere, Belieferet, Dupleix, 6c après
ëuxMezerai, rapportent unanimement que dans le
tems des conquêtes que fit l'armée d’Henri II. le
maréchal de la Marck, qui étoit Robert IV. duc de
Bouillony jugeant que 1’öCcafion étoit favorable pour
recouvrer fon duché de Bouillon ( dont ., fuivant les
mêmes auteurs, le maréchal étoit le véritable feigneur
& propriétaire ) , il flipplia lé roi de l’aider à
le reprendre, que le roi lui prêta 4000 hommes d’infanterie,
1200 chevaux, & quelques,pièces d’artillerie
, dont il fe fervit avec tant d’adreffe & de-valeur
, • qu’il reprit la ville & le château j & enfiiite le
refte du duché', trente ans après que fon aïçul. en
avoit été dépouillé par Charles V . qui l’àvoit donné
à l ’évêque de Liege.
: Depuis 1552., le maréchal de la M arck, & Robert
fon fils & fon fucceffeur, pofféderent ce duché ju^
qü’en 1559.
Mais Philippe II. roi d’Efpagne , ayant infifté lors
des conférences tenues pour parvenir au traité de;
Câteau-Cambfefis , à ce que le château de Bouillon
fût remis à l’évêque de Liege, en l’état qu’il étoit
avant le commencement de la guerre., çette reftitu-i
tibn fut proinife par Henri II. qui en écrivit à là du*
cheffe douairière de Bouillon, le 25 mars 15 58, en là
» priant, pour l’amour de lui & pour ne pas empê-
» cher la paix, de vouloir bien fe prêter à la remife
» de ce duché, lui promettant qu’il lui en feroit, à
» elle & à fes enfans, fi bonne & honnête récom-
», penfe, qu’ils auront jufte caufe & occafion de eux
» demeurer contens & fatisfaits. « Le roi né s’en tint
pas à cette feule promeffe, il en fit expédier un bre*
vet en forme, fous la même date , tant il étoit per-
fuadé de la légitimité des droits de la maifon de
Bouillon fur ce duché.
La ducheffe de Bouillon fe rendit à ces inftancès £
à condition cependant que les droits de fes enfans ,
tant pour raifon de la propriété de ce duché, qu’à
caufe des fommes à eux dues par les communautés
du pays de Liege , feroient réfervés pour être jugés
par des arbitres. Cela fut ainfi convenu par l’ârticlé
14 de ce traité conclu en 15 59;
Charlotte de la Marck, feule héritière de la branche
aînée de fa maifon , époufa en 15 9 1 , Henri de
la Tour d’Auvergne , vicomte de Turenne , auquel
elle apporta en d o t , les fouverainetés de Sedan &
Raucourt , & fes droits fur le duché de Bouillon ;
elle mourut quelques années après j ayant inftitué
fon mari pour fon héritier.
L’evêque & les états de Liege ayant toujours rè-*
fufé de convenir d’arbitres avec la maifon de Bouil-
Ion9 ainfi qu’il avoit été réglé par le traité de Câteau-
Cambrefis , il fut ftipulé , par celui de Vervins eii
1 5S>8 > qu’il en feroit nommé dans fix" mois : cette
ftipulation refta encore fans effet, malgré les foincitations
des ducs de Bouillon.
Dans le nombre des mémoires qu’ils firent imprimer
, il y en .eut un , intitulé : Difcours des.droits &.
prétentions de Frédéric-Maurice , premier du nom i duc.
de Bouillon ( i l étoit fiis.de Henri de la Tour d’Auvergne
) , contre l'évêque & le chapitre de Véglife de
Liege,y & les états & communautés dudit pays » imprimé
pour la première fois en 1636, & remis, fuivant une
note en marge au chapitre de Liege, le 16 décembre
de la même année.
Ce mémoire fit plus d’effet que les précédents *
il amena le chapitre & les états à tranfiger avec cé
prince., fur les créances qu’il avoit à exercer contre
eux. La tranfaétion eft du 3 feptembre 1641.
Nous avons fous les yeux cette tranfaction , êt.
le mémoire de Frédéric-Maurice , fur lequel elle intervint.
Ce mémoire contient deux parties. Dans la pçe-1
miere , Frédéric-Maurice. établit fes droits de propriété
fur le duché de Bouillon, contre l’évêque de
Liege ; la fécondé contient un état détaillé de toutes
lés créances ,de fa maifon, furies états & communautés
du pays de Liege.
L’évêque de Liege, ni les,états , lié voulurent en-1
trer dans aucune explication fur la première partie
du mémoire , relative à ia propriété du duché j
auffi la tranfaction n’en parle-t-,elle.pas, directement
ni indirectement, les états fe bornant à difeuter les,
différens objets de créances., tels qu’ils étoient détaillés
dans, la fécondé partie du mémoire du duç de
Bouillon. Les parties arrêtèrent de concert> que toutes
ces creances feroient réduites à- une fomme de
150006 florins, quoiqu’elles èxcédaffent 269,000 flo*
La tranfâÇtion ne pqj tëagu^. fur ce feul .& unique
objet ; on y ftipule quë c’eft pour l’extinction de
toutes les prétentions que le prin.ee d,e Sedan peut
avoir contre lefdits états , ou.aucuns membres dJi-
çeux, réfukâns.& provenans des.obligations & titres
rappèllés..êri ladite tfanfaCtion ; on n’y dit pas un mot
de la ceffipri du duché de Bouillon , ni des droits de
foiiveraineté fur ce duché (comme quelques auteurs
modernes l’ont; p.rétçndii ) parce qu’il n’en étoit pas;