
qui ne laiflbit, échapper aucune occafion de fie rendre
agréable aux ortodoxes, fit voeu de bâtir une
églife dans Paris, fous l’invocation de S. Pierre Sc
de S. Paul. On publia les plus expreffes défenfes de
commettre aucunes-violences contre les perfonnes
dévouées au culte des autels : on n’a point d’exemple
de la difcipline qui fut exercée dans cette guerre ;
Clovis tua de fa propre main un foldat pour avoir
pris un peu de foin fur terre ennemie. Les ortodoxes
intérefîes aux profpérités de fes armes , érigerent
en miracle tous les événemens de cette campagne :
une biche, fans doute effrayée par le bruit de la multitude
, traverfe la Vienne àl’inftant que l’armée fe pré-
paroit à paffer cette riviere ; c’étoit une biche envoyée
par le ciel pour leur indiquer un gué : l’air paroilfoit
enflammé du côté de l’églife de Saint-Hilaire de Poitiers;
c’étoit une marque de la proteâion du faint
qui avoit conjuré la ruine des Vifigoths , parce qu’ils
étoient Ariens. Cependant Clovis avançoit toujours,
précédé par le bruit de ces miracles qui probablement
ne furent pas les feuls. Alaric ne fe diffimuloit
point fon infériorité devant des troupes continuellement
exercées Sc aguerries par une infinité de combats
Sc de victoires. Il eût bien voulu tirer la guerre
en longueur : ilfaifoit une retraite vers l’Auvergne ;
mais ayant été forcé de s’arrêter dans les plaines de
Vouillé , fon armée fut taillée en pie.ce lui-même
périt de la main de Clovis , après avoir fait la
plus belle défenfe. La foumiffion de l’Albigeois,
du Rouergue , du Querci, de l’Auvergne, du Poitou
, de la Saintonge Sc 4U Bonrdelois, fut le fruit
de cette viâoire ; il ne refta plus aux Vifigoths de
leur domination, en deçà des Pyrénées, que la
ville Sc le territoire de Narbonne , oit ils proclamèrent
G efalic, fils du feu roi. Clovis dans tout le cours
de fon régné, qui ne fut qu’un enchaînement de
guerres, n’éprouva qu’une feule défaite ; & ce fut
îbba , général de Théodoric, qui eut la gloire de la
lui faire effuyer.
. Clovis reçut à Tours des ambaffadeurs de l’empereur
d’Orient : ils venoient le féliciter de la part de
leur maître , fur la gloire de fon régné. Anaftafe lui
envoyoit les ornemens de patrice , Sc des lettres qui1
l’invitoient à en prendre le titre ; on lui donna dès-
lors les noms pompeux de conful Sc d'augufle. C ’eft
ainfi que les empereurs , trop foibles pour dominer
dans les Gaules, ne négligeoientrien pour y confer-
ver un refte de refpeâ: pour leur dignité , en y fai- J
fant revivre les mêmes titres qu’avoient portés ceux *
qui les avoient gouvernés dans le tems de fon plus
grand état.
Jufqu’ici Clovis a figuré en prince auquel on ne
peut reprocher qu’un excès d’ambition. Maintenant
il va paroître en allié barbare Sc fans f o i , en parent
dénaturé. Les François étoient encore divifés en
plufieurs tribus : Clovis étoitbien le général commun
de toute la nation ; mais il n’étoit pas l’unique roi.
R egnacaire régnoit dans le Cambrefis ; Sigebert dans
Cologne ; Riguiomer, dans le Mans; Cararic, dans
une partie de la Flandre : plufieurs autres parens de
Clovis poffédoient, en pleine fouveraineté, d’autres
états moins confidérables. Clovis avoit vécu juf-
qu’alors dans la plus grande intimité avec tous ces
princes ; il en avoit tiré de puiffans fecours ; la ré-
folurion fut formée de les facrifier à la grandeur de
fes fils. II engagea le fils de Sigebert à l’affaffiner ,
& le fit affaffiner lui-même lorfqu’il eut confommé
cet horrible parricide. Devenu maître, par trahi-
fon, de la perfonne de Cararic, il l’obligea de fe
faire prêtre lui Sc fon fils , Sc les fit auffi-tôt maffa-
c re r, fur le foupçon qu’ils méditoient une vengeance.
Il entra ehfuite dans le royaume de Cambrai, où
Regnacaire lui fut liv ré , pieds Sc poings liés, par
des traîtres qu’il avoir corrompus. « As-t,u fait ce
tort à ta race, dit-il en apoftrophànt ce prince'
de te laiffer ainfi lier comme un efclave , Sc ne
devois-tu pas prévenir cette honte par une mort honorable
» ? II n’avoit pas fini ces mots qu’il lui ouvrit
le crâne d’un coup de hache. « Et to i, ajouta-t-il en
fe tournant vers Riquier, frere de ce prince, fi tu
avois défendu ton frere on ne l’auroit pas lié de cette
forte ». Il lui fendit également la tête. Riguiomer Sc
tous les autres princ.es qui avoient quelques prétentions
au titre de roi, périrent par ces lâches moyens.
Voilà quelles furent les principales aâions de Clovis'
premier roi chrétien : la religion s’honoreroit plus
d’avoir fait fa conquête s’il fe fût montré moins féroce
Sc moins barbare , Sc l’on auroit plus de foi aux
miracles dont les hiftoriens ont cru devoir embellir fon
hiftoire. On a demandé la raifon pourquoi ce prince
commit plus de crimes après fa converfion qu’aupa-
ravant ? Si l’on fait attention qu’ils étoient moins un
effet de fon cara&ere que de fa politique , on pour-
roit croire que cette raifon vient de ce qu’il n’avoit
point encore les mêmes motifs. Peut-êtrè cependant
la religion mal-entendue y eut-elle quelque part : le
chriftianifme annonce un dieu qui punit ; mais un dieu
qui pardonne. Un feul mot d’un de fes miniftres fuffit
pour effacer les fouillures de la vie la plus longue Sc
la plus criminelle, mais feulement à ceux qui font touchés
d’un fincere repentir. L’idolâtrie a’offroit pas
cette confolation ; un païen pouvoit trembler dans
fa vieilleffe, dans la crainte d’être puni pour des crimes
commis dans fon enfance. Clovis mourut l’an
511 , âgé de quarante-cinq ans , dont il avoit régné
trente : il laiffoit fix enfans, deux de fa première
femme , T hierri, qui fut roi d’Auftrafie ; Sc Theudi-
childe qui fut mariée au roi de Vofnes, nation
Saxonne , qui fubfiftoit alors Sc qui ne fubfifte plus.
: De ceux qui lui donna Clotilde, fa fécondé femme,
quatre lui fur vécurent, Clodomir, Childebert, C lotaire
Sc Clotilde. Son corps fut porté dans la nou-
velle églife qu’il avoit fait bâtir pour accomplir le
voeu qu’il fit en partant pour la guerre contre les
i Vifigoths. On lui doit plufieurs fondations pieufes : il
! les fit pour diminuer l’horreur que la poftérité pou-
yoit concevoir de fes crimes. (M —y . )
Clovis II, douzième roi de France, fils & fuc-
ceffeur de Dagobert I. Voye^ Sigebert II. ( Hiß,
de France. ) Supplément.
Clovis II I , feizieme roi de France, fils & fuc-
ceffeur de Thierri II, occupa le trône depuis l’an 691
jufqu’en 695 , qui fut l’époque de fa mort. Pépin ne
J l’y plaça que parce qu’il voyoit encore du danger à
s’y placer lui-même ; mais il ne lui laiffa que l’ombre
de la royauté , dont il fe réferva toutes les prérogatives.
Il lui étoit d’autant plus facile de fe revêtir de
fes dépouilles, que le jeune monarque n’étoit point
en état de les défendre : il avoit dix à onze ans lorfqu’il
parvint au trône, Sc quatorze à quinze lorfqu’i!
mourut. Voye^ Pépin ( Hißoire de France. ) Supplément.
( M—Y.y
C LU N Y , ( Geogr. Hiß. Eccléf. ) Cluniacum fur la
Grône, ville du Mâconnois : ce n’étoit qu’un village
lorfque Bernon, abbé de Gigni, y fonda une célébré
abbaye en 9 10 , des libéralités de Guillaume I ,
duc d’Aquitaine.
L’églife eft une des plus vaftes du royaume, ayant
600 pipds de long fur 120 de large, Sc une double
çroifée.
Hugues I , duc de Bourgogne , petit-fils de Robert,
roi de France, y prit l’habit de religieux, Sc
Contribua beaucoup à la conftruâion de ce grand
vaiffeau, entrepris par faint Hugues, Sc confacré
par le pape Innocent II.
Cette abbaye a donné quatre papes , Urbain II;
Grégoire V I I , Pafcal II Sc Urbain V. Gélafe I I ,
fuyant la perfépution de l’empereur Henri IV., £s
réfugia
ïéfucfia à Cluny. Sc y mourut ; on voit encore fort
tombeau dans l’églile ; Guy de Bourgogne , archevêque
de Vienne, y fut élu pape fous le nom de
C a lix te ll en 1 i l 9* t x
Innocent IV fe trouva à Cluny en 1242,apres la cele-
bration du premier concile général de Lyon, accompagné
de deux patriarches , de douze cardinaux', de
trois archevêques , de quinze évêques Sc de plufieurs
abbés : le roi faint Louis, la reine Blanche,
fon frere le duc d’Artois Sc fa foetir, l’empereur de
Conftantinople, les princes d’Aragon & de Caftille,
le duc de Bourgogne ,fix comtes & quantité de grands
fei^neurs, s’y trouvèrent en même tems avec une
fuite nombreufe, fans que les religieux, au nombre
tle plus de 5oo,quittaffent aucun des lieux réguliers.
Le tréfor fut pillé jufqu’à trois fois du tems des
■ guerres de religion, les reliques brûlées Sc les châffes
emportées par les huguenots ; l’inventaire du dernier
pillage fait au château :de Hourdon, monte à
plus de deux millions.
La bibliothèque, fort curieufe en manufcrits qui
alloient à 1800 volumes, fut difperfée. Le coeur de
M. de Turenne eft dans une boîte d’or au tréfor,
dépofé par le cardinal de Bouillon fon n eveu, abbé
de Cluny .
Cette abbaye, premier chef d’ordre de la réglé
de faint Benoît, a porté au loin fon nom & fa fplen-
deur, & a» eu dans fa dépendance plus de 2000 mo-
nafteres. Ses premiers abbés, Bernon, Odon, Ai-
mar, Mayeulj, Odillon, Hugues , Pierre le Vénérable
, fe font diftingués par leur favoir Sc leur fain-
teté. Le premier abbé commendataire fut Jean, cardinal'de
lo rra in e , en 1519..... Le commerce de la
v ille , qui a trois paroiffes, eft en gants très-eftimés,
en fils , en toiles & en cuir. ( C. )
C M
CMIELNISKI (B oG D A N ) , Hijloire moderne. lïi(i.
'des Cofaques, hetman ou chef des Cofaques, naquit
dans i’obfcurité ; fon élévation fut la récompenfe de
fes fervices. Il avoit porté les armes comme fimple^
foldât. Son courage l’avoit fait diftinguer de la foule,
fa fortune fut rapide : à peine une belle aftion étoit-
elle payée par un grade un peu relevé, qu’il en faifoit
une fécondé pour mériter un grade plus confidéra-
ble. C ’eft ainfi qu’accumulant toujours par fes fer-
vices les dettes que fa patrie contractait avec lu i,
il parvint au rang de capitaine. Son ambition n’étoit
point encore fatisfaite , il vouloit commander à fes
compatriotes. Ce peuple fuperftitieux Sc barbare
étoit plongé dans la plus profonde ignorance, Sc de
tous les arts cultivés en Europe, ne connoiffoit que
celui de la guerre. • Cmielniski lia cOnnoiffance avec
quelques favans, polit fes moeurs par le commerce
des lettres, Sc acquit bientôt, par fon éloquence ,
un afcendant irréfiftible fur l’efprit de fes compatriotes.
Il étudia enfuite les intérêts des états voifins , le
génie des peuples, les intrigues des cours ; & devint
en peu de tems auffi capable de repréfenter fa
nation dans une diette, que de la commander dans
un jour de combat. A la mort de Sigifmond III, on
l ’envoya en Pologne, où il fut bientôt gagner les
bonnes grâces du nouveau ro i, pénétra fes deffeins
fur la Tartarie, Sc lui propofa des vues fi fages. fur
cette entreprife, que ce prince ne crut pas en devoir
confier Inexécution à d’autres maïhs. Déjà tout étoit
prêt pour cette expédition, lorfqu’un événement
imprévu fit évanouir toutes les efpérances du cofa-
que. La nobleffe refufa de marcher. Les puiflances
qui dévoient contribuer à la deftruétion des Tarta-
res , ne purent fournir les fecours qu’on attendoit
d’elles. L’appareil de guerre qui couvroit la Pologne
difparuten uninftant. Si les troupes furent liçentiées.
Tome II,
_ Cmielniski retourna donc dans fa patrie. Ce n’éfoif
ni par amitié pour Uladiflas, ni par zele pour la république
, qu’il étoit entré dans le projet de cette expé-*
dition , il n’avoit d’autre deffein que de fe rendre
redoutable & puiffant. Indifférent fur le choix de fes
ennemis, égorgeant les hommes fans les haïr, Tar-
tare ou Polonois, tout lui étoit égal, pourvu qu’il
eût les armes à la main. Depuis fqn départ de Pologne,
il cherchoit un prétexte pour rompre avec cette
puiffance avec le même empreffement qu’il avoit
marqué pour lafervir. Mais trop foible par lui-même
pour tenir tête à la république, il fe fortifia de l’alliance
des Ruffes fournis à la Pologne : ces peuples
abrutis par un long efclavage, portoient avec peine
le joug Polonois , prêts à le fecouer dès qu’ils trou-
veroient un chef pour la révolte. La nobleffe fui voit
pour eux le fyfteme politique adopté en Pologne,
les tenoit dans un efclavage rigoureux, confommoit
dans la paix le fruit de leurs travaux, Sc prodiguoit
leur fang dans la guerre ; Cmielniski leur promit de
les délivrer d’une domination odieufe, de les faire
rentrer fous l’obéiffance du Czar, ou de leur laiffer
choifir tel chef Sc telle forme de gouvernement qu’il
leur plairoit. Ces magnifiques promeffes tirèrent les
Ruffes de la profonde léthargie oîi ils étoient plongés.
D ’un autre côté , Cmielniski repréfentoit aux
Cofaques que la proteûion que la république leur
avoit accordée n’étoit qu’une tyrannie déguifée ;
qu’elle fe fervoit d’eux pour défendre fes frontières
contre les Tartares ; qu’après tant de fervices impor-
tans, lorfqu’ils s’étoient vus attaqués eux-mêmes
par leurs voifins, la reconnoiffance des Polonois
avoit toujours été ou trop foible , ou trop lente ,
qu’enfin ils étoient affez puiffans pour vivre fans protecteurs
Sc fans maîtres. Ces difcours firent fur l’efprit
des Cofaques le même effet qu’ils avoient fait
fur celui des Ruffes , tout fe fouleva.
Tandis qu’en Pologne on délibéroit'fur èet événement,
qu’on publioit un ban, qu’on fe difputoit fur
le nombre des troupes & le partage du commandement
, le Cofaque alloit chercher un appui dans Cette
même Tartarie où il avoit d’abord voulu porter la
guerre. Le général Potoski fe hâta de prévenir les
effets de cette alliance. Mais il commit, une faute
effentielle. La république avoit confervé quatre mille
Cofaques attachés à fon fervice. Il en forma l’avant-
garde de fon armée. Il avoit eu foin de leur faire
jurer qu’ils mourroient fidelesà la Pologne. Mais ce
ferment ne devoit point raffurer un républicain expérimenté
qui devoit favoir combien un Cofaque eft
peu efclave de fa parole, & combien un homme
libre aime fa patrie. Deux mille de ces foldats s’embarquèrent
furie Boriftêne. A peine eurent-ils perdu
de vue le camp de Potoski, qu’ils jetterent les en-
feignes Polonoifes dans le fleuve, Sc fe rangèrent
fous celles de leurs compatriotes. Cmielniski courut
au-devant de ceux qui eôtoyoient la rive , les fit
rougir de porter les armes pour les oppreffeurs de
leur pays, les ramena à fon camp , Sc tailla en pièces
quinze cens Polonois qui les accompagnoient.
Potoski fentit, maié trop tard, la faute qu’il avoit
commife. Il lui reftoit à peine cinq mille foldats;
l’armée àe^Cmielniski étoit de quarante mille hommes,
Sc grofliffoit tous les jours. Potoski, trop foible
pour tenir tête à tant d’ennemis, fut contraint de
rentrer en Pologne. Son armée précipitoit fa marche
au milieu de fes chariots, qui protégeoient fes flancs
par un double rempart. Elle s’enfonça dans une forêt
épaiffe, dont le fond marécageux rendoit la
route auffi darigereufe que difficile. Les chariots ne
fervôient qu’à redoubler le défordre. Les rangs
étoient rompus à chaque pas. La forêt retentiffoit
de cris mêlés au bruit des coups de haches. Chacun
fongeoit à fon falut, perfonne ne s’occupoit de celui