
C’eft vous que j’aimerai alors, cedres immortels,
dont les branches fourrées nagent dans les airs comme
des nuages 1 genévriers qui laiffez tomber négligemment
vos rameaux ! cyprès dont les cimes pyramidales
vaeilent fans cefl'e ! & vous, arbres de vie, qui
flottez comme des étendards ! magnolias,dont les feuilles
prodigieufes s’étendent & brillent comme des fers
de lance ! vous aufli, fapins, dont les fléchés partent
fièrement des étages réguliers qui les appuient ! venez -
groupper dans ce payiage, il recevra l’effet de fon
coloris des tons variés de vos vérds fombres ou
mats ; les tons plus fuaves & plus herbacés y je t teront
les jours ; les branches revêtues de feuilles
amples & pleines s’y mêlent parmi les brofles bleuâtres
de celles des pins ; celles-ci vont croifer ou plonger
devant les blocs obfcurs des ifs ; d’autres plus
légères voltigent en banderolles auprès de ces touffes
épaiffes qui f’e relevent comme les pans d’une robe
enflée d’air ; ainfi on'fait jouer les formes & badiner
les accidens ; ainfi un pinceau mâle, par l’enchantement
des oppofitions, prête de la fraîcheur à la verdure
, donne de l’ame à l’enfemble & aux regards des
détails précieux.
De hautes tentures d’épicéa, élevées dans le fond,
feroient valoir ce camaïeu ; elles en détaeheroient
à la vue le nacarat des buiflons ardens,& les colliers
de corail qui preffent les rameaux des houx, dont
les feuilles vernies font bordées ou jafpées d’o r ,
d’argent & de pourpre : vers les milieux des paravents
de thuya, fur les devants, des murs d’appui de
fabine où d’alaterne garantiroient les arbultes les
plus tendres & les plus rares : on les difpoferoit par
r£hg de taille, afin de les dégrader en amphythéâtre.
Point de limites marquées à ce bofquet, prolongez
fes allées, reculez quelques unes de ces maffes jufque
dans les campagnes ; qu’il femble en un mot que la
nature en fit les frais, & que l’induftrie-y a feulement
laifle tomber un coup d’oeil complaifant : jon-
chez-y la terre de fleurs hivernales ; les ellébores,
les iris de Perfe feront mieux faifis par la v u e , s’ils
entourent des buiffons toujours vefds ; la pervenche
rampante aura grâce à feftonner les boulingrins.
L à , fous des berceaux de lierre, ou fous la coupole
des cedres, je braverai le foleil dangereux de
mars , lorfqn’il régné ailleurs en tyran: l’illufion me
tranfportera aux fcenes riantes de la belle faifon,
& réveillera jufqu’au gazouillement des oifeaux:
j ’imaginerai le printems: que dis je ? les froides
décorations de fhiver m’y donneront une forte de
plaifir. Après le givre, les lames de frimats fortent
en étoile de toutes les feuilles ; la glace, y reçoit
toutes les formes : certaines branches, s’élèvent
comme des faifceaux de verre, & d’autres pendent
comme des luftres : je crois me promener dans un
bofquet de cryftal jufqu’à ce que le foleil diffipant ces
légères congélations, ait fait reparaître; comme
par un coup de féerie, la verdure qu’elles cachoient.
Elle n’eft pas le feul agrément des arbres qui la
confervent ; ils forment des maffes oit l’oeil fe repofe,
ils brifent aufli l’impétuofité des tempêtes. Ailleurs
les vents fifïlent & s’irritent entre les rameaux dévêtus
; ils rafent la plaine dénuée oh les yeux errent
triftement parmi les ombres qui fuient : ici je jouirai
d’ün climat doux, au milieu d’un élément fougueux ;
j’y viendrai contempler la majefié du ciel, refpirer
l ’encens des réfines, & méditer fur des fujets graves
au jour argenté de la lune : aux derniers momens de
l’hiver, j’y attendrai plus doucement le retour du
zéphyr. Heureux qui pourroit ainfi couler paifible-
ment fa vie dans le courant des faifons, & apprendre
de la nature fi libérale & fi variée dans fes bienfaits,
à l’imiter en faveur de fes femblables. ( M. le Baron
DE TSCHOUDY.)
* § BOSRA, ( Géogr. ) nommée Bujferet. . . . &
Buffereth^ ville d’Afie.. . . font la même ville ; & pour
avertir de l’identité, on auroit dû renvoyer de Buf-
fereth à Bofra. Elle fe nommoit encore Bofor, Boßres,
Bojfereth, Becerra, Corne & même Barafa ( Vcyeç
ci devant Barasa dans cê Suppl.'), quoique Sanfon,
dans fa carte du patriarchat de Jérufalem , diftïngue
Becerra & Corne de Boßres. Lettres fur £ Encyclopédie.
BO T , f. m. ( Hiß. nat. Ichthyologie. ) nom que les
Hollandois des îles Molnques donnent à une efpece
de poifïon dont Coyett a fait peindre une bonne
figure qui a été gravée & enluminée dans la première
partie de Ion Recueil despoiffons dAmboint,
n°. 2. .
Ce poilTon eft petit, il a le corps très-court, extrêmement
applati, ou comprimé par les côtés ; la
tête, les yeux & la bouche petite.
Ses nageoires font au nombre de fept, favoirj
deux ventrales petites, fous les deux peélorales qui
font aufli petites, triangulaires ; une dorfale, comme
fendue en deux, plus haute devant que derrière ;
une derrière l’anus, aufli profonde que longue, &
une à la queue qui eft tronquée Ou quarrée.
Ses nageoires font cendré-noires ; fa tête cendre-
bleue; fon corps rouge-incarnat, moucheté agréablement
de petites taches rondes blanches. Là prunelle
de fes yeux eft noire, entourée d’un iris blanc-
argentin.
Moeurs. Le bot eft commun dans la mer d’Am-
boine, autour des rochers.
Qualités. Il eft de bon goût & fe mange.
Remarque. Ce poiflon doit former un genre particulier
dans la famille des remores qui ont .la queue
quarrée ou tronquée. ( M. A d a n s o n . )
§ BOTANIQUE,(Onfo Encyclopédique. Science de
la nature. Science des végétaux.) (Nous donnerons ici
,1e plan du travail de la Botanique pour ce Supplément
au Dictionnaire raifonné des Sciences, Arts & Métiers ,
par M. le Baron de Tfchoudi , pian bien conçu ,
artiftement lié, & favamment exécuté. L’expofition
qui va' fuivre eft de l’auteur même ).
Jufqu’à préfent perfonne n’a donné dans un feul
traité l’enfemble de la Botanique ; il fera bien plus
difficile de le préfenter dans cet ouvrage-ci: le fuccès
de cette entreprife dépend d’une idée claire de ce
que doit être un Dictionnaire des fcrences, pour
avoir toute l’utilité dont il eft fufceptible.
On s’eft plaint fouvent avec raifon , de ce.que
l’ordre abécédaire interrompoit ce fil qui tient toutes
les parties d’une fcience dans une dépendance mutuelle
, brifoit ce rayon de lumière qui les pénétre,
qui fe nourrit de leurs reflets, & qui s’accroiflant
toujours dans fa marche, devient enfin capable d’éclairer
tout le globe de la fcience , & de montrer
même au loin fes terres inconnues.
Point de fcience en effet qui ne confifte dans une
fuite de rapports intimes , dans une chaîne de con-
féquences nées des principes élémentaires , & devenant
elles-mêmes principes les unes des autres.
Mais pour unir les parties d’une fcience , eft-il
befoin que cette chaîne inveftiffe un efpace régulie
r , ou peut-elle les embrafTer en ferpentant, pour
ainfi dire, dans les détours de la marche alphabétique?
C ’eft à quoi fe réduit la queftion.
Elle fera bientôt réfolue , fi l’on confidere que
le traité le plus méthodique doit être néanmoins
réduit fous différens chefs, non-feulement pour fou-
lager la mémoire & l’attention , mais encore pour
faire fentir finon les paufes, du moins les nuances'
& les paflages qui fe trouvent entre certaines collerions
d’idées.
Que ces divifions foient contiguës ou non , il
n’importe, pourvu qu’on les puiffe trouver & ranger
aifément ; mais ce qui importe beaucoup , c’eft
qu’elles confervent entr’elles les rapports convena*
blés ; d’où il fuit que les articles d’une fcience
traitée dans un Dictionnaire, doivent être , autant
qu’il eft poffible, compofés par le même auteur, ou
dii moins fur un même plan.
Bien plus > cet auteur doit travailler fur le même
cannevas dont il fe ferviroit pour faire un traité
complet, & fes articles rapprochés & rangés doivent
en former un en effet.
En un mot un Dictionnaire mal fait eft un édifice
mutilé ‘ il faudrait le rebâtir , & même fes ruines
ne pourraient guere fervir.à le reconftruire; Au
contraire un Dictionnaire bien fait reffemble à ces
pièces de menuiferie dont toutes les parties ayant
leurs proportions , leurs joints > leurs entailles,
peuvent être féparées fans inconvénient : pourvu
qu’elles foient numérotées , un inftant fuffit pour
les raffembler.
Mais, dira-t-on, eet affemblage ne peut fe faire
que par une main un peu exercée ; c’eft-à-dire, que
le meilleur Dictionnaire ne convient qu’à ceux qui
ont déjà fait leur entrée dans une fcience , & qui
en ont parcouru l’enceinte au moins une fois.
Quand cela feroit entièrement vrai, un tel ouvrage
ne laifferoit pas d’avoir une grande utilité ; mais ne
conçoit-on pas que nonobftant 1 ordre alphabétique,
une fcience puiffe avoir en quelque forte dans un
article dominant un centre auquel , par des renvois
bien ménagés , -qui feraient comme autant de
rayons, il fût aifé de retourner de leurs points de la
circonférence, j’entends de tous les articles furbor-
donnés.
Telle eft l’idée qui doit être l’ame du travail dont
nous allons crayonner l’éfquiffe.
La Botanique bien entendue comprend la nomenclature
, l’hiftoire naturelle, la phyfique, la culture
& l’ufage des plantes ; elle a fous fes loix l ’agriculture
& le jardinage.
Malgré fes variétés & fes abus, la nomenclature
pourroit peut-être devenir une fcience exaCte : e’eft
ce qu’il faut examiner dans l'article général Méthode,
qui doit dépendre de 1*article PIante. Dans le premier
il fera aifé de "faire fentir combien il eft difficile
de renfermer la chaîne des êtres dans ces cadres
appellés fyfiêmes, fans iui faire trop de violence,
& fans la morceler ; mais en même tems combien
l ’çfprit de l’homme a befoin d’être aidé par des divifions,
pour pouvoir s’élever à une vue générale de
la nature. . . ,
Les variétés des dénominations genériqués, les
fynonymes fe trouveront chacun à leur place dans
l ’ordre alphabétique, avec des renvois aux noms
fous lefquels les plantes feront traitées ; & les phrafes
que différens auteurs ont données à la même efpece
feront tranfcrites dans les articles particuliers, toutes
les fois qu’on le jugera utile. C’eft un devoir que
de relever les erreurs qu’on pourra difeerner : ii les
faut extirper du champ d’une fcience avant de le
cultiver.
Lorfqu’une plante a un nom générique françois ;
elle doit être traitée fous ce nom, à moins qu’il ne
foit équivoque ou trivial, dans ce cas la dénomination
latine fera préférée*
Les phrafes font la partie ia plus effentielle de la
nomenclature : elles doivent préfenter en abrégé la
fomme des différences d’une efpece d’avec toutes
les efpeces du même genre ; celles de Linnæus font
ordinairement plus précifes que celles des autres
auteurs ; dans Tournefort elles ne portent te plus
fouvent que fur le nom du pays de ia plante, ôu
fur celui du botanifte qui l’ à découverte.
Cependant nous ne pouvons le déguifer , les
phrafes mêmes de Linnæus ne font pas exemtes de
défauts ; le grec latin dont elles font compofées^
Tome II.
n’eft pas à la portée des latiniftes ordinaires, fbuvent
ils ont même bien de la peine à devinerdes adjeélifs
à racine latine qu’il lui a plu de eompofer : & quoi*
qu’à certains^égards il ait fallu plier le latin au langage
de la Botanique, nous penfons qu’à d’autres
égards il a abufe de la docilité de cette langue.
C eft moins encore pour parer à cet incohvénient
que pour naturalifer la Botanique dans notre idiôme*
que nous donnerons d’abord des phrafes françoifes
des efpeces. Nous ne nous flattons pas qu’ elles feront
parfaites ; ii a failli quelquefois traduire les phrafes
latines ; & notre traduftion fe fentira de leurs défauts
; d’ailleurs notre langue n’ayant été encore
employée que fort peu à cet ufage , nous l’avons
fouvent trouvée pauvre ou rebelle ; quelque répugnance
que nous ayons à faire des mots, nous avons
été obligés d’en eompofer. Et quoique nous ayons
confulté dans leur conftruttion les réglés de 1a néologie,
ils auront fans douté l’air étrahgér ; tant qu’ils
ne feront pas accueillis ; mais la néceffité plaide,
ce me femble, très-fortement en leur faveur ; à leur
défaut, nous n’aurions pu conferver la coupe des
phrafes botaniques, ni éviter les longueurs qui leâ
euflent fait dégénérer eh deferiptiohs.
Les phrafes de Linnæus, de Miller & de différens
Botaniftes que nous avons çonfiiltés, nous ont parti
pécher dans une partie efîentielle : quelquefois elles
portent feulement fur le cara&ere des fleurs &c des
fruits, ce qui met le cultivateur dans le cas d’attendre
nombre d’années pour dertairtés efpeces dont
la floraifon eft tardive ; avant qu’il puifle , eh les
Confrontant avec leurs phrafes, les recohnoître aux
lignes qu’elles préfentent. Lors donc que nous pouvons
faifir dans les feuilles ou dans, quelqu’auîré
partie des plantes aufli précoces & plus confiantes
encore un carattere diftinftif fuffifant j nous en com^
pofons des phrafes que nous donnons pour des
eflais ; elles feront marquées des lettres initiales dé
ces mots Horti Colùmbceani,
.Si la langue des Anglois nous eft utile, c’eft p a r ticuliérement
parce qu’elle nous otiyre les tréfors
d’Agriculture ôc de Botanique , que ces laborieux
infulaires ont obtenus de leur attachement aux ri-
chefles réelles de la nature, attachement qui a éclaté
chez eux, bien avant que les autres nations euflent
tourné leurs regards vers cet objet intérelfant.
Nous donnerons donc, d’après Miller, les phrafes
angloifes des plantes ; les mots deferiptifs &: techniques
dont elles font eompoféeS,-pourront aider à
l’intelligence de cet excellent auteur, &c mettre les
curieux à portée de défigner en anglois lés plantes
qu’ils voudront demander en Angleterre* L’allemand
eft moins utile aux, Botaniftes , aufli nous content
. terons-nous de donner les noms génériques dans
cette langue.
La dénomination du gehfe rie préfente à. l’ efprit
que l’idée générale de l’exiftenee,d’une plante ou dé
plufieurs qui ont enfemble plus de rapports qu’elles
ne different entr’elles. Lorfque le caraélerè générique
eft bien tracé, il annonee les traits de refl'em-
blance des efpeces rangées fous cette colleâion
avec la différence effentielle de ces traits communs j
d’avee ceux de tous les autres genres. Lenôm.fpé-*
cifique, nous l'avons déjà dit, défigne la différërice
d’une efpece d’avec toutes celles du mêriie genre*
Telle eft la nomenclature^, e’eft l’inventaire & là
notice du régné végétal ; elle éveille la euriofité par
les richeffes qu’elle annonee, & conduit à une première
vue des plantes ; mais ce n’eft qu’en les con-
fidérant à plufieurs reprifes, & même en les faifant
cultiver fous fes yeux , qu’ori apprend à les bien
connoître; alors on eft à portée de lés fuivre dans
tous les périodes de leur croiffance,- de faifir les
changemens fucceflifs qu’elles éprouvent , d’épier
D ij