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memes chofes dans les autres briqueteries de France.
La différence qu’il peut y avoir, c’eft que tout le
Travail ne fe fait pas comme ici à découvert ; la table
du mouleur étant placée fous le hangar; le mouleur
outre cela prend la terre fur la table, qui lui éft
apportée là par le rangeur, comme cela le pratique
au Havre. Les briques ne le mettent pas non plus
en haies en plein air ; on les tranfporte quand on
peut lesfoutenir, fous un hangar dont les murs font
percés d’une quantité de trous , d’environ quatre
pouces en quarré, pour que l’air les traverl'e librement
, fans que la pluie puiffe y tomber.
Il y a aufli quelque diverfité dans l’arrangement
des briques qui forment les haies ; mais nous n’entrerons
plus dans aucun, détail à cet égard.
La maniéré de mouler les briques en Suiffe, 6c
de les faire féeher , efl encore différente de ce qu’on
a dit fur ce fujet. La table du.mouleur fe place fous
la halle , près de l’endroit oit l’on a préparé la terre
; elle eft affez grande pour qu’on en puiffe charger
une partie dhme certaine quantité de terre que le
mouleur peut prendre commodément de fa place ,
qui eft à l’angle , ou à l’autre bout de la table. Il a
auflï devant lui une caille remplie de fable, 6c à
côté un bacquet plein d’eau, pour mettre la plane
dedans, 6c pour mouiller le deffus de la brique ,
avant que de palier la plane pour l’unir. La table
étant ainli rangée , le mouleur commence par fau-
poudrer de fable l’angle oit fe place le moule, 6c
un efpace quelconque de la table. Alors il prend au
tas une quantité de terre fuffifante pour remplir le
moule ; il la roule dans l’endroit couvert de fable ,
6c il l’arrondit un peu par ce maniement, après quoi
il la jette avec force dans le moule qu’il remplit
ainfi ; il rafe avec la main le moule pour emporter
Je plus gros de la terre qu’il rejette au tas; enfin il
mouille avec la main le deffus de la brique, 6c il
paffe la plane qu’il tient des deux mains par les bouts
pour l’unir. Il y a un banc à côté de lui, 6c à quelques
pouces plus bas que la table ; le porteur pofe
là-deffus, près du moule, un petit ais, un peu plus
grand que la brique ; il a foin de le faupoudrer de
fable, 6c c’eft là-deffus que le mouleur pofe fa brique
, en tirant le moule de côté fur un ais ; & en le
foulevant, la brique y refte. Mais le moulé en quittant
la brique, éleve tout autour une petite bavure,
c’eft pourquoi le mouleur appuie les bords de fon
moule.fur ceux de la brique, en prenant toujours
deux côtés à la fois, moyennant quoi il la fait tomber.
Le porteur enleve l’ais & la brique ; mais auparavant
il emporte avec un morceau de bois un peu
tranchant, en le paffant légèrement autour dès côtés,
les bavures qui s’y trouvent, & il a eu foin de préparer
aufli une couple de ces petits ais en les faupou-
drant de fable , 6c de les ranger fur le banc à la portée
du mouleur.. Celui-ci, après avoir mis la brique fur
l’ais , plonge fon moule dans le fable de la caiffe, le
remet à fa place, 6c continue fon ouvrage, comme
on vient de le dire.
On ne fait féeher en Suiffe ni briques, ni tuiles
à découvert, mais la halle eft faite de façon
qu’on y en peut féeher une grande quantité. C ’eft
un batiment auquel on donne ordinairement une
forme à-peu-près quarrée, quoiqu’il convient mieux
de luidonner celle d’un parallélogrammereftangte oir
quarré long, du double de la largeur, afin que l’air
y circule mieux. On a foin de dilpofer les colonnes
de charpente, enforte qu’il y ait au milieu du bâtiment
unç allée , pour y placer la table du mouleur.
On établira enfuite avec des poteaux d’autres1 allées
parallèles à celles-ci , mais qui n’auront que deux ou
trois pieds de large. On entaille ces potaux, afin de
former des tablettes au moyen de fortes lattes de
&iage placées dans ces entailles, à la diftance de fix
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pouces, fur la hauteur de fix à fept pieds. C ’eft là-
deffus que le porteur va ranger les briques au fortir
de la table du mouleur; comme elles font toutes fur.
des ais ou planchettes, il peut en porter trois à la
fois , une fur la tête & une à chaque main. Une dé
ces allées fuffit pour deffervir les tablettes qui font
aux deux côtés, enforte que l’on peut rapprocher
les poteaux des autres tablettes oppofées à celles-ci ;
ce qui fait gagner beaucoup de place. Pour en gagner
encore plus, on fait un étage fous le toit, dont
on planche les allées de façon qu’on puiffe relever
les planches, quand toutes les tablettes font garnies
, afin de ne pas empêcher l’air de jouer. On
pratique pour celui-ci des lucarnes dans le toit.
Cet arrangement fait que dans un petit efpace, on
peut y féeher beaucoup de briques ; cependant fi le
cas arrive qu’on ait befoin de place pour mettre de
nouvelles planchettes, alors les ouvriers ôtent dô
deffus les tablettes celles qui font les plus feehes i
& ils forment des haies fous le couvert ( à-peu-
près comme on l’a dit précédemment, 6c fans leur
donner autant d’épaiffeur ) , oh elles achèvent de
fecher. On remarquera enfin que la méthode de po-
fer la brique fur jdes planchettes , eft très-propre
pour la conferver droite comme elle eft au fortir
du moule , plutôt que de la mettre fur le terrein qui’
ne peut jamais être bien dreffé.
Après avoir rapporté les differentes méthodes de
préparer la terre, de former & féeher la brique, il
ne nous refte qu’à parler aufli des différentes façons;
de la cuire, 6c c’eft de quoi nous allons nous oc--
cuper.
La brique fe cuit, comme on l’a déjà d it , avec-
du bois, ou du charbon de terre, ou de la tourbe.
Mais ces différentes matières demandent des fours
différens ; nous parlerons d’abord de ceux oh l’on"
emploie du bois, 6c nous commencerons par la1
defeription des grands, tel qu’eft celui du Havre.
Ce four confifte en un bâtiment, dont la partie
qui eft le fou r, eft faite de murs parallèles, dont
l’éloignement eft de quatre pieds : le mur intérieur
doit être de brique. L’entre-deux de ces deux murs>
eft rempli de pierres ou de mauvaifes briques, maçonnées
avec de la terre graffe, pour que le tout ne
faffe qu’un feul corps capable de réfifter à l’aétion
du feu. L’intérieur du fourneau peut contenir cent
milliers de briques.
Cet efpace eft partagé dans le fond par douze files
d’arcades faites de briques; entre ^chaque file, il y a
des maffifs ou banquettes de maçonnerie qui s’étendent
depuis le devant du four jufqu’au rond ; ces
maffifs fe nomment des fommiers ; on commence
donc par bâtir ces fommiers du devant du four jufqu’au
fond ; on bande après cela les arcades qui
n’ont d’épaiffeur que la largeur d’une brique , 6c qui
font éloignées les unes des autres de la longueur
d’une brique ; en arrofant enfuite avec de la brique
le deffus de ces arcades 6c des fommiers, on a les
banquettes , fur lefquelles on arrange la' brique ,
comme on le dira. On donne aux .fommiers une
forme pyramidale, afin que la flamme puiffe traver-
fer entre les cloifons des arcades, 6c que la chaleur
fe répande dans toute l’étendue du four.
Les arcades n’ayant que quatre pouces d’épaiffeur,-
& la diftance entre chaque file étant de fix pouces
on les areboute pour leur donner plus de fblidité
c’eft-à-dire, qu’on les lie les unes aux autres , avec
des traverfes ou languettes faites de briques pofées-
fur le champ. Les files d’arcades répondent à trois;
bouches voûtées, avec des portes que l’on ouvre
ou que l’on ferme pour régler le dégré de chaleur
convenable à la cuiffon des briques.
H y a outre cela deux portés au corps du four,
dont l’upe fert à le charger ; l’autre que l’on tourne
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au nord , fi cela fe peut, fert à retirer les briques
ïôrfqu’elies font cuites. Quand lé four eft plein , 6c
avant que de mettre le feu, ori ferme ces deux portes
avec un finir de briques bôùtiffes , qu’on crépit
& qu’on recouvre d’une couche de terre graffe d’un
pouce d’épâiffcur.
Les petits fours n’ont point de mur extérieur ; on
ne cohftruit qu’un feul mûr auquel on donne trois
pieds d’épaiffeuf ; l’intérieur eft en briqué , 6c on
à nia1 fie extérieurement aux deux tiers de la hauteur
une bonne quantité de terre , afin qu’il cônferve
mieux fa chaleur ; on fortifie apffi quelquefois ce
mur par des contre-forts, & on lés enfonce "en terre ;
mais il faut obfervef que le bas <fu four,étant alors
plus Bas que le niveau du terrein , fera fujet à s’emplir
d’eau dans les teins de pluie ; il vaut donc fiiieux
faire enforte que le bas du four foir toujours plus
élevé que le terrein d’alentour , afin qu’il foit le c ,
& que l’eàu des pluies n’y pénétré jamais.;
Ces petits fours n’ont qu’une grande güeiilé voûtée
en o g iv é; on la nomme bombarde ; un fommier
& deux rangées d’arcades ou arches ; quelques-uns
ont deux fommiers & trois rangées d’arcades,; mais
cela n’eft pas bien, parce qu’on n’a pas la facilité de
jetter le .bois fous les arches.
La bombardé eft précédée d’une grande arcade
que l’on nomme la chaufferie, au milieu de laquelle
eft un ouverture par oh la fumée s’échappe. C’eft
là oh couche un cuifeur , pour être à portée de
veiller pendant la nuit à la ciiite des briques. Ordinairement
il n’y a à ces fours qu’une ouverture ,
pour enfourner 6c défôurner ; lès uns la ferment
avec un mur de brique , comme on l’a dit auparavant,
d’aufres établiffent dans répaiffeur du mur du
four deux parpins de brique , 6c ils renipliffent l’entre
deux avec du fable.
Les arcfiës de la plupart des fours font liées les
unes aux autres, par des briques de champ placées
de diftance en diftance ; enfuite on carrelé le gril
du four avec des briques pofées , ou avec dë forts
carreaux , ayant l’attention de ménager des jours
entré les arcades : ces jours fe nomment des,lumières.
Un four qui a 18 pieds en quarré , doit avoir 70 à
80 lumières au gril. On en conftruit de plus petits
qui n’ont que douze à quinze pieds en quarré, qui
ont des lumières à proportion. Il faut cependant
obferver qu’on ne carrele pas , dans toutes les briqueteries
, le gril comme nous venons de le dire ;
mais on pofe immédiatement les briques fur les
banquettes, en les arrangeant comme on le dira dans
la fuite. La hauteur de ces fours., depuis le gril juf-
qu’en haut, eft égale à leur largeur dans oeuvre.
Quelques-uns de ces fours font couverts au-deffus
par une voûte de brique (comme dans là figure 1 ,
de la planche I I I , du JD ici. raif. des SciencesArcs &
Métiers.') à laquelle il y a de diftance en diftance des
trous ou évents , pour laiffer échapper la fumée :
en ouvrant quelques-uns de ces trous 6c en en fermant
d’autres, on peut diriger l’a&ion du feu dahs les
différentes parties du four : on ferme ordinairement 1
en premier lieu l’évent du milieu pour déterminer j
la chaleur à fe porter vers les côtes.
Les fours qui ne font point couverts d’une voûte,
font ordinairement terminés par deux pointés de
pignon qui fupportent un toit de voliche, pour garantir
la brique de la pluie tandis qu’on charge le
four ; après quoi on l’ôte quand on met le feu au
four.
Il y a quelque différence entre ces fours des briqueteries
ou tuileries de France, 6c ceux des tuileries
de Suiffe. Lapins grande partie des fours de ce pays
font plutôt petits que grands ; il n’y en a aucun oh
l’on puiffe cuire cent milliers de briques à la fo is ,
comme à celui du Havre ; d’ailleurs on n’y cuit jamais
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des briques feules ■; mais la plus grande partie dit
four eft pleine de tuiles, car la conlommalion de
celles-ci eft beaucoup plus grande que des premières
, parce que la pierre propre à bâtir abonde dans
ce pays ; elle eft d’ailleurs de bonne qualité , 6c ne
coûte pas à beaucoup près autant que les briques:
c eft pourquoi on la préféré.
É La différence, dis-je , qu’il y a entre les, petits
tours de Mufle 6c.ceux de France dont nouçyènpns
de parler , confifte en ce que ceux de Suiffe n’ont
pas cette grande' gueulé que l’on nomme bombarde.
Les( deux files d’arçades ont chacune leur bouche
féparce, comme dans lès grands fours dont nous
avons donné d’abord la défeription, cependant avec
cette différence , que celles-ci font formées par une
voûte affez longue. On établit au-deffus du four fur
lés murs, des colonnes qui doivent avoir une certaine
hauteur, afin que le toit qu’ell'es foutiennent,
6c qui couvre le deffus du four, foit affez éloigné
dés briques ou tuiles, pour.que le feu n’y prenne
pas ; car oh ne i ’ôte jamais , 6c tous les fours jen ont.
Les Bouches font renfermées .dans un hangar oh fe
tiennent les ouvriers qui veillent à la cuiffon de la
brique ; tout le refte d’ailfeurs eft toiit-à-fait fem-
blable dans les uns & clans les autres, hormis qu’on
ne carrele jamais &: que l’on ne pratique point de
lumières ; mais“ on arrange d’abord les briques fur •
l’arrafement des banquettes.
Les fours de France ont auftî quelquefois un plus
grand nombre d’ouvertures pour les charger, que
ceux-ci. On commence à charger les premièrs par
lés ouvertures qui font au niveau des banquettes
on enfourne enfuite par la porte , 6c on finit de les
emplir, quand ils font découverts, par le deffus. Mais ;
s’ils lont voûtés, on,ménage tout au haut une fepêtre
par oh on achevé de les remplir. Ceux de Suiffe
n’ont qu’une feule ouverture pour les charger ; elle
eft au milieu du côté du four qui eft oppofé aux.
bouches : elle, cpmmënce à quatre ou cinq pieds
au-deffus de l’arrafement des banquçttes 6c s’étend
jiifqu’au deffus du foiïr. Lorfque le tour eft plein,
on a, foin de fermer , comme nous lavons déjà dit,
toutes cés ouvertures.
Mais avant que. de quitter ce fujet, noîis remarquerons
que l’on ne doit.employer que les briques les
plus rafraéfaires, c’eft-à-dire , qui peuvent réfifter
lé plus long-tems à l’aflion du feu fansfe fondre,
pour faire les arches 6c tout oe qui eft expofé à .la
grande aéHon du feu : car il eft aife à, comprendre
que fi quelques-unes de ces arcades venoient à man-
quer pendant la cuiffon , cela cauferoit immanquablement
beaucoup de défordre dans l’arrangement
des briques au grand préjudice de l’ouvrier.
Voilà ce qui regarde les différentes êfpeçes de four,
ou Ion brûle du bois ; nous allons voir maintenant
comment on y arrange la brique pour la cuire
en 'confiderant d’abord ce qui fe pratique dans les
grands.
Le premier rang s’arrange comme en Ç, figure /, pl.
III- Tuilerie, dans le Dut. raif. des Sciences, 6cc.
c’eft-à-diré que les, briques croifent les banquettes
formées par les arcades ; de forte qu’elles dépaffent
répaiffeur de.ces arcades ou arches, qui eft plus
pètite que la longueur de la brique.
Le fécond rang au-deffus qui répond au vui.de
qui eft entre les arches , eft pofé fur l’extrémité des
briques dont nous venons de parler ’, qui forment
une efpece d’encorbellement ; les briques , qui ont
huit pouces de longueur, ont un pouce & demi de
, portée par chaque extrémité. Cette pofition s’ob-
lerve dans, toute l’étendue du four ; de maniéré que
les briques laiffenr entr’elles affez d’efpace pour
que la chaleur puiffe pénétrer dans llintérieur du
four.