
que les gens de la campagne fe trompent plus rarement
que le'shabitans des villes , le; cuifeur ne manque
pas de faire croifer aum-tôt fur Ion fourneau
plufieurs Tapins en forme de chevrons , 6c de les
faire couvrir de paillafi'ons pour le garantir une
heure bu deux de la pluie, qui d’ordinaire ne dure
pas fort Iong-tems quand elle eft,forte ; mais ce font
de grandes peines, & qui né réuffiflènt pas toujours.
C ’eft pour cela que les mois de juillet, août,
ïèptembre 6c octobre font les plus favorables à la
'cuiffon des briques.
On juge bien que quand le feu des foy-ers s’eft
Communiqué à la charbonnée du fixieme tas , 6c
qu’il y a fubfifté pendant plulieurs heures, le fep-
tieme tas qui recouvre cette charbonnée fe trouve
fort échauffé le matin, ainli que tous les matins, ce-
_lui de la furface fupérieure du fourneau , lorfque
■ l’attelier reprend fon travail. Âufli le cuifeur forme-
t-il légèrement, & le plus vîte .qu’il peut, la première
charbonnée de chaque matinée. Quant à l’en-
foürnêur qui lui fuccéde, comme il ne . peut pas
courir en pofant fes briques, il ne tient guere qu’un
quart d’heure à cet exercice -fans être releyé par fon
camarade, malgré fa chauffure de mauvais fouliers ,
& l’habitude qui' rend ees-gens durs à cette chaleur.:
qUelquèfois même apres cinq ou ïix minutes,, il eft
obligé de fe retirer,. Comme lès entre-deux font
toujours placés furies briques qui viennent d’être
^nouvellement pofées, ils ne font pas dans le même
cas.
Les charbonnées générales fe Font régulièrement
de trois en trois tas fur toute la hauteur du fourneau,
& d’environ un demi-pouce d’épaiffeur fur
toute fa furface, plus ou moins ; fuivant la qualité
du charbon. Il s’en fait d’autres petites à chaque tas,
qui ne fe conduifent pas de même. La fumée qui
fort par tous les joints du lit fupérieur, indique ,
par fon plus ou moins de denlité, les endroits du
fourneau où le feu a fait le plus de progrès : comme
il faut une continuelle attention à l’entretenir
par-tout ifochrone, les petites charbonnées doivent
être.réglées fur des indices.
On leroit peut-être tenté de croire que les points
OÙ le feu va plus v ite , font ceux auxquels il fau-
droit fournir le moins de matières combuftibles à
confumer : c’eft précifémentle contraire. Le cuifeur
fe promene fur le fourneau, la manelette dans les
mains, & ne la vuide qu’aux endroits où il voit le
feu plus près de gagner la furface. S’il apperçoit des
briques qui commencent à blanchir ou à jaunir par
l’exaltation des foufres ou bitumes du charbon inférieur
, c’eft - là où il répand le plus de nouveau
charbon ;-il en jette moins fur le’s joints qui rendent
une’fumée moins épaiffe, 6c point du tout aux
endroits qui ne donnent encore aucun figne d’inflammation.
Pour procurer au fourneau une chaleur égale dans
toutes les. parties de fa furface, une chaleur qui puiffe
opérer la cuiffon de .toutes les briques le plus uniformément
poffible , il eft indifpenfable de retarder
LaCtion du feu dans les parties de cette furface, où
il dénote une extenfion trop précipitée. Le charbon
qu’on ajoute de nouveau opéré cet effet, en bouchant
une partie des joints entre les briques qui ne
font pas fort ferrées.
Je conçois l’opération du feu de ce fourneau,
comme l’effet d’un corps élaftique en tout fens, tendant
toujours àfe développer & à s’échapper, principalement
par la verticale ; & je penfe que le talent
du cuifeur eft de ne laiffer débander ce reffort vers
la furface fupérieure, qu’a près avoir fait féjourner
fuffifamment cette maffe de Feu dans le fourneau,
fous une forme peut-être continuellement parâlléli-
pipedale, c’eft-à-dire, femblable au corps quarré
du fourneau fur une certaine épaiffeur. Nous .verrons
.plus bas comment le cuifeur parvient à contenir
le feu fur les quatre parois ou paremens du fourneau.
Ce qui m’a fait prendre cette idée, c’ eft la remarque
que j’ai toujours faite lorfque le- teins étoit
calme , que je pouvois tenir la main contre les paremens
tout autour du fommet du fourneau , fur
environ quatre pieds de hauteur; plus bas, fur-environ
quatre autres pieds, la main ne pouvoit y
refter : la-chaleur étoit tempérée, 6c décroiffoit toujours
jufqu’au pied du fourneau. En tout, la chaleur
n’étoit guere fenfible aux paremens que fur environ
7 pieds de hauteur totale. C’ eft donc cette zone de
chaleur qui doit.petit-à-petit parcourir en s’élevant
toute la hauteur du corps quarré, pour en pouffer
fucceffivement toutes les briques au point de cuiflbn
qui leur convient.
Cette maffe de feu monteront beaucoup trop
vite , fi on laiffoit à l’air la liberté de circuler par.
lès foyers du pied de four. Dès que le cuifeur y a
pofé quelques tas de briques crues, il maçonne les
embouchures des foyers avec des briques cuites 6c
de l’argille ; & s’il a befoin, pendant la conftruCiion.
du fourneau, de pouffer un peu le feu vers quelque
partie où il ne fe porte pas affez , il r’ouvre plus ou
moins l’une ou plufieurs de ces embouchures* f ■
L’aCtivité du feu de ce fourneau dépend en grande
partie des qualités de la terre 6c du charbon qui le
compofent. Il n’eft pas poflible d’éclaircir dans un
mémoire ce point important. Les meneurs ouvriers
ne s’y connoiffent que par quelques expériences ordinairement
coûteufes pour les entrepreneurs. On
peut effayer la terre à briques, comme je l’ai dit ;
au lieu que fi le marchand de charbon en fournit
qui foit d’une autre veine que celui dont on s’eft:
lervi précédemment, il peut arriver que fa qualité,
foit très-différente. On fait qu’il y a du charbon de
terre qui ne convient, ni pour les forges, ni pour
les cuves des braffeurs, parce qu’il brille fubitement
tous les métaux ; il y en a de même qui vitrifie toutes
les briques : il eft prefqu’inévitable d’y être tromp'é
quelquefois.
Quant à la quantité du charbon qui eft propre
aux briqueteries , j’ai fuivi la conftruCtion de plusieurs
fourneaux de 500 milliers chacun, dans lef-
quels j’ai vu qu’il étoit entré environ 6 à 7 pieds
cubes de charbon par millier de briques à cuire : ce
charbon pefoit 66 livres le pied cube. Dans d’autres,
il en entre jufqu’à 8 & 9 pieds cubes par millier ;
6c dans d’autres, peut-être moins de 4 pieds, tout
ce charbon mefuré comme il vient des mines, plus
en poulïier qu’en morceaux.
Lorfque là qualité de la terre ou celle du charbon,
a été reconnue telle que le feu doive y faire rapidement
fon effet, on eft .obligé d’en charger les fourneaux
à deux mains, c’eft-à-dire, que deux troupes,
de 12 ouvriers chacune, élevent en même tems un. 1
fourneau fous un même conducteur ou cuifeur. Le
fourneau s’élève en ce cas de 10 & 11 tas par jour,
ce qui même quelquefois ne fuffit pas : le feu y gagne
encore fi violemment la furface, que le cuifeur.
eft obligé de le ralentir à chaque tas.,
Ce n’eft plus alors avec du charbon que l’aCtion
du feu doit être comprimée. La trop grande quantité
de matière combyftible poufferoit la cuiffon des
briques jufqu’à la fufion, comme je le dirai plus bas.
Le procédé pour ralentir le feu , quand il eft uniformément
trop rapide, eft d’y répandre du fable :
6c c’eft l’ufage qui apprend au cuifeur la quantité
qu’il y en doit mettre.
Cet effet du fable fur le feu du charbon, fe remarque
fur tous les fourneaux. Il eft tel, que le fable q u i
tombe des briques fur le fourneau auprès de I’ccha-
faùd par où elles arrivent, eft capable d’empêcher
cette partie de cuire à fon vrai point. On a foin d’étendre
fous les pieds du premier entre-deux , un
morceau de groue toile pour recevoir ce fable, que
l’on jette au pied du fourneau, lorfque le demi-tas
eft pofé.
Si le cuifeur s’apperçoit que, malgré le morceau de
toile, les briques de ce bord ne cuifent pas bien, il
fait efpacer un peu plus entr’elles celles des tas fupé-
rieurs ; quelquefois il en enleve une ou deux des tas
inférieurs, pour donner au feu la facilité de s’étendre
fur ce côté; enfin,, il y fait mettre quelques affifes
de briques cuites, pour éviter le déchet qu’il y au-
roit certainement dans cette partie, 6c rétablir l’égalité
de chaleur dans toute la maffe.
Les vents retardent toujours la marche du f eu , ou
la rendent inégale, dans l’étendue du fourneau. Le
courant de l’air arrêté par les abri-vents ne peut frapper
contre les parement ; mais fes remous plongent
néceffairement fur Ja furface fupérieure, 6c principalement
contre la partie la plus éloignée des pail-
laffons. Alors le feu repouffé fur lui-même par le
vent, fe concentre plus bas, y acquiert plus de reffor
t, & fait des efforts confidérables pour s’échapper
par quelque endroit des paremens. C’eft à cette
caufe que j’attribue les fôufflures que l’on remarque
fouvent autour du corps quarré des fourneaux, où
l’on voit des briques dérangées.
Lorfque le cuifeur s’apperçoit qu’un pafement
fouffre des efforts du feu, il ne manque pas d’en faire
tomber le placage. Sans cette précaution, il fe ferait
bien-tôt une brêche’qui ruineroit tout l’édifice. Les
joints du parement, ainfi que les embouchures des
foy ers, font autant de regiftres qu’il faut ouvrir
promptement pour donner une iffue à la matière du
feu , dont l’aâion totale s’affoiblira fur le champ.
Les foins d’un bon cuifeur, ne peuvent cependant
pas toujours empêcher qu’il ne fe faffe quelques lézardes
au fourneau : c’eft fur tout aux angles qu’il
doit veiller le plus. Si l’on continuoit à furcharger
un angle dont Les briques font déplacées, fans ÿ apporter
quelque remede, il en arriveroit infailliblement
de grands accidens. *
Lors donc que quelque partie menace ruine, &
que le feu s’y eft ralenti,c’eft-à-dire,lorfque l’exhauf-
Jement du fourneau a fait' élever la zone du feu au-
deffus de la partie défeCtueufe du parement, le cuifeur
y reme.t promptement un nouveau placage,
dans lequel il a mêlé de la paille.
Nous avons vu que le placage ordinaire s’applique
à la fin de chaque journée contre les nouveaux tas.
Comme ce placage eft un mortier liquide dont la
terre eft fort divifée, 6c qu’il fe trouve peu de temps
après expofé à un feu très-vif, il fe gerce beaucoup
en féchant trop promptement, il fe cuit même 6c
s’attache peu aux briques du parement : ce placage
ne contribue donc pas à la folidité du fourneau. 11
n a d’autre ufage que de former les joints, 6c de s?op-
pofer, tant à la difiïpation du feu par les paremens,
qu’à la trop grande vîteffe qu’il acquerrait dans fa
marche, fi les regiftres inférieurs demeuroient ouverts.
Le meme effet n’a plus lieu, lorfque ce placage eft
applique pendant le déclin de la chaleur des paremens.
Ilfeche toujours de plus en plus lentement,
6c forme un enduit affez ferme pour les préferver de
s’écrouler, fur-tout lorfqu’on y mêle de là paille,
qui fait ici l’office des bourres 6c laines dans tous les
luts & autres enduits.
Une main de briqueteurs emploie ordinairement
deux heures & demie à placer une affife de briques
fur le fourneau de notre exemple , ou trois heures, y
compris la charbonnée. L’expérience fait voir que
Tome II.
le feu ne moflte pas fi vîte dans le commencement
de fa conftruCtion : pendant les neuf 6c dix premiers
jours, je n’ai vu élever les fourneaux que de trois taà
en vingt-quatre heures. Mais comme le feu augmente
d’âCtivité par fon féjour dans ce maffif, il faut lui
fournir a proportion fa nourriture & fa tâche : on
forme donc quatre 6c cinq tas par jour quand cela
devient néceffaire. Si cependant on chargeoit les nouvelles
affifes à contre-temps, c’eft-à-dire, avant que
le feu fe fît fentir à la furface füpérieure, la quantité
de matière, foit de charbon, foit de briques, ralen-
tiroit trop la marche du feu , l’empêcheroit de monter
: les nouveaux tas ne cuiroient point. J’ai fouvent
vu des fourneaux où ce défaut de conduite 6c ces
accidens étoient remarquables ; le feu trop long-tems
retenu dans une couche de quelques pieds d’épaif-
feu r , après en avoir vitrifié les briques, & s’étant ouvert
des iffues par les endroits foibles de la couche fupérieure,
avoit traverfé toute celle - ci trop promptement
, 6c les briques en étoient prefque crues.
Lorfque toutes les briques font enfournées,on couvre
entièrement le fourneau du même placage que l’on
applique aux paremens à la fin de chaque journée.
Mais les briques des tas près la furface fupérieure,
ne font jamais cuites à leur vrai point, non plus que
celles des paremens, en forte qu’elles tombent en
déchet fur la fournée : elles ne compofent qûe de
mauvaifes conftruCtions fi on les emploie dans les
maçonneries. Le feu ne peut jamais acquérir, près
la furface du fourneau, le même degré d’intenfité que
dans le corps quarré, parce qu’il s’échappe de tous
côtés, 6c que fes furfaces font continuellement expo-
fées aux accidens de l’air extérieur.
J’ai fouvent remarqué quatre & cinq tas de briques
très-mal cuites, & quelquefois beaucoup plus, qui
couronnoient les fourneaux:-ce qui donne communément
plus de quarante milliers de briques défec-
tueufes au fommet d’un fourneau de cinq cens milliers,
j’évalué encore à trente milliers au moins les briques
mal cuites des paremens : j’eftime donc qu’il fe trouve
environ un fixieme de briques mal fabriquées dans
les fourneaux qui réuffiffent le mieux.'
Je fuis perfuadé que l’on éviteroit un déchet auffi
confidérable , fi l’on n’employoit que des briques
cuites aux paremens 6c au couronnement des fourneaux.
Il eft vrai qu’il en faudrait payer la manutention
aux briqueteurs, comme on le fait pour les briques
du pied du four : mais, calcul fait, il y aurait
encore beaucoup à gagner.
J’ai dit que là trop grande quantité de charbon
perdrait le fourneau. C’eft une expérience conftatée
journellement dans les briqueteries où on l’emploie,
que le feu , lorfqu’il eft pouffé à certains dégrés de
force, fait entrer la matière des briques en fufion ,
la bourfoufïle d’abord, la fait champignoner, réunit
6c foude plufieurs briques enfemble, change totalement
leur forme, au point de n’y plus reconnoître
les traces du moule, enfin, la fait couler quelquefois
par les foyers comme des ruiffeaux que l’on m’a dit
avoir vu s’étendre jufqu’à plufieurs toifes de diftance
des fourneaux, dont toute la maffe fe trouve enfuite
prefque d’un feul morceau fans aucuns intervalles :
j’en ai vu qu’il falloit brifer à force de coins & de
maffes par morceaux, de trois 6c quatre pieds cubes.
Je penfe que la converfion de la brique en verre
eft le maximum des accidens de cette manufacture ;
car il eft évident que toute brique qui a bouilli dans
le fourneau, a acquis plus ou moins de vitrification.
J’ai fouvent trouve dans les fourneaux des tubercules
de verre tranfparent, fort reflemblant à celui du
fond des pots de nos verreries.
L’idée générale que l’on fe forme ordinairement
des caraCteres de la meilleure brique, c’eft d’être
i i j