
cette queftton mérite une férieufe difcufïïon pour
fe précautionner contre l’erreur qui attribue à une
hatiôn ce qui convient à uïie autre. Les favans
ont travaillé à répandre là lumière fur ces contrées
ténébreiifes ; la diverfité de leurs opinions en sdér }
montre l’incertitudé. Les uns prétendent que lè nom
de Celles ne convient qu’aux Gaulois, c’eft-à-dire ,
aux peuples compris entre les Pyrénées , les Alpes
, la Méditérranée , le Rhin, la Manche & 10 -
Céan ; les autres l’étendent fur tous les habitans de
l ’Europe. La première Opinion paroît la plus probable
; M. Schoephlin, pour l’accréditer, l’appuie
fur les autorités des écrivains refpe&ables par leur
antiquité : tels qu’Hérodote , Polybe, Plutarque ,
Ariftote, D iodore de Sicile, Denis d’Halicarnafle ,
Arrien, Strabon , Appien, Pline , Suidas, Céfar ,
Tite-Livè & généralement fur tous les Hiftoriens
qui vivoient dans des tems où ils pouvoient tout
Voir par leurs yeux. Quelques ufagès communs
aux différens peuples de l’Europe ne prouvent
point l’identité de leur origine. Le Lappon &
[’Hottentot peuvent avoir certains traits de reffem-
blancè ,fans prétendre être des rameaux fortis de
la même tige. . , 1 , ,
Quoique les Celtes prives du fecoitrs des lettres
ti’aient point eu d’hiftorien pour nous tranfmettre
leur gloire, il nous relie des précieux monuméns
de leur valeur. C’ell de la bouche de leurs ennemis
que .nous apprenons que ces peuples belliqueux,
après avoir donne des maîtres à la moitié de I Eu*
rope , établirent leur domination dans plufieurs
Contrées de l’Afie. Ce fut fou£ le régne de Tarquin
l'ancien , qu’ils commencèrent a figurer avec le
plus d’éclat. Leur pays furchargé d’habitans ne pou-
voit fournir à leurs befoins. Plus guerriers que cul*
tivateurs, ils formèrent une armée de foldats aventuriers
fous la conduite de Bellovefe & de Sigo-
vefe qui furent chercher chez l’étranger les xef-
fources que leur fol refufoit à leur pareffe dédai-
gneufe. Trois cens mille hommes'partagés en deux
corps, fuffifoient pour donner des loix à tous les
peuples de la terre. L’un tourna fés armes contre
l’Italie, alors habitée par plufieurs nations belliqueu-
fes qui n’a voient qu’à réunir'leurs forces pour être
invincibles ; l’autre dirigea fa marche vers la forêt
dTIircinie, qui pour lors couvroittoute l’Allemagne.
Bellovefe, général de l’armée contre l’Italie, tra-
verfa les Alpes fans être arrêté par la refiftance des
habitans qui furent fubjugués par fes armes. 11 étendit
fa domination jufqu’aux rives du P ô , & cette
partie de l’Italie perdant fon nom avec fa gloire,
prit celui de fes conquerans. Les Romains & les
Grecs l’appellerent Gaule-Cifalpine, ce qui défigne
fa fituation par rapport à eux ; ce pays qui s’éten-
doit entre ce fleuve & les Alpes , avoit d’excellens
pâturages , ce qui le rendoit d’autant plus précieux à
un peuple qui nourriffoit beaucoup de chevaux.
C ’eft aujourd’hui le Piémont, le Milanez, & une
partie du Mantouan, avec le Bergamafc&leBreffan.
Sigovefe eut encore des fuccès plusbrillans. Après
avoir parcouru en vainqueur toute la Germanie, il
s’établit dans la Bohême ; bien-tôt cet arbre vigoureux
couvrit de fes rameaux les rives du Danube &
les bords du Pont-Euxin. La Rhétie,la N orique, la
Pannonie, la Thrace, laGrece , 1a Bythinie , la Cap-
padoce, la Paphlagonie & l’Afie mineure , furent
forcées de plier fous le joug des defcendans de ce
Gaulois conquérant. Ils y fondèrent plufieurs états ,
dont celui de Galatie ou de Gallo-Grece ajetté le plus
d’éclat. Les monarques Afiatiques, pénétrés de vénération
pour cette race conquérante ^recherchèrent
fon alliance, & ils fe croyoient invincibles,
quand ils avoient des Gaulois à leur folde. Polybe
pous apprend que les Etrufques qui habjtoient les
pays fitués te long du Pô , furent' remplacé?" paries
Boyens, les Lais, les Lébriciens , les Infubres & les
Cénomaniens. Les Ananes, les Boyens , les Egons
& lé s Senonois fe fixèrent près de la mer Adriatique.
Etienne de Bifance & Strabon , penchent à croire que
les Vénetes ou Vénitiens delcendent d’une colonie
du territoire de Vanne dans la Bretagne Armorique.
La conquête de Rome par Brennus, fut l’ouvrage
des Boyens & des Infubres que Strabon appelle
Celtes. Dans la fuite ils dégénérèrent de la valeur de
leurs ancêtres. Leur courage énervé par les délices
du climat, infpira au peuple vaincu l’audace de s’affranchir
de fes tyrans amollis. Après avoir effuyé plus
fieurs défaites , ils furent chercher des établiffemens
fur les bords du Danube où ils eurent des guerres à
foutenir contre les D aces, jufqu’à ce que leur nation
fut entièrement détruite. Les Celtes en abandonnant
l’Italie, y laifferent des monuméns de leur domination.
Milan, Pavie, V erceil,Brefle, V érone, Corne,
Bergame, T ren te, Vicenfe, Novare & Lodi fe
glorifient de les avoir pour fondateurs.
L’armée aux ordres de Sigovefe traverfa des pays
quin’avoient point de poffeffeurs titrés. Les productions
de la nature appartenoient à celui qui voüloit
les recueillir. Les Helvétiens, félon Tacite, s’étendirent
entre le Rhin, le Mein, & la forêt Hercinie
Les Boyens, pénétrant plus loin , s’établirent dans
la Bohême. Les différens peuples qui compofoient
cette armée , tirèrent au fort les provinces foumifes
par leurs armes. Les Carnes eurent l’ Illirie , les Tau-
riffeS une partie de l’Illirie près du Mont-Claude, les
Japides les campagnes dominées par l’Albron, montagne
extrêmement élevée qui ferme les Alpes*
C ’étoit une nation inquiété & belliqueufe , qu’Au-
gufle eut peine à réprimer. Les Eftiens occupèrent
la Lithuanie, la Pruffe, la Livonie & la droite de
la mer Baltiqiiè , où ils cbnfervetent la langue des
Celtes, & firent fleurir l’agriculture. La plupart des
villes qui fubfiftent encore aujourd’hu i, portent des
noms qui défignent leur origine gauloife.
Ces colonies s’étant multipliées, cherchèrent de
nouveaux établiffemens fous la conduite d’un général
nommé Cambaule. Cette expédition n’eut pas
un aufli heureux fuccès que la première ; ils pénétrèrent
jufques dans la Thrace , dont par défiance
de leurs forc es , ils n’oferent tenter la conquête.
Ce torrent fe diflipa de lui-même, ne laiffant que
quelques vefligqs de fes ravages.
Quelque tems après, ces mêmes peuplés, fous
la conduite d’un Brennus, différent du vainqueur
de Rome , allèrent afliéger le temple de Delphe t
dont les riches offrandes allumoient leur cupidité.
Ce fiege fanglant leur coûta leur général ; cette perte
les jetta dans la confternatipn, ils furent attaqués
& mis en fuite ; les uns fe difperferentdans l’Afie , &
dans la Thrace : d’autres fe fixèrent au confluent du
Danube & de la Save. Quelques-uns réveillés par
l’amour de la patrie , fe retirèrent à Touloufe pour!
y jouir du fruit de leur brigandage. Une épidémie,
ayant défolé tout le pays, ils confiilterent les augu*
res fur les moyens de détourner ce fléau, & fur.
leur réponfe, ils jetterent dans le lac de Touloufe ,
l’or & l’argent qu’ils avoient amafle dans leurs guerres
facrileges. Cepion, conful Romain, dans fon
expédition contre les Cimbres, épuifa fes eaux de
ce lac pour en retirer ce riche trefor.. •
Les Celtes, comme leurs defcendans, e^erçoient
leurs brigandages , moins par avarice, que par les
mouvemens d’un efprit inquiet, & qui ne trouve
des charmes que dans les lieux où il n’eft pas. Ce
même peuple qui s’armoit pour dépouiller les tern-
ples, voyoit avec mépris toutes*les richeffes d’opinion.
Ceux qui s’étoxent établis fur les bords du
Danube,
Danube & qui étoient connus-fous le nôm de Scdf-
W Ê Ê m m -connoiffoient point l’ufage de l’o r ;
religieux‘ébfervateurs dé 1-hofpitahte , 1 étranger
trouvoic-dans-leurs habitations une vie lure & conumode
& ils puniffoientsavec la derniere févérité
ceux qui ofoient infulter aux voyageurs défarmés.
Ce goût du brigandage & cet amour de l’hofpitahté
font deux contradictions qu’on remarque encore aujourd’hui
chez tous les peuples vagabonds qui vivent
du produit de leurs incurfions. La paflion de fonder
fle nouveaux établiffemens, étoitfi dominante chez
les anciens Celtes, qu’on les voit de fiecle en fiecle,
préférer à leurs campagnes fécondes des contrées
arides & hériffées de rochers. Dans le meme fiecle
où Brennus offroit à la Grece le fcandale & l’horreur
de fes facrileges, Belgius fit une irruption dans la
Macédoine , & après avoir défait Ptolomée , qui en
étoit le ro i, il revint fur fes pas, ne retirant d’autre
fruit de fes fatigues & d e tant de fang verfé, que l’honneur
flérile de la vi&oire. Dans le même tems, Ce-
rétrius, lieutenant de Brennus, à la tête de vingt
mille brigands, inonda la Thrace, prit Bifance , &
mit à contribution toute la Propontide.
Nicomede fe fervit avec fuccès de ces aventuriers
pour affermir fon trône. Ce prince pour les recom-
penfer de leurs fervices, leur fit une ceffion de plusieurs
provinces, qu’ils pofféderent comme fouve-
rains. Ce nouveau royaume prit le nom de Galatie.
Tous les peuples de l’Afie, jufqu’auMont-Taurus,en
furent fujets ou tributaires. Ces Gaulois occupés à la
guerre , n’en étoient pas moins ardens à fe reproduire.
Juftin nous apprend qu’ils multiplièrent à un
point qu’il fembloit qu’ils duffent couvrir toute la
terre. On les vit envoyer des colonies dans le Pont
& dans la Capadoce ; & quand ils ne dévoient foncer
qu’à réparer leurs pertes , ils n’écoutoient que
l ’ambition des conquêtes.
Tous les anciens écrivains placent des Celtes, non-
feulement dans la Moeonie ,‘ dans la Phrigie , la Capadoce
, & la Paphlagonie, ilsaffurent encore qu’ils
envoyèrent des colonies jufques dans laScythie, 8c
que ces nouveaux habitans furent défignés par le nom
de Celto-Scythes. C’eft de cette paflion de fe tranf-
planter, naturelle à tous les Celtes, qu’on a confondit
avec eux tant de peuples de la terre. Il eft difficile de
fixer leur tranfmigration en Efpagne 8c en Angleterre.
Il y eut des Celtes en Efpagne dès la plus haute
antiquité. Ils furent appellés Celtiberts de leur nom
propre 8c de leur poütion, relativement à leur ancienne
patrie. Le mot Ibere appartenoit aux Celtes,
qui défignoient par ce nom tous les peuples qui de-
meuroient derrière une riviere ou une montagne. Ce
nom qui convenoit également à tous les peuples au-
delà des Pyrénées , devint particulier à une tribu de
Celtes établie dansl’EfpagneTarragonoife. Ptolomée
place encore ces peuples dans la Lufitanie , entre le
Beta 8c l’Ana. Leurs principales tribus furent les
Verones , les Carpétans , les Itergetes qui habitaient
le long des côtes, où l’on voyoit la ville de Gallica-
Flavia ; quelques écrivains préfument que cette émigration
le fit du tems des Tarquins:. mais comme ce
fut dans ce même fiecle que Bellovefe & Sigovefe
for'tirent des Gaules avec de nombreufes colonies,
il eft difficile de croire que les habitans fe trouvant
moins à l’étroit, aient fongé à chercher des établiffe-
mens chez l’étranger. Au refte , l’épidémie des opinions
infefte cette nation depuis fon origine ; &
l’exemple fut toujours la réglé de fes moeurs.
L’époque de l’émigration des Celtes dans l’Angleterre
, eft également incertaine ; it eft cependant reconnu
que la partie méridionale de cette île n’étoit
habitée que par des peuples originaires des Gaules,
& fur-tout de la Belgique ; ce furent eux qui ènfeigne-
rent l'agriculture aux anciens habitans. Tacite pour
Tome I I ,
pt’ôiivef cette opinion , s’appuie fur la Conformité
du langage & du culte religieux : pareille audace
dit-il, quand il s’agit de défier l’ennemi, pareille pu-
fillanimitéquand ilfaut combattre. Les écrivains An-
glois qui ont fait de laborieuies recherches pour découvrir
le berceau de leur nation, ont cru l’apperce-
voir dans les Gaules , & non chez les Troyens , les
Romains, les Brutiens,les Albains, comme quelques-
uns l’ont rêvé. En effet, eft-il à préfumer que tandis
que les Ce/rwenvoyoient des colonies dans la Thrace,
& jufqu’au milieu de l’Afie, ils n’aient pas fiiccom-
bé à la tentation d’envahir l’Angleterre, riche de
toutes les productions de la nature ?
Les Allemands proprement dits, c’eft-à-dire , ceux
qui ont tranfmis leur nom à tout le corps Germanique
, doivent rapporter aux Celtes leur origine ; en
effet les Marcomans, craignant de tomber tous le
joug des Romains , abandonnèrent leur pa ys, & fe
retirèrent dans l’intérieur de la Germanie. Des aventuriers
Francomtois, Alfaciens & d’autres peuples
de la Gaule, traverferent le Rhin ; & pouflés» par
leur inconftance naturelle, ou peut-être par la mi-
fere , ils s’affocierent aux Marcomans. Ces peuples
confondus prirent le nom $ Allemands, pour montrer
qu’ils étoient un affemblage de différens peuples.
Quiconque-s’offroit pour participer à leur genre de
v ie , étoit affuré d’être bien accueilli ; ainfi l’on voit
par le témoignage de l’hiftoire , que prefque foute
l’Europe a fubi fucceffivement le joug des Celtes ; ÔC
c’eft ce qui peut avoir introduit l’erreur de comprendre
fous ce nom tous les peuples de cette partie du
monde. C ’eft ce qui m’a preferit l’obligation de m’étendre
fur cette nation.
Les Celtes dans les fiecles les plus reculés , recon-
noiffoient un Être fuprême qui préfxdoit à la police
du monde, & ne fe bornant point à une croyance
ftérile, ils lui rendoientun culte dont la magnificence
répondoit à la haute idée qu’ils S’en étoient formée.
Conftans jufqu’à l’opiniâtreté dans leurs cérémonies
& leurs dogmes , leur religion toujours la même, ne
fouffrit jamais d’altération ; & lorl'que même le flarti-
beau de l’évangile eut diffipé les ténèbres de leur
paganifme, plufieurs conferverent un levain de leurs
anciennes furperftitions, & ils profanoient le culte
le plus faint par le mélange des cérémonies fembla-
bles à celles qui fe célébi oient à Eleufis, ville de
l’Attique ; c’eft ce qui a fait croire que les Grecs
les avoient empruntées de ce peuple ; mais il n’eft
pas à préfumer que les Grecs qui fe glorifioient
d’être les inftituteurs des nations, fe foient abaiffés
jufqu’à être les difciples d’un peuple qu’ils abhor*
roient pour fes profanations facrileges, & qui étoit
l’ennemi de tous ceux qui refufoient de plier fous
le joug de fes ojpinions.'
Les Celtes, par-tout où ils étoient les maîtres
détruifoient les dieux de la Grece & leurs temples ;
& dans leur fureur religieufe, ils condamnoient au
dernier fupplice quiconque étoit rebelle à leur culte,
ou le téméraire qui tentoit d’en introduire un nou*
veau : c’ étoit des Scythes qu’ils avoient emprunté ce
zele. es barbares qui avôient en horreur le culte
de Bacchus, punirent de mort un de leurs rois, pour
avoir encenlé les autels de' ce dieu. Anacharfis, phi-
lofophe & iffudu fang des rois, fubit la même peine
pçur avoir fléchi devant la ftatue de Cybella. Quoique
les Celtes euffent une idée plus jufte que les au-
j très idolâtres de la divinité & de fes attributs , leur
Théologie avoit fes erreurs (*). La perfuafion ou ils
étoient que celui quiavoit le ciel propice , pénétroit
m pour s’inftruire à fond de ce qui concerne les Celtes, on
peut confulter YHifloirt des Celtes, par M. Pelloutier, & Vin?
■ troduiïïon à l’Hiftoire de Danemarck, par RL Mallet.
N n