
vengeance , foulevâ fes concitctyeris, & paTvitit, à
force d’intrigues, à détacher de l’obéiffance d’Osbert
les Bèrnicifens qui , 1e regardant comme indigne de porter
la couronne, chôifirent Ella pour leur roi. Ceux
d’entre les Northumbres qui avoient refufé de prendre
partà l’injure de Bruen, reftërent fideles à O f fe
r t : il fe forma deux faâions puiffantes, & la
royauté divifée ralluma lës feux mal éteints de la
guerre civile. Les deux rois tentèrent vainement de
terminer la querelle par les armes; l’égalité de J611*-5
forces les maintint l’un 6c l’autre , & ne fut fatale
qu’à la patrie, tour à tour ravagée par les deux factions.
Mais la vengeance de Bruen rt’étoit qu’à demi
fâtisfaite ; c’étoit la ruine entière 6c la mort d’Of-
bert qu’il dcmandoit. Pour le précipiter du trône, il
réfolut de recourir aux Danois , au défaut dé ceux
de fes compatriotes qui refüfoient de le venger. Dans
cette vue, il fe rendit à la cour de Danemarck, 6c
implora le fecoürs d’Ivar; celui-ci fe laiffa d’autant
plus aifément perfuader , qu’il n’étoit occupé lui-
même que des moyeris'd’aller en Angleterre venger
Régnier fon pere, qui y ayant été fait prifonnier,
avoit été jette dans une foffe pleine de ferpens, oû il
avoit mifërablemenr péri. ' ( v
Dès lé printems fuivant, Ivar, accômpagrté de
Bruen, & fuivi d’une puiffante arméé, entra dans'
l’Humber ; & avant que les Northumbres euffentreçu
aucun avis de fon arrivée, il marcha droit à Y o r c k ,
oh Osbert raffembloit une armée pour s’ôppofer à
cette invafiôn. La terreur qü’infpiroit les armes 6c la
barbarie des Danois, & les progrès qu’ils a voient
déjà: faits intimiderehf fi fort les Northumbres , &
Osbert lui-même, que dans la crainte de ne pouvoir
lui réfifter, Osbert eut recours à E lla, fon ennemi 6c
fon concurrent au trône : Ella, moins par genero-
fité que p'ar intérêt pour lui-même , promit volontiers
dé fufpendre fa querelle particulière, 6c d’agir
contre l’ennemi commun : conduite vraiement ref-
■ pe&able, fi elle n’avoit eu pour motif de fe dérober
à la venger d’ Ivar, dont le pere étoit mort par les
ordres barbares & atroces d’Ella.
Toutefois, foit qu’Osbert fe repentît d’avoir imploré
le fecours d’un ennemi qu’il déteftoit, foit qu’il
eût trop de courage pour fe tenir renfermé dans
Y orc k , il ne put attendre plus long-tertis, 6c impatient
de combattre, il alla attaquer les Danois :
mais fon armée fut défaite , & il fut tué lui-même
dans fa retraite. Ella ne fut pas plus heureux ; fon
armée fut difperfée, & il périt fur le champ de bataille
, percé de mille coups. Enhardis par leurs victoires,
les Danois, après s’être emparés du Nor-
thumberland , s’avancèrent dans la Mercie, réfolus
de traiter ce royaume comme ceux d’Osbert 6c d’Ella.
Mais Buthred, roi des Merciens , préparé à leur
réfifter, avoit appellé à fon fecours Ethelred, fon
beau-frere, qui étoit allé le joindre avec toutes les
forces du Weffex. La jon&ion de ces deux armées
déconcerta les projets d’Ivar q u i, ayant pénétré
jufqu’à Nottingham, s’arrêta, furpris de voir fes forces
inférieures à celles des deux louverains Anglois.
Ceux-ci, quelque déterminés qu’ils fufl’ent à s’oppo-
fer aux Danois, n’en fentoient pas moins le danger
d’expofer le fort de leurs états à l’événement d’une
bataille. Ces réflexions rallerttirent dans les deux partis
l’impatience de combattre ; ënforte que les deux
armées refterent quelque tems en préfence fans en
venir aux mains, & fe féparerent, Buthred ayant
préféré de payer l’ennemi pour qu’il fe retirât, plutôt
que de hazarder un combat dont le fuccès étoit
fi douteux , 6c dont les fuites pou voient être fi fu-
neftes. Fideles à leurs promeffes, Ivar & les Danois
fe rembarquèrent ; mais pour aller defcendre dans le
royaume d’Eftanglie, oh régnoit le jeune Edmond,
prince fage, vertueux, fans talens pour la guerre,
quoique très-courageux, mais enflammé dé zele 8c
de dévotion. Edmond,-fans craindre le péril1, ofa li^-
vrèr bataille aux Danois, qui triomphèrent aifément
des Eftàngles, en ri7aflacrererit' une partie, & mirent
les autres eh fuite,ainfi qn’Edmond qui alla fe' ■
réfugier dans une églifé: mais la fainteté de Fafÿlé
ne le garantit point des pôUrfuites de fes barbares en--
nemis : il fut arraché de l’églife & traîné aux pieds"
d’ïvar qui, l’accueillant'd’abord1 avec quelque douceur,
lui offrit de lui laiffer fdn’ royaume, à: condition
qu’il fe reconnoîtroit vaffàl de la couronne dè
Danemarck. Edmond vaincu , défarmé 6c à'la mercie
des Danois, rejetta fièrement cette condition :
Ivar irrité du refus, le fit attacher à un arbre,, oif
après avoir été percé d’une infinité de fléchés, il eut
la tête coupée. Ce ne fut- que Ibng-tems après que
cette tête fut trouvée 6c enterrée avec le corps a S.
Edmond-Bury ; 6c le tombeau de ce prince acquit,
grâces aux foins des moines& à la crédulité publique;
la plus grande célébrité. Ce tombeau enrichit l’eglife
Oh il étoit conftruit, 6c les miracles qu’on dit s’y
être opérés, rapportèrent de très-riches ptéfens.
Ivar, maître de FEftariglie, y plaça fur le trône
Egbert, Anglois de nation , mais dévoué au roi de
Danemarck. Enfles par ces-fuccès, l’es Danois Oubliant
le traité qu’ils avoient fait avec Etkelred, marchèrent
du côté du W effex. Mais Ethelred qui avoit
prévu leur deffein, leur oppöfa une formidable armée
, & fit des efforts héroïques polir défendre fes
états. Dans l’efpace d’une année, il livra' neuf batailles,
donna toujours des preuves éclatantes de fa
valeur, &c remporta plufieurs v ifto ire sm a is mal-
' heureufement pour fes fujets, dans la dèrniere de
ces batailles, il reçut une bleffure mortelle qui le mit
au tombeau en 8y z , après un regne de cinq ans.
Ethelred 11, ( Hifioirc d'Angleterre. ) A la
plus noire perfidie, ce roi fans moeurs 6c fans honneur
réunit des vices odiëux 6c les plus viles qua>-
lités. Ün lâche affaflinat commis par Elfridë fa mere
fur le jeune Edouard le martyr, le plaça'fur le trône;
& fa perverfite , fa baffeffe , furent, à tous égards ,
dignes de l’inique moyen qui avoit fait paffer le fcep-
tre dans fes mains : filsindigne d’Edgar le Pacifique,&
frere d’Edouard le martyr, Ethelred I I étoit à peine
âgé de douze années lorfqu’il fut appellé à la fuccef-
fion de la couronne. Pendant fa minorité les Piftes
défolerent les diverfes provinces de fon royaume:
& fes fujets, qui efpéroient que fa valeur vengeroit
un jour la patrie , 6c repoufferoit les brigands qui ra-
vageroient l’état , furent cruellement tromp'és,
quand, devenu majeur, Ethelredwt montra qu’un cà-
raftere infame , un affemblage monftrueux de débauche
6c de brutalité , d’infolence 6c de baffeffe ,
d’orgueil & de timidité. Ses goûts pervers, qui n’é-
toient balancés par aucune apparence d’honnêteté
ni de vertus, fa foibleffe, fon amour effréné pour les
plaifirs, rendirent aux Danois leur antique courage,
& réveillèrent en eux le.defir defufciterdes troubles,
& de faire éclater la haine qu’ils nourriffoient contre
les Anglois, 6c qui » depuis plufieurs années, forcément
diflimulée , n’en avoit acquis que plus de violence.
Ils invitèrent leurs compatriotes à venir, du
fond du Danemarck, ravager avec eux l’Angleterre,
& s’emparer du riche butin qui fembloit les attendre.
Les Danois empreffés defcendirent fur les côtes
d’Angleterre : & comme un torrent deftrufteur fe
répandirent de tous cotés, & laifferent par-toutd’af-
freufes marques de leurs dévaluations. Ces ravages
continuèrent & fe perpétuèrent par les fréquentes
irruptions de nouvelles troupes de Danois qui paf-
foient chaque jour en Angleterre, oîi ils commet-
toient le plus horrible brigandage. Trop timide, trop
lâche pour s’oppofer à ces invafions, Ethelred, peu
fait pour fe conduire en ro i, fe décida par le confeil
'de I’archçvêque de Cantorbery, digne miniftre d’un
auffi lâoHe fouverain, à offrir aux,Danois-un,eifomine
confidërable, à condition qu’ils cefferoient d’opprimer!
le.royaume qu’ils fe remettroient en mer*
LesDanpis. acceptèrent les fommes qu’on leur- pré-
fentôit : mais, remplis de mépris pour Ethelred » ils
publièrent les : conditions de leur retraite ; enlorte
que le parti qu’on leur avoit fait;, bien iloin tdp: terminer
la guerre , ne fit qu’attirer de nouveauxreffains
des Danois-, qui, vinrent à leur- tour profiter dé la
foibleffe.des Anglois. Deux'de ces troupes arrivèrent
conduites, l’une par Swenon, ,roi de Danemarck:, &
l’autre par Olaiis, roi de Norwcge : ils avoient équipé
de concert une flotte nombreufe ; ils entrèrent dans
laTamife,; & s’étant répandus dans le p a y s i l s y.
exercèrent les plus atroqes.cruautési Olaiis, moins
barbare , reconnut fon injuftice f ppfa les: armes ,
donna la paix aux Anglois; embrafl'a-leChriftianifme*
& s’en retourna dans fes états. Mais loin de l’imiter,
Swenon ne reprit le chemin des côtes qu’après avoir
ruiné le royaume , répandu le fang du plus- grand-,
nombre des habitans , & forcé le lâche Ethelred' à
conclureun traité honteux, par lequel il permettoit
auxDanoisde s’établir en Angleterre, & de.fe fixer
dans les contrées &. les villes qui leur plairoient'lé
plus. Autorifés par ce traité, dans les excès.de leur®
déprédations , les Danois ne mirent plus de bornes
à leurs vexations1: ils traitèrent les Anglois , non en
compatriotes , mais en efclaves abattus-, G’étoit pour
ces fiers conquérans que les enfans de la patrie s’oc-
cupoient fans relâche des travaux les plus durs ;
c’étoit pour affouvir l’avidité de ces oppreffeurs qu’ils
labouroient & qu’ils femoient. Accablé, comme les
fujets, d’une aufli dure tyrannie, mais trop intimidé
pour fe fouftraire en prince courageux, aux fers de
fes vainqueurs » Ethelred I I formate complot le plus
violent , le plus vil & le plus atroce qu’un lâche puiffe
imaginer : ce fut de profiter de la fécurité que la terreur
publique donnoit aux Danois , & de les faire
tous égorger dans un même jour. Cette horrible
confpiration fut conduite avec tant de fecret, & les
mefures prifes avec tant de jufteffe, qu’au jour marqué
, les Anglois fe jetterent fur leurs hôtes, en firent
, dans toute l’étendue du royaume, un maffacre
général, fans égard au fexe, ni à l’âge, ni à la condition
des profcrits. Le barbare Ethelred porta la cruauté
jufqu’à faire traîner devant lui la foeur de Swenon,
jeune & belle princeffe, mariée à un feigneur An-V
g lois , & il lui fit couper la tête fur les marches de
fon trône. Cette affreufe nouvelle ne fut pas plutôt
parvenue en D anemarck, que Swenon, tranfporté
de fureur, raffembla fon armée, équippa une puif-
fante flotte, fe mit en mer, & aborda en Cornouaille
s , débarqua, & fit précéder fon arrivée d’un effain
d’affaflins qui mirent tout à feu & à fang. Battu de
tous côtés & hors d’état de s’oppofer à la vengeance
des Danois, Ethelred prit la fuite, pendant que
Swenon affouviffoit fa rage & facrifioit tout à ion
reffentiment. Abandonnés à eux-mêmes, & ne pouvant
lutter contre la valeur des Danois, les Anglois
fe fournirent & reconnurent Swenon pour leur fouverain
: mais la tyrannie du roi Danois fut courte ,
il mourut ; & fes fujets croyant que les difgraces
avoient inftruit & corrigé leur prince, le rappelle-
rent & le placèrent fur le trône, oîi il continua de fe
déshonorer par fon avidité, fa débauche & fes vices.
Mais pendant qu’il fuivoit les brutales impulfions de
fon cara&ére, C anut, fils de Swenon , partit du Danemarck
pour venir prendre poffeflion du royaume
d’Angleterre , oîi arrivant, fuivi d’une formidable
armée, ilfubjugua toutle Weffex, & fucceffivement
envahit la plupart des provinces. Ethelred, qui n’o-
foit fe montrer devant fon concurrent, le renferma
dans fon palais, couvrant fa lâcheté du prétexte d’une
maladie : mais à forcede contrefaire le malade, il le
devint en effet, &imonrut en 1017, également mé-
prifé. des 1 Danois & de fès fujets , dans la trente-
feptieme année de fon régné, & iltranfmit fes états,
ou plutôt les débris de>‘fon‘ royaume, à Edmond ,
furnommé ,Gote-de-fer, fon fils. Voye{ Edmond,
furnoromé Côte - de - fer , dans ce Supplément.
E-THELWOLPH , ( Hjl- d'Angleterre. ) C ’eft un
énorme poids que celui -d’un :grand nom ! Ethelwolpk
en fût accablé* Ce n’eft cependant pas -qu’il fût fans
talens:, fans'vertus ; mais ;il:étoit fils d’Egbert, & il
parut, àrtoüs égards , peu digne de fuccéder à untel
conquérant. Les Danois ne fui ent pasplutôtinformés
de laimort d’Egbert, qu’oubliant les conditions auxquelles
ils avoient obtenu la paix, ils armèrent une
flotte, fe montrèrent proche de Southampton , defcendirent
à terre & pillèrent le pays. Ethelwolph,
pacifique'par lâcheté, envoya contr’eux Ulfârd fon
général, qui les battit & les força de fe remettre en
mer. Ethelwolph fe flattoit de n’être plus inquiété ,
maisil fe trompoit : il apprit l’arrivée d’une nouvelle
flotte Danoife q u i, débarquée à Port - Land , rava-
geoit la contrée. Le timide fouverain, non-feulement
ne marcha point contre les ennemis, mais encore
joignant l’imprudence à la lâcheté , il ôta le commandement
au brave Ulfard, & le donna à Edelin, général
fans:talens & guerrier fans valeur, qui prit hon-
teufement la fuite & càufa la perte de l’armée qui
lui avoit été confiée. Edelin fut remplacé par Hebert,
qui fut plus malheureux encore, 6c qui perdit la bataille
ôc la vie. Enhardis par leurs fuccès, les Danois
fe répandirent de tous' côtés-, ravageant la campagne
6c les villes. Ethelwolph fe détermina enfin à
s’oppofer lui-même aux progrès des Danois : il ne
fut point heureux, les Anglois Furent mis en déroute :
& les Danois.chargés de Butin ôcraffafiés de carnage,
remontèrent'fur leurs vaiffeaux. Ce fut à-peu-près
dans le tems de ces défaftres, que la nation des P iâes
fut entièrement détruite 6c exterminée par Keneth II,
roi d’Ecoffe, qui pouffa fi loin fa viûoire, que depuis
il n’eft plus refté que le nom' fettl de cette nation qui
avoit fleuri fi< long-tems dans la Grande-Bretagne.
Ethelwolphyfoit pour oppofer une plus forte réfîf-
tance aux Danois qui ne ceffoient d’infefter fes états,
foit qu’il fe fentît fatigué du peu de foin qu’il donnoit
a fon gouvernement, s’affocia-au trône Adelftanfon
fils naturel, auquel il céda les royaumes de K en t,
d’Effex 6c de Suflex, ne fe réfervant pour lui-même
que la fouveraineté fur toute l’Angleterre Si le royaume
de Weffex. La nation, pour avoir deux rois,
n’en fut ni phis heureufè , ni plusfagement gouvernée.
Il eft vrai que les Danois la laifferent refpirer
quelque tems; mais cet intervalle fut rempli par les
troubles que cauferent les mécontentemens 6c la révolte
des.Gallois, qui fe jetterent fur la Mercie, 6c
remportèrent fur Bernulphe qui y régnoit, de très-
grands avantages.
De toutes les fondions de la royauté , celle-qui
accabloit le plus l’ame timide d’Ethelwolph, étoit le
foin de repoufler la guerre parla guerre. Mais enfin ,
les circonftances devinrent fi preflàntes,& les Gallois
exerçoient dans la Mercie de fi cruels ravages , qu’il
ne put fe difpenfer de marcher en perfonne contre
Roderic leur chef. Il raffembla fes troupes & les joignit
à celles de Bernulphe , roi de Mercie. Roderic,
affez puiffant pour lutter contre Bernulphe , ne fe
crut point affez fort pour réfifter aux Anglois, joints
aux Merciens, 6c il demanda la paix, qu'Etelwolph
s’empreffa d’autant plus volontiers de lui accorder,
que ce n’étoit jamais que par effort qu’il fe décidoit
à combattre. Mais il fe flatta vainement de jouir du
repos que cette paix fembloit lui procurer : les Danois
, qui tous les ans faifoient des invafions en