
de l’animal. Tant que l’animal eft vigoureux, le mouvement
paroît uniforme. Mais quand l'animal a perdu
de fes forces, on apperçoit aifément dans chaque
diaftole du coeur,que le fang n’avance pas, qu’il recule
même : Ôc dans la fyftole, cette petite onde de fang,
qui étoit fufpendue, fait un pas ôc s’avance vers les
vaiffeaux capillaires. Dans les veines cette accélération
du fang qui répond à la contraélion du coeur,
eft moins manifefte. Nous l’avons vu cependant, ôc
de très-bons auteurs ( a ) l’ont vu. Et quelle autre
caufe pourroit donner du mouvement au fang veineux
des animaux à fang froid, puifque les arteres
y font immobiles , ôc que ces animaux ne refpirent
point?
Le* vaiffeaux des genres inférieurs font difficiles
àappèrcevoir, ôc le microfcope même ne les découvre
que rarement. Il eft cependant avéré fur d’autres
fondemens , que le coeur eft le moteur des humeurs
invifibles de ces vaiffeaux, de ceux de la
tranfpiration infenfible, de ceux qui féparent les humeurs
tranfparentes de l’oeil, ou qui compofent avec
le tiflu cellulaire les vifceres. Une fécondé preuve,
que tous ces vaiffeaux invifibles tirent leurs humeurs
ôc leur mouvement du coeur, c’eft l’injeâion. Cette
manoeuvre n’eft autre chofe qu’un coearartifiel, qui
fupplée à l’impuifl'ance de celui quela nature a fourni.
C ’eft un moteur qui pouffe dans l’artere une liqueur
dont lui feul produit le mouvement. L’in-
jeétion remplit une bonne partie des vaiffeaux invifibles
, dont les humeurs font plus fines que le fang :
elle fait paffer l’huile de thérébenthine dans l’humeur
aqueufe : elle remplit les vaiffeaux de la capfule du
cryftallin & de la lame vafculeufe de la retine : elle
ouvre à l’eau un paffage dans les ureteres, dans les
canaux de la bile. Il nous paroît bien naturel que
dans l’animal vivant le coeur faffe ce que le fiphon
fait dans le cadavre, ôc que lu i, ôc lui feu l, pouffe
le fang par ces petits canaux, comme le fiphon feul
les y tait paffer.
il y a cependant des liqueurs dont le mouvement
ne paroît pas dépendre du coeur. T el eft le mouvement
par lequel la graiffe fait du chemin par le tiflu
cellulaire, Ôc qu’elle rentre dans le fang : que la
lymphe atténuée Ôc épanchée dans le même tiflii
rentre dans les vaiffeaux lymphatiques : que le lait
fe rend de la graiffe du contour de la mamelle juf-
qu’au mamelon : que le chyle eft pompé : en un
mot, les mouvemens veineux des matières contenues
dans des cavités grandes 6c petites, 6c le mouvement
des corps 6c des humeurs, qui font du chemin
dans le tiflu cellulaire. L’un 6c l’autre paroît en
partie l’effet delà force contra&ive des lames ôc des
filets cellulaires, ou des mufcles voifins ; 6c en partie
tenir à l’attraélion des vaiffeaux capillaires, qui
attirent les humeurs, comme le font les tuyaux de
verre du même nom.
Les eau fes du mouvement du coeur ne font pas
entièrement connues ; on approche cependant du
vrai ; on a travaillé à écarter les opinions erronées
6c les expériences mal faites.
La caufe immédiate du mouvement-du coeur n’eft
point obfcure ; ce font les fibres charnues- du coeur.
Quelqu’obfcure que foit leur, direction, elle eft en
général oblique, 6c elles defeendent de la bafe à la
pointe. Leur mouvement approche donc ces deux
extrémités en raifon inverfe de leur réfiftance. Le
raccourciffement du coeur 6c une légère courbure delà
pointe en eft l’effet. Mais comme ces fibres forment
avec la cloifon du\coeur deux ventricules, 6c que la
cloifon eft la partie la plus folide du coeur, elle fert
de point fixe à fés fibres q u i, pour former l’un 6c
l’autre ventricule, forment des arcs, dont la corde
(<*) Spallanzani, Leder, Muller.
eft la cloifon. Elles abaiffent ces arcs en agiflant J
elles fe rapprochent de la ligne d roite, 6c en s’appla-
tifi'ant elles réduifent exactement à rien chaque fec-
tion du ventricule : c’eft elles qui ont la principale
part au vuide parfait, qui fuccede dans l’état naturel
au fang exprimé par les forces que nous venons
de nommer.
Les oreillettes ont de même 5c des arcades charnues
, qui en s’applaniffant rétreciffent la cavité , 6c
des fibres droites, qui de la bafe de l’oreillette s’élèvent
à fa pointe, 6c qui la raccourciffent en même
tems. Nous avons vu 6c les fibres 6c leur jeu.
Ce n’eft pas la partie difficile du problème , que
nous venons de propofer. Il refte à découvrir la
fource de ce mouvement fi violent, 6c en même
tems fi confiant 6c fi répété, qui eft exécuté par les
fibres charnues du coeur.
Les phyfiologiftes répondoient autrefois bien vîte
à cette queftion. Les uns trou voient dans l’ame une
fource inépuifable de mouvement, qui en commu-
niquoit à la nature immobile par elle-même, la portion
néceffaire pour fes deffeins, 6c la force fuffi-
fante pour faire pafl'er le fang dans les arteres.
Cette hypothefe n’explique rien. Nous cherchons
la caufe phyfique dont les fibres du coeur font
animées. Mais il y a contre la puiffance de l’ame
des témoignages direôs. Plufieurs animaux ont été
fournis à l’expérience ; on leur a arraché le coeur.
Ceux dont le fang eft froid, ont vécu 6c long-tems
vécu après cette cruelle opération. Ils ont regardé,
ils ont fauté, marché 6c donn% toutes les marques
de volonté dont ils étoient capables. L’ame de l’homme
même continue fes fondions , après qu’on lui a
arraché le coeur. Un des malheureux qui a voient
trempé dans la confpiration des poudres, a continué
de prier ; un autre a contemplé ; un autre encore a
proféré quelques paroles, 6c a regardé fon coeur que .
le bourreau lui avoit arraché, 6c qu’il tenoit à la
main.
On ne voit point que les maladies du coeur affectent
l’ame. Nous^vons vu un jeune homme avoir
le coeur rongé par des ulcérés 6c couvert de pétrifications
: le pouls étoit irrégulier , la circulation
fouffroit ; mais l’ame n’étoit point gênée dans fes
fondions.
Il y a plus. Le coeur d’un animal à fang froid, fouf-
trait à l’empire de l’ame, arraché à l’animal, bat pendant
plufieurs heures d’un mouvement régulier de
fy ftole 6c de diaftole. Il y a donc dansle coeur une fource
•de mouvement qu’il ne tient pas de l’ame, ôc que
même le corps de l’animal ne lui fournit pas.
Cette expérience prévient contre l’hypothefe
commune. Prefque tous les auteurs attribuent aux
nerfs cette force avec laquelle le coeur fe meut. C ’eft
un mufcle , difent-ils, 5c le mouvement mufculaire
vient des nerfs. Il y a même des auteurs qui ont
cru voir que l’irritation des nerfs cardiaques accéléré
6c rétablit le mouvement du coeur ; que l’irritation
du cerveau ou delà moelle de l’épine a le même
pouvoir;ôc que la ligaturedela huitième paire tue
fur le champ un animal 6c fupprime le mouvement
de fon coeur.
Quoique l’analogie nous mene à cette hypothefe
, l’expérience nous en éloigne. Non feulement
le coeur arraché continue de fe mouvoir, mais la
ligature des nerfs de la huitième paire,celle des nerfs
intercoftaux, celle même des uns ôc des autres de
ces nerfs 6c leur entière deftruâion n’affeélent point
le mouvqpient du coeur. La deftruftion totale du
cerveau, celle du cervelet, célle de la moelle de
l’épine ne fupprime pas non plus ce mouvement;
l’irritation des nerfs de la huitième paire, celle des
intercoftaux, de la moelle de l’épine 6cdes nerfs cardiaques
même,. n’altere pas le mouvement du coeur,
ne l’accéléré & ne le rétablit pas, quand il a été interrompu;
le coeur continue de bajtre & le point
Sautillant fe meutavec la même régularité, quand on
a détruit la bulle du cerveau, •
Nous n’abuferons point de ces expériences : nous
nous' fou viendrons également que des nerfs nombreux
ne font pas donnés au coeur fans utilité ; nous
n’exclurons pas ces nerfs du rang des caufes du mouvement
du coeur; mais nous croyons conclure avec
-équité, de ces expériences , qu’outre la force ner-
veufe , il y â dans le coeur une fource de mouvement
qui ne dépend pas du cerveau , 6c qui n’arrive pas
-au par les nerfs. - 7: -
Les faits ont découvert dans lés mufcles 6c dans
le coeur une puiflance, qu’on appelle irritabilité, qui
ne dépend pas des nerfs , qui régné dans les animaux
dépourvus de cerveau , de tête 6c de nerfs, ôc qui
paroît réfider dans la fibre mufculaire elle - même ;
cette force mouvante eft excitée par prefque tous les
ftimulus , la chaleur, l’air, le feu , l’étincelle éle&ri-
que ; le mufcle 6c le c'oeur rentrent en mouvement
après un plein repos , lorfqu’on y pouffe l’air, l’eau
chaude ou du fang chaud ; car c’eft la furface intérieure
du coeur qui fent le plus vivement la force
des ftimulus, 6c ce font des fluides fans âcretéqui
l’irritent lé mieux.
L’avantage que le coeur a fur tous les autres mufcles
, c’eft la force de l’irritabilité , 6c la confiance de
cette force. Le coeur furvit de beaucoup aux inteftins
6c aux mufcles dans les animaux à fang froid ; nous
l’avons vu battre pendant vingt-quatre heures dans
la grenouille après qu’aucun autre mufcle ne fe con-
traêloit, quelque irritation qu’on employât ; dans le
poulet enfermé dans l’oeuf, le coeur bat malgré le
froid mortel de l’animal, malgré celui de l’eau qui
environne l’oeuf; dans les premiers jours de l’incubation
le coeur eft animé d’une force très-vive, ôc
les autres mufcles font abfolument fans irritabilité ,
les inteftins 6c l’eftomac n’en donnent même aucune
marque.
Dans l’animal à fang chaud, la fupériorité du coeur
n’eft pas tout-à-fait la même, la graiffe dont il eft
couvert fe fige parle froid, 6c le coeur lui-même fe
durcit 6c perd fon irritabilité ; il lui faut pour con-
ferver cette qualité, de la chaleur 6c de l’humidite ;
les inteftins confervent quelquefois leur irritabilité
aufli long-temps que le coeur, ôc nous les avons vu.
lesconferver plus'long-tems; parce qu’on les a de-
couverts plus tard que le coeur, 6c qu’ils ont confervé
plus de chaleur ; mais en général dans ces animaux
même, le coeur refte irritable, quand tout autre
mufcle ne l’eftplus. Nous avons vsu battre l’oreillette
droite d’un chien , cinq heures entières après la mort
abfolue de l’animal ; le coeur arraché furpaffe de beaucoup
les autres mufcles dans la confiance de fes mouvemens;
les inteftins arrachés s’àgitent pendant quelques
minutes , les mufcles palpitent de loin en loin,
lans aucun mouvement régulier qui fubfifte uniquement
dans le coeur ; dans le poulet, le mouvement eft
revenu au coeur irrité vingt-fix heures après la mort
de l’animal. Les morceaux même du coeur divifé en
petites parties , continuent de fe mouvoir ; le coeur
des jeunes animaux eft plus irritable, 6cle coeur du
poulet l’eft au fuprême dégré.
D ’où vient’cette fupériorité dans le mouvement
du coeur ? Elle ne dépend pas de fa fenfibilité ; il en
a peu , fes nerfs font nombreux fans être grands. Pen-
feroit-on aux réfeaux que forment les fibres 6c les
mufcles du coeur, ÔC par lefquels cet organe différé
des autres mufcles , dont les fibres ne s’unifient jamais
entre elles? On ne voit p£s dans cette ftruâure
une caufe fuffifante d’une plus forte irritabilité.
La figure cave dit coeur donne au fang qui l’irrite,
la facilité d’en toucher une grande furface ; la membrane
qui revêt cette cavité eft extrêmement mince,
6c le fang touche prefqu’ànu les fibres'mufculaires.
Il eft poflîble que les nerfs plus à découvert fentent
plus vivement Fimprefiion du fang ; les mufcles creux
ont un avantage dont ne jouiffent pas les mufcles
longs ; ceux-ci ne font irrités que par les efprits animaux
, ÔC ceux-là ont pour ftimulus les liquides
qui rempliffent leur cavité ; il eft fur du moins que
le coeur-arraché du corps d’une grenouille, 6c qui a
perdu-prefque tout Ion mouvement , ’le reprend
lorfqu’on le remplit d’a ir , 6c que dans cet état il continue
pendant plufieurs heures de pouffer alternativement
le fang dans l’oreillette ôc de l’en recevoir.
Il eft sûr encore que le coeur bien vuidé perd le
mouvement, c’eft une expérience que nous avons
faite bien de fois, 6cvariée de bien des maniérés.
Ayant remarqué que le coeur 6C l’oreillette du côté
droit confervent plus long-temps le mouvement,
que le coeur 6c l’oreillette du côté gauche, nous avons
tenté de renverfer l’ordre de la nature, 6c nous y
avons réuflî,en ôtant aux cavités du côté droit le fang
qui les irfitoit ; l’expérience n’eft pas bien aifée à faire
, elle nous aréufîi cependant ; il faut pour ôter le
mouvement au ventricule droit 6c à d’oreillette,
ouvrir l’artere pulmonaire 6c lier la veine cave, 6c de
l’autre côté lier l’aorte, ouvrir la veine pulmonaire ;
dès-lors les cavités du côté droit refiant parfaitement
vuides, ce1 font celles du côté gauche dont le
mouvement continue le plus long-tems ; on a ouvert
la ligature de la veine c a v e , ôc fendu du fang au
ventricule : il ne battoit plus pendant qu’il étoit vuide
, rempli de fang il a recommencé de battre , 6c
avec plus de force à mefureque le fang le remplif-
foit plus parfaitement.
L’air pouffé dans le canal thorachique ou bien
dans un des grands troncs veineux du coeur , rappelle
le mouvement que le fane a perdu. La faignée affoi-
blit le coeur, 6c le faut du lang d’une artere s’abaiffe ,
à mefure que l’animal a perdu de fon fang.
En fuivant ces expériences 6c en les comparant
avec les phénomènes du coeur dans l’animal vivant ,
il paroît que cette confiance à fe mouvoir , fi admirée
dans le coeur,a pour caufe principale l’application perpétuelle
du ftimulus ; en effet on voit dansle poulet la
veine battre ôc fe vuider, le fang pafl'er dans le ventricule
encore unique, celui-ci fe contracter auffi-tôt,
fe vuider ôc donner fon fang au bulbe de l’aorte,
qui fe contracte de même à l ’attouchement du fang ;
dans la grenouille cette fuite de mouvement eft la
même, 6c par-tout la partie du coeur ou de l’oreillette
qui eft remplie de fang , fe contrarie, 6c celle qui
s’eft vuidée perd le mouvement ; de là cette fupériorité
dans la durée des battemens de la veine
cave , de l’oreillette droite, 6c du ventricule droit ;
phénomène que nous ne rappelions pas. Le mouvement
fubfifte le mieux dans les parties qui reçoivent
le plus long-tems du fang.
Nous avons parlé du mouvement du coeur, parlons
de fon repos ; tout mufcle qui a été irrité, fe con-
traâe , mais après un certain tems , l’impreflion de
l’irritation ayant ceffé, le mufcle fe relâche , s’amo-
lit 6c s’alonge ; le coeur en fait de même ; dès qu’il
eft vuide , il perd le mouvement, s’alonge, fe flétrit
6c refte immobile , jufqu’à ce qu’une onde de fang
fucceflivement accumulée foit devenue fuffifante
pour le contraêler ; de là les longs intervalles entre
les pulfations de l’animal qui fe meurt.
Comme le coeur refte irritable dans^ le corps de
l’animal qui fe porte bien, il ne lui faut qu’un
nouvel aiguillon pour rentrer en mouvement, ôcfon
aêlion eft une alternative réglée de mouvemens produits
par l’irritation , ôede relâchemens qui fuivent
font inanition.
Dans un animal mourant l’irritabilité diminue peu