
Pologne fille de l’empereur Henri I V , & loeür de
Henri V. Elle époufa Uladiflas , fils de Boleflas I II,
roi de Pologne. L’ambition de cette princeffe fit les
malheurs de fon époux : elle alluma dans Ion coeur
cette paffion de dominer dont elle etoit deyorée ; ,
lui peignit fes freres Bolefias, Miceflas, Henri, comme
des rivaux dangereux, qui lui refuferoient bien-,
tôt l’hommage qu’ils lui avoient promis, s’érigeroient
enfouverains dans leurs appanages, & le ligueroient
pour l’accabler & partager fa dépouille : elle ajouta
que le feul moyen de prévenir les maux qui mena-
çoient la Pologne, étoit de s’emparer des domaines
de ces princes. Uladiflas, prince foible , efclaVe du
premier courtifan qui s’emparoit de fa confiance,
fuivit ce confeil funefte, leva des troupes afliegea
fes freres dans Pofnen, fut vaincu & s’enfuit en Allemagne.
La reine engagea l’empereur Conrad a fe-
courir fon époux ; mais bientôt abandonnée par ce
prince, elle trouva dans Frédéric Barberouffe, fon
fucceffeur , un allié moins inconftant. Ce monarque
entra dans la Pologne à main armee , & f ° rÇ^ ®°"
leflas , qui avoit été couronne, à recevoir fon frere.
Uladiflas fe préparoit à rentrer dans fa patrie, mais
la mort l’arrêta en chemin. Il mourut méprife de fes
fujets , abandonné de fes amis, viftime de fa com-
plaifance pour fa femme. Elle fut reléguée en Allemagne,
& paffa le refte de fa vie dans une obfcunte
plus cruelle, pour cette ame orgueilleufe, que la mort
même. Peu de .vertus rachetaient fes défauts ; & fes
talensn’égaloient pas fon ambition : fon caraélere
étoit féroce ; elle ne fentit jamais ni reconnoiffance
pour fes partifans, ni pitié pour fes ennemis : elle
avoit fait crever les yeux & couper la langue a un
feigneur Polonois qui ofa défendre, devant Uladiflas
& la nation , la caufe des princes opprimes.
(M . d e S a c y . ) . , , ,
C hristine , ( Hiftoire de Suede. ) avoit epouie
l’adminiftrateur Stréen-Sture , qui fouleva la Suede
contre le roi Jean en 1487. Après la mort de fon
époux , elle s’empara de la fcene qu’il avoit occupée
pendant trente-trois ans ; elle avoit hérité de fes
talens, de fon courage & non pas de fa perfidie. Elle
trouva tous les efpritsdifpofés à recevoir la domination
Danoife : on parloit même de convoquer une
affemblée où Jean devoit être reconnu. La veuve de
l ’adminiftrateur s’y oppofa, forma un parti dans Stockholm
, gagna le peuple par fes difcours & quelques
fénateurs par fes largeffes. Cependant Chriftiern I I ,
fucceffeur de Jean, fut couronné dans une affemblée
d’états; maître dufénat, vainqueur de lanobleffe,
foutenu par le clergé , il fe flatta de triompher aifé-
ment d’une femme , & fomma Chriftine: de remettre
entre fes mains la capitale^ où elle s’étoit renfermée.
« Je ne reconnoîtrai jamais, dit-elle ,pour mon fou-
» verain , l’ennemi de ma patrie & de ma famille :
» cette affemblée dont les fuffrages 1 ont couronne
» n’étoit qu’un ramas de rebelles & de traîtres : je
m défendrai Stockholm, & s’il n’y a plus que moi &
» mes amis de Suédois, nous le ferons du moins juf-
» qu’au dernier foupir «. Le fiege fut formé & pouffe
avec vigueur. Chriftine fe défendit de meme, fe montra
dans toutes les attaques , & fit tout ce qu’on au-
auroit pu attendre d’un général confommé dans l’art
delà guerre. Mais l’épuifement des vivres ne lui permit
pas defoutenir ce cara&ere de fierté qu’elle avoit
fait éclater d’abord. Le peuple murmuroit, le fénat
étoit découragé; Chriftiern II offroit une capitulation
honorable. Enfin, vaincue par les cris d’un peuple
mutiné, & par les inftances des fénateurs, elle
ligna avec horreur en 1520, une capitulation qui
lui confervoit le rang & les biens dont elle avoit joui
du vivant de fon époux. t t
Chriftiern n’avoit ofé violer fur le champ un traite
dont il avoit lui-mêipe diété les articles, Mais peu de
tems après il cita la veuve de l’adminiftrateur devant
des commiffaires nommés par le fenat pour y rendre
compte de la conduite de fon époux. Il etoit aife
de le juftifier comme patriote , &meme comme rebelle
: mais comment pallier tant de perfidies, un
ferment de fidélité prononcé & violé prefqu’au mê-
me inftant, une treve de trente ans refufée quand
toute la Suède la demandoit, fes révoltes accumulées
malgré tous lés traités où il reconnoiffoit Jean
pour fon louverain? Chriftine mania cette caufe avec
tant d’art qu’elle auroit féduit fes juges, fi la haine
ne les avoit pas rendus clairvoyans. Elle citait fur-
tout une ordonnance des états , dont fon époux, di-
foit-elle, avoit fait le plan de fa conduite. Mais une
loi quelle qu’elle puiffe [être ÿ ne peut juftifier des
parjures. Elle eut le fort que fon époux feul avoir
mérité, & fut arrêtée. Tous fes amis périrent fur
l’échafaud; mais Chriftiern qui craignoit que le
peuple ne fe foulevât en faveur de cette infortunée,
ordonna à l’amiral Norbi de la noyer fecrétement ;
ce feigneur fit par ambition ce quun autre eut fait
par humanité ; il efpéroit qu’en fauvant les jours d e .
Chriftine , la reconnoiffance l’engageroit à lui donner
la main, & que le feul titre de fon époux fuffi-
rpit pour lui former un parti dans la Suede ; il repré-
fenta à Chriftiern, qu’en la perdant il perdoit tous
les tréfors que Stréen-Sture avoit amaffes, quelle
feule pouvoit lui découvrir le lieu ou ils étaient
cachés. Chriftiern fuivit ce confeil, laiffa la vie à
Chriftine, s’empara de fes richeffes, & lui ôta la
liberté qu’elle ne recouvra jamais. (M . d e Sa c y . \
C hristine , ( Hiftoire de Danemarck 6* de Suede.y
reine de Danemarck, de Suede & de N orvège ,
étoit fille d’Erneft, éleâeur de Saxe ; elle naquit en
1461, & en 1477 elle époufa Jèan ,fils de Chriftiern I,
rai de Danemarck. Ce mariage également déliré par
la nation & par les deux époux, fut célébré avec
une pompe jufqu’alors inouie dans le Nord. Apres la
mort de Chriftiern, Jean réunit, fur fa tête les trois
couronnes , de Danemarck , de Suede & de Norvège
; mais l’adminiftrateur Streen - Sture , ayant .
formé contre ce prince un parti dans la Suede, per-,
dit & gagna des batailles : dans le cours de fes prospérités
il vint mettre le fiege devant Stockholm. La
reine y commandoit : elle donna des ordres fi fages,
veilla avec tant de foin à leur exécution, que l'adirn-1
niftrateur étoit prêt d’abandonner fon entreprife,'
lorfque des traîtres l’introduifirent dans la ville ; les
magiftrats fignerent une capitulation honteufe, & le
peuple parut complice delà perfidie. On prétend que
la reine, dansle premier mouvement de fon indignation,
fit mettre le feu àlavilleparfesfoldats : elle fe
retira avec eux dans le château, où elle fe vit afliégée
& par Stréen-Sture & p a r la populace de Stockholm
que le fpe&acle de l’incendie animoità la vengeance.
Elle foutint avec un courage au-deffus de fon fexe ,
& les périls & les fatigues du fiege : préfente aux
travaux comme aux combats , elle echauffoit par fa
préfence l’ardeur du foldat. Bientôt les vivres furent
épuifés ; on fut réduit à manger les chevaux, la reine
donna l’exemple, & dès-lors ce mets fut trouvé délicieux.
Mais pour perfuader aux alfiégeans que tout
étoit en abondance dans la citadelle, elle avoit fait
conferver un porc des plus gras qu’on faifoit courir
continuellement fur les remparts.
Elle flemeura plus d’un an dans cette affreule litua-
tion, preffée par la faim & par les Suédois ; aban-:
donnée par Jean, qui dans les bras d une maitreffe,
oublioit fon époufe, fes devoirs, la Suede & fa
gloire. Stréen-Sture fit donner un affaut general, fes
troupes furent repouffées, mais elles laifferent une
partie de la gamifon étendue fur la breche , le refte
prêt à expirer de faim, menaçoit de fe rendre W fai-
loit foutenir un fécond affaut : la retne fe vit forcée
de
è ê 'Capituler. Les principaux articles du traité étaient
qu’elle auroit la liberté de retourner en Danemarck
& que fes foldats auroient la vie fauve.
La reine fôrtit donc en 150.2 ; mais au mépris dè
la capitulation, elle fe vit entourée de gardes, &
conduite'aù monaftefè de Vadfte’ne , où elle paffa
tin an dans une retraite obfcure & peu digne d’elle.
Enfin , le légat du pape, les députés de la ville de
Lubec, & plus que tout le refte, la crainte de voir
le roi de Danemarck venir à main armée redemander
fon époufe, engagèrent l’adminiftrateùr àlui rendre
la liberté ; il la conduifit lui-même jufqu’aux
frontières de là Hallandie. Le peuple, la nobleffe
fe’empreffoient fur fon paffage, tous admiroient l’héroïne
du Nord, elle rentra en Danemarck, y fut
reçue avec des acclamations, pardonna à fon époux
•î’abandon où il l’avoit laiffée , confacra le refte de fa
vie à fonder des monafteres , & laiffa à Copenhague
des monumens de fa piété, comme elle en
avoit laiffé à Stockholm de fon courage. ( M. d e
'Sa c y . )
C hrist ine , ( Hiftoire de Suede.') reine de Suede,
fille de Guftavé-Adolphe, née le 18 décembre 1626^
Guftave,vainqueur dès trois puiffances qui avoient
f i fouvent tenté d’envahir fes états , jouïffôit enfin
•du fruit des vertus & des exploits qui lui avoient
mérité le titre degrand, rien ne manquoitàfagloire
que le bonheur d'en tranfmettre l’éclat à un héritier
digne de lui. Les aftrologues , félon l’ufage, ne manquèrent
point de prédire que la reine accoucheroit
d ’un fils : la reine accoucha d’urte fille ; n'importe
dit Guftave , cette fille me vaudra bien un garçon. On
ne parle point des prodiges qui accompagnèrent la
-naiffaricé de la jeune princeffe, parce qu’à préfent on
il'e voit plus, rien de prodigieux que dans la crédulité
de fes fuperftitieux contemporains.Chriftine reçut une
aufli bonne éducation que fi elle n’eût pas été'defti-
née à régner ; fon pere en avoit tracé le plan lui-mê-
ine, & les ordres après fa tnort, furent fuivis , com-
ihe s’il n’eût pas été roi.
Le héros percé d’une fléché lancée par un bras
inconnu, venoit .de périr dans le fein de la v iûoire,
à la bataille de Lutzen, & fa mort alloit renouveller
le s horreurs, de l’anarchie : une fille de fix ans étoit
toute la reffource de l’état menacé de toutes parts,
l e Danemarck fier de fes anciennes prétentions au
trône de Suede, depuis la fameufe union de Calmar
en 1395 » la Pologne toujours indignée d’une paix
qu’on lui avoit fait accepter les armes à la main;
la Mofcovie , jaloufe de rentrer dans les provinces
qu’on lui avoit arrachées, plus jaloufe d’en conquérir
de nouvelles.; tous-fe préparoient à fe difpu-
ter une couronne qui paroiffoit devoir appartenir à
celui qui auroit le bonheur de s’en emparer. Les
états de Suede s’affemblerent ; le maréchal de la
-diete ofe propofer dé couronner la jeune princeffe.
.Un payfan s’avance, & demande : Quelle ejl cette fille
de -Guftave ? qu'on, nous la montre, nous ne la con-
noijfons pas. Le land - maréchal court chercher
£hriftine , la prend dans fes bras & la fouleve au
milieu del’affemblée. Le payfan s’approche&s’écrie
les larmes aux yeux : Oui c'eft lui-même, voilà lene^,
les yeux & le front du grand Guftave : nous la voulons
.pour notre fouveraine. Au moment même mille cris
d’applaudiffement s’élèvent, tandis que les grands
duroyaumeprofternés aux pieds del’augufte enfant,
le reconnoiffent pour roi & font dépofer fur les
marches du trône , les trophées enlevés aux ennemis
à la fatale journée de Lutzen.
Chriftine élevée fous les yeux des hommes éclairés
qui préfidoient à fon éducation, commençoit à fe
livrer fur le trône, à ce goût paflionné pour l’étude
qui devoit un jour luj ipfpirer l'ç projet fingulier
Tonie IL
d’en defceiidre. Fiere de fes connoiffân.ces dans tous
les genres, avide d’en acquérir de nouvelles , la
reine entourée de ftatues, de manufcrits , de médailles
, cherchoit à s’attacher les grands hommes
dont l’Europe fe glorifioit alors. Grotius , le compatriote
, l’ami ; le défenfeur du vertueux, Barne--
ve ld ; dont on venoit de trancher la tête à foixante-
douze ans, pour avoir eu l’honneur de défendre fa
patrie contre l’ufurpation du prince d’Orange,
Grotius échappé des priions, vint apporter à Stockholm,
des talens,des vertus & une réputation qui ,
à Rotterdam, ne l’euffent point fauvé.de l’échafaud.
Pafcal qui dans Paris venoit de perfecHoner la
roulette, cherchoit dans le Nord des approbateurs
de fon ouvrage ; il écrivit à la reine q u i, pour le
malheur de la Phyfique & des Mathématiques, eut
celui de ne pouvoir l’attirer à fa cour ; car il eft à
préfumer que Pafcal en Suede, fe feroit livré à d’autres
occupations que celles qui l’abforberent tout
le refte de fa vie. Defcartes dont les ouvrages
étoient ignorés en France, perféeutés en Hollande
&C admirés en Suede, fe laiffa perfuader d’y aller
jouir des honneurs dont il fe fentôit digne. C ’étoit
un fpeâacle peu commun, de voir une jeune reine
fe lever tous lés jours à cinq heures du matin
pour converfer avec unphilofophe fur des queftions
dé metaphyfique.'Jaloufe de l’admiration des fàvans
à l’âge où fon lexe foupçonne à peine qu’il en exifte,
elle entretenoit une correfpondance fuivie avec Sau-
maife, le plus érudit, comme le plus orgueilleux
des pedans; avec Vollïus le Théologien ; avec Go^
deau , homme de vertu & de mérite, qu’un bon
mot fit évêque, & dont nous avorçs des milliers
de vers qu’on lifott alors. Parmi les lettres de Chriftine
on doit fur-tout remarquer çelle où elle offroit à
Scudéri, d’accepter la dédicacé de fon Alaric en y
joignant un préfent confidérable , pourvu qu’il effaçât
de fon poëme, l’éloge de M. de la Gardie, qu’une
indifcrétion venoit de perdre dans l’efprit de la
reine. Scudéri eut le courage de répondre : qu'il ne
détruiroitjamais C autel où il avoitfacrifié: on fait que
l’immortel auteur des Géorgiqùes eut la foibleffe
d’effacer de fon poëme le nom de Gallus fon ami,
que l’empereur venoit de difgracier. Un procédé fi
différent fait defirer ou que le poëme de Scudéri né
foit pas fi déteftable, ou que celui de Virgile ne loit
pas un chef-d’oeuvre.
Peu contente des lumières que donnoit l’ éducation
d’Athènes, Chriftine y joignoit les exercices fati—
guans de celle de Sparte ; de là fon aveïfion pour
tous les petits ouvrages de main ; de là fon inclination
pour les plaifirs de la chaffe & les travaux de la
guerre. Son antipathie pour tout ce que difent &
font les femmes étoit fi violente, qu’elle difoit fou-
vént que la nature s’étoit méprife en la faifant
femme ; en affeétant les vertus de notre fe x é , elle
renonçpit volontiers'aux grâces du fien. La paix
conclue avec les Danois permetîoit à la Suede
de raffembler toutes fes forces contre les Impériaux
dont la puiffance menaçante àlarmoit tous
les princes de rEurope. Tarftenfon le maître &
l’ami de Tutenne, contribuoit par l’éclat de fes
yiûoire s, comme le chancelier Salvius par la far
geffe de fes négociations, à rendre Chriftine l’arbitre
d’une paix générale, que defiroient également toutes
les puiffances belligérantes ; cette fàmetife paix de
Weftphalie fut enfin lignée àu mois d’oâobre 1648-.
Innocent X fut feul mécontent. Ce pape n’avoit pas
prévu qu’en voulant maintenir l’équilibre entre les
puiffances de l’Europe , il étoit impoffible d’affoiblir
la maifon d’Autriche qu’il n’aimoit pas , fans agrandir
les proteftans qu’il aimoit encore moins. Il crut
fe venger en faifant afficher à Vienne une .bulle ,
par laquelle il refufç»it.à Chriftint le. titre de, reine 4«
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