
troifieme jour que la viô.oire, fi long-tems dlfputée,
fe décida en faveur des Suédois. La déroute des \ o-
Jonois & des Tartares fut entière : aucun d’eux n eut
échappé à la pourfuite de Gujlave, fi ce prince ne
s’étoit pas vu abandonné par l’eleôeur. Le ro i, pour
retenir dans fan parti cet allié foible & toujours
chancelant, fut contraint de lui céder la Prune Uu- \
cale. Il eut bientôt un ami plus pmffant dans George
Ragotzi, prince Se Tranfilvanie, à qui il abandonna
îa plupart des provinces 'de Pologne, il conclmon
<me H H , qui fe flatroit de monter vin jour fur
le trône, céderoit il la Suede toutes les provinces
maritimes. Charles alloît & venoit fans ïëffe de Po-
loene enPruffe, cherchant par-tout des occafions
de fignàlerTon courage, & ne trouvant plus d’ennemis
à combattre. '
Mais bientôt le conquérant de tant d etats^ rut
contraint de fonger à la dèfenfe des fie ns. La république
de Hollande avoit preffcnti que le projet de
Charles étoit de l’ exclure du commerce de la mer
Baltique. Elle avoit , par une politique adroite,
animé contre lui le roi de Danemarck, qui parta-
geoit avec la Suede l’empire de’cette mer. La guerre
fut déclarée en 1657 1 CharUs entra dan* lc B B |
Wraneel pénétra dans le duché de Breme ; & tout
Fut fubjugué. Frcdericfudé, place importante & bien
défendue , fut emportée d’affaut : une viftoire na- '
vale donna aux armes de Charles un éclat qui leur
avoit manqué jufqu’alors : ce prince defcendit dans
i’ile de Fuhnen, y maffacra fix mille ennemis, rçafla
fur la glace dans î’ ile de Langeland,-conquit de meme
celle de Laland,& parut enfin fur les côtes de Zee-
lande.Le roi de Danemarck trembla pour la capitale
ûe fes états. Il céda au roi de Suede la Schoone, les
provinces de Hallanil & de Bleking , Lyfter &
Huvven, l’île de Bornholm , Balras & Drontheim en
Norwege. Chartes,*Content de ces cràditiorfs, figna
ce traite conclu à Rofchiid. Il eut une;entrevue avec;
îe roi de Danemarck : les deux priiie|y fe 'comblèrent
de careffeSs.îi|ûi ne tfbmpeïent ni eux-memes
ni leurs courïifânâi' ’ .
Il étoit tëms "qù’il fît fa paix avec le Danemarck.
L’empereur méditoit une ligue avec la Pologne , Sc '
1’clecteur de Brandebourg parojflbic diipolc à y cn-
irer. Le roi de Danemarckçfomeiitoit cette hame
générale, réfolu de prendre lës.'arïnK^dès qué la
lieue éclaterait. Châties foupçorina' les -projets, &
le prévint. Il fit en 165;? une irruption dans le Da-
nemarck. Lés Kabitans de Copenhague fe repofoient
fur la foi du traité. Malgré la Torpille dont ils furent
frappés à la vue de l’armée Suédoife, ils firent la
plus vivoureufe réfillance, fournirent tous les affanîs
avec une fermeté inébranlable, & donnerenuaux
Hollandois, leurs alliés, le tenu d’envoyer une flotte
puiffahte à leur fecours. Elle parut en effet dans le
Sétrbît du Zund, paffa à.traverslë feu des vaiffeaux;
SCiéSois, & jette' du fecoltr's dans la ville affiégée.
Charles,'^kGltpé du Tùccès de cette entjeprife, ïie
négligepit pas les grands mouvemens qui 1,’appel-
ioient ailleurs. 11 envoya dés; troupes pour chaffer
les Polonois, déjà maîtres de la Livonie, fit enlever
; le d.iiç de ConHande, qui obferVoit mal la neutralité
qu’il avoit prolnife ; fournit Langeland, Mone, Falf-
te r , Nafcoii. Mais.la fortune qïfi l’avoit fi bien fèivi
dam toutes fes entreorifes, le démentit tout d’un
coup. L’ Angleterre fe'ligua avec ïaHollande contre
la Suède I lés généraux Suédois effuyerént de vie.-’
lens échecs fût les frontières de la Pologne : toute
une armée fut taillée en pièces dans l’île de Fuhnen,
Charles rentra en Suede, pour réparer tant de pertes:,
& prévenir lés coups dont il était menacé. Mais il
y fut attaqué d’une fievre épidémique. Il brava la
mort dans le l i t , Cbtnme il avoit fait dans les combats
: ce qui ptouve que fon courage étoit réfléchi y
il di£la fon teftament, le figna d’une main ferme, &
mourut le 23 février 1660, dans fa trente-huiueme
année.
Charles Gujlave étoit né avec les plus heureufes
difpofitiofts. Il avoit étudié , dans fes voyages , les
moeurs des nations, & les intérêts des puiffances. Dès
fon enfance, fôn maintien étoit fi noble, que fon pere
lui-même ne lui parloit qu’avec refpett. Il étoit gé-
nérëux , familier avec fes foldats, ennemi des plai-
firs. .Mais tant de hautes qualités qui dévoient faire
le bonheur de la Suede, ne firent que la gloire de ce'
royaume , & le malheur des contrées voifines. Il eut
toujours les armes à la main. Ce fut un conquérant,
& non pas un roi. Leonard Tortenfon avoit été fon
maître dans l’art de la guerre. Il avoit voulu paffer
par tous les grades,afin d’en connoître les devoirs
& les détails. Dès qu’il fut monté fur le trône , le
prêtre qui l’avoit baptifé fe rappella, qu en lui jet—
tant l’eau fur la têtç , il avoit vu une flamme toute
cèlefte envelopper la tête de cet enfant ; préfage infaillible
, difoit-il de fa grandeur future. Il le foutint
fans pudeur,& ne fut pas contredit, fur-tout à la
cour. (M . d e Sacjt.)
C harles X I , (JTiJl. de Suede.') fucceda à Charles
Guftave, fon pere ; il n’avoit pas encore atteint
l'â«re de régner par lui-même ; les régens lui donnèrent
plutôt l’éducation d’un foldat que celle d’un roi ;
on lui apprenoil l’art de dompter les chevaux, mais
on lui laifloit ignorer celui de gouverner les hommes
& de fe gouverner lui-même. La nation fit un crime
aux régens de cette négligence politique : leur but ,
en occupant le jeune prince des exercices qui lui plai-
foient, étoit de l’écarter desjgaires & de perpétuer
même au-delà de fa majorité le befoin que l’état
avoit d’eux; ils lui infpirerent pour le fénat, dont les
yeux jaloux éclairoient leur conduite de trop près ,
une averfion qu’il conferva toute fa vie;ils peignirent
ces magiftrats comme des ennemis.du bien public,
q u i, fous prétexte de tenir la bajance égale entre la
nation & le roi, ne cherchoient qu’à s’agrandir aux
dépens du roi ■ & de la nation. ^
Malgré les efforts de fes courtifans & de fes. maîtres
, Charles développa les tâlens que la nature lui
avoit donnés , prit en main les rênes du gouvernement
, fe forma un nouveau confeil, & choifit pour
guide, dans fes opérations politiques, Lindenfchild ,
Suédois , qui avoit lu l’hiftoire & réfléchi fur les intérêts
de l’Europe. Ce mérite devenu vulgaire , &c
qu’on eflime à peine dans les focietes, attiroit alors
l’attention des monarques. La Suede , qui pendant
tant de fiecles avoit eu peu d’influence fur le refte
de l’Europe, commençoit à y jouer un rôle'impor-
tant ; Chriftine en avoit été l’arbitre au fameux traité
de Munfter ; la paix de Breda , fignée entre la Hollande
& l’Angleterre , étoit l’ouvrage de la régence.
Le traité de la triple alliance entre ces deux puiffances
êd la Suede, mettoit les'Pays-Bas à.Pabri des
itruptions des François ; mais Charles X I changea
d’alliés eh changeant d’intérêt ; il conclut en 1661 ,
avec le roi de France , un traité qui tendoit à maintenir
celui de Munfter. Ce changement fit naître des
divifions dans le fénat ; on craignoit que le ro i, par
cette rupture avec l’Angleterre & la Hollande, ne
voulût fatisfaire le goût qu’on lui avoit infpiré pour
la guerre; mais on fut détrompé,lorfqu’on le vit offrir
fa médiation pour terminer les longs différends de la
France & delà Hollande. La paix conclue avec la Pologne,
par le traité d’O liv a , avec le Danemarck
par celui de Coppenhague, avec la Mofcovie par
celui de Sardis, acheva de diffiper les alarmes que
des efprits inquiets ne ceffoient de répandre parmi le
peuple. T
A travers ces opérations, il etoit atfe d’entrevoir
que Charles préférait l’alliance de Louis XIV à celle
de
tie tous les autres monarques de l’Europe ; Ü avqit
renoncé à celle de l’empereur qui , par une violence
aufîi contraire à fes propres intérêts qu’à ceux de
l’humanité,avoit troublé les conférences de Cologne;
oh les miniftres de Suede travailloient à établir une
paix durable entre la France & la Hollande. L’attachement
du roi pour l’éleûeur de Brandebourg, ne
dura que jufqu’à l’inftant où ce prince fe ligua avec
les ennemis de la France. Charles, fit, èn 1672, une
irruption fubite dans fes états ; fon armée franchit le
paffage de Lockeuitz, fe répandit dans le Brandebourg
, fit peu de ravage & beaucoup de conquêtes;
prit toutes les places fortifiées, refpe&a les campagnes
, & fournit tout fans rien détruire ; tel étoit
l ’effet de la diicipli.ne qui régnoit dans les troupes
Suédoises, & qui lesrendoit auffi refpe&ahles que
terribles.
Mais la maladie du général Wrangel laiffa le commandement
à des généraux fubalternes, qui tous
ennemis les uns des autres , étoient plus occupés à
îraverfer leurs opérations réciproques, qu’à s’oppo-
fer à celles des ennemis. Avec de braves ioldats, une
bonne artillerie, une fituation avantageufe, l’armée
Suédoife,à qui il manquoit un chef,perdit une bataille
contre l’éleéleur de Brandebourg ; cette défaite fut
le fignal d’une confédération générale contre la Suede;
la Hollande faifoit feerétement des préparatifs contre
elle , les flottes Danoifes bloquoient déjà les
ports, & la diette de Ratisfeonne fonnant l’alarmé
avec plus d’éclat encore, déclaroit Charles X I ennemi
de l’empire. Les villes de Lunebourg & de
Munfter fe joignirent à tant d’ennemis ; & fi la mort
n’eût enlevé le czar, implacable ennemi des Suédois,
Charles X I avoit fur les bras une puiffance
plus redoutable elle feule que toutes celles quileme-
naçoient.
Le petit duché de Brême étoit la proie que tant de
princes fe difputoient : l’évêque de Munfter qui avoit
auffi fes prétentions, fe mit de la partie ; fon but
é to it, difoit-il, de rétablir la religion catholique
dans ce duché, & il y envoya une armée de vingt
mille millionnaires, armés de toutes pièces, qui
traînoient avec eux une belle artillerie pour réfuter
les doûeurs proteftans ; ils firent des conquêtes': elles
leur furent bientôt enlevées par les troupes Danoifes
qui vouloient fe Conferver dans le duché de
Brême uh paffage pour entrer dans celui d’Qldem-
bourg.
Mais elles ne purent empêcher la jonélion des Bran-
debourgeois & des Danois, dans la Poméranie ; la
conquête de cette provinc,e ne leur coûta qu’une campagne.
A tant d’infortunes fucceffives , à tant d’ennemis
conjurés contre lui, Charles X I ne pouvoit
oppofer que (ou courage, les forces de la Suede, &
l’amitié peu arrive du duc de Holftein Gottorp, &
de l’élefteyr de Bavière, fes alliés. La perte de l’île
de Gotland & de deux batailles navales dans la mer
Baltique, l’ardeur infatigable du célébré Tromp qui
livroit des combats, faifoit des fieges, & qu’on
voyoit fur mer & fur terre p.refqu’au même inftant,
& fur-tout l’approche du roi de Danemarck, qui pa*
roiffoit toujours à la tête.de (es troupes, firent fentir
au jeune Charles la néçeflit.é de commander fon armée
en perfon.oe. Jufques-là les divifions du fénat l’avojent
retenu au fein de fes états ; il craignoit de les. abandonner
à des guerres inteftines, tandis qu’il alloit
foutenirune guerre étrangère ; mais après avoir af-
foupi ces troubles par une fage fermeté, il fe montra
enfin fur (es frontières les armes à la main ; la fortune
des armes changea aufli-tôt ; trois mille Danois eom-
mandéçpar Dunçamp , furent taillés en pièces près
de Hemlftat ; enfin les deux armées en vinrent aux
mains entre la rivière de l'Oder & les murs de Lun-
den, le 14 décembre 1676 i Charles X I commanda
Tome I l%
en général, combattît en foldat, &m,ônfra par-tout
une préfence d’efprit plus étonnante que fon courage
: on vit dans cette journée ce que peut fur les
troupes la préfence des rois ^Charles X I , vainqueur
où il étoit, fut vaincu où il n’étoit pas ; & Chriftiem
triompha à l’aîle de l’armée qu’il conduifoit, &c fut
fpe&ateur de la déroute de celle qu’il ne conduifoit
point. Pour juger de l’habileté des deux rois & de la
valeur de leurs troupes , il eût fallu que Chriftiern ôc
Charles, placés au centre de leurs armées, fe fuffent
rencontrés. Le combat fe rétablit vers la fin du jour,
& la nuit fépara les cpmbattans ; les deux armées
jetterent des cris de viftoire ; toutes deux avoient
fait de grandes pertes St remporté de grands avantages
: les hiftoriens des deux nations donnent chacun
l’honneur de cette journée à leurs compatriotes, nouvelle
preuve de ce principe, que pour écrire l’hif-
toire , il faudroit, s’il fe peut, n’être d’ aucun parti ni
d’aucun pays. La perte de deux batailles nâvales fit
chanceler la fortune de CharlesXI, mais elle ferelevâ
par la vidoire de Landfcroon ; les deux rois y firent
encore des prodiges de bravoure & de génie : Charles
commandoit la droite de fon armée ; il fe précipita
fur la gauche des Danois, ; la mit en déroute > prit fon
canon, vola à fa gauche qui commençoit à plier ;
rétablit le combat, enfonça la droite des Danois,
les pouffa l’épée dans les reins, & demeura maître
du champ de bataille, après avoir fait treize charges
à la tête d’un efeadron , tué beaucoup d’ennemis de
fa main , & reçu plufieurs coups dans fes armes : le
bruit de cette vi&oirç fe répandit dans le Nord, encouragea
les Suédois en Scanie , où ils emportèrent
Chriftianftat, & porta la terreur jufqiies dans la
Norvège, où les Danois, malgré la fupériorité du
nombre, effuyerent des, échecs confidérables.
C ’étoit pour les intérêts de la France que Charles
X I s’étoit engagé dans une guerre fi ruineufe ; &c
Louis X IV eût été inexcufable de n’avoir pas fe-
couru fon allié , fi tout le refte de l’Europe conjuré
contre lu i, ne l’avoit pgs empêché de faire paffer
des troupes en Suede. Déjà la Hollande avoir fait fa
paix avec lui ; il négoçioit avec 1’empere.ur, mais il
juroit de n’accepter aucun traité qui n’affurât à
Charles X I les poffeflîons que celui de Munfter lui
affuroit dans l’empire. Loin de donner dans le piege
que la politique de l’éleveur de Brandebourg & du
roi de Danemarck lui tendit pour le détacher des intérêts
de la Suede, il leur déclara que dans fix mois ;
s’ils n’avoient pas reftitué à Charles tout ce qu’ils lui
avoient enlevé, il joindjEoit fes forces à celles dé
ce prince. Enfin, le traité de Saint-Germain , calqué
fur le plan de celui de Weftphalie, rétablit le calme
dans le Nord, comme dans le refte de l’Europe, en
1679. Il fut encore mieux affermi par le mariage de
Charles avec Ulrique EléonOr, princeffe de Dane-,
marck. Après une guerre fi difpendieufe, après avoir
yu les armées délabrées, des villes démantelées
des flottes, ou englouties dans la mer, ou prifes
par les eruiemis, les finances diffipées paffer dans
les mains de l’étranger avide, la paix étoit plutôt un
moindre mal, qu’un bien ré e l; il fallut lever des
impôts confidérables pour réparer tant de pertes;
mais le peuple étoit trop malheureux pour murmurer.
Le roi tranquille enfin furTon trône, exécuta le
projet qu’il avoit conçu dès fon enfançe » d’abaifler
la puiffance du fénat : après avoir fait examiner par
les états quelles dévoient être les bornes de l’autorité
des fénateujrs, d’après les foix du royaume , il déclara
qu’il gouverneroit le royaume avec le confeil
du- fénat, mais que c étoit à lui de jfiger quelles affaires
il dévoit communiquer aux fénateuts. D ’après cet
éd it, le roi nomma une grande commijjion pour exa-4
miner la conduite des miniftres, des généraux qui
Z i